L'histoire orale du label

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PREMIÈRE

PREMIÈRE

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CLASSE

CLASSE

CLASSE

CLASSE

CLASSE

Cinq gars. Quatre amis d’enfance d’une ville du Val-d’Oise, Garges-lès-Gonesse, à 14 km au Nord de Paris, rejoints par un Parisien quelques années plus tard. Une passion réunit Jacky, Ben-J, Patrick, Stéphane et Pit Baccardi : la musique. Ensemble, ils vont créer Première Classe, label entré dans l’histoire du rap français grâce à un défi nouveau pour l’époque : réunir des rappeurs de différents horizons sur des titres inédits. Un premier maxi sorti en 1998, le classique “On fait les choses”, a fait se rencontrer cinq rappeurs sur le même instrumental. L’année suivante, la première compilation rassemblera cinquante-et-un interprètes - sans compter les DJs et producteurs. Première Classe Volume 1 - Les Sessions est l’une des compilations définitives du rap français, réunissant une grande partie de sa nouvelle garde à la fin des années 1990, du Secteur Ä à la Mafia K’1 Fry, de Dooeen’ Damage à la Fonky Family, de Time Bomb à La Brigade.

 

L’histoire du label Première Classe coïncide avec la période communément considérée comme l’âge d’or du rap français, combinant à la fois affirmation artistique et succès commercial. Les membres du label ont choisi comme mot d’ordre “rap français haute fidélité”, promouvant l’idée d’une musique foncièrement issue de la rue mais produite avec un niveau d’exigence esthétique plus poussé alors. Première Classe a visé un juste milieu entre deux tendances : d’un côté, les appels du pied du Secteur Ä au grand public, dont Première Classe était un satellite ; de l’autre, le bouillonnement d’énergie et la complexification technique de Time Bomb. C’est d’ailleurs dans les rangs du collectif parisien qu’a été formé Pit Baccardi. Plus encore que les compilations, son album solo éponyme a incarné l’idéal du label Première Classe, par sa réalisation percutante et léchée, son rap technique mais accessible.

 

En dix ans d'existence, avec ses hauts et ses bas, le label a également réussi à lancer deux duos influents du rap des années 2000 : L’Skadrille et Tandem. Il a aussi participé au développement du r’n’b en français. Alors que le rap hexagonal connait en cette fin de décennie une popularité et un impact culturel sans précédents, l’histoire de ce groupe d’amis devenus entrepreneurs est remplie de leçons à tirer pour la génération actuelle. Car malgré la fin du label, les liens tissés entre eux avant la musique, avant le business, sont toujours solides après l’aventure Première Classe.

Cinq gars. Quatre amis d’enfance d’une ville du Val d’Oise, Garges-lès-Gonesses, à 14 km au Nord de Paris, rejoints par un Parisien quelques années plus tard. Une passion réunit Jacky, Ben-J, Patrick, Stéphane et Pit Baccardi : la musique. Ensemble, ils vont créer Première Classe, label entré dans l’histoire du rap français grâce à un défi nouveau pour l’époque : réunir des rappeurs de différents horizons sur des titres inédits. Un premier maxi sorti en 1998, le classique “On fait les choses”, a fait se rencontrer cinq rappeurs sur le même instrumental. L’année suivante, la première compilation rassemblera cinquante-et-un interprètes - sans compter les DJ’s et producteurs. Première Classe Volume 1 - Les Sessions est l’une des compilations définitives du rap français, réunissant une grande partie de sa nouvelle garde à la fin des années 1990, du Secteur Ä à la Mafia K’1Fry, de Dooeen’ Damage à la Fonky Family, de Time Bomb à La Brigade.

L’histoire du label Première Classe coïncide avec la période communément considérée comme l’âge d’or du rap français, combinant à la fois affirmation artistique et succès commercial. Les membres du label ont choisi comme mot d’ordre “rap français haute fidélité”, promouvant l’idée d’une musique foncièrement issue de la rue mais produite avec un niveau d’exigence esthétique plus poussé alors. Première Classe a visé un juste milieu entre deux tendances : d’un côté, les appels du pied du Secteur Ä au grand public, dont Première Classe était un satellite ; de l’autre, le bouillonnement d’énergie et la complexification technique de Time Bomb. C’est d’ailleurs dans les rangs du collectif parisien qu’a été formé Pit Baccardi. Plus encore que les compilations, son album solo éponyme a incarné l’idéal du label Première Classe, par sa réalisation percutante et léchée, son rap technique mais accessible.

En dix ans d'existence, avec ses hauts et ses bas, le label a également réussi à lancer deux duo influents du rap des années 2000 : L’Skadrille et Tandem. Il a aussi participé au développement du r’n’b en français. Alors que le rap hexagonal connait en cette fin de décennie une popularité et un impact culturel sans précédents, l’histoire de ce groupe d’amis devenus entrepreneurs est remplie de leçons à tirer pour la génération actuelle. Car malgré la fin du label, les liens tissés entre eux avant la musique, avant le business, sont toujours solides après l’aventure Première Classe.

Une histoire

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racontée par

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Rappeur et chanteur, membre des Neg’Marrons et co-fondateur du label Première Classe

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Rappeur et chanteur, membre des Neg’Marrons et co-fondateur du label Première Classe

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Country Manager chez Universal Music Africa, co-fondateur du label Première Classe

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Rappeur, gérant du label Empire Company, co-fondateur du label Première Classe

Rappeur, gérant du label Empire Company, co-fondateur du label Première Classe

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Directeur artistique chez Because Music, co-fondateur du label Première Classe

avec également...

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Calbo

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Rappeur, membre d’Ärsenik et du Noyau Dur

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DJIMI FINGER

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Beatmaker et compositeur

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KAZKAMI

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Rappeur

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Arnaud FRaissE

Arnaud FRaisse

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Ancien rédacteur en chef du magazine Groove

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QronO

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Qrono

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Rappeur et ancien membre de Futuristiq

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T.Killa

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Rappeur, membre de K.Ommando Toxik

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13Or

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Membre de L’SKadrille

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Mac Tyer

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Rappeur et ancien membre de Tandem

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Fdy Phenomen

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Rappeur

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Oumar Samaké

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Manager et producteur d’artistes

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Mémorable

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1ère partie

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LA RUE CASE NÈGRES

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M'A TOUT APPRIS

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M'A TOUT APPRIS

M'A TOUT APPRIS

Au milieu des années 1990, le Secteur Ä et son groupe phare, le Ministère A.M.E.R., agitent le rap français et créent un engouement dans les quartiers autour de Sarcelles, d’où ils sont originaires. Dans la ville voisine de Garges, des jeunes hommes travaillant pour le label de Kenzy vont se lancer, eux aussi, dans une aventure musicale et entrepreneuriale.

Jacky : Je suis arrivé à Garges en juillet 1986, vers 10 ans. La première personne que j'ai rencontrée là-bas, c'est Ben-J, en me baladant à vélo dans le quartier. Dans les quartiers, dès que tu vois une nouvelle tête, tu demandes à la personne d'où elle vient. C'est ce qui s'est passé avec Ben-J. On habitait avenue de la Commune de Paris, qu'on a rebaptisée rue Case Nègres.

Ben-J : Le quartier a été rebaptisé par la forte communauté afro-caribéenne qui y vivait : Haïtiens, Antillais, Maliens. Avec Patou, on se connaissait depuis le berceau, nos parents sont arrivés au quartier la même année, en 1974. On a été à la maternelle ensemble. Mon oncle habitait dans l'immeuble de Stéphane, j'ai dû le rencontrer à 7 ou 8 ans, et on a commencé à faire du foot ensemble. J'ai rencontré Jacky vers 11 ans.

Jacky : On habitait tous dans le même quartier. Ben-J était au 41, Patou [NDLR : surnom de Patrick Ebongué] au 37, moi au 27. Stéphane habitait un bâtiment juste en dessous. À la rentrée en septembre, je me suis retrouvé au collège Henri Wallon, en bas du quartier. Deux ans avant, le collège avait brûlé : on s'est retrouvés dans des préfabriqués. Quand j'ai vu la gueule du collège, j'étais dégoûté [rires]. Je sortais de primaire, j'étais pressé d'aller au collège ! Mais il s'avère que dans ma classe, je suis tombé sur un mec que je considère comme un cousin, JP. C'est là qu'a commencé mon intégration à Garges. Avant Neg'Marrons, on avait un groupe qui s'appelait les SMC : la Section Musicale du Crime [rires]. On était un groupe de rap, et on a dévié petit à petit vers le reggae.

Patrick Ebongué : Les mêmes passions nous ont réunis : le foot et le rap. Nos grands frères étaient des amis de Kenzy, ils étaient le reflet de ce à quoi on voulait ressembler. Je me souviens avoir été au studio pour 95200 [NDLR : second album de Ministère A.M.E.R., sorti en janvier 1994]. On était comme des petits frères.

Stéphane Ndjigui : La musique est arrivée naturellement. Dès que Jacky et Ben-J ont commencé à chanter, c'était naturel d'aller en studio avec eux, ou avec Doc Gynéco, ou sur les tournages des clips du Secteur Ä. Et une fois que tu es dedans, tu commences à penser à des projets professionnels.

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Patrick et Stéphane (1999) © Philippe Hamon

Jacky : Djamatik était d'un autre quartier. On avait des identités musicales différentes : il était vraiment dans le dancehall caribéen. Ce qui a officialisé notre union, c'est quand on fait “La Monnaie” pour le film Raï, qui a été tourné dans le quartier de la Muette, à Garges. Thomas Gilou, le réalisateur, cherchait des jeunes de la ville sur sa bande originale. J’ai donné une cassette de démos à un grand du quartier qui travaillait sur le film, qu'il a passée à Gilou. Il a kiffé « La Monnaie », mais voulait une version plus propre. Tout s’est fait rapidement : Djamatik était alors avec moi, j’ai prévenu Ben-J et le groupe Ragga Dub Force avec qui on travaillait. Il y a eu un effet boule de neige : “La Monnaie” est devenu le générique du film, puis Sony, qui produisait la bande originale, nous ont demandé si on avait d'autres morceaux. On y est allés au bluff, alors qu'on avait deux morceaux et trois freestyles [rires]. C'est à ce moment qu'on a officialisé notre relation de manager avec Kenzy. C'était déjà notre grand du quartier. Il a géré nos affaires, comme il était membre du Ministère A.M.E.R. et fondateur du Secteur Ä. C'était une réelle affaire de famille dès le départ. Cette affiliation au Secteur Ä s'est faite naturellement.

Calbo : Ce qu’il se passait autour du Secteur Ä a créé un engouement. Des gens qui n’étaient pas forcément des artistes, voyaient cette vague et voulaient y participer, être avec leurs potes du Secteur Ä. Ça a créé des managers, des producteurs, des stylistes comme Mohamed Dia [NDLR : créateur de la marque Dia]. Ça gravitait autour de nous et un mec comme Patou, toujours autour des Neg'Marrons, fait partie de cette école.

Stéphane : À cette époque, vers 1995, je faisais un DEUG d'histoire à Nantes, que j'ai arrêté pour revenir sur Paris. Je me suis demandé ce que j'allais faire, et me suis dit que ce serait la musique. Du coup, on a commencé en bossant chez Secteur Ä. On était assistants de production, marketing. On a été salariés dans la boîte pendant quelques mois.

Ben-J : Dans notre ville, on a eu le soutien de la mairie, pour avoir un studio, des salles pour les événements. Ça nous a incités à faire des choses, puisqu'on avait les outils à disposition. Nos grands frères, Kenzy et les autres fondateurs du Secteur Ä, avaient monté l'association Fresh, et avaient eux aussi organisé des événements. Ils avaient ramené le rappeur EJM à Garges, monté des concerts du Ministère A.M.E.R.. On a voulu suivre cette dynamique.

Jacky : Très tôt on a eu un goût pour l'événementiel, avec des soirées qu'on a appelées Première Classe. On avait fait une soirée à Pablo-Neruda [NDLR : salle municipale de Sarcelles, près de la gare de Garges-Sarcelles], mais aussi dans la salle rencontre de Garges, où on avait invité Stomy, parce que Ministère A.M.E.R. était déjà célèbre dans le quartier.

Ben-J : On a toujours eu envie d'entreprendre. On a commencé à créer une association, puis créer des événements à Garges, des soirées avec des artistes caribéens : David et Corinne, Raggasonic. En même temps qu'on a sorti notre premier disque avec les Neg'Marrons, on continuait à organiser des soirées tous les mardis à Paris, au Malibu, rue Tiquetonne : les soirées Première Classe.

Stéphane : C'étaient des soirées hip-hop vers Châtelet-les-Halles. C'est comme ça qu'on s'est lancés en mode associatif. Patou et moi, on n'était pas chanteurs, donc c'était une manière d'avoir une activité. Nos premiers événements, c'étaient ces soirées, et le concert Secteur Ä à Nantes. On n'en a pas fait longtemps, mais ça s’est bien passé. Ça a permis d'implanter le nom Première Classe, et de faire une première chose ensemble.

Calbo : Il y avait toujours une bagarre à la fin. [rires] Dans les cités, tu ne sors pas beaucoup, tu es beaucoup dans le quartier. Des soirées organisées par des mecs de quartier attirent forcément les autres mecs de quartier. Et tu peux être sûr qu’à la fin, sous l’arbitrage de l’alcool, tu as une petite échauffourée. Mais c’était marrant bien que mouvementé. [rires] Ça restait hip-hop, les échauffourées avaient lieu dehors. Avec l’engouement il y avait du monde, de la nouvelle musique mixée par nos propres DJs. Il y avait déjà Lord Issa et DJ Phaxx. C’était un peu comme si on faisait nos soirées persos et qu’elles attiraient plein de monde. Avec le buzz de l’époque, c’est quelque chose qu’on pouvait se permettre.

On a eu une idée : réunir des mecs du rap français, à une époque où il y avait des divisions dans le rap.

On a eu une idée : réunir des mecs du rap français, à une époque où il y avait des divisions dans le rap.

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Pit Baccardi

Pit Baccardi : À cette époque, j'étais avec ATK. Avec eux, on n'était pas dans une logique discographique, c'était un délire entre nous. On allait en studio, faisait des petites scènes... Pour ma part, c'est devenu plus sérieux en 1996, quand je rencontre Ill des X-Men, via son petit frère Etienne.

Patrick : Pit bossait à 360 [NDLR : 360 Creative, société de production créée par Thibaut de Longeville], il faisait les cassettes Passe-Passe. On le croisait sans se connaître, même si on savait que comme nous, Stéphane et moi, Pit est camerounais.

Pit Baccardi : Je dupliquais les cassettes pour Thibaut de Longeville. Il était distributeur des mixtapes de tous les gros DJs américains de l'époque, comme Mister Cee et Whoo Kid. J'avais un petit bureau chez 360, avec un duplicateur, je faisais les pochettes aussi. Thibaut aimait être entouré d'artistes. Comme il était patron de 360, et savait qu'on pouvait être parfois en difficulté, il nous donnait des opportunités pour faire du bif. Parfois on en abusait : je lui avais fait une facture de téléphone portable de malade. Il ne pétait même plus les plombs, il avait l'habitude, c'est plus son frère et ses comptables qui n'étaient pas contents. Mais il était comme ça, il avait dû voir en nous des futures pépites du rap français, il nous encourageait. C'est d'ailleurs à 360 que j'ai rencontré Lord Issa.

Patrick : Sur un morceau de la mixtape Opération Coup de Poing [NDLR : “Le Club des millionaires”, avec Kamal, Oxmo Puccino et Ill], Pit sortait des phases avec “le vrai makossa”, “honneur aux camers”, on l'a donc checké là-dessus. C'était en 1996. On l'a recroisé ensuite à La Rochelle, au festival des Francofolies.

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Jacky, Pit Baccardi et Ben-J (1999) © Philippe Hamon

Pit : Avec Time Bomb, on avait un concert aux Francofolies, tout comme les Neg'Marrons. J'étais de Place des fêtes, dans le 19e arrondissement, eux de Garges-Sarcelles, et il y avait des embrouilles entre les deux. Thibaut de Longeville m'avait invité à La Rochelle, où on créchait dans une maison avec des potes. Quand on y est arrivés, j'ai reconnu des mecs de Sarcelles, dont Faya D [NDLR : artiste de reggae dancehall proche du Secteur Ä]. J'ai dit à Thibaut : “je peux pas rester ici, on est en beef avec les mecs de Sarcelles”. Ça s'est détendu, Thibaut m'a dit qu'ils n'avaient rien à voir avec ces embrouilles. Le feeling est finalement passé parce qu'on est tous Camer'. Et donc on a commencé à traîner ensemble.

Ben-J : Pit avait déjà cette fibre très africaine, implanté dans le milieu camerounais, tout comme Stéphane et Patou. L'Afrique a été un trait d'union, au-delà du fait qu'on baigne tous dans le hip-hop.

Stéphane : Pit a ensuite commencé à plus fréquenter les personnes du Secteur Ä, et c'est devenu un ami. Il commençait du coup à s'éloigner de Time Bomb, et après une discussion avec les producteurs de Time Bomb, on a fait un biz, et il a intégré Première Classe. Il était à la fois notre artiste et producteur de Première Classe.

Pit : Steph et Patou ont vraiment essayé de me convaincre de partir de Time Bomb. J'avais des rapports de petit frère à grands frères avec DJ Mars et Ricky, les producteurs de Time Bomb, une reconnaissance pour eux, je ne voulais pas les trahir. Au départ, Stéphane et Patou m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas aller les voir directement, et que c'était à moi de leur faire comprendre que j'avais une volonté d'aller voir ailleurs. Et ça ne s'est pas très bien passé. D'autant que ce n'était pas la joie après le départ de Lunatic.

Patrick : On a fait comme dans le foot, un transfert. [rires]

Stéphane : Mais le montant reste confidentiel. [rires] En plus c'était en francs !

Pit : Leurs arguments m'ont motivé : “Oxmo a signé, et nous on estime que t'as autant de talent que lui. Ce n'est pas dit que tu sois une priorité pour Time Bomb, alors que tu seras la nôtre, on va tout bâtir autour de toi”. Quand tu es jeune, ce sont des arguments qui te parlent. J'étais forcément naïf : je voulais être une reu-sta, être le numéro un d'un label ! Ce qui a aussi été très déterminant, c'est qu'ils étaient les petits frères de Kenzy. Je voyais l'éclosion de Gynéco, Stomy, Passi, Ärsenik, donc ça a été plus facile de partir chez Première Classe, car j'étais directement à la porte du Secteur Ä. J'étais émerveillé par les Neg'Marrons, ils passaient à la télé avec “La Monnaie”. Avec Time Bomb, on s'est rendu compte qu'on pouvait défrayer la chronique. Ce qui s'est passé à la FNAC des Ternes, c'était juste incroyable. Mais il n'y avait pas encore de logique de biff. Le côté réel du business a été quand j'ai intégré le Secteur Ä via Première Classe. Et une fois que j'ai signé avec Première Classe, on a eu une idée avec Patou et Stéphane : réunir des mecs du rap français à une époque où il y avait des divisions dans le rap.

2ème partie

2ème partie

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2ème partie

FAIRE

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LES CHOSES

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Patrick, Jacky, Mystik, Stéphane, Pit Baccardi, Kenzy, Ben-J et Rohff sur le tournage du clip de “On fait les choses” (1999) © Philippe Hamon

Alors que les rappeurs français commencent peu à peu à se décloisonner de leur cercle proche, les cinq fondateurs de Première Classe accélèrent la marche en créant des rencontres inédites. Ce qui n’est au départ qu’un coup va se transformer en un projet plus ambitieux.

Alors que les rappeurs français commencent peu à peu à se décloisonner de leur cercle proche, les cinq fondateurs de Première Classe accélèrent la marche en créant des rencontres inédites. Ce qui n’est au départ qu’un coup va se transformer en un projet plus ambitieux.

Alors que les rappeurs français commencent peu à peu à se décloisonner de leur cercle proche, les cinq fondateurs de Première Classe accélèrent la marche en créant des rencontres inédites. Ce qui n’est au départ qu’un coup va se transformer en un projet plus ambitieux.

Alors que les rappeurs français commencent peu à peu à se décloisonner de leur cercle proche, les cinq fondateurs de Première Classe accélèrent la marche en créant des rencontres inédites. Ce qui n’est au départ qu’un coup va se transformer en un projet plus ambitieux.

Alors que les rappeurs français commencent peu à peu à se décloisonner de leur cercle proche, les cinq fondateurs de Première Classe accélèrent la marche en créant des rencontres inédites. Ce qui n’est au départ qu’un coup va se transformer en un projet plus ambitieux.

Patrick : À l'origine, quand on était ensemble, on faisait ce qu'on appelle en Afrique des “tantines” : on avait des débats passionnés sur le rap et le foot. Je ne sais plus comment, mais on est arrivés à la question : “t'imagines si untel fait un morceau avec untel, ce serait incroyable”, “et si on rajoutait celui-là au refrain ?”, “Chiche on le fait ?”.

Jacky : Si mes souvenirs sont bons, je crois que j'étais même un peu sceptique si c'était vraiment réalisable de réunir tous les rappeurs. À l'époque, Stéphane et Ben-J étaient eux totalement convaincus.

Pit : On voulait marquer le coup, faire une première. Avant un album, on s'est dit qu'il fallait commencer par un maxi : ça a été “On fait les choses” en face A, et sur la face B “Si les lyrics pouvaient tuer” des 2Bal, Hamed Daye et Hifi.

Stéphane : Sur “On fait les choses”, il devait y avoir Kery James, mais il nous a prévenus qu'il ne pouvait pas, en nous disant : “j'ai un gars de mon quartier qui est fort”. Quand on a su que c'était Rohff, on savait que c'était solide, il avait fait Guet'apens déjà, on le connaissait.

Ben-J : Rohff était déjà un putain de kickeur. En plus, dans “Pour 100 balles t'as plus rien” [NDLR : sur la compilation Guet'apens, réalisée par Weedy et le T.I.N. d’Expression Direkt], il avait fait un clin d’œil à “La Monnaie”. C'était validé. L'idée, c'était de faire avec les volontaires, sans trop chercher à calculer qui avait plus de notoriété.

Steph : Et à la prod pour cette session d'enregistrement, ça devait être Black Mozart, du Ménage à 3. Il nous a plantés au studio.

Patrick : À l'époque, les producteurs venaient en studio pour proposer des prods. Le studio, c'était de l'argent : on avait les rappeurs, mais pas de prods. Black Mo absent, on a appelé Djimi Finger à la rescousse.

Djimi Finger : J'ai rencontré Patou et Steph fin 1996. J'avais un studio à Alésia, dans le 14e arrondissement de Paris. Calbo devait venir passer chercher du son. Ils sont arrivés à quinze dans le studio, dont Jacky, Ben-J, Patou et Stéphane. C'est au moment où on commençait à travailler ensemble avec Ärsenik, après le morceau « Rimes et châtiments ». [NDLR : sorti en 1997 sur la compilation L432]. Le soir de l'enregistrement de « On fait les choses », il me semble que Black Mozart était sur une séance de nuit, et ne répondait pas au téléphone. Les mecs m'ont appelé, j'étais opérationnel. La seule chose que j'ai demandé, c'est qu'ils viennent me chercher, parce que je ne pouvais pas prendre le métro avec mon matos. C'est là que j'ai rencontré Rohff et Mystik.

Patrick : C'est d'ailleurs ce jour-là qu'on l'a appelé “Djimi Findus” : “Heureusement il y a Findus, Findus !” [rires] Il a proposé des prods, dont celle qui deviendra “On fait les choses”. Black Mo est arrivé pendant la session, mais c'était trop tard, on avait déjà enregistré.

Pit : Djimi a juste appuyé sur sa MPC : on a entendu la boucle, tout le monde s'est levé. Jacky a trouvé le refrain, Rohff et Mystik ont vite écrit leur couplet. Mystik était déjà dans Bisso Na Bisso avec Ben-J, j'ai fait sa rencontre comme ça.

Jacky : On est partis en studio, sans savoir ce qu'on allait pondre. Mystik a ouvert le bal en freestylant, j'ai enchaîné derrière. À l'époque, on avait plein de freestyles dans les poches, donc je suis parti au micro, j'ai lâché ce refrain que tout le monde connaît. Il y avait un esprit de compétition dans le studio. C'est cette combinaison qui a tout déclenché.

Neg Marrons, Pit Baccardi, Rohff & Mystik - "On fait les choses" (1999)

Neg Marrons, Pit Baccardi, Rohff & Mystik - "On fait les choses" (1999)

Patrick : Pour les maxis, c'était assez simple : on a appelé les artistes et payé la journée de studio. Djimi proposait des prods, puis les rappeurs choisissaient et posaient. On mixait, pressait, faisait écouter les disques chez les vendeurs. Ils en ont acheté et commandé de nouveaux exemplaires.

Ben-J : On a pressé mille exemplaires de ce premier maxi, on y a collé les stickers nous-mêmes. On mettait ça dans la voiture, on faisait le tour des magasins. Dès le départ, franchement, les maxis ont connu un gros succès. Il y avait tellement d'émissions, de DJs, de mixtapes, que ça allait vite. On a repressé mille exemplaires. On bossait avec Chronowax, qui avait un réseau en province, c'était top.

Jacky : On avait les maxis dans le coffre, on faisait la plupart des disquaires sur Paris, on apportait les cartons nous-mêmes. Il y a eu une rupture de stocks en très peu de temps. C'est à ce moment-là qu'on a su qu'il se passait quelque chose.

Steph : On était contents de notre coup, parce que les morceaux sont devenus tout de suite très forts. Ce premier succès aussi rapide nous a mis le pied à l'étrier, surtout qu'on avait eu des rappeurs qui avaient du buzz à l'époque.

Patrick : Et ça a mis la pression aux autres rappeurs, parce que quand on les a appelés, il avaient déjà écouté le maxi précédent.

Pit : On ne s'attendait à rien, donc ça nous surpris, parce qu'on s'est rendu compte qu'on était en train de faire quelque chose. Quand on est en studio, c'est juste une énergie de potes qui ont une vision, sans savoir où ça va aller. Une volonté de faire les choses, d'où le nom du titre. On avait compris que Secteur Ä, c'était une identité forte. Donc pour avoir notre identité, il fallait rivaliser avec cette énergie.

Jacky : En évoluant dans un collectif comme le Secteur Ä, ça nous a donné envie de développer notre propre structure, notre propre label. Comme un enfant qui veut prendre son indépendance par rapport à ses parents. On a toujours été membres à part entière du Secteur Ä, mais c'est vrai que Première Classe ça a toujours été notre bébé à nous, qu'on gérait comme on le voulait.

Couvre Feu :

une émission Première Classe ?

Couvre Feu : une émission Première Classe ?

Couvre Feu : une émission Première Classe ?

Couvre Feu : une émission Première Classe ?

Jacky : Couvre Feu a commencé en 1996 ou 1997. Laurent Bouneau voulait donner une émission à tous les gros collectifs de l'époque : Secteur Ä, B.O.S.S., Bumrush... L'émission au départ a été proposée à Doc Gynéco, qui était censé faire une émission de rap. Mais Gynéco est parti dans sa folie : il jouait du Charles Aznavour ! [rires] Il est resté aux commandes pendant un mois. Kenzy m'a demandé si je voulais reprendre les rênes de l'émission. Dans le collectif, j'ai toujours été le MC, l'animateur. Kenzy a donc pensé que j'étais la bonne personne pour reprendre cette émission. J'ai donc créé mon équipe avec DJ Lord Issa, DJ Phaxx, DJ Poska. On s'est dit qu'on allait faire comme si on était dans une soirée. Et petit à petit, on a monté notre émission, des gimmicks commençaient à naître, et l'émission s'est installée. Je faisais la part des choses entre le label et l'émission. Le fait d'être en radio, et d'être Jacky Brown de Première Classe. J'avais un principe : je jouais tout le monde. Notre particularité, c'est qu'on jouait beaucoup de rap français, pour se démarquer de Bumrush et de B.O.S.S.. Dans notre playlist, on jouait la qualité du rap français. Du coup on était cohérent dans ce qu'on faisait.

Ben-J : J'étais tout le temps en studio, c'était ma vie. J'en sortais à 6 ou 7 heures du matin, et reprenait à 11 heures ou midi. J'avais l'énergie, la passion. Surtout, on n'avait jamais pensé que ce serait possible. On en avait les moyens, et les partenaires qui nous suivaient. Pour Première Classe, c'était notre argent personnel, on n'avait pas encore de société. Mais on s'organisait toujours pour que chaque rappeur invité parte avec son petit billet. Au deuxième maxi, on n'avait toujours pas en tête de faire une compilation, mais on sentait qu'il y avait une magie qui opérait. Surtout quand on a assisté en direct à la combinaison entre Lino et le Rat Luciano, qui sont des personnages. En termes de plumes, on était dans l'excellence.

Jacky : Quand on a vu que “On fait les choses” a fonctionné, on s'est dit qu'on était dans la bonne direction. On est repartis en studio pour “Atmosphère suspecte” avec Lino, le Rat et Don Choa. Mais à la base ça ne devait être qu'un duo entre Lino et Le Rat, qui faisaient partie des plus gros MCs. On voulait une confrontation.

Patrick : L'idée, c'était d'avoir vraiment LE rappeur de Marseille et LE rappeur de Paris. C'était évident qu'ils devaient être tous les deux. Le Rat a posé son couplet légendaire, “plus rien ne va si les gars qui font cet art se niquent”. Lino a ensuite enchaîné avec un couplet de fou. Comme c'était encore l'époque où on produisait nos maxis, on avait pris une séance de nuit au studio Blackdoor, c'était moins cher.

Jacky : Mais aussi bien Lino que le Rat, ce sont des gens qui prennent leur temps en studio. Ils ne sont pas pressés [rires]. Il y avait une ambiance bon enfant en studio. Sauf qu'à un moment, le temps passe, et il fallait rendre le studio à 7 heures. À l'époque, il fallait trois couplets et un refrain. Deux couplets, ça ne passait pas.

Patrick : Évidemment les mecs venaient de Marseille, ils étaient fatigués, avaient bu et fumé. Lino et Le Rat se sont endormis dans le studio. Toute la FF était là, mais le seul membre encore réveillé, c'était Don Choa. Il manquait un couplet, il était chaud, et a posé à 7 heures du matin – d'où sa phase “de minuit à 7 heures du mat”.

Jacky : Il était frais, réveillé, il n'avait pas bu ni fumé. Il a tout de suite accepté. Don Choa a une fougue, il est calme, mais quand il démarre, il est chaud. En 30 minutes, c'était posé. Il nous a sauvé la mise.

Stéphane : On était sur le cul qu'il ait posé aussi bien à 7 heures du matin alors qu'il n'avait pas dormi de la nuit. C'était une pile électrique ! On essayait de tout suivre, même pendant ces séances nocturnes.

Ben-J : C'est un classique ce titre-là, et le maxi a été un carton. Donc on s'est dit qu'il fallait faire un troisième maxi. Kenzy nous a soufflé l'idée de faire une compilation. Et là, on était dans les paris les plus fous.

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Pit Baccardi, Djimi Finger et Jacky en studio (1999) © Philippe Hamon

Stéphane : C'était la passion, on avait 20 ans, c'était notre premier business, on kiffait ! On était des fans de rap. Ce qui était intéressant, c'étaient nos réunions pour le choix des combinaisons. Des nuits de débat et d'engueulades.

Jacky : C'est là que la partie business a commencé à entrer en jeu. On sentait qu'on tenait quelque chose avec nos maxis. On a décidé d'aller dealer une idée en maison de disques. On est partis voir Benjamin Chulvanij chez Hostile, qui a accroché à l'idée d'un album sur le même principe que les maxis.

Arnaud Fraisse : Je pense qu'il y avait quelque chose de stratégique de revenir au rap, par rapport à Secteur Ä. Gynéco et Stomy étaient devenus mainstream, avec des tubes. Il devait y avoir l'idée de se remettre les pieds dans le bitume, en gardant une ambition commerciale. C'est limite une mixtape de luxe. Mais surtout, nous on se demandait ce qu'allait donner ce line up. Mélanger du Mafia K'1 Fry avec du Fonky Family... C'était Avengers !

Stéphane : On voulait faire un album avec un casting hollywoodien façon rap, faire des morceaux exceptionnels avec des mecs qui ne se mélangent pas forcément sur les albums de chacun. On a fait les maxis tous seuls, mais une fois qu'on a commencé à travailler sur l'album, on l'a fait avec Kenzy. C'était une co-production Première Classe et Särcélite Miziks.

Patrick : Stéphane et moi étions dans la production exécutive, tandis que Jacky et Ben-J étaient plus dans la réalisation artistique directement au studio.

Stéphane : Ils étaient des facilitateurs avec les rappeurs étant eux-mêmes artistes, donc c'était plus facile pour communiquer et réaliser les morceaux.

Pit : J'étais plus en retrait sur la réalisation. J'ai participé à tout le travail de fond, les combinaisons. Mais en studio, c'était surtout Ben-J et Jacky, qui avaient plus d'expérience sur la réalisation.

Patrick : Ce n'était pas si facile, parce que certains rappeurs ne faisaient pas l'unanimité parmi nous tous. Mais on voulait être tous d'accord plus ou moins, et si ce n'était pas le cas, il fallait être en mesure de convaincre les autres.

Jacky : L'idée, ce n'était pas de mettre des MCs pour mettre des MCs, mais d'essayer de créer des combinaisons logiques.

Stéphane : Moi, je n'ai jamais été un grand fan de Fabe par exemple, mais c'était un mec qui était fort dans le rap français. Le but, c'était que le projet sorte gagnant, pas nos egos. C'était pareil pour les producteurs. Même si Djimi était souvent là, on voulait du Pone, du Tefa et Masta, du Ol' Tenzano. On cherchait des couleurs.

Patrick : Comme ils étaient affiliés à des groupes, ils avaient des styles à eux. Mehdi avec 113, Chimiste avec Rocca, Ol'Tenzano avec Vasquez. Ça a donné une espèce d'homogénéité.

Ben-J : Finger, il avait une niaque. Quand je lui disais : “il y a une session demain”, il demandait : “qui pose ? C'est quel compositeur ?”. Le matin même, il arrivait avant tout le monde, avant que le studio soit ouvert, et il avait trois ou quatre prods à faire écouter qu'il avait bossé la veille. C'était le sixième homme.

Djimi Finger : À cette époque là, j'avais à peine 20 ans. J'avais monté un studio avec des potes, donc je voulais découvrir d'autres studios, comment ça fonctionne, je voulais prendre de l'expérience. Et évidemment je ne venais jamais les mains vides. Un mec qui fait du son et qui vient les mains vides, à quoi il sert ?

Patrick : Djimi et John Ross [NDLR : beatmaker qui a travaillé avec Ärsenik, Pit Baccardi, etc.] voulaient créer un pôle de producteurs, La Paire d’As. Chacun avait un rappeur : Swan était celui de Djimi, Kazkami celui de John Ross.

Djimi Finger : Les gars de Première Classe étaient ouverts, avaient confiance. Je bossais avec Swan depuis un petit moment, il venait dans le studio d'Alésia. J'ai appelé les gars de Première Classe pour leur proposer ces deux mecs, qui ne se connaissaient pas, comme Kazkami bossait avec mon gars John Ross. Et il y a eu une symbiose tout de suite alors que les gars ne se connaissaient ni d'Adam ni d'Ève.

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Swan et Kazkami (1999) © Philippe Hamon

Kazkami : Je suis de Villiers-le-Bel. Ärsenik, Armaguedon et K.Ommando Toxik sont tous du 6e Chaudron [NDLR : surnom de la cité de La Cerisaie], et moi d’une cité plus en dessous, la ZAC. De mon côté, je travaillais avec Harry [NDLR : John Ross], qui m’avait mis dans un plan d’une compilation produite par Lord Killer, Feat. Et juste après, il y a eu Première Classe. J’étais au lycée à l’époque, j’avais 17 ans. Harry m’appelle un jour et me parle de Première Classe, que ça va être un gros truc. “Il faut que tu sois dessus, on va te mettre avec un pote de Djimi. Je te donne son numéro, faites connaissance, on va vous prendre une journée de studio dans une semaine”. En fait, on est le premier boys band du rap [rires]. Après de fil en aiguille on est devenus potes avec Swan.

Patrick : Ils ont fait un bête de morceaux ensemble, mais Finger n'y croyait pas. Il nous a appelés la veille du dernier mix, en nous disant “donnez-moi quatre heures, je vous fais un meilleur morceau”. On lui disait “non c'est mort, il tue celui-là”. Il nous a dit “s'il est pas bien, le mettez pas, mais s'il vous plaît, laissez moi quatre heures avec les deux”. Il est venu avec une prod violente. Kazkami et Swan ont enchaîné, et ça a été validé le jour du dernier mix !

Kazkami : C’était vraiment la première fois que je rentrais dans un grand studio comme Davout [NDLR : studio situé Porte de Montreuil, dans l’Est de Paris]. C’était magique ! J’étais un zonard, j’étais avec mes potes au studio, et après on a traîné dans Paris le soir. Je n'étais pas destiné à rapper, donc je prenais ça comme un amusement. C’est après que j’ai pris au sérieux en fait, quand j’ai vu qu’il y avait un engouement. Première Classe a été l’étincelle.

Stéphane : On voulait tous ceux qui étaient bons, qui méritaient d'être là. On avait surtout l'ambition de faire découvrir des rappeurs. Les noms des “gros” vont attirer les gens, et ils vont découvrir de nouveaux groupes. Dont Sniper qui a signé quelques temps après. Rohff, c'était son premier clip.

T.Killa : Liaisons Dangereuses, ma première apparition discographique, a produit un effet boule de neige. Du coup, on m’a appelé pour faire Première Classe. Il y avait un morceau avec L’Skadrille et Marginal Sösa [NDLR : rappeur membre du groupe Les Rongeurs], ils avaient leur plan tout tracé. Ils m’ont appelé le jour de la finale de la Coupe du Monde 1998. Ce jour-là, je portais un maillot du Brésil. J’étais un traître ! [rires] On a enregistré après le match, j’étais en mode énervé. Sur le titre, je rappe : “Si c’est ça les news, je préfère être assis le cul à l’air sur un banc à compter la pelouse”. Tu vois que j’étais de mauvaise humeur. [rires]

Ben-J : Quand on a fait Kazkami et Swan, ou Sniper, on savait que c'était nouveau. Ils étaient jeunes, c'étaient des frères du 95. Pour nous, Ékoué [NDLR : du groupe La Rumeur] c'était déjà une valeur sûre, en termes d'écriture et d'engagement. C'est pour ça qu'on l'a connecté avec Calbo et Vasquez.

C'est devenu notre travail, de créer une société, de créer des bureaux, de réfléchir en tant que producteurs.

C'est devenu notre travail, de créer une société, de créer des bureaux, de réfléchir en tant que producteurs.

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Stéphane Ndjigui

Calbo : Première Classe permettait de mélanger des gens qui n’auraient jamais fait de featuring entre eux. Ces mélanges inédits, c’est ce qui fait la force de la compilation. Aller au contact des gens, ça fait aussi une expérience. Ça peut paraître idiot dit comme ça, mais c’est ce qui fait que tu deviens plus pro. “Le Métier rentre”, c’est exactement ça. On se découvre tous, on découvre chez les uns et les autres des façons différentes de travailler. Tu testes ton niveau. C’est comme la scène, ça professionnalise. “Le Métier rentre”, je crois en plus que c’est la première fois que j'ai posé sans Lino. On ne refusait pas les feats à l’époque. Tu ne demandais pas : “mais qui est Ékoué ? Qui est Vazquez ?” Non, tu y allais, il fallait aller voir. Personne ne se posait de questions, les gens fonçaient.

Patrick : Prodige, c'était le cousin d'un ami d'enfance. Je connaissais bien Busta Flex et son frère, je connaissais beaucoup de gens d'Épinay-sur-Seine. On a appelé Busta pour “C'est quoi le dièse ?” parce qu'on trouvait que c'était un kickeur. Il a posé un couplet de fou, Finger a encore la DAT.

Djimi Finger : C'est dans ma cave, je ne sais même pas où commencer ma recherche... Mais je peux te dire que ce jour-là, il a kické ! Pour mettre la pression, on passait les couplets des mecs qui avaient déjà kické. C'est ça, le sport ! Les mecs ne voulaient pas passer pour des cons. Je serais même presque tenté de te dire qu'avec lui sur ce track, j'en faisais peut-être mon morceau préféré du skeud, après “Atmosphère suspecte”. C'est le meilleur couplet de sa vie !

Patrick : Comme Busta était signé, on a fait la demande d'autorisation à son label. Il était entre autres signé chez IV My People. Qui dit IV My People, dit NTM. Qui dit nous dit Kenzy et Ministère A.M.E.R.. À cette époque, il y avait des embrouilles à la con. Mais Busta, lui, voulait poser ! Chez Première Classe, on était au-dessus de ces rivalités, ce n'était pas notre philosophie. On était dans un truc de rap.

[NDLR : malgré nos sollicitations, Busta Flex n'a pas souhaité revenir sur cette histoire]

Le making of de “c'est quoi le dièse”

par Pone

Le making of de “c'est quoi le dièse” par Pone

Le making of de “c'est quoi le dièse” par Pone

Le making of de “c'est quoi le dièse” par Pone

Le making of de “c'est quoi le dièse” par Pone

Pone : On montait sur Paris au moins une fois par semaine. On était assez pote avec l'équipe du Secteur Ä, et on a commencé à fréquenter Patou et Steph en se côtoyant en studio. Ils m'ont donc contacté pour faire des sons pour la compilation. J'ai dû leur envoyer au moins trente ou quarante sons. Pour “C'est quoi le dièse ?”, j'étais retombé sur le morceau "Manslaughter" d'EPMD, où il y a ce sample de Love Unlimited Orchestra [NDLR : “Strange Games & Things”]. Barry White, tous ses morceaux lents, je suis archi-fan. Et quand je tombe sur un super sample, je n'ai qu'une envie, c'est de le retravailler, le redécouper, ce qui n'était pas simple avec des sampleurs à l'époque.
Je suis venu en studio sur l'enregistrement de certaines titres de la compilation, mais pas celui-là. Je me rappelle avoir flippé, parce qu'ils avaient mixé sans moi. À cette époque, j'avais une technique personnelle de mixage. Comme j'avais beaucoup de samples sur mes instrus, en général je faisais tout tourner en même temps, et je faisais ma cuisine au mix. Du coup, le son est chouette, mais les arrangements sur l'intro, les refrains et l'outro ne me ressemblent pas. Je crois que les gars de PC avait un peu vu ce morceau comme un fer de lance d'ailleurs, je ne sais pas pourquoi ils ne l'ont pas clippé, sûrement des raisons budgétaires.

Pone : On montait sur Paris au moins une fois par semaine. On était assez pote avec l'équipe du Secteur Ä, et on a commencé à fréquenter Patou et Steph en se côtoyant en studio. Ils m'ont donc contacté pour faire des sons pour la compilation. J'ai dû leur envoyer au moins trente ou quarante sons. Pour “C'est quoi le dièse ?”, j'étais retombé sur le morceau "Manslaughter" d'EPMD, où il y a ce sample de Love Unlimited Orchestra [NDLR : “Strange Games & Things”]. Barry White, tous ses morceaux lents, je suis archi-fan. Et quand je tombe sur un super sample, je n'ai qu'une envie, c'est de le retravailler, le redécouper, ce qui n'était pas simple avec des sampleurs à l'époque.
Je suis venu en studio sur l'enregistrement de certaines titres de la compilation, mais pas celui-là. Je me rappelle avoir flippé, parce qu'ils avaient mixé sans moi. À cette époque, j'avais une technique personnelle de mixage. Comme j'avais beaucoup de samples sur mes instrus, en général je faisais tout tourner en même temps, et je faisais ma cuisine au mix. Du coup, le son est chouette, mais les arrangements sur l'intro, les refrains et l'outro ne me ressemblent pas. Je crois que les gars de PC avait un peu vu ce morceau comme un fer-de-lance d'ailleurs, je ne sais pas pourquoi ils ne l'ont pas clippé, surement des raisons budgétaires.

Ben-J : Sur ce projet, on a eu quasiment la crème, et s'il y a eu d'autres refus, je ne m'en souviens pas. Il ne manquait que Booba, mais il devait être au placard à l'époque. Je ne sais pas s'il aurait accepté, mais on l'aurait appelé. On était très ouvert, certains nous l'ont reproché : “vous appelez des mecs que vous n'appelez jamais”. Mais on était passionnés, on s'était fixé un défi. Il y avait déjà eu des compils : Hostile, L432, Guet'apens, La Haine, Sad Hill, mais sur chacune de ces compils, les artistes ramenaient leur titre. Donc on voulait créer l'inédit.

Jacky : On était à la réalisation de tous les titres. On voulait donner une cohérence, une dynamique, une couleur aussi. On se complète avec Ben-J : il va être plus dans la précision, la perfection, et moi dans l'énergie. J'essaie toujours de tirer le meilleur de l'artiste, l'énergie ou l'émotion. Quand tu es en cabine, face au micro, des fois tu es face à toi-même. J'essaie de pousser le MC dans ses retranchements, dans l'interprétation, l'articulation. Certains rappeurs ont un peu moins besoin d'être guidé, d'autres oui. Il y a une manière de faire, pour ne pas amener de frustrations, parce que certains ne veulent pas forcément recommencer. Il faut avoir les mots pour dire “tu peux mieux faire”. Mon but, c'était de booster.

Qrono : On venait de signer chez Secteur Ä, Kenzy nous avait repérés sur compilation Hostile Hip Hop 2 [NDLR : sortie en 1998]. Kenzy voulait nous faire grandir par le biais des compilations. On avait croisé plusieurs fois les gars de Première Classe au bureau de Särcélite, à Sarcelles. Quand ils nous ont parlé de la compilation et des morceaux qu'ils avaient déjà enregistrés, on avait pas mal de pression ! À l'époque, tu pouvais niquer ta carrière sur une journée de studio si tu te loupais. On n’avait jamais l'occasion de refaire bonne impression. “La Vie”, avec Venin, était notre deuxième morceau studio. Les mecs de Première Classe nous ont mis dans une bonne ambiance. Ils voulaient que tous les mecs qui posaient sur la compilation puissent kiffer. Je n'ai pas retrouvé cette atmosphère ailleurs.

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Jacky, Calbo, Stéphane, Lino, Ben-J, Djimi Finger et Akhenaton au studio de la Seine (1999) © Philippe Hamon

Stéphane : On réfléchissait comme si on organisait une Champions League. Le morceau qui a été une vraie pression, c'était “L'Art de la guerre”, avec Pit, Ärsenik et Akhenaton. On avait 20 balais, et on allait avoir Akhenaton sur un morceau : on était en panique.

Ben-J : À cette époque, avoir Akhenaton qui accepte de bosser sur un titre de Première Classe, alors qu’IAM venaient de vendre un million d'exemplaires de L'École du micro d'argent, c'était un pari fou.

Stéphane : Mais il a accepté tout de suite et a posé un couplet magique, parce qu'il avait aussi la pression de prouver. Akhenaton est monté de Marseille. Il a posé ses affaires, il a écrit. C'était scolaire, impressionnant. On voulait Djimi à la prod de ce morceau, parce que pour nous c'était le meilleur de cette époque. Avec tout ce monde-là, les probabilités pour que le morceau soit mauvais était quand même minime.

Pit : Sur "L'Art de la guerre", j'ai travaillé ma performance, parce que c'était avec Ärsenik et Akhenaton. Les deux cartonnaient. J'étais le rookie. En studio, j'avais une pression de ouf. Akhenaton, qui venait de Marseille, était là avant nous. Une fois qu'on a validé la musique avec lui, une heure après, il avait déjà son couplet. Et il dit "je vais en faire un deuxième pour le fun". Je n'avais même pas encore deux mesures ! Lino, comme d'habitude, est arrivé en retard [sourire]. Mais on connaissait ses prouesses artistiques : dès qu'il rentrait en studio, c'était one shot ! Calbo avait son attitude, très sûr de lui. Il y avait l'écriture d'Akhenaton, la technique de Lino, la voix de Calbo : il fallait que je trouve un truc qui fasse ma spécificité. C'est là où j'ai trouvé le truc des allitérations. Je ne savais pas ce que je racontais dedans, mais je savais que ça marquerait les gens. Quand je le fais au studio, les mecs ont levé les sourcils. Avec le travail de réalisation derrière, les cuts, là on s'est dit “Pit a quen' sur le morceau”, parce qu'on retient cet exercice de style.

Ben-J : On n'était pas calés niveau contrat à cette époque. Donc c'est Kenzy qui a repris la main. Ce premier volet est co-produit par Särcélite Miziks, c'était lui qui a été cherché le deal avec Hostile, pour qu'on puisse faire les clips et la promo. Ce n'était plus nos fonds propres : c'était plus organisé, encadré. Surtout que de nombreux artistes qui ont participé à la compilation, et ça c'est Särcélite qui s'en est occupé. Mais artistiquement, on avait carte blanche.

Stéphane : On avait une avance pour chaque titre, et selon le nombre de personnes présentes, on divisait. Si on avait quatre personnes, c'était 1000 francs [NDLR : environ 150 euros] divisés par quatre. Pareil pour les redevances. Par contre, on devait faire à chacun un salaire. D'ailleurs, on n'a eu aucun problème juridique, on avait tout bien fait.

Patrick : La compil a coûté très chère en production, parce qu'on a travaillé avec des gros mixeurs, mais à l'époque des maxis, Thierry Legros, le gérant du studio Blackdoor, nous a fait des bons prix comme on était jeunes. Une séance studio, ça devait être 2000 ou 3000 francs [NDLR : entre 300 et 450 euros]. Comme c'était un vrai investissement, on n'a pas enregistré plus de titres que ceux présents sur le tracklist final. Tout avait été bien préparé en amont.

Ben-J : Notre expérience nous a permis de savoir où on mettait les pieds, de ne pas perdre de temps, de bien encadrer les séances de studio, la logistique. À l'époque, il n'y avait pas ProTools, donc on avait des bandes 24 pistes, des enregistreurs... Les producteurs ramenaient leurs pistes séparées et leur matériel au studio. C'était toute une organisation. Comme on avait pas mal d'expérience, ça a aidé. Patou et Stéphane se chargeaient du contact des artistes, le relationnel, la gestion du planning. Pour la réalisation, l'encadrement au studio, c'était plus Jacky, Pit et moi, avec bien sûr les avis des uns et des autres.

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Lino, Calbo et Akhenaton en cabine au studio de la Seine (1999) © Philippe Hamon

Jacky : On avait l'expérience de studio. On avait eu la chance d'enregistrer notre premier album à Londres, avec des musiciens jamaïcains. Les internationaux travaillent et vivent la musique d'une autre manière, il y a une autre rigueur. Ce sont des expériences dont on s'est imprégnés et qui nous ont servies pour Première Classe.

Stéphane : Comme on se prenait la tête sur le casting et les combinaisons, on était sûrs de nous. “On fait les choses” a été un tube radio. Je pense que c'est devenu un classique du rap français. “Animalement vôtre” aussi était un grand morceau. Mon seul regret c'est qu'on ne l'a pas clippé : on aurait dû faire celui-là plutôt que “L'Art de la guerre”. Les prestations de Kery James et Shurik'n étaient vraiment mémorables. Pour moi, c'est le genre de morceaux qui ne meurent pas.

Pit : “Animalement vôtre”, ce n'est que des grosses têtes. Quand tu rentrais en studio, tu sentais le charisme, le power. Il y a le morceau “Nautilus : Black December” aussi : Oxmo n'avait pas encore les chiffres de Passi, mais il avait déjà son charisme.

Ben-J : Quand ces deux-là se sont enfermés, on s'est demandé : “quelle alchimie il va y avoir ?” Et le résultat a été une vraie surprise. Tout le monde a collaboré par amour de la musique, sans chipoter.

Jacky : Quand on a fait “J'ai déjà mal”, avec Ben-J, l'idée était de faire un morceau qui nous ressemblait, mais qui se mariait à l'esprit de la compilation. Le fait d'être aussi bien à l'aise sur du reggae ou du hip-hop ne nous a jamais posé de problème, Ben-J et moi. C'est plus par rapport au public ou aux médias peut-être : il faut toujours qu'on puisse te classer quelque part. Mais nous, on a commencé par le rap. On ne s'est jamais totalement considérés comme des artistes reggae. On était différents, on avait plus un look de rappeurs que d'artistes reggae.

Pit : Chaque titre a une histoire. Certains morceaux ont plus d'intensité, mais en général, c'était une expérience de fou. Chaque jour, le studio était une nouvelle page de nos vies.

Steph : Après, Je retiens aussi des morceaux moins starring. Par exemple, “Paraît qu't'es hardcore”, avec FDY Phenomen, Karlito, MC Jean Gab'1, Delta et Cynéfro, dont la prod tourne toujours bien aujourd'hui. Je pense qu'il y a 60% des titres qu'on ne peut pas jeter à la poubelle aujourd'hui.

Patrick : Je serai presque tenté de dire 80%. Sur PC1, c'est difficile de dire qu'un morceau est pourri, même aujourd'hui.

le making of de “paraît qu't'es hardcore”

par fdy phenomen

le making of de “paraît qu't'es hardcore” par fdy phenomen

le making of de “paraît qu't'es hardcore” par fdy phenomen

le making of de “paraît qu't'es hardcore” par fdy phenomen

le making of de “paraît qu't'es hardcore” par fdy phenomen

FDY Phenomen : Au moment de Première Classe, c’était le début de la fin de Rimeurs à gages. [NDLR : groupe qu'il a composé avec Disiz La Peste et Foutabarge] Je commençais à sortir des maxis en solo, j’avais eu Ärsenik sur mon maxi Tous du même sexe. Suite à sa participation à mon maxi, Lino avait soutenu l’idée que je sois sur Première Classe, alors qu’au départ, je n’étais pas du tout prévu au casting. D’ailleurs, quand je me suis retrouvé en studio avec Gab'1, Karlito et tous les mecs de la Mafia K'1 Fry, je ne connaissais quasiment personne. À la base, je ne devais poser que le refrain et puis en fait, lorsque je l’écris, j’ai passé une bonne nuit blanche chez moi à chercher les meilleurs rimes. C’était la première fois où j’étais sur un projet avec de si grands noms. C’était la bonne occasion pour moi de montrer ce que je pouvais faire derrière un micro. La façon de travailler des mecs de la Mafia K’1 Fry m’était étrangère. Les mecs se consultaient beaucoup, se conseillaient mutuellement. OGB aidait Karlito à trouver les bonnes rimes, les bonnes punchlines. Ce n’était vraiment pas comme ça que je bossais avec les Rimeurs à gages et j’ai été très impressionné par cette façon de travailler. Moi, j’essayais d’être le plus concentré possible parce que je devais faire le job un peu tout seul. Mais tout s’est super bien goupillé. J’étais venu avec un couplet en plus du refrain, tellement je m’étais cassé la tête. Il a plu et j’ai pu le poser ! Ça a été ma porte d’entrée vers Särcélite Miziks. Ça m’a permis de mieux connaître les gens du Secteur Ä et ça leur a permis de me rappeler. Apparemment j’avais fait bonne impression.

FDY Phenomen : Au moment de Première Classe, c’était le début de la fin de Rimeurs à gages. [NDLR : groupe qu'il a composé avec Disiz La Peste et Foutabarge] Je commençait à sortir des maxis en solo, j’avais eu Ärsenik sur mon maxi Tous du même sexe. Suite à sa participation à mon maxi, Lino avait soutenu l’idée que je sois sur Première Classe, alors qu’au départ, je n’étais pas du tout prévu au casting. D’ailleurs, quand je me suis retrouvé en studio avec Gab'1, Karlito et tous les mecs de la Mafia K1fry, je ne connaissais quasiment personne. À la base, je ne devais poser que le refrain et puis en fait, lorsque je l’écris, j’ai passé une bonne nuit blanche chez moi à chercher les meilleurs rimes. C’était la première fois où j’étais sur un projet avec de si grands noms. C’était la bonne occasion pour moi de montrer ce que je pouvais faire derrière un micro. La façon de travailler des mecs de la Mafia K’1 Fry m’était étrangère. Les mecs se consultaient beaucoup, se conseillaient mutuellement. OGB aidait Karlito à trouver les bonnes rimes, les bonnes punchlines. Ce n’était vraiment pas comme ça que je bossais avec les Rimeurs à gages et j’ai été très impressionné par cette façon de travailler. Moi, j’essayais d’être le plus concentré possible parce que je devais faire le job un peu tout seul. Mais tout s’est super bien goupillé. J’étais venu avec un couplet en plus du refrain, tellement je m’étais cassé la tête. Il a plu et j’ai pu le poser ! Ça a été ma porte d’entrée vers Särcélite Miziks. Ça m’a permis de mieux connaître les gens du Secteur Ä et ça leur a permis de me rappeler. Apparemment j’avais fait bonne impression.

Stéphane : Sur certains morceaux, c'était moins équitables en terme de capacité de rap. Sur “La Vérité blesse”, la prestation de 113 est très bien, mais je trouve que celle de Jeep [NDLR : rappeur de Less’ du Neuf] est moins bonne. Il peut y avoir ce genre de déséquilibre. Mais c'est dur de dire que le morceau est mauvais.

Ben-J : Quand je vois le tracklisting, honnêtement, toutes les pistes ont bien vieilli. Il y a toujours un texte, une punchline, un instru où tu te dis “putain c'était lourd”. Chaque morceau à sa place.

Djimi Finger : Pour moi, il y a eu un avant et un après. Il y avait eu un précédent avec Les Cool Sessions, mais avec Première Classe Vol. 1, on a eu un raz-de-marée de rappeurs, et de tous horizons. Première Classe a réussi à fédérer quelque chose.

Pit : Quand le clip de “On fait les choses” est sorti, on s'est rendu compte que c'était le premier hit ghetto qui passait sur M6. On a eu la chance d'avoir Skwall [NDLR : réalisateur de clip très demandé à la fin des années 1990 et début des années 2000], qui a magnifié la chanson avec une image inhabituelle, très street, survets, mais une esthétique propre, inspirée par Hype Williams. Skwall avait amené son énergie à lui, qui a donné une génération d'images au rap français. On voulait rendre le ghetto élégant.

Arnaud Fraisse : On avait fait un reportage dans Groove sur le tournage du clip de "L'Art de la guerre", à Londres, du côté de Chelsea. Il y avait un petit côté colonie de vacances, mais on sentait qu'ils ne partaient pas de rien, parce que c'était backé par une major. J'ai senti qu'ils avaient un plan, qu'ils commençaient à dérouler, et qu'ils se sont donné les moyens de leurs ambitions. Ce n'est pas un label rap classique : ce sont des mecs de la rue, mais tout de suite backés par une maison de disques, ce qui n’était pas le cas de label comme Time Bomb, ou même Secteur Ä, qui sont partis de zéro.

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AKH, Ärsenik, Pit Baccardi - "L'art de la guerre" (1999)

AKH, Ärsenik, Pit Baccardi - "L'art de la guerre" (1999)

Patrick : La marque Première Classe existait déjà, une chaîne d'hôtels. Du coup on ne pouvait pas l'utiliser en nom de société. On avait déjà fait des maxis sans penser à tout ça, donc on a dû trouver un autre nom pour la société, qu'on a appelé la Grande Classe.

Stéphane : Avec ce nom, "Première Classe", on s'est dit que l'habillage sonore devait être lié à un vol, d'où les interludes avec les hôtesses de l'air. L'habillage graphique venait lui des bandes « Ampex », qui n'existent plus aujourd'hui. Ça avait été réfléchi avec Thibaut, qui avait fait toute la créa.

Patou : Thibaut et Alexander Weiss ont été très importants sur le travail de l'artwork.

Ben-J : Au-delà d'être une simple équipe de conception graphique, ils ont eu un rôle de consulting sur les collaborations. Thibaut fait partie des personnes avec qui on pouvait passer des heures à parler hip-hop, français ou américain.

Stéphane : Cette compilation nous a énormément servi. Pour les carrières de Jacky et Ben-J, ça a été un tremplin de plus.

Calbo : Après, j’ai même fait les compilations Hostile 2000, inspirées par l’exemple de Première Classe. Le principe, c’est un mec connu fait découvrir un petit à lui, de son quartier. Oxmo Puccino avait ramené Langue De Chat par exemple, Akhenaton avait ramené Coloquinte. C’était une volonté de continuité dans le rap, on voulait que les gens connus fassent découvrir ceux en qui ils croyaient. J’avais appelé tous les groupes, dirigé et organisé la démarche. C’était même plus que Première Classe, car c’était vraiment : les gars connus font découvrir leurs rappeurs.

Stéphane : La compilation a lancé Pit en solo. De mon côté, ça m'a permis, via Kenzy, d'aller travailler chez Hostile. Je suis arrivé chez Hostile en mars 1999, en tant que stagiaire. On avait été employés chez Secteur Ä quelques mois pour produire la compilation, en production exécutive. Puis Kenzy m'a trouvé le stage, pour suivre le projet en termes de marketing. Je suis passé de l'autre côté : il fallait travailler la promo de la compil, faire passer les morceaux en radio, caler les plannings, gérer les budgets des clips. J'ai eu mes premiers rendez-vous chez Skyrock, appris le marketing. C'est ce qui m'a appris tout ce que je sais jusqu'à aujourd'hui. À titre personnel, c'est un tournant dans ma vie.

Ben-J : À cette époque, on aurait aussi bien voulu bosser avec Rohff. Son premier album était déjà sorti, et Stéphane a fait racheter son contrat par Hostile, pour la sortie de La Vie avant la mort. Je crois même qu'on lui avait fait une proposition.

Patrick : Moi, je suis devenu manager de Neg'Marrons et de Pit Baccardi. On avait 20 ans : on est rentrés directement dans le milieu professionnel de la musique, on commençait à percevoir des chèques.

Stéphane : C'est devenu notre travail, de créer une société, de créer des bureaux, de réfléchir en tant que producteurs.

3ème partie

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3ème partie

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GHETTO

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SUPERSTARS

Tête d’affiche du label, Pit Baccardi voit sa carrière solo lancée grâce à la première compilation Première Classe. Il doit alors transformer l’essai, en signant un premier album à la hauteur des ambitions du label, mais aussi des attentes et des questions qu’ont suscitées son départ de Time Bomb vers le label val-d’oisien.

Tête d’affiche du label, Pit Baccardi voit sa carrière solo lancée grâce à la première compilation Première Classe. Il doit alors transformer l’essai, en signant un premier album à la hauteur des ambitions du label, mais aussi des attentes et des questions qu’ont suscitées son départ de Time Bomb vers le label val-d’oisien.

Tête d’affiche du label, Pit Baccardi voit sa carrière solo lancée grâce à la première compilation Première Classe. Il doit alors transformer l’essai, en signant un premier album à la hauteur des ambitions du label, mais aussi des attentes et des questions qu’ont suscitées son départ de Time Bomb vers le label val-d’oisien.

Tête d’affiche du label, Pit Baccardi voit sa carrière solo lancée grâce à la première compilation Première Classe. Il doit alors transformer l’essai, en signant un premier album à la hauteur des ambitions du label, mais aussi des attentes et des questions qu’ont suscitées son départ de Time Bomb vers le label val-d’oisien.

Tête d’affiche du label, Pit Baccardi voit sa carrière solo lancée grâce à la première compilation Première Classe. Il doit alors transformer l’essai, en signant un premier album à la hauteur des ambitions du label, mais aussi des attentes et des questions qu’ont suscitées son départ de Time Bomb vers le label val-d’oisien.

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Pit Baccardi (1999) © Philippe Hamon

Pit : On a enregistré Première Classe Volume 1 et mon album parallèlement. Quand on enregistrait la compilation, j'écrivais déjà mon album.

Stéphane : Pour l'album de Pit, Jacky et Ben-J étaient à la réalisation. Patrick et moi étions aussi en studio, pour le conseiller. Tout ça s'est fait dans la continuité de Première Classe Volume 1.

Pit : C'est pour ça qu'il y a des producteurs en commun. Avec Masta, on a accroché humainement. Certaines rencontres sont fructueuses. Il a kiffé mon délire, moi son attitude, on est devenus amis.

Patrick : Pendant l'enregistrement de Première Classe Volume 1, Pit et Masta ont trouvé un feeling commun. Du coup sur l'album de Pit, il y a une grosse présence de Kilomaitre.

Jacky : Pit, on le considérait comme un diamant brut. Quelqu'un qui avait beaucoup de talent, mais besoin d'un encadrement. C'est ce qu'on lui a apporté. Ça a été vraiment un travail commun, sur les textes, sur l'interprétation. On s'est énormément impliqués dans la réalisation de l'album de Pit. L'idée c'était de tailler ce diamant brut.

Ben-J : Comme Jacky et moi avions beaucoup d'expérience studio, on s'est beaucoup impliqués sur cet album. Sans prétention aucune, on sentait que Pit était comme une chenille qui avait besoin d'éclore en papillon. Il fallait qu'on lui donne un coup de pouce, l'aiguiller. On a travaillé sur les thématiques, les prods, les refrains. J'ai travaillé sur cet album comme si c'était le mien.

Jacky : On choisissait beaucoup les instrus ensemble. Il se référait à nous, nous faisait confiance. Notre travail, c'était de capter sa meilleure prise. On est artistes aussi, donc on pouvait apporter des corrections sur l'écriture.

Patrick : C'était un challenge pour lui : il venait de quitter Time Bomb, on parlait d'Oxmo comme d'un Biggie français. C'était un combat pour Pit. Il fallait qu'il montre qu'il était là, lui aussi.

Pit : Je n'arrivais pas à me rendre identifiable. Oxmo était identifié. Ärsenik, X-Men, Lunatic aussi. Moi, non. Pourtant je gravitais autour de tous ces mecs-là qui avaient déjà une vraie notoriété. Mon album était pour moi l'occasion de montrer que Baccardi, c'est une marque, un mec qui a son truc, des choses à faire entendre.

Arnaud Fraisse : Il y avait déjà eu X-Men, Lunatic, Oxmo en entités fortes. Pit avait peut-être le plus de potentiel d'être converti commercialement. C'était plus difficile à voir sur des mecs comme Hifi, plus pointu. Pit avait cette fibre d'aller au-delà du cercle des initiés, déjà à l'époque. Il n'était pas attendu fébrilement, mais c'était intéressant de voir comme il allait passer de l'école Time Bomb à l'école Secteur Ä. C'est le seul à l'avoir fait.

Pit : Je voulais que l'album me ressemble. “Journée de dealer”, c'était mon vécu. “Sexcitations”, pareil, j'ai toujours été très porté sur le cul. Mais je ne voulais pas faire un truc vulgaire, plutôt quelque chose avec des métaphores. Quand on écoute bien d'ailleurs, il y a des répliques de Coluche. C'était la logique de Time Bomb et Secteur Ä, c'était divertissant, mais aussi intellectuel dans l'écriture. “Carpe Diem”, je l'ai écrit quand j'ai perdu un ami qui s'appelait Papy, Ibrahim No. Il y a également une référence au grand frère de Patou, décédé six mois après qu'on se soit rencontrés Patou et moi. Ce sont des choses qui m'ont affecté. “La Rue”, c'est une fois que j'ai reçu la prod d'Akhenaton, les lyrics sont sortis. Idem quand Mehdi m'envoie celle de “K’1frystyle”. Je rodais en voiture en écoutant la prod en me demandant “qu'est ce que je vais faire sur cette musique ?”. Quand je me suis retrouvé au studio Plus XXX avec Kery et Rohff, pfiou...

Stéphane : À l'époque, la réalisation était vraiment suivie : les gens étaient en studio toute la journée, on corrigeait les morceaux, se prenait la tête sur les instrus, quitte à réécrire des choses. Tout était fait en studio.

Patrick : C'était particulièrement vrai chez Secteur Ä et Première Classe. On avait ce qu'on appelait “la douane” : “attend, qu'est-ce que t'as écrit là ?”. Le mec se grattait la tête, se disait “merde !” et reprenait.

Ben-J : Sincèrement, Pit a été à deux bonnes écoles : Time Bomb, avec la crème de la crème des plumes, et ensuite l'école Secteur Ä, avec l'énergie, la présence scénique, le marketing, le fait de vendre du rêve. Ça lui a permis de s'affirmer.

Djimi Finger : Ce n'était pas facile pour le faire articuler [rires]. Mais c'était un mec sérieux, appliqué. Faire un premier album, ce n'est pas facile. Mais il a été bien encadré, avec un gros travail de Jacky et Ben-J.

Quand tu fais de grandes choses, tu ne sais jamais. Quand j'ai fait “Si loin de toi”, je voulais le zapper.

Quand tu fais de grandes choses, tu ne sais jamais. Quand j'ai fait “Si loin de toi”, je voulais le zapper.

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Pit Baccardi

Pit : Il faut savoir que je suis, et j'ai toujours été, très timide. Je m'exprimais peu à cette époque-là. Il y a eu beaucoup de conflits d'ailleurs : Stéphane, à plusieurs reprises, m'a remonté les bretelles. Ben-J aussi. Ils étaient très incisifs sur leurs critiques. On est des lascars. Ils me disaient : “ce que tu veux, tu vas pas le gagner en étant dans ton coin comme un petit Caliméro”. J'avais un souci : quand j'avais un problème, ça se voyait direct. Ils me disaient : “t'es un artiste, tu peux pas montrer tous les problèmes que t'as aux gens”. C'était dur. Et je sais que ça a eu un impact sur ma carrière, je suis passé à côté de choses, j'aurais pu avoir un meilleur rayonnement.

Arnaud Fraisse : C'est quelqu'un avec qui on a bien travaillé sur les mises en image. Je trouve qu'il a réussi à dégager un vraie sympathie. Et ce n'était pas évident à l'époque. Mais peut-être que pour passer au next level, du platine, il manquait quelque chose. Comment définir ce personnage qui est un gros amoureux du rap mais qui a fait un tube ?

Jacky : Pit a deux facettes. Quand tu ne le connais pas, on voit cette facette introvertie, alors que dans la vraie vie, c'est un déconneur. C'est quelque chose qu'il a plus de mal à retranscrire dans sa vie publique. Peut-être qu'à des moments, on l'a repoussé dans ses retranchements pour que ce personnage plus vivant puisse se dégager en lui. Peut-être à cause de “Si loin de toi”, beaucoup de gens pensent que c'est quelqu'un de mélancolique, sombre. C'est un écorché vif, mais ça reste un gros déconneur, un gros vanneur.

Stéphane : Être un artiste, une star, c'est être mis en avant. Quand tu n'es pas expressif, quand tu es réservé, ça peut être une force. La preuve, son plus gros succès, c'est un morceau introspectif et personnel. Mais à des moments, on lui demandait de se valoriser, d'avoir une “grande gueule”. Mais au final, tu te rends compte que tu ne peux pas changer un artiste. Il peut progresser, évoluer, mais pas être ce qu'il n'est pas.

Jacky : Des fois, Pit terminait torse nu en cabine, parce qu'on lui donnait chaud ! C'était notre manière de le pousser vers le meilleur.

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Pit Baccardi et Jacky en studio (1999) © Philippe Hamon

Ben- J : On l'a soutenu, et on a été parfois durs aussi. Il y avait un manque de professionnalisme de Pit au début, il faisait un pas en avant, un pas en arrière. J'ai eu des mots très durs, que j'ai un peu regrettés. Je lui ai fait comprendre que s'il n'y mettait pas plus de sérieux, on passerait à autre chose, parce qu'on n'était pas là pour rigoler. On a bossé sur l'articulation, la présence scénique... On est de cette école : on a commencé par les sound systems, les concerts, avant les disques. Par contre en termes de plume, on n'avait pas grand chose à redire. On a beaucoup évoqué les thématiques, parce que ce n'est pas évident de parler de soi. Aujourd'hui, on est plus dans le divertissement, mais à l'époque, sur un album, il fallait raconter une histoire.

Jacky : On a réussi à réaliser des titres qui sont des gros morceaux. « Si loin de toi », ça va au-delà du rap, c'est de la chanson.

Pit : Ce qui est bizarre, c'est que quand tu fais de grandes choses, tu ne sais jamais. Quand j'ai fait “Si loin de toi”, je voulais le zapper. Déjà parce que j'ai mis une pige à l'écrire, c'était dur. L'enregistrement, pareil : j'ai été pris d'émotion, je pleurais. Ben-J et Jacky m'ont dit de partir, ils ont écrit le refrain, se sont occupés des arrangements musicaux. J'ai découvert tout ça après, et j'étais sur le cul.

Ben-J : La prod de “Si loin de toi” a été faite par un binôme de beatmakers de Sarcelles. On l'a retravaillée avec Iso [NDLR : guitariste et bassiste présent sur de nombreux disques de rap français de l'époque]. Je crois que c'est à cette période que j'ai acheté ma première MPC, en 1998. J'ai toujours été derrière les compositeurs, a donner des lignes mélodiques, des rythmiques que j'avais en tête. Je savais que j'étais en capacité de le faire moi-même si j'apprenais comment utiliser ces machines. Il fallait que je me jette à l'eau... et que j'aie les moyens.

Pit : Quand Kenzy a pris la décision de sortir “Si loin de toi” en single, les gars m'ont demandé mon accord. J'avais l'impression de trahir quelque chose, et je ne voulais pas le sortir en single, c'était un message à ma mère sur l'album. Mais quand c'est sorti, ça a touché les gens parce que... c'est la vie. Chez les parents, la mère, c'est quelque chose de spécial. J'ai écrit de la manière la plus naturelle possible, sans exercice de style, sans mensonge. Des grosses cailleras de Paris m'arrêtaient et me disaient : "ce que t'as fait, c'est un truc d'homme, c'est pas un truc de rappeur". Du coup ça m'a changé. Je suis fier d'avoir fait ce morceau. Et quelque part c'est ma mère qui m'a permis d'être ce que je suis, d'avoir cette reconnaissance. Mais c'est un morceau que je n'arrive plus à faire. Une fois en tournée Noyau Dur, j'ai fait pleurer Lino et Calbo ! Plus tu grandis, plus tu te rends compte que tes parents vieillissent. Ça touche.

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Pit Baccardi - "Si loin de toi" (1999)

Pit Baccardi - "Si loin de toi" (1999)

Patrick : Je n'ai même pas les mots pour qualifier la qualité de ce disque [sourire]. Il y avait Sulee B. Wax, Djimi, Tefa et Masta, DJ Mehdi...

Stéphane : Il y avait les meilleurs compositeurs et les meilleurs rappeurs de l'époque. Aux États-Unis, sur un gros album, il y avait des gros featurings, c'était naturel. On s'est dit la même chose pour Pit : il fallait qu'il rappe avec les gros rappeurs. Kery James, Rohff, IAM, Doc Gynéco...

Pit : J'ai toujours été comme ça inconsciemment, avoir l'effet “waou”. “Regarde sur son album, il n'y a que des têtes !”. Le côté spectacle. Presque vingt ans plus tard, les gens m'en reparlent. Beaucoup de Camerounais me disent que j'étais leur emblème. Et puis c'est notre album à nous cinq, de Première Classe. Je suis passé par des moments où je me disais que tout ça c'était grâce à moi : c'est à ce moment là que ma carrière a vacillé. Ce premier album, c'est celui de cinq personnes. Tout ce qu'on a fait à cinq, ça a marché. On ne change pas une équipe qui gagne.

Arnaud Fraisse : L'album était bien équilibré, bien produit. Pour moi, l'album de Pit lui a permis de s'imposer comme artiste solo, affilié au Secteur Ä, mais pas encore d'imposer le label Première Classe.

Jacky : Cet album était extrêmement réussi. Quand je vois aujourd'hui la pochette, ça reflète l'état d'esprit de cet album. Il est pur, aussi bien dans le visuel que dans les chansons.

Pit : Je n'ai pas fait de séances photos pour mon album. Ou pas tout à fait. Si tu regardes bien, la photo de la pochette est un peu différente de celles du livret. La pochette date du clip de “On fait les choses” : Skwall a demandé à ce qu'on fasse une grande photo de moi. Et on s'est dit qu'elle faisait foi de pochette d'album.

Stéphane : Dans la pochette de Première Classe Volume 1, on voit déjà la pochette de son futur album. Du vrai marketing [sourire]. C'était inspiré de Master P : dans chaque album de No Limit, il mettait les pochettes des albums suivant.

Pit : On ne se rendait pas compte qu'on faisait un truc marketing. Les mecs de maisons de disques nous demandaient “vous avez pensé ça ?”. Mais c'était juste un kif entre potes ! Toutes les idées qu'on avait, on les trouvait géniales.

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Pit Baccardi pour son album (1999) © Philippe Hamon

Ben-J : L'album est resté bloqué pendant une petite période à 70 ou 80.000 exemplaires vendus. On n'avait pas encore sorti “Si loin de toi” en clip. Comme on était tout le temps en studio, on enregistrait des titres.

Pit : « Si loin de toi » n'est pas mon morceau de référence, mais c'est mon seul clip. Alors que mon album, sans clip a fait 60.000 ventes, avec “On lâchera pas l'affaire”, “Si j'étais”, “K'1frystyle”. “Si loin de toi” m'a juste permis de me rendre plus populaire. Aujourd'hui, si tu me demandes de refaire “Si loin de toi”, je te fais un truc de fou. Le chanter c'est bien, mais après, comment tu le vends ? On n'est plus dans la musique, mais dans le personnage. Comment tu vends ton histoire ? Et ça, je n'arrivais pas à le faire.

Steph : Après la sortie de l'album, on a enregistré un son avec Joe, “Ghetto ambianceur”. Plutôt que de sortir une réédition, on s'est dit qu'on allait enregistrer un EP. C'était une continuité de l'album plus qu'un vrai support commercial.

Ben-J : “Ghetto ambianceur”, c’était ma première prod r'n'b. Je ne sais pas si j'ai été réellement à la hauteur, mais en tout cas, je n'ai jamais fait de plus gros single que “Ghetto ambianceur” ! C'était une super expérience. Ça faisait partie des musiques que j'écoutais, la soul, le funk, le r'n'b.

Pit : Après le succès de “Si loin de toi”, on a l'impression qu'on s'est écartés de la base. Il faut repositionner après avoir fait tous les trucs populaires. Le chef de produit de Joe était un ami de Benjamin Chulvanij. Joe était en France, et voulait un feat avec le mec qui fonctionnait le mieux à ce moment-là. Il s'avérait que c'était moi, on m'a proposé, j'ai dit “feu” et on s'est retrouvés en studio le soir même. Ce côté festif, c'était une partie de moi aussi.

Arnaud Fraisse : On avait deux numéros l'été : un consacré au rap français, et un autre avec une couverture sur laquelle on ne devait pas mettre d'artiste français, justement. Première Classe nous a parlé d'un tournage de clip - ce que je déteste, car on peut jamais bien bosser [rires]. Le tournage a eu lieu dans un pavillon, avec Skwall. C'était une soirée blanche à la Eddy Barclay, mais rap [sourire]. À l'époque, Joe avait sorti une série de tubes. On faisait rarement du r'n'b en couverture, mais là, ce n'était pas du second choix. Et on l'a fait, parce que c'était une vraie rencontre, pour le morceau, le clip, et l'interview.

Pit Baccardi : On a d'ailleurs imaginé faire une réédition de l'album avec juste ce titre en plus, pour continuer à développer ce premier album.

Pit Baccardi, Joe - "Ghetto ambianceur" (2000)

Neg Marrons, Pit Baccardi, Rohff & Mystik - "On fait les choses" (1999)

Arnaud Fraisse : C'était peut-être une erreur stratégique de leur part : c'est difficile de vendre un mini-album. C'était un format un peu bâtard, de spécialistes. Si ça avait été un single d'album, ça aurait pu avoir plus de potentiel. Il aurait fallu tout de suite faire un deuxième album.

Stéphane : C'était plus symbolique qu'une vraie sortie, on voulait surtout donner aux gens. D'autant que Pit avait fait un super titre avec Mehdi, “À nous la victoire”, qui a beaucoup tourné après la victoire de l'équipe de France à l'Euro 2000.

Pit : J'avais enregistré « À nous la victoire » chez DJ Mehdi, le lendemain des victoires de la musique où le 113 a gagné. Ensuite, on avait fait un pari avec Laurent Bounneau : si l'équipe de France gagnait l'Euro, il jouerait le titre toutes les trente minutes. Quand Wiltord a marqué le but de la victoire, j'ai cassé une porte chez moi en donnant un coup de poing [rires]. J'étais content de ouf. Dès que l'arbitre a sifflé la fin du match, on a mis Skyrock : le morceau passait toutes les trente minutes. On est parti dans la décapotable d'un pote, et on a fait le tour de Paname. Thierry Henry avait d'ailleurs fait un truc sur Skyrock : il parlait en intro de “À nous la victoire”, en disant “retrouvez l'album de Pit Baccardi dans les bacs”. C'était la dynamique "black-blanc-beur" : on était de la même génération, on sortait de banlieue, on pétait le score. C'était logique de se retrouver aux mêmes endroits. C'était notre moment.

Ben-J : Il y avait un état d'esprit commun, dans la mesure où il y avait des parcours similaires aux nôtres. Par la force du travail et du talent, ils ont pu gravir les échelons. On servait d'exemples, eux dans le sport, et nous dans la musique, et peut-être donnait de l'espoir. On côtoyait beaucoup Nicolas Anelka, Sylvain Wiltord, Thierry Henry, on avait fait des interviews croisées, on se soutenait les uns et les autres. Il y avait un effet miroir.

Stéphane : On avait compris que ça pouvait être un business après avoir enregistré des titres qui sont devenus des réussites, mais on les a faits d'abord par passion. Quand on a fait Première Classe, on avait cette envie de réunir et de réussir.

Patrick : On n'était pas dans le tabou : on voulait montrer la réussite, la brillance.

Stéphane : On est de l'école Kenzy : on voulait toucher la Lune, s'en donner les moyens, et le montrer aux gens. Rien ne pouvait nous arrêter, et on avait envie de le faire d'une belle manière, artistiquement qualitative. C'était l'esprit dans le rap français de l'époque : que ce soit le Secteur Ä, la Mafia K'1 Fry, on était tous des jeunes de cité qui voulions faire des choses de qualité. Quand tu écoutes les productions, quand tu vois les pochettes, il y avait une vraie créativité artistique, une envie de faire différent de l'autre.

4ème partie

4ème partie

4ème partie

4ème partie

4ème partie

Le difficile passage

LE DIFFICILE PASSAGE

LE DIFFICILE PASSAGE

LE DIFFICILE PASSAGE

LE DIFFICILE PASSAGE

de Flambeau

DE FLAMBEAU

DE FLAMBEAU

DE FLAMBEAU

DE FLAMBEAU

Les succès de la première compilation et de l’album de Pit Baccardi ont de facto mis une certaine pression sur le label pour réitérer l’exploit d’une compilation définitive et du développement de nouveaux artistes influents. Deux objectifs dans un contexte de recherche d’autonomie par la jeune société Première Classe.

Les succès de la première compilation et de l’album de Pit Baccardi ont de facto mis une certaine pression sur le label pour réitérer l’exploit d’une compilation définitive et du développement de nouveaux artistes influents. Deux objectifs dans un contexte de recherche d’autonomie par la jeune société Première Classe.

Les succès de la première compilation et de l’album de Pit Baccardi ont de facto mis une certaine pression sur le label pour réitérer l’exploit d’une compilation définitive et du développement de nouveaux artistes influents. Deux objectifs dans un contexte de recherche d’autonomie par la jeune société Première Classe.

Les succès de la première compilation et de l’album de Pit Baccardi ont de facto mis une certaine pression sur le label pour réitérer l’exploit d’une compilation définitive et du développement de nouveaux artistes influents. Deux objectifs dans un contexte de recherche d’autonomie par la jeune société Première Classe.

Les succès de la première compilation et de l’album de Pit Baccardi ont de facto mis une certaine pression sur le label pour réitérer l’exploit d’une compilation définitive et du développement de nouveaux artistes influents. Deux objectifs dans un contexte de recherche d’autonomie par la jeune société Première Classe.

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Stéphane et Patrick (1999) © Philippe Hamon

Ben-J : Sony nous a rappelés à l'ordre, Jacky et moi, sur les Neg'Marrons [rires]. Ils nous ont fait comprendre qu'on devait livrer un projet, parce que le temps passait, et on se dispersait. Tyron Downie, le clavier de Bob Marley, nous le disait d'ailleurs : “les gars, vous faites trop de trucs, restez focus sur Neg'Marrons, c'est ça la racine !”. Donc on a pris quelques mois avec Jacky pour s'enfermer, et mettre en place Le Bilan. Grâce à l'expérience Première Classe, on avait un bagage en plus, et des ingénieurs qui savaient comment on travaillait. En termes d'efficacité studio, ça allait plus vite. On ne se posait pas de questions.

Jacky : Mais l'écart était déjà en train de se creuser avec Djamatik, qui était de son côté, sur sa compilation Djamatik Connection. On n'était plus dans la même vibe. Au final, il s'est retrouvé à poser sur trois ou quatre morceaux, et à faire deux morceaux solos, pour équilibrer un peu. Quand on a ramené le disque à Sony Music, il était mixé et masterisé. Djamatik n'avait pas écouté la version finale, on ne se voyait plus beaucoup. Et en découvrant l'album, il a dit qu'il n'aimait pas tel et tel morceau. Sauf que l'album était masterisé. Il fallait qu'on prenne une décision. On a dit à Sony que soit on enlevait ses voix et on sortait l'album, soit il n'y avait pas d'album. Sony a donc enlevé les voix de Djamatik, et on a sorti Le Bilan.

Stéphane : De notre côté, on ouvrait alors des bureaux à Épinay-sur-Seine [NDLR : en Seine-Saint-Denis], vers 2001. On voulait se professionnaliser, et ne plus payer de studios extérieurs. Un producteur, s'il veut être libre, a son studio. On a eu entre quatre et cinq personnes salariées dans ces bureaux.

Patrick : Au début on avait des bureaux chez Secteur Ä, mais on voulait prendre notre indépendance, grandir par nous-mêmes, et montrer qu'on était capables aussi. Donc au lieu de payer des studios, autant avoir nos propres studios. Surtout qu'on avait des artistes pas hyper ponctuels [sourire], les heures sups, ça douillait ! Donc tout le monde venait enregistrer dans notre studio : Neg'Marrons, Pit…

Ben-J : On a eu ces bureaux à Épinay-sur-Seine pendant cinq ou six ans. C'était important d'avoir un lieu, pour recevoir, faire des réunions, des entretiens, et surtout avoir nos propres studios. Avec Hostile, on avait un partenaire pour développer certaines choses, donc il fallait qu'on se structure, qu'on s'organise.

Pit : On avait un contrat avec Hostile, qui incluait deux projets Première Classe. On a réfléchi à un concept, et on a pensé aux face-à-face. C'est comme ça que le truc est né.

Patrick : Comme la première compilation avait été un succès commercial, Kenzy nous a dit “il faut en faire une deuxième”. Surtout que ceux qui n'avaient pas pu être sur le premier volume voulaient travailler avec nous. Le fait pour les rappeurs de se jauger à un autre MC, sur un thème imposé, c'était un challenge. Donc quand tu venais poser, il fallait que ça soit une tuerie.

Ben-J : Tous les ans, on sortait quelque chose. Après Le Bilan en 2000, et la tournée, on a commencé à travailler sur Première Classe Volume 2. On a laissé mûrir l'idée des face-à-face. Le fait que Stéphane ait intégré l'équipe d'Hostile, ça a aussi amené à ce qu'on s'y penche.

Jacky : On ne voulait pas refaire ce qu'on avait fait avec Première Classe Volume 1. On était dans la thématique, le concept, et là il y en avait deux : les face-à-face et les titres de films. C'était une manière de trouver une direction artistique, et de ne pas retomber dans l'egotrip du premier volume.

Ben-J : On avait évoqué différentes thématiques, car on voulait revenir avec un concept. Le simple fait de combiner des artistes ne suffisait plus : il fallait une direction artistique plus précise. On voulait de la compétition positive, et surtout, c'était dans la continuité des questions qu'on entendait dans la rue, chez les fans de rap : “qui est le meilleur entre untel et untel ?”. On a laissé un peu plus la main à Patrick et Stéphane sur la réalisation. Je sais que je n'ai pas assisté à tous les enregistrement, contrairement au premier. On faisait beaucoup de choses.

Stéphane : On se demandait comment aller plus loin que le Volume 1. Dans le subconscient du rap français, c'était la compilation de référence. Au début, on voulait faire une sorte de clash artistique, d'opposition de styles. On a réussi à n'en faire qu'un seul, “Gladiator”. Mais le clash, ce n'était pas le truc des rappeurs. Donc on a fait des face-à-face. On voulait que les artistes aillent un peu loin, qu'ils osent, qu'ils aient plus d'audace, pour marketter la nouvelle compilation encore plus fortement que la première. Mais les artistes n'ont pas trop suivi. Je peux comprendre aujourd'hui. Mais “Gladiator”, qui a été le gros titre du deux, avec cet esprit, nous a beaucoup aidés à vendre.

Le making of de “Gladiator”

par Jacky

Le making of de “Gladiator”

par Jacky

Le making of de “Gladiator” par Jacky

Le making of de “Gladiator” par Jacky

Jacky : “Gladiator”, c'était une sacrée séance. Il y avait une compétition à distance : on savait qu'on évoluait dans la même discipline, mais avec un style opposé. On a proposé aux managers de Kossity de faire ce titre. Dans les sound systems, les mecs peuvent se clasher et à la fin fumer un spliff ensemble. On a délimité des règles en avance, comme un combat : choisir l'instru sur place, et se donner une heure et demie pour écrire chacun son premier couplet. Masta était venu avec deux ou trois sons. Dès le deuxième morceau, quand la basse a commencé, on s'est mis d'accord sur celui-ci, c'était l'esprit.
Chacun était venu avec son équipe. On avait fait un tirage au sort. À la fin de l'heure et demie, Kossity a posé son premier couplet. Je me suis dit “mouais, bof bof” [rires]. Quand je suis passé au micro derrière, je savais que j'avais des punchlines agressives. Ça a mis une pression en studio. Quand Kossity a enchaîné le troisième couplet, et qu'il a repris le refrain de “Ménage à 4” [NDLR : chanson des Neg'Marrons avec China], je me suis dit “ha, l'enculé !”. J'avais eu cette idée aussi, en reprenant le gimmick de “Tout c'que t'as”. On a eu la même idée, et il l'a bien fait. J'avais pris un petit crochet ! [sourire] Quand on a fait le morceau, en partant du studio, je savais qu'on avait gagné. Kossity a mis un bon flow, mais comme d'hab, on ne comprenait rien. C'était très brouillon, à part le deuxième couplet. On savait dans notre équipe qu'on tenait quelque chose en tout cas. Il n'y avait jamais eu de morceaux comme ça dans le rap français.
Mais ensuite, son équipe et lui sont revenus sur les règles qu'on avait fixées au départ. Ses managers ont trouvé que j'avais été trop violent sur le morceau, et voulaient que je change ma partie. Je ne pouvais pas changer ma partie, c'était la règle. Comme je voyais que ça les faisait vraiment chier, je leur ai dit que Kossity pouvait refaire son couplet. La donne était déjà différente, c'est comme si on refaisait le match. Mais j'étais confiant, sans prétention. J'ai tenté un coup de poker : il aurait pu revenir avec des phrases plus percutantes. Si ça nous plaisait pas, on aurait avisé à ce moment-là.
Le jour du réenregistrement, je ne voulais pas y aller, c'était mon équipe qui y était. Apparemment, il a eu du mal à mieux faire. Il n'y avait plus le feeling de la première fois. Du coup on n’a pas gardé cette deuxième version, qui était moins bien. À la suite de ça, ses managers ont dit que, puisque Kossity n'avait pas réussi à poser, il fallait que j'enlève telle et telle phrase. Du coup, j'ai dû enlever quatre ou cinq punchlines. J'ai mis de l'eau dans mon vin, pour pouvoir rééquilibrer la balance. Mais ça n'a pas changé grand chose : à l'unanimité, les gens ont trouvé que j'avais gagné. Et c'est ce qui fait qu'après, ça a créé des désaccords entre nous. Dans le deal, il était convenu qu'on fasse un premier round sur Première Classe Volume 2, et qu'on fasse la revanche sur son album. Mais comme il y a eu tous ces changements à l'avantage de Kossity, quand ils m'ont appelé, j'ai dit non. D'où son morceau “Gladiator 2”, et moi “Gladiator 2002”.

Jacky : “Gladiator”, c'était une sacrée séance. Il y avait une compétition à distance : on savait qu'on évoluait dans la même discipline, mais avec un style opposé. On a proposé aux managers de Kossity de faire ce titre. Dans les sound systems, les mecs peuvent se clasher et à la fin fumer un spliff ensemble. On a délimité des règles en avance, comme un combat : choisir l'instru sur place, et se donner une heure et demie pour écrire chacun son premier couplet. Masta était venu avec deux ou trois sons. Dès le deuxième morceau, quand la basse a commencé, on s'est mis d'accord sur celui-ci, c'était l'esprit.
Chacun était venu avec son équipe. On avait fait un tirage au sort. À la fin de l'heure et demie, Kossity a posé son premier couplet. Je me suis dit “mouais, bof bof” [rires]. Quand je suis passé au micro derrière, je savais que j'avais des punchlines agressives. Ça a mis une pression en studio. Quand Kossity a enchaîné le troisième couplet, et qu'il a repris le refrain de “Ménage à 4” [NDLR : chanson des Neg'Marrons avec China], je me suis dit “ha, l'enculé !”. J'avais eu cette idée aussi, en reprenant le gimmick de “Tout c'que t'as”. On a eu la même idée, et il l'a bien fait. J'avais pris un petit crochet ! [sourire] Quand on a fait le morceau, en partant du studio, je savais qu'on avait gagné. Kossity a mis un bon flow, mais comme d'hab, on ne comprenait rien. C'était très brouillon, à part le deuxième couplet. On savait dans notre équipe qu'on tenait quelque chose en tout cas. Il n'y avait jamais eu de morceaux comme ça dans le rap français.
Mais ensuite, son équipe et lui sont revenus sur les règles qu'on avait fixées au départ. Ses managers ont trouvé que j'avais été trop violent sur le morceau, et voulaient que je change ma partie. Je ne pouvais pas changer ma partie, c'était la règle. Comme je voyais que ça les faisait vraiment chier, je leur ai dit que Kossity pouvait refaire son couplet. La donne était déjà différente, c'est comme si on refaisait le match. Mais j'étais confiant, sans prétention. J'ai tenté un coup de poker : il aurait pu revenir avec des phrases plus percutantes. Si ça nous plaisait pas, on aurait avisé à ce moment-là.
Le jour du réenregistrement, je ne voulais pas y aller, c'était mon équipe qui y était. Apparemment, il a eu du mal à mieux faire. Il n'y avait plus le feeling de la première fois. Du coup on n’a pas gardé cette deuxième version, qui était moins bien. À la suite de ça, ses managers ont dit que, puisque Kossity n'avait pas réussi à poser, il fallait que j'enlève telle et telle phrase. Du coup, j'ai dû enlever quatre ou cinq punchlines. J'ai mis de l'eau dans mon vin, pour pouvoir rééquilibrer la balance. Mais ça n'a pas changé grand chose : à l'unanimité, les gens ont trouvé que j'avais gagné. Et c'est ce qui fait qu'après, ça a créé des désaccords entre nous. Dans le deal, il était convenu qu'on fasse un premier round sur Première Classe Volume 2, et qu'on fasse la revanche sur son album. Mais comme il y a eu tous ces changements à l'avantage de Kossity, quand ils m'ont appelé, j'ai dit non. D'où son morceau “Gladiator 2”, et moi “Gladiator 2002”.

Jacky : “Gladiator”, c'était une sacrée séance. Il y avait une compétition à distance : on savait qu'on évoluait dans la même discipline, mais avec un style opposé. On a proposé aux managers de Kossity de faire ce titre. Dans les sound systems, les mecs peuvent se clasher et à la fin fumer un spliff ensemble. On a délimité des règles en avance, comme un combat : choisir l'instru sur place, et se donner une heure et demie pour écrire chacun son premier couplet. Masta était venu avec deux ou trois sons. Dès le deuxième morceau, quand la basse a commencé, on s'est mis d'accord sur celui-ci, c'était l'esprit.
Chacun était venu avec son équipe. On avait fait un tirage au sort. À la fin de l'heure et demie, Kossity a posé son premier couplet. Je me suis dit “mouais, bof bof” [rires]. Quand je suis passé au micro derrière, je savais que j'avais des punchlines agressives. Ça a mis une pression en studio. Quand Kossity a enchaîné le troisième couplet, et qu'il a repris le refrain de “Ménage à 4” [NDLR : chanson des Neg'Marrons avec China], je me suis dit “ha, l'enculé !”. J'avais eu cette idée aussi, en reprenant le gimmick de “Tout c'que t'as”. On a eu la même idée, et il l'a bien fait. J'avais pris un petit crochet ! [sourire] Quand on a fait le morceau, en partant du studio, je savais qu'on avait gagné. Kossity a mis un bon flow, mais comme d'hab, on ne comprenait rien. C'était très brouillon, à part le deuxième couplet. On savait dans notre équipe qu'on tenait quelque chose en tout cas. Il n'y avait jamais eu de morceaux comme ça dans le rap français.
Mais ensuite, son équipe et lui sont revenus sur les règles qu'on avait fixées au départ. Ses managers ont trouvé que j'avais été trop violent sur le morceau, et voulaient que je change ma partie. Je ne pouvais pas changer ma partie, c'était la règle. Comme je voyais que ça les faisait vraiment chier, je leur ai dit que Kossity pouvait refaire son couplet. La donne était déjà différente, c'est comme si on refaisait le match. Mais j'étais confiant, sans prétention. J'ai tenté un coup de poker : il aurait pu revenir avec des phrases plus percutantes. Si ça nous plaisait pas, on aurait avisé à ce moment-là.
Le jour du réenregistrement, je ne voulais pas y aller, c'était mon équipe qui y était. Apparemment, il a eu du mal à mieux faire. Il n'y avait plus le feeling de la première fois. Du coup on n’a pas gardé cette deuxième version, qui était moins bien. À la suite de ça, ses managers ont dit que, puisque Kossity n'avait pas réussi à poser, il fallait que j'enlève telle et telle phrase. Du coup, j'ai dû enlever quatre ou cinq punchlines. J'ai mis de l'eau dans mon vin, pour pouvoir rééquilibrer la balance. Mais ça n'a pas changé grand chose : à l'unanimité, les gens ont trouvé que j'avais gagné. Et c'est ce qui fait qu'après, ça a créé des désaccords entre nous. Dans le deal, il était convenu qu'on fasse un premier round sur Première Classe Volume 2, et qu'on fasse la revanche sur son album. Mais comme il y a eu tous ces changements à l'avantage de Kossity, quand ils m'ont appelé, j'ai dit non. D'où son morceau “Gladiator 2”, et moi “Gladiator 2002”.

Patrick : Il y a eu aussi le morceau avec Faya D. et Philo MC, “Désigné pour mourir”. Mais c'est normal : c'est plus dans l'esprit dancehall, du sound system. C'était plus évident pour eux, moins pour les rappeurs.

T.Killa : Les gens aimaient bien qu’on se rencontre sur un titre avec L'Skadrille, ils aimaient bien nous mettre en face. Le jour de l’enregistrement de “Tueurs nés”, quand les mecs de Première Classe nous ont annoncé le contexte, ils nous ont dit : “c’est clash”. On leur a demandé de confirmer : “tu veux dire clash ou CLASH ? Parce que si tu veux, on fait un vrai gros clash”. Ils ont compris qu’on pouvait partir loin et nous ont dit qu’il fallait que dans le ton, ça reste quand même amical. Ça reste des vannes, ce n’est pas ce qu’on peut entendre sur “Gladiator” par exemple. C’était plus de l’égotrip et de la performance. C’était l’instru qu’on devait cogner, pas les MCs qui devaient se cogner entre eux. [rires]

13Or : On avait très envie de bosser avec Djimi Finger, on kiffait ce qu'il faisait. Aujourd'hui, cette prod de “Tueurs nés”, on appellerait ça un banger. On savait que c'était une dinguerie. Mais le concept était étrange pour nous. On n'est pas de l'école des clashs, et K.Ommando est un groupe qu'on apprécie. On s'est dit qu'on allait faire comme si c'était clash, mais même quand tu écoutes le morceau, on n'est pas tout à fait dans cet état d'esprit.

Djimi Finger : Il y a la testostérone ! À ton avis pourquoi ils ont arrêté les clashs à la radio à un moment ? Ça devenait tendu. Et puis certains rappeurs de la compilation n’étaient plus des petits qui venaient d'arriver. Tu ne vas pas leur dire “ce que t'as écrit c'est pas bon, on voudrait que t'insultes l'autre”. Le reste, c'est du clash de lyriciste.

K.Ommando Toxik, L'Skadrille - "Tueurs Nés" (2001)

Neg Marrons, Pit Baccardi, Rohff & Mystik - "On fait les choses" (1999)

FDY Phenomen : Première Classe Volume 2 arrivait au moment où je travaillais mon premier album solo. J’essayais de me concentrer sur mes trucs personnels, ce qui passait par ralentir les compilations, où j'étais beaucoup invité. Pour Première Classe Volume 2, c’est plus le contexte qui m’a motivé au final. Sëar avait déjà posé un couplet de charcutier et l’équipe de Première Classe cherchait quelqu’un qui ne soit pas ridicule devant lui, très fort en freestyle en plus d’être très technique. On avait la même ambition : faire une bonne boucherie. Sur le morceau, on n’est pas en clash, on est juste en compétition. Moi et Sëar, on était dans un délire où il fallait que ça punch, que le morceau soit fou.

Jacky : “Face-à-face”, ça reste un intitulé. On voulait qu'il y ait un affrontement lyrical, mais il n'y a pas vraiment eu ça. Parce que c'était pas dans la culture des rappeurs français, même s'il ne s'agissait pas d'aller au clash.

Arnaud Fraisse : On savait que c'était de la mise en scène, mais on se demandait où étaient les limites. Kossity/Jacky, c'était un peu “border”. Il y avait le clash IV My People / B.O.S.S. à l'époque, mais c'était différent, on savait que c'était orchestré.

Pit : Le clash, c'est un état d'esprit. Mais la majeure partie des morceaux, c'était très copain-copain. Moi, Rim-K, c'est mon gars : c'était compliqué de clasher avec lui. Le Disiz et Busta, conceptuellement parlant, c'était un bon truc, l'échange de personnalités. Il y a eu un clash artistique sur “L'Œil du tigre”, parce que c'était punchlines contre punchlines.

Stéphane : Quand on s'est dit “faisons un Rohff et Lino”, deux des meilleurs rappeurs du moment…

Patou : Excuse-moi, je te corrige : Lino, c'est LE meilleur rappeur. [rires]

Jacky : Lino et Rohff, c'était électrique. Rohff, c'est un pitbull, il a la hargne. Les deux savaient qu'il y avait un combat sérieux. Quand on était en studio, la séance a mis du temps à commencer. Les gars s'observaient, jusqu'au moment où Rohff a décidé d'aller en cabine. Il y avait une pression particulière, même si les deux MCs s'appréciaient. On sentait qu'il y avait de l'enjeu. Ça fait partie de nos plus grandes séances de studio.

Steph : Il y avait une énorme pression artistique entre les deux. Chacun voulait tuer l'autre, d'une manière musicale. Donc l'idée c'était de les départager. Un peu comme le Rim-K / Pit Baccardi. Ça a été réfléchi comme ça. C'est pour ça qu'on a pris des titres de films.

Patou : Les rappeurs avaient beaucoup de respect pour Pit. Quand on a enregistré Première Classe Volume 2, Rim-K nous a dit : “je veux rapper avec Pit”.

Pit : On s'était toujours dit avec Karim qu'on ferait un truc ensemble. Je voulais 113 sur le projet Ghetto Ambianceur, mais c'était au moment où ils pétaient le score. Rim-K était à cette époque dans le top dix des rappeurs français.

Stéphane : J'adore l'émotion du morceau “Les Evadés”, jusqu'à aujourd'hui. C'est mon préféré, même si “L'Œil du tigre” n'est pas loin.

Ben-J : Pour mon morceau avec Daddy Mory, on a dû partir à Londres, parce qu'il y vivait à cette époque. Malheureusement, le cordonnier est le plus mal chaussé : j'étais tellement occupé à gérer les autres, que la veille, j'avais zéro instru. On n'avait pas de prod. On a contacté un gars, Kesdo [NDLR : membre des Refrès, avec Metek] – merci à lui – mais c'était pas du tout dans cette direction là qu'on voulait aller. On l'a fait, mais aujourd'hui, j'ai un peu de regret de ne pas avoir pu anticiper la chose.

On est passés à côté de l'essentiel. C'était trop précis, trop calculé.

On est passés à côté de l'essentiel. C'était trop précis, trop calculé.

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Pit Baccardi

Stéphane : Il y avait à la fois la pression du succès commercial, et nos exigences artistiques. Mais on avait plus de confort, et plus de confiance. On avait un label avec nous, qui supervisait, aidait. Secteur Ä était en plein boom, donc c'était beaucoup plus facile en termes de production exécutive.

Ben-J : Je retiens forcément “Gladiator”, et “L'Œil du tigre”. À l'époque, Rohff et Lino étaient au sommet de leur art, ça ne pouvait être qu'explosif. “Les Evadés” et “Volte/Flow” sont des gros titres aussi.

Patrick : Personnellement, je retiens le morceau de Tandem et Futuristiq sur Première Classe Volume 2. Ce qui me frappait chez Mac Tyer, c'est qu'il rappait sans rimes. Ça avait même foutu la pression à Nubi.

Qrono : À l'époque, dans cet esprit de compétition, on voulait avoir en face de nous un groupe hyper connu. On voulait grailler quelqu'un. Au final on nous dit : “ce sera Tandem”. C'étaient des mecs qu'on respectait, même humainement. Du coup c'était plus compliqué d'aller au clash. En plus, je venais de perdre un pote. Arrivé au studio, je ne voulais parler à personne. Donc malheureusement pour moi, ça n'a pas été une bonne expérience. Par contre pour moi on a fait un très bon morceau. Les mecs de Tandem ne sont pas mignons dans leur rap. [rires] Il fallait que ce soit gris, que ce soit noir. Il y avait une bonne alchimie entre eux et nous.

Stéphane : Première Classe Volume 2 a plus de déchets. “Volte/Flow”, avec du recul, je trouve qu'il a mal vieilli. Le clip était raté, il était trop gamin. L'inspiration du film était bonne, mais le clip faisait trop gadget. La prod du morceau Zelda et Princess Aniès, “Destination finale” était trop r'n'b. Ce ne sont pas des morceaux qui restent.

Pit : Première Classe Volume 2 est une belle œuvre, mais a été moins impactante que la première. Première Classe Volume 1 n'était pas réfléchi ; Première Classe Volume 2, trop. On est passés à côté de l'essentiel, parce qu'on a plus intégré le côté business. Peut-être que si on avait fait une deuxième compilation avec la logique de compilation, sans vouloir créer un concept, ça aurait mieux marché. C'était trop précis, trop calculé.

Ben-J : Le concept n'était pas évident, il y a moins d'intervenants. Et puis c'est un Volume 2 : la suite est plus difficile à optimiser. Si ce projet-là avait été le Volume 1, ça aurait été aussi gros, à mon avis.

Stéphane : On se prenait la tête sur la promo, comme pour la campagne de pub de magazine pour Première Classe Volume 2. L'idée était de donner un coup de poing au rap français, en termes de production, de marketing, de communication. L'exemple, c'était les États-Unis, le début du street marketing, on en débattait avec Kenzy et Thibaut. Donc on se prenait la tête pour avoir quelque chose de novateur. Le clip de “Gladiator” nous avait coûté très cher à l'époque, parce qu'on voulait marquer le coup. On voulait créer de l'événement. On devait vendre le rap, les albums, comme un événement.

Jacky : Pour le clip de “Gladiator”, je voulais aller au bout de ce qu'on avait commencé. Je l'ai fait pour le projet Première Classe. J'ai joué le jeu. Mais je n'étais plus dans l'état d'esprit du clash. On était dans le business.

Stéphane : Il y avait à la fois la pression du succès commercial, et nos exigences artistiques. Mais on avait plus de confort, et plus de confiance. On avait un label avec nous, qui supervisait, aidait. Secteur Ä était en plein boom, donc c'était beaucoup plus facile en termes de production exécutive.

Ben-J : Je retiens forcément “Gladiator”, et “L'Œil du tigre”. À l'époque, Rohff et Lino étaient au sommet de leur art, ça ne pouvait être qu'explosif. “Les Evadés” et “Volte/Flow” sont des gros titres aussi.

Patrick : Personnellement, je retiens le morceau de Tandem et Futuristiq sur Première Classe Volume 2. Ce qui me frappait chez Mac Tyer, c'est qu'il rappait sans rimes. Ça avait même foutu la pression à Nubi.

Qrono : À l'époque, dans cet esprit de compétition, on voulait avoir en face de nous un groupe hyper connu. On voulait grailler quelqu'un. Au final on nous dit : “ce sera Tandem”. C'étaient des mecs qu'on respectait, même humainement. Du coup c'était plus compliqué d'aller au clash. En plus, je venais de perdre un pote. Arrivé au studio, je ne voulais parler à personne. Donc malheureusement pour moi, ça n'a pas été une bonne expérience. Par contre pour moi on a fait un très bon morceau. Les mecs de Tandem ne sont pas mignons dans leur rap. [rires] Il fallait que ce soit gris, que ce soit noir. Il y avait une bonne alchimie entre eux et nous.

Stéphane : Première Classe Volume 2 a plus de déchets. “Volte/Flow”, avec du recul, je trouve qu'il a mal vieilli. Le clip était raté, il était trop gamin. L'inspiration du film était bonne, mais le clip faisait trop gadget. La prod du morceau Zelda et Princess Aniès, “Destination finale” était trop r'n'b. Ce ne sont pas des morceaux qui restent.

Pit : Première Classe Volume 2 est une belle œuvre, mais a été moins impactante que la première. Première Classe Volume 1 n'était pas réfléchi ; Première Classe Volume 2, trop. On est passé à côté de l'essentiel, parce qu'on a plus intégré le côté business. Peut-être que si on avait fait une deuxième compilation avec la logique de compilation, sans vouloir créer un concept, ça aurait mieux marché. C'était trop précis, trop calculé.

Ben-J : Le concept n'était pas évident, il y a moins d'intervenants. Et puis c'est un Volume 2 : la suite est plus difficile à optimiser. Si ce projet-là avait été le Volume 1, ça aurait été aussi gros, à mon avis.

Stéphane : On se prenait la tête sur la promo, comme pour la campagne de pub de magazine pour Première Classe Volume 2. L'idée était de donner un coup de poing au rap français, en termes de production, de marketing, de communication. L'exemple, c'était les États-Unis, le début du street marketing, on en débattait avec Kenzy et Thibaut. Donc on se prenait la tête pour avoir quelque chose de novateur. Le clip de “Gladiator” nous avait coûté très cher à l'époque, parce qu'on voulait marquer le coup. On voulait créer de l'événement. On devait vendre le rap, les albums, comme un événement.

Jacky : Pour le clip de “Gladiator”, je voulais aller au bout de ce qu'on avait commencé. Je l'ai fait pour le projet Première Classe. J'ai joué le jeu. Mais je n'étais plus dans l'état d'esprit du clash. On était dans le business.

Lord Kossity, Jacky Brown - "Gladiator" (2001)

Neg Marrons, Pit Baccardi, Rohff & Mystik - "On fait les choses" (1999)

Pit : Niveau business, Première Classe Volume 2 est plus abouti. Visuellement, dans le livret et la campagne de pub, c'était une révolution. Mais je prends le pari qu'aujourd'hui, tout le monde écoute plus le premier volume que le deuxième.

Qrono : Pour moi, à la base, Première Classe c'était un projet du Secteur Ä. J'ai compris à ce moment-là que c'était une entité. Ce qui était intéressant, et c'est pour ça que ça a pris, c'était de vouloir faire des compilations avec des idées précises, comme sur la deuxième, et en même temps de mixer des artistes différents. Il y avait une vraie recherche.

Jacky : Après avoir fait une compilation et développé l'album de Pit, on cherchait des nouveaux talents. Ça faisait partie de notre casquette de producteurs.

Pit : On avait accompli quelque chose, on avait la possibilité de produire d'autres jeunes. C'est à cette époque qu'on a signé Tandem et L'Skadrille. L'Skadrille, je les connaissais depuis Time Bomb. Ils étaient forts, mais il y avait aussi une approche affective.

Stéphane : Pit était un peu le D.A. rap du label, il avait toujours des idées d'avance sur les groupes à signer. Surtout qu'en ayant été chez Time Bomb, il avait un très bon relationnel avec des groupes hors Garges-Sarcelles et Secteur Ä. 13Or et 16Ar de L’Skadrille avaient sorti un premier maxi [NDLR : Mack.01 L'Impact Du Son, sur le label C2 La Balle de Ziko de La Brigade, en 1997], ils avaient une bonne réputation, on les a fait venir sur Première Classe Volume 1. Il y avait une relation artistique et humaine très simple avec eux.

13Or : Première Classe Volume 1 est le premier disque d'or que j'ai ramené à la maison. J'avais 17 ou 18 ans ! Ensuite, on a fait la première partie de Pit sur la tournée de son premier album, c'était chanmé. Pour le groupe, c'était une exposition de fou. Pit avait une certaine renommée, et il a été un grand frère, il nous a montré la voie. On fonctionnait beaucoup à l'affect, il fallait qu'on se sente bien avec les gens. Après un premier maxi avec eux [NDLR : Ça part d'la naissance / Rap français haute fidélité, sorti en 1999], ils nous ont dit qu'ils étaient intéressés pour nous signer. Nous aussi, parce qu’on avait besoin de sortir un premier album, et une structure comme Première Classe nous semblait idéale.

Patrick : Là encore, Jacky et Ben-J ont été très impliqués dans la réalisation de leur EP, Dangereux 2001.

13Or : Cet EP nous a permis d'avoir une première bonne carte de visite. Les gars de Première Classe nous donnaient des conseils de réalisation : faire des couplets plus courts, ajouter des refrains... Nous, on est des rappeurs de “dehors”, on était encore étudiants avec 16Ar, on se professionnalisait. On bossait aussi avec DJ Shean, qu'on connaissait du groupe OSFA, avec qui on était potes. Mais surtout avec L'Agence : Yoann, un gars de Versailles que je connaissais depuis longtemps et Tony Fresh, qui avait fait partie comme nous du label C2 La Balle.

Patrick : Si tu écoutais La Cliqua, ils avaient leur son, avec Chimiste. Idéal J avait Mehdi, Ärsenik avait Finger. C'était important d'avoir une identité, un type de son. Quand les artistes étaient affiliés à un producteur, on n'allait pas imposer un producteur à nous, qui était principalement Finger en plus.

En signant chez nous, tu te disais peut-être “j'vais briller tout de suite”.

En signant chez nous, tu te disais peut-être “j'vais briller tout de suite”.

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Stephane Ndjigui

Mac Tyer : Tandem n’existait pas depuis longtemps, genre 1999. On se connaît depuis qu’on est petits avec Mac Kregor. À ce moment-là j’étais dans une prison où il y avait une radio. Lorsqu’il y avait des freestyles, ils m’appelaient tout le temps.

Ben-J : On a connu Socrate quand il était au CJD [NDLR : centre des jeunes détenus] à Fleury-Mérogis. On a fait une émission radio là-bas, et il est venu freestyler avec nous. Il s'appelait Soso à l'époque, et nous avait bien marqués. Il est sorti du placard, a commencé à maquetter avec Tefa et Masta.

Mac Tyer : On avait rencontré Masta grâce à Joe le Balafré [NDLR : producteur, notamment de “93 Hardcore” de Tandem, en 2005]. C’était un ancien d’Aubervilliers qui a un peu grandi avec les gars de Kilomaître.

Stéphane : Tandem, c'était un groupe exceptionnel. C'est Pit qui m'en avait parlé. Il m'avait appelé en me disant : “je suis en studio à Aubervilliers, il faut vraiment que tu viennes”.

Pit : Au moment où j'enregistrais le titre “Rap de Barbares” pour la compilation Mission Suicide [NDLR : réalisée et produite par Kilomaitre et Eben, membre de 2Bal 2Neg], il y avait Mac Tyer au studio. Masta me jouait des titres de Tandem : j'y entendais du Ärsenik, un truc caillera, mais avec un vocabulaire médiéval. Je me suis dit “mais c'est quoi ça ?” J'ai demandé à Masta de me filer des sons, je suis allé à Villiers-le-Bel voir Lino. Je lui ai fait écouter, il m'a dit : “C'est des tueurs !”.

Patrick : Tefa nous a fait écouter “Sport de sang”, et là on a entendu un mec qui rappait sans rime, mais dans les temps. On a demandé “c'est qui ?”, “des petits d'Aubervilliers”. Ça a matché.

Pit : Je suis allé ensuite dans la cité de Tandem, à Aubervilliers. Je me suis retrouvé dans la chambre de Mac Kregor, et je leur ai dit : “les gars, je veux bosser avec vous, je veux vous signer, vous êtes forts !”. J'ai dit à mes gars de Première Classe : “ces gars, c'est l'avenir du peu-ra, faut les signer !”.

Ben-J : On a tout de suite accroché : ils avaient le feu. Ça correspondait à ce qu'on voulait mettre en avant, le rap français haute fidélité. Ils étaient dans la lignée d'Ärsenik, de Lunatic. Le rap qui nous faisait vibrer. Nous, ça nous faisait du bien, parce que beaucoup de rappeurs étaient venus nous voir, mais on n'avait pas eu de coup de cœur. Mais quand on a entendu L'Skadrille et Tandem, c'était ce qu'on cherchait.

Mac Tyer : À l’époque on ne connaissait personne dans la musique, on ne savait pas comment sortir des trucs. À ce moment-là on faisait plein de compilations : Première Classe Vol. 2, Cut Killer Show 2, Sachons Dire Non II. On était en vogue, et c’était un honneur que Première Classe nous appelle. Le label avait émergé de fou quand j’étais en prison. On se demandait “est-ce qu’on va aller chez IV My People ? Chez Première Classe ?”. Pit avait été convaincant, on s’entendait très très bien.

Stéphane : Du fait que Mac Tyer est camerounais, ça s'est fait naturellement. C'est aussi pour ça que leur premier projet est sorti chez Hostile en distribution.

Mac Tyer : On avait déjà enregistré notre EP de notre côté en famille avec Kilomaître, avant de signer chez Première Classe. Le plus ancien titre de Tandem, c’est “Imagine” - qui avait été enregistré le même jour que “Sport de sang”. C’est pour ça que c’est un morceau avec des rimes à la fin ; les rimes internes, c’est quelque chose que j’ai développé plus tard. Le morceau le plus récent, c’était “Les Maux”, le solo de Mac Kregor. À l’époque, on voulait se faire remarquer dans le game, on était radical. On voulait que les gens reconnaissent notre talent. On avait 20 ans, les gens pensaient qu’on en avait déjà 30. On avait une façon d’aborder les choses dans le rap qui n’était pas commune. On était éduqués par Chill et Lino, et on voulait montrer qu’on pouvait être plus forts qu’eux. C’étaient ça nos références.

Patrick : Mac Tyer et Mac Kregor étaient des jeunes artistes hyper talentueux, qui avaient juste besoin d'avoir le bon canevas pour délivrer des trucs presque excellents.

Ben-J : Les deux EPs, de Tandem et L'Skadrille, nous ont coûté beaucoup d'argent, parce qu'on les a sortis en distribution. On avait l'habitude de faire des grosses sorties, mais c'était en maison de disques. Là, on a fait les mêmes dépenses, mais en indépendant : marketing, affichage, pub. Et ça, ça sortait de notre poche.

Patrick : C'étaient des artistes en développement, on savait très bien qu'on n'avait pas besoin de vendre beaucoup pour faire un retour sur investissement. Les disques précédents étaient des disques en licence, avec beaucoup de moyens. Sur des artistes comme ça, Benjamin Chulvanij n'y croyait pas du tout. Tandem sortaient de nulle part, et encore jusqu’à aujourd'hui, ils n'ont pas eu de gros succès commerciaux. Mais on a tenté le coup, on a distribué. Chronowax pour L'SKadrille, EMI pour Tandem.

Stéphane : Ça nous a plombés. Benjamin Chulvanij m'avait dit : "t'es producteur indépendant ? Ok, je te distribue, mais je ne t'avance rien. Tu paies tout, ta SDRM [NDLR : Société pour l'administration du droit de reproduction, qui gère les autorisations pour les productions d'oeuvres musicales]. Tu vas apprendre." Nous, bêtement, sans savoir ce qu'était la vraie distribution, ça nous a coûté bonbon. Quand ensuite les groupes ont voulu plus d'investissement, plus de clips... on était asphyxiés.

Mac Tyer : On était déjà contents que notre premier projet sorte. On était déterminés : pour nous, l’EP était une première étape. On pensait qu’on allait créer des grandes choses ensemble, on était dans la même vision des choses. C’est par la suite que ça s’est corsé.

13Or : On ne connaissait pas les méandres de la production. En signant chez Première Classe, distribué par Hostile, donc EMI, on se disait qu'il y aurait de gros moyens. Mais là on a sorti un projet en autoproduction, distribué chez Chronowax. Dans nos têtes de minots, on s'attendait à une vraie exposition, une grosse promo. Alors qu'ils ont fait comme ils ont pu.

Mac Tyer : Avec Tandem, on s’est retrouvés sans pouvoir sortir de projets pendant deux ou trois ans. Alors qu’on était proches d’un groupe comme Sniper, dont on voyait les albums sortir. On ne comprenait pas d’où venait le problème - jusqu’à aujourd’hui, je n’ai jamais su. Et puis nous, on était toujours des mecs de la rue, donc à un moment on prenait la musique au sérieux, à un autre moment non.

13Or : Aujourd'hui je comprends ce qu'il s'est passé, mais à l'époque on ne comprenait pas les enjeux. Ça a créé de la frustration, on était pressés. Pour nous, le cheminement était simple : on devait sortir un album l'année suivante, avec des clips, et un disque d'or. Mais on ignorait qu'il fallait démarcher pour trouver une licence ou un co-producteur.

Stéphane : Ça a été difficile sur la fin avec L'Skadrille. Il n'y avait pas le succès, on a eu des difficultés à trouver un deal, le groupe a eu l'impression d'être délaissé, alors que les Neg'Marrons vendaient beaucoup d'albums. Inconsciemment, ils ont dû se dire “ils s'en foutent de nous”. Les mecs des bureaux ne sont pas dans l'artistique ou dans l'affect, mais dans les chiffres : on a sorti de l'argent, il faut sortir un projet. Les artistes du label, eux, sont des grands frères et en même temps des stars, ils ont peut-être moins de temps. Ça a créé des difficultés.

13Or : Ça a changé notre relation avec certains mecs de Première Classe. Pas tous. Peut-être que certains arrivaient à mieux prendre le temps de nous expliquer les choses. C'est de l'humain : tu ne peux pas t'entendre avec tout le monde de la même manière.

Jacky : Il y a eu quelques discordes, parce que quand tu es producteur et artiste, l'artiste en face te voit plus comme le producteur, et se dit que tu ne vas pas défendre totalement ses intérêts.

13Or : On a commencé à travailler dans une optique d'album, on enregistrait des titres. Mais la frustration créée par Dangereux 2001 nous a fait dire que ce qu'ils ont fait, on pouvait le faire tout seul. Ils ont été compréhensifs. On avait des contrats de prod et d'édition, mais ils nous ont dit qu'on pouvait partir.

Arnaud Fraisse : Tandem, ça ne pouvait pas passer à la radio, c'était complexe à promouvoir. Difficile à imposer en images, alors qu'ils avaient une super cote. L'Skadrille, c'était plus cool, mais ça manquait peut-être d'épaisseur. Chacun avait son petit défaut. À partir du moment où Benjamin Chulvanij et Laurent Bounneau n'y croyaient pas, c'était compliqué. Tu avais très peu d'alternative. Sinon, c'était le succès d'estime. Mais Première Classe n'était pas calibré pour ça.

Ben-J : Tandem, ça a été compliqué de trouver un deal. L'album C'est toujours pour ceux qui savent [NDLR : sorti en 2005] a été enregistré chez nous à 90%, puis Kilomaitre a récupéré le business. Les maisons de disques nous disaient que c'était trop dur, trop hardcore. Je pense qu'à cause de ça, un certain temps s'est écoulé, et les mecs ont peut-être été déçus. Mais on ne pouvait pas refaire l'album en distribution comme le EP, c'était trop coûteux.

Patrick : Il y a eu pas mal d'embrouilles, on s'est pris la tête. Il y avait pas mal d'artistes qui avaient du succès, qui entraient en radio, ce qui n'était pas leur cas. En signant chez nous, tu te disais peut-être “j'vais briller tout de suite”. Et quand tu voyais que ça ne brillait pas, tu te disais que c'était un boycott. Alors que ce n'était pas le cas ! Ce n'était juste pas évident de développer ces artistes-là. L'album de Pit était ouvert. Mais leurs projets, non. “Mon Rap” de L'Skadrille, c'était musicalement ouvert, mais dur dans le propos. Tandem, c'était hardcore.

Mac Tyer : Tandem n’existait pas depuis longtemps, genre 1999. On se connaît depuis qu’on est petits avec Mac Kregor. À ce moment-là j’étais dans une prison où il y avait une radio. Lorsqu’il y avait des freestyles, ils m’appelaient tout le temps.

Ben-J : On a connu Socrate quand il était au CJD [NDLR : centre des jeunes détenus] à Fleury-Mérogis. On a fait une émission radio là-bas, et il est venu freestyler avec nous. Il s'appelait Soso à l'époque, et nous avait bien marqués. Il est sorti du placard, a commencé à maquetter avec Tefa et Masta.

Mac Tyer : On avait rencontré Masta grâce à Joe le Balafré [NDLR : producteur, notamment de “93 Hardcore” de Tandem, en 2005]. C’était un ancien d’Aubervilliers qui a un peu grandi avec les gars de Kilomaître.

Stéphane : Tandem, c'était un groupe exceptionnel. C'est Pit qui m'en avait parlé. Il m'avait appelé en me disant : “je suis en studio à Aubervilliers, il faut vraiment que tu viennes”.

Pit : Au moment où j'enregistrais le titre “Rap de Barbares” pour la compilation Mission Suicide [NDLR : réalisée et produite par Kilomaitre et Eben, membre de 2Bal 2Neg], il y avait Mac Tyer au studio. Masta me jouait des titres de Tandem : j'y entendais du Ärsenik, un truc caillera, mais avec un vocabulaire médiéval. Je me suis dit “mais c'est quoi ça ?” J'ai demandé à Masta de me filer des sons, je suis allé à Villiers-le-Bel voir Lino. Je lui ai fait écouter, il m'a dit : “C'est des tueurs !”.

Patrick : Tefa nous a fait écouter “Sport de sang”, et là on a entendu un mec qui rappait sans rime, mais dans les temps. On a demandé “c'est qui ?”, “des petits d'Aubervilliers”. Ça a matché.

Pit : Je suis allé ensuite dans la cité de Tandem, à Aubervilliers. Je me suis retrouvé dans la chambre de Mac Kregor, et je leur ai dit : “les gars, je veux bosser avec vous, je veux vous signer, vous êtes forts !”. J'ai dit à mes gars de Première Classe : “ces gars, c'est l'avenir du peu-ra, faut les signer !”.

Ben-J : On a tout de suite accroché : ils avaient le feu. Ça correspondait à ce qu'on voulait mettre en avant, le rap français haute fidélité. Ils étaient dans la lignée d'Ärsenik, de Lunatic. Le rap qui nous faisait vibrer. Nous, ça nous faisait du bien, parce que beaucoup de rappeurs étaient venus nous voir, mais on n'avait pas eu de coup de cœur. Mais quand on a entendu L'Skadrille et Tandem, c'était ce qu'on cherchait.

Mac Tyer : À l’époque on ne connaissait personne dans la musique, on ne savait pas comment sortir des trucs. À ce moment-là on faisait plein de compilations : Première Classe Vol. 2, Cut Killer Show 2, Sachons Dire Non II. On était en vogue, et c’était un honneur que Première Classe nous appelle. Le label avait émergé de fou quand j’étais en prison. On se demandait “est-ce qu’on va aller chez IV My People ? Chez Première Classe ?”. Pit avait été convaincant, on s’entendait très très bien.

Stéphane : Du fait que Mac Tyer est camerounais, ça s'est fait naturellement. C'est aussi pour ça que leur premier projet est sorti chez Hostile en distribution.

Mac Tyer : On avait déjà enregistré notre EP de notre côté en famille avec Kilomaître, avant de signer chez Première Classe. Le plus ancien titre de Tandem, c’est “Imagine” - qui avait été enregistré le même jour que “Sport de sang”. C’est pour ça que c’est un morceau avec des rimes à la fin ; les rimes internes, c’est quelque chose que j’ai développé plus tard. Le morceau le plus récent, c’était “Les Maux”, le solo de Mac Kregor. À l’époque, on voulait se faire remarquer dans le game, on était radical. On voulait que les gens reconnaissent notre talent. On avait vingt ans, les gens pensaient qu’on en avait déjà trente. On avait une façon d’aborder les choses dans le rap qui n’était pas commune. On était éduqués par Chill et Lino, et on voulait montrer qu’on pouvait être plus forts qu’eux. C’étaient ça nos références.

Patrick : Mac Tyer et Mac Kregor étaient des jeunes artistes hyper talentueux, qui avaient juste besoin d'avoir le bon canevas pour délivrer des trucs presque excellents.

Ben-J : Les deux EPs, de Tandem et l'Skadrille, nous ont coûté beaucoup d'argent, parce qu'on les a sortis en distribution. On avait l'habitude de faire des grosses sorties, mais c'était en maison de disques. Là, on a fait les mêmes dépenses, mais en indépendant : marketing, affichage, pub. Et ça, ça sortait de notre poche.

Patrick : C'étaient des artistes en développement, on savait très bien qu'on n'avait pas besoin de vendre beaucoup pour faire un retour sur investissement. Les disques précédents étaient des disques en licence, avec beaucoup de moyens. Sur des artistes comme ça, Benjamin Chulvanij n'y croyait pas du tout. Tandem sortaient de nulle part, et encore jusqu’à aujourd'hui, ils n'ont pas eu de gros succès commerciaux. Mais on a tenté le coup, on a distribué. Chronowax pour L'SKadrille, EMI pour Tandem.

Stéphane : Ça nous a plombés. Benjamin Chulvanij m'avait dit : "t'es producteur indépendant ? Ok, je te distribue, mais je ne t'avance rien. Tu paies tout, ta SDRM [NDLR : Société pour l'administration du droit de reproduction, qui gère les autorisations pour les productions d'oeuvres musicales]. Tu vas apprendre." Nous, bêtement, sans savoir ce qu'était la vraie distribution, ça nous a coûté bonbon. Quand ensuite les groupes ont voulu plus d'investissement, plus de clips... on était asphyxiés.

Mac Tyer : On était déjà contents que notre premier projet sorte. On était déterminés : pour nous, l’EP était une première étape. On pensait qu’on allait créer des grandes choses ensemble, on était dans la même vision des choses. C’est par la suite que ça s’est corsé.

13Or : On ne connaissait pas les méandres de la production. En signant chez Première Classe, distribué par Hostile, donc EMI, on se disait qu'il y aurait de gros moyens. Mais là on a sorti un projet en autoproduction, distribué chez Chronowax. Dans nos têtes de minots, on s'attendait à une vraie exposition, une grosse promo. Alors qu'ils ont fait comme ils ont pu.

Mac Tyer : Avec Tandem, on s’est retrouvés sans pouvoir sortir de projets pendant deux ou trois ans. Alors qu’on était proches d’un groupe comme Sniper, dont on voyait les albums sortir. On ne comprenait pas d’où venait le problème - jusqu’à aujourd’hui, je n’ai jamais su. Et puis nous, on était toujours des mecs de la rue, donc à un moment on prenait la musique au sérieux, à un autre moment non.

13Or : Aujourd'hui je comprends ce qu'il s'est passé, mais à l'époque on ne comprenait pas les enjeux. Ça a créé de la frustration, on était pressés. Pour nous, le cheminement était simple : on devait sortir un album l'année suivante, avec des clips, et un disque d'or. Mais on ignorait qu'il fallait démarcher pour trouver une licence ou un co-producteur.

Stéphane : Ça a été difficile sur la fin avec L'Skadrille. Il n'y avait pas le succès, on a eu des difficultés à trouver un deal, le groupe a eu l'impression d'être délaissé, alors que les Neg'Marrons vendaient beaucoup d'albums. Inconsciemment, ils ont dû se dire “ils s'en foutent de nous”. Les mecs des bureaux ne sont pas dans l'artistique ou dans l'affect, mais dans les chiffres : on a sorti de l'argent, il faut sortir un projet. Les artistes du label, eux, sont des grands frères et en même temps des stars, ils ont peut-être moins de temps. Ça a créé des difficultés.

13Or : Ça a changé notre relation avec certains mecs de Première Classe. Pas tous. Peut-être que certains arrivaient à mieux prendre le temps de nous expliquer les choses. C'est de l'humain : tu ne peux pas t'entendre avec tout le monde de la même manière.

Jacky : Il y a eu quelques discordes, parce que quand tu es producteur et artiste, l'artiste en face te voit plus comme le producteur, et se dit que tu vas pas défendre totalement ses intérêts.

13Or : On a commencé à travailler dans une optique d'album, on enregistrait des titres. Mais la frustration créée par Dangereux 2001 nous a fait dire que ce qu'ils ont fait, on pouvait le faire tout seul. Ils ont été compréhensifs. On avait des contrats de prod et d'édition, mais ils nous ont dit qu'on pouvait partir.

Arnaud Fraisse : Tandem, ça ne pouvait pas passer à la radio, c'était complexe à promouvoir. Difficile à imposer en images, alors qu'ils avaient une super cote. L'Skadrille, c'était plus cool, mais ça manquait peut-être d'épaisseur. Chacun avait son petit défaut. À partir du moment où Benjamin Chulvanij et Laurent Bounneau n'y croyaient pas, c'était compliqué. Tu avais très peu d'alternative. Sinon, c'était le succès d'estime. Mais Première Classe n'était pas calibré pour ça.

Ben-J : Tandem, ça a été compliqué de trouver un deal. L'album C'est toujours pour ceux qui savent [NDLR : sorti en 2005] a été enregistré chez nous à 90%, puis Kilomaitre a récupéré le business. Les maisons de disque nous disaient que c'était trop dur, trop hardcore. Je pense qu'à cause de ça, un certain temps s'est écoulé, et les mecs ont peut-être été déçus. Mais on ne pouvait pas refaire l'album en distribution comme le EP, c'était trop coûteux.

Patrick : Il y a eu pas mal d'embrouilles, on s'est pris la tête. Il y avait pas mal d'artistes qui avaient du succès, qui entraient en radio, ce qui n'était pas leur cas. En signant chez nous, tu te disais peut-être “j'vais briller tout de suite”. Et quand tu voyais que ça ne brillait pas, tu te disais que c'était un boycott. Alors que ce n'était pas le cas ! Ce n'était juste pas évident de développer ces artistes-là. L'album de Pit était ouvert. Mais leurs projets, non. “Mon Rap” de L'Skadrille, c'était musicalement ouvert, mais dur dans le propos. Tandem, c'était hardcore.

L'Skadrille - "Mon rap" (2001)

Neg Marrons, Pit Baccardi, Rohff & Mystik - "On fait les choses" (1999)

Jacky : Le rap de Tandem était hardcore, technique, et compliqué, pour l'époque. Dans leur style, ils étaient avant-gardistes, ils n'étaient pas dans les clous.

Patrick : Mais leur EP était tellement fort musicalement, que ça a tout de suite pris. La qualité de cet EP a fait qu'ils ont gagné le respect qu'ils ont encore aujourd'hui. Et puis en freestyle, ils brûlaient les instrus. Sans rimes ! Ils utilisaient des mots pas communs non plus dans le rap français. Et tout ça avec du groove.

Stéphane : J'étais indirectement impliqué dans Tandem. On avait fait une distribution chez Hostile pour Ceux qui le savent m'écoutent. Je voulais les faire signer chez Hostile. Mais c'était soit Tandem, soit Intouchables. Benjamin Chulvanij n'était pas intéressé par Tandem : il avait Ärsenik, et beaucoup de gens disaient que Tandem y ressemblait un peu. Intouchables avaient un titre énorme avec Tonton David [NDLR : “La Gagne”, sur l'album La Vie de rêve, sorti en 2005], donc on les a signés. Mais du coup, quand je suis arrivé chez Because, j'ai ramené Tandem, Noyau Dur, et Neg'Marrons. C'est ensuite parti en fumée entre nous tous, Tandem, l'équipe de Kilomaitre, et nous, donc on n'a jamais fait l'album chez Première Classe.

Mac Tyer : Ludo de la compilation Fat Taf était venu me voir dans ma cité en me disant “je vais faire une compilation, il faut que vous posiez. So, tu ne peux pas arrêter, vous êtes encore jeunes”. On a donc fait un morceau qui est devenu le single de sa compil [NDLR : “Rap Sauvage”]. C’est là que ça a repris. Au même moment, Kregor avait créé Hematom Concept. On s’est chargé de récupérer le contrat pour continuer notre vie.

Stéphane : L'Skadrille, on a aussi sorti leur premier EP, mais ensuite ça n'a pas marché. Moi étant chez Hostile, Patou se retrouvant tout seul, les Neg'Marrons et Pit dans leurs carrières, les uns en plein succès, les autres en plein doute... Je pense que toute cette situation a créé une fracture avec nos groupes en développement.

Mac Tyer : Je ne retiens que des bonnes choses finalement. J’ai recroisé Pit il n’y a pas très longtemps, je croise Stéphane très souvent aussi. Je me souviens comment Pit croyait en nous, c’était grave positif. Aujourd’hui, on se respecte tous. On s’est entre-éduqués : eux en tant que jeunes patrons, nous en tant que jeunes artistes. Parce que j’avais mon caractère, ce n’était pas facile de me faire entendre raison.

13Or : Ça reste quand même un bilan très positif. Ce que ces mecs nous ont apporté nous a permis de construire ce qu'on a fait après. En 2003, sur la mixtape Extazik, qu’on a sorti chez Funky Maestro [NDLR : label de DJ Poska, Franky Montana et Tecnik], il y a des morceaux qui datent de l'époque de Première Classe : “Dis aux majors” avec Tandem et “Le Fabuleux destin”. Puis on a fait l'album Nos vies. La tournée avec 113, même l'Indépendance tour [NDLR : tournée qui a réuni Sinik, Tandem et L'Skadrille, en 2005], indirectement, c'est Première Classe qui est derrière ça. Sans ça, on n'aurait peut-être jamais connu Tandem. Il n'y a pas de mauvaise expérience : il faut apprendre.

Mac Tyer : Ça a forgé ma conviction sur l’indépendance. Mon histoire, je l’ai écrite moi-même, au final. Elle n’a pas été conjuguée avec des gens. Mais ce qu’ils ont fait dans la musique, ça m’a été transmis, et j’ai réitéré : ils ont fait leurs compilations, et de mon côté j’ai fait Patrimoine du ghetto, Mac Kregor a fait les siennes avec Hematom. On était, nous aussi, fédérateurs.

5ème partie

5ème partie

5ème partie

5ème partie

5ème partie

La PÉRIODE

LA PÉRIODE

LA PÉRIODE

LA PÉRIODE

LA PÉRIODE

DES DOUTES

DES DOUTES

DES DOUTES

DES DOUTES

DES DOUTES

Parallèlement au développement chahuté de leurs nouveaux talents, Pit Baccardi a dû, lui aussi, se lancer dans le défi du deuxième album. Une période pendant laquelle le label a aussi cherché à se diversifier… Quitte à briser son image de label de “rap français haute fidélité”.

Pit : Avec Ghetto Ambianceur, et le featuring avec Joe, on a eu un gros succès radiophonique, mais pas commercial. Je n'avais pas l'attitude. Par exemple, je n'ai pas de clips à part “Si loin de toi” sur mon premier album. Normalement, un artiste casse les couilles : “et mon clip ?”. Moi, j'étais distant, poli. Benjamin Chulvanij me le reprochait, et disait aux autres : “votre gars est bon, mais il n'ira jamais loin”. Il me manquait une arrogance qui me permettrait d'avancer. J'avais du bif, je flambais, mais c'était de l'arrogance de fait. Donc on a commencé à me dire “on s'est trompés : toi, c'est “Si loin de toi” ”. Comme mon caractère n'était pas encore affirmé, je me suis dit que j'étais un artiste mélancolique.

Steph : Après le tube “Si loin de toi” et son côté crooner, posé, on est trop partis sur cette ambiance pour son deuxième album, Le Poids des maux. On s'est éloignés de notre amour du rap. Je pense qu'on a voulu être trop en avance, et quand t'es trop en avance, t'es en retard, parce que les gens ne te suivent pas ! Appelons un chat un chat : on s'est trompés dans la direction artistique. C'est pas un mauvais disque, il est très bien produit, mais les gens ne voulaient pas ça de Pit. On a été moins spontanés, on a trop calculé.

Ben-J : Sur Le Poids des maux, j'étais plus là en tant que producteur, via le label. C'était Jacky le réalisateur. Artistiquement, je me suis moins impliqué.

Jacky : Au fil du temps, Pit et moi, on a créé une alchimie dans notre manière de travailler. Il aimait l'énergie que je lui apportais en studio. C'est pour ça qu'on a beaucoup collaboré ensemble : “Où sont passés les beaux jours”, “Arrête 2 Mentir” sur Les Liaisons dangereuses... On avait même parlé de faire un album ensemble. C'est pour ça que j'étais proche dans la réalisation de l'album Le Poids des maux. Pit, je voulais à chaque fois le pousser. Mon but, c'était de le sortir de sa zone de confort. On n'a pas eu de problème, il me faisait confiance, et avait besoin que je sois là quand on était en studio. On avait un bon équilibre ensemble.

Ben-J : Pit avait aussi besoin d'autonomie. Il a toujours eu l'impression que son premier album n'était pas son bébé à lui. Quelque part, pour le deuxième, il a voulu être autonome, et c'est tout à son honneur.

Jacky : Il voulait se livrer un peu plus. C'était même pas réfléchi : il avait juste besoin d'en dire plus sur lui, se lâcher personnellement. C'est ce qui a donné des morceaux comme “Requiem”.

Patrick : Il n'était pas bien, ça se ressent dans son écriture. C'est un album qui est un peu triste, c'est l'état d'esprit dans lequel il était. C'était un disque mature pour son âge, mais du coup, c'était pas un disque comme ça qu'il aurait fallu sortir. Les gens ne comprenaient pas.

Pit : The Blueprint de Jay-Z m'a personnellement bouleversé. Et pour développer l'album, j'ai travaillé sur une logique d'acoustique. Mais c'était trop tôt. Quand Jay-Z fait cet album et la version acoustique [NDLR : MTV Unplugged, avec The Roots], il y a tout une dynamique, le public est avisé. Mais moi, ce n'est que mon deuxième album. Je dois encore kicker, être dans la rue. Je voulais trop me démarquer, mais il n'y avait pas besoin : il fallait juste que je fasse des albums de rap, dans la logique de Time Bomb et Secteur Ä. Bon rap, bon clip, bon show, point.

Steph : The Blueprint nous a bousillés : on s'est dit qu'il fallait qu'on aille dans cette direction, mais le public n'était pas là dedans. Le single “Enfant du ghetto” a bien tourné, mais l'album a moins bien marché que le premier.

Pit Baccardi, Jacky Brown - "Enfants du ghetto" (2002)

Neg Marrons, Pit Baccardi, Rohff & Mystik - "On fait les choses" (1999)

Pit : J'ai quand même vendu 60.000 albums, ce qui n'est pas un échec de ouf, mais comme on était dans des logiques de disque d'or, c'est raté. C'est un bon album pourtant, avec du recul. Mais ce n'est pas celui-là qu'il fallait sortir.

Ben-J : Pour moi c'est un très bon disque, mais trop en avance. Il y a des prods de cet album qui sont incroyables. Gros travail de Finger et d'Yvan [NDLR : producteur du groupe suisse Double Pact], très influencés par The Blueprint. Les gens avaient peut-être envie d'entendre du rap français pur, comme son premier album. Un beat, une basse, un sample, et l'artiste fait le reste. Sur Le Poids des maux, c'était plus à l'américaine au niveau son, plus de musicalité. Alors qu'à la même époque arrivent des Sniper, des Sinik, du pur rap français.

Jacky : Il n'y a pas qu'un seul facteur ou paramètre qui explique qu'un album marche ou non. Peut-être qu'à ce moment-là le public n'était pas prêt à écouter du Baccardi plus personnel, mais c'est ce qu'il avait besoin d'écrire à ce moment-là. Quand on a fait “Ghetto ambianceur” avec Joe, on avait envie de le sortir de l'image mélancolique de “Si loin de toi”. Ça a fonctionné, mais ce n'était pas ce que les gens préféraient de Pit. Peut-être parce que “Si loin de toi” avait pris tellement de place, que c'était compliqué de le détacher de ça. Et même lui se dit que “Ghetto ambianceur” ce n'est pas un morceau qui lui correspond totalement. Du coup il est reparti dans le délire personnel et intimiste. Et on en était satisfaits à ce moment là.

Djimi Finger : C'est facile de dire “il s'est trompé” quand le disque passe à côté des ventes. Il a été au bout d'un choix artistique. Peut-être que qu'à ce moment-là, son auditoire n'était plus en phase. S'il avait vendu un million, on aurait dit quoi ? C'est le même disque !

Pit : J'ai aussi pensé Le Poids des maux pour les mauvaises raisons : financières. Je claquais mes tunes, et je savais qu'il me fallait des avances. Première Classe m'avait donné 500.000 francs d'avance, mais il fallait que je rende l'album. Donc l'énergie de base n'était pas bonne. Au moment de Première Classe Volume 2, je me prenais pour une reusta de ouf, je me la racontais. Ça ne pouvait pas se passer autrement : j'avais le million sur le compte en banque. C'était comme ça, c'était difficile de garder les pieds sur terre.

Stéphane : Il n'y a jamais eu de problème d'argent avec Pit, c'était notre ami. Mais il avait la vingtaine, avait vendu des milliers de disques et de singles, était dans le Secteur Ä. Avant, il était un peu sur le côté chez Time Bomb, parce que Lunatic et Oxmo, c'était gros. Il avait réussi à arriver numéro un alors qu'Oxmo n'avait pas marché comme prévu, Booba était en prison. Il a tout raflé, les émissions sur M6, et tout ce qui s'ensuit. Je peux comprendre qu'à un moment, tu vrilles un peu. Aujourd'hui j'ai 42 ans, je peux comprendre ça. Il faut vraiment être très fort pour ne pas vriller quand tu passes de 10 francs à 1 million.

Patrick : À l'époque, il a 21 ans, il ne partait de rien, et du jour au lendemain, il prenait des chèques de 50, 100 ou 300 mille francs. Il pouvait entrer chez Mercedes acheter une voiture ! Tout ça a fait qu'il a pris la grosse tête. Donc dès fois on lui disait “mec, reviens sur terre”, et il n'écoutait pas toujours !

Stéphane : Mais pour moi, il n'a même pas vraiment vrillé, parce que d'autres sont devenus vraiment fous à cause de ça. Ça a juste été un apprentissage : il a dépensé avant de comprendre que l'argent ça s'investit.

Patrick : On était très jeunes, on n’avait pas assez de recul. Aujourd'hui, j'ai 40 ans, une vie de famille. Quand tu as 20 ans, tu penses à autre chose. Tu fais du fric, tu vas boire des verres en Espagne, c'est pas pareil.

Stéphane : Avec son premier album, qui a marché tout de suite grâce à “On lâchera pas l'affaire” et “Si loin de toi”, on n'a pas eu de problème. Mais sur le deuxième, la difficulté c'est qu'on a essayé de lui dire “tu devrais être comme ci, comme ça”. C'étaient des discussions plus marquées sur le marketing. Comme on s'est plantés dans les ventes, on s'est remis en cause sur le fait de ne pas avoir été dans le rap, le caractère, le côté mec du 19e arrondisement qui a vendu un peu de drogues, sans être son étendard. C'est toujours dans la défaite qu'on voit les défauts de son gardien et de ses défenseurs.

Le succès te donne l'impression d'être seul. Le succès fragilise.

Le succès te donne l'impression d'être seul. Le succès fragilise.

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Pit Baccardi

Pit : On a toujours eu des rapports de frères avec les gars. À ce moment-là, ils n'étaient pas contents de mon attitude. Avec Hostile, c'était différent, parce que c'était professionnel. Benjamin Chulvanij m'a rendu mon contrat, parce que je n'étais pas au devant des choses aussi, je ne défendais pas mon bifteck. Chulvanij aime les figures marquantes, il vient du rock. Il n'aime pas les mecs polis, il préfère les grandes gueules. Il aurait fallu que je change mon caractère, trouver en moi ce qu'il y avait de rock'n'roll.

Patrick : On mettait beaucoup d'investissements sur lui, et quand on a vu les chiffres que ça ramenait... Les mecs de l'industrie du disque ne sont pas des philanthropes. “Vous nous devez déjà beaucoup d'argent : c'est comment ? On va arrêter les frais”. Ils ont rendu le contrat de Pit, direct. Et c'était un gros contrat qu'il avait chez Hostile, avec des grosses avances. C'était une locomotive de la société Première Classe. Dès l'instant où on n'avait plus les avances, où il ne vendait pas de disques pour recouper ces avances, forcément, ça a fait effet boule de neige. On avait des frais de structures, des salariés...

Stéphane : C'était un avantage et un inconvénient pour moi d'être à la fois Première Classe et Hostile. Comme quand au moment d’évoquer un troisième album, Benjamin Chulvanij a rendu le contrat de Pit. Pit est mon ami, et quand on est dans un truc de business, où il faut rendre des contrats, c'est très difficile. Aujourd'hui, je comprends, c'est la loi de la vie, c'est normal. Mais il y avait cette difficulté de faire du business avec ses amis.

Pit : Le succès te donne l'impression d'être seul. Le succès fragilise. Tout le monde te connait, tu n'as plus de garde fou, tu ne sais plus comment gérer ton intimité, parce que tu n'en as plus. Tu ne sais pas si une meuf veut être avec toi pour le bif ou si elle t'aime vraiment. Tu commences à douter des gars qui étaient avec toi au début. T'es fragile, ça crée un sentiment de solitude.

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Pit Baccardi (1999) © Philippe Hamon

Stéphane : En maison de disques, il y a parfois des périodes de crise, où il faut économiser. Il y a aussi eu la période de fusion de Hostile avec EMI. Et puis on était dans un flou artistique avec Pit. Si on avait tout de suite enchaîné avec un nouvel album, des nouvelles chansons, ça aurait pu convaincre tout le monde. Mais l'échec a mis Pit et nous en questionnement. On s'est posé trop de questions, on n'a pas eu la force mentale de se dire : “on a raté un album, ça peut arriver d'avoir un mauvais choix artistique, ça ne veut pas dire qu'on est mauvais, que Pit est mauvais”. On a laissé un trop grand laps de temps à rebondir. C'est là que Benjamin Chulvanij s'est peut-être dit “il ne se passe rien, autant passer à autre chose”.

Ben-J : Rapidement, après Pit et en même temps qu’on bossait Tandem et L'Skadrille, j'ai eu aussi envie de travailler une chanteuse. J'ai toujours eu une ouverture musicale. Les gars n'étaient pas contre. Il n'y a pas eu particulièrement de divergences artistiques, juste des personnalités et des envies qui commencent à s'affirmer. Et c'est plus un avantage qu'autre chose, ça permet de diversifier le label. C'est plutôt un atout.

Stéphane : Ben-J avait une très grosse sensibilité r'n'b, que nous avions très peu. Comme c'est un bon D.A., il a des idées, et va au bout.

Patrick : La femme de mon cousin était amie avec une jolie fille, qui chantait bien. Je l'ai rencontrée avec Ben-J, elle est venue avec ses morceaux. On a trouvé ça pas mal.

Ben-J : Elle nous a ramené quelques titres. J'ai tout de suite aimé la voix, et la fille était mignonne : c'était Jalane. On a commencé à bosser des maquettes.

Patrick : Plus tard, on s'est retrouvés à une convention EMI, en Corse. On a fait écouter les démos de Jalane à la femme d'Akhenaton. Elle a trouvé ça intéressant, parce qu'ils avaient le projet de réaliser la B.O. de Taxi 2, pour laquelle ils voulaient faire un groupe. Et ils cherchaient une artiste. Et donc, la femme d'Akhenaton a voulu Jalane. On en a parlé avec elle, en lui disant qu'ensuite on produirait son disque. Elle a dit oui naturellement : elle était secrétaire chez TPS, ou un truc comme ça, un truc de télé. C'était une opportunité qu'elle ne pouvait pas ne pas saisir. Elle est partie à Marseille pour One Shot. Elle a eu même un single avec Disiz [NDLR : “Lettre ouverte”].

Ben-J : Je voulais qu'elle signe chez Hostile, notre partenaire. Mais Benjamin Chulvanij, nous a dit “non, ça ne marchera jamais”. Je lui ai répondu : “mais elle sort de ton projet One Shot, vous en avez vendu 300.000 !”. Mais il insistait : “le r'n'b, ça ne prend pas en France”. J'ai donc été voir mon partenaire d'origine, Thierry Chassagne, qui a signé Neg'Marrons chez Sony. Je lui ai fait écouter les maquettes, dont “Femmes”, et sans chipoter, il m'a dit “ça, c'est un single”.

Patrick : Toute de suite dans la foulée, on a enregistré le disque. Diam's lui a écrit une chanson. On voulait même créer un groupe : Jalane, Chyna, K-Reen, “J-C-K”.

Ben-J : On a vendu 300.000 albums de Jalane. Et son album a été une des plus grosses opérations de Première Classe.

Patrick : De tout ce qu'on a fait, c'est le truc qui nous a fait gagner le plus d'argent. Pour un label de rap français haute fidélité, c'est marrant.

Stéphane : En maison de disques, il y a parfois des périodes de crise, où il faut économiser. Il y a aussi eu la période de fusion de Hostile avec EMI. Et puis on était dans un flou artistique avec Pit. Si on avait tout de suite enchaîné avec un nouvel album, des nouvelles chansons, ça aurait pu convaincre tout le monde. Mais l'échec a mis Pit et nous en questionnement. On s'est posé trop de questions, on n'a pas eu la force mentale de se dire : “on a raté un album, ça peut arriver d'avoir un mauvais choix artistique, ça ne veut pas dire qu'on est mauvais, que Pit est mauvais”. On a laissé un trop grand laps de temps à rebondir. C'est là que Benjamin Chulvanij s'est peut-être dit “il ne se passe rien, autant passer à autre chose”.

Ben-J : Rapidement, après Pit et en même temps qu’on bossait Tandem et L'Skadrille, j'ai eu aussi envie de travailler une chanteuse. J'ai toujours eu une ouverture musicale. Les gars n'étaient pas contre. Il n'y a pas eu particulièrement de divergences artistiques, juste des personnalités et des envies qui commencent à s'affirmer. Et c'est plus un avantage qu'autre chose, ça permet de diversifier le label. C'est plutôt un atout.

Stéphane : Ben-J avait une très grosse sensibilité r'n'b, que nous avions très peu. Comme c'est un bon D.A., il a des idées, et va au bout.

Patrick : La femme de mon cousin était amie avec une jolie fille, qui chantait bien. Je l'ai rencontrée avec Ben-J, elle est venue avec ses morceaux. On a trouvé ça pas mal.

Ben-J : Elle nous a ramené quelques titres. J'ai tout de suite aimé la voix, et la fille était mignonne : c'était Jalane. On a commencé à bosser des maquettes.

Patrick : Plus tard, on s'est retrouvés à une convention EMI, en Corse. On a fait écouter les démos de Jalane à la femme d'Akhenaton. Elle a trouvé ça intéressant, parce qu'ils avaient le projet de réaliser la B.O. de Taxi 2, pour laquelle ils voulaient faire un groupe. Et ils cherchaient une artiste. Et donc, la femme d'Akhenaton a voulu Jalane. On en a parlé avec elle, en lui disant qu'ensuite on produirait son disque. Elle a dit oui naturellement : elle était secrétaire chez TPS, ou un truc comme ça, un truc de télé. C'était une opportunité qu'elle ne pouvait pas ne pas saisir. Elle est partie à Marseille pour One Shot. Elle a eu même un single avec Disiz [NDLR : “Lettre ouverte”].

Ben-J : Je voulais qu'elle signe chez Hostile, notre partenaire. Mais Benjamin Chulvanij, nous a dit “non, ça ne marchera jamais”. Je lui ai répondu : “mais elle sort de ton projet One Shot, vous en avez vendu 300.000 !”. Mais il insistait : “le r'n'b, ça ne prend pas en France”. J'ai donc été voir mon partenaire d'origine, Thierry Chassagne, qui a signé Neg'Marrons chez Sony. Je lui ai fait écouter les maquettes, dont “Femmes”, et sans chipoter, il m'a dit “ça, c'est un single”.

Patrick : Toute de suite dans la foulée, on a enregistré le disque. Diam's lui a écrit une chanson. On voulait même créer un groupe : Jalane, Chyna, K-Reen, “J-C-K”.

Ben-J : On a vendu 300.000 albums de Jalane. Et son album a été une des plus grosses opérations de Première Classe.

Patrick : De tout ce qu'on a fait, c'est le truc qui nous a fait gagner le plus d'argent. Pour un label de rap français haute fidélité, c'est marrant.

Jalane - "Ma musique" (2001)

Neg Marrons, Pit Baccardi, Rohff & Mystik - "On fait les choses" (1999)

Stéphane : Jalane, c'était une opportunité artistique, et ça l'a fait. On a fait un beau deal avec Sony/Epic. Elle a été disque d'or, on a ensuite revendu son contrat, ça a été un super plan. Mais c'est vrai que le studio, le suivi artistique, c'était Ben-J.

Jacky : Le r'n'b, ça me parle beaucoup moins, ce n'est pas quelque chose que je kiffe vraiment. Mais Ben-J, c'est son truc. Il a découvert Jalane, il l'a développée, c'était son bébé.

Ben-J : On a sorti l'album de Jalane en 2002. Tout le monde n'était pas impliqué : c'est surtout moi qui bossais avec notre petit, Francky Cutlass.

[NDLR : malgré nos sollicitations, Jalane n’a pas répondu à nos demandes d’interview]

Jacky : Tout le monde était là, donnait son avis sur ces projets, mais Ben-J avait carte blanche, surtout sur Jalane. On voulait s'essayer à beaucoup de choses. Si le temps l'avait permis, on aurait peut-être produit une compilation de reggae, ou développé un artiste reggae / hip-hop.

Ben-J : On a enchaîné sur une compilation r'n'b, parce qu'il y avait une scène émergente : Singuila, Vitaa, Lynnsha, Cameron et des artistes qui étaient là avant, comme Assia, Wallen, ou K-Reen. L'idée était bonne, le projet était bon, encore aujourd'hui, c'est bien produit. Mais le business a pris le pas. Assia était dans le projet, qui était signé chez Hostile. Le label voulait absolument sortir son titre en premier single, parce que c'était leur artiste. Alors qu'on avait potentiellement des gros singles comme celui de Vitaa, “Ma soeur”, qui est sorti après et a été un carton. L'exploitation du projet ne s'est pas faite comme on voulait.

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Vitaa - "Ma Soeur" (2007)

Neg Marrons, Pit Baccardi, Rohff & Mystik - "On fait les choses" (1999)

Patrick : On se disait que le r'n'b était une musique qui pouvait parler à un panel plus large de personnes. On voulait grandir, faire du business. Après, pour moi, ce disque est réussi, il y a de bonnes chansons, comme celle de Wallen. Mais peut-être que le public ne s'attendait pas à ce qu'on fasse un truc comme ça. On n'a peut-être pas su chercher le public pour ce type de musique.

Ben-J : Pas de regret : c'était une compilation, ça ne mettait pas en jeu la carrière de qui que ce soit. Mon objectif était que ce projet existe. Après, il fallait que commercialement on retombe sur nos pattes, ce qui n'a pas été le cas avec cette compilation. On a perdu un peu de sous dessus, même si on n'a pas pris de gros risques non plus.

Stéphane : Je pense qu'on pensait trop à un système américain où P.Diddy pouvait produire Biggie et 112. En France, c'était compliqué de se dire que Première Classe, qui a fait cette compilation de rap que tout le monde a écouté, a fait un album r'n'b. C'était pas dans un bon timing, on aurait dû enchaîner avec Première Classe Volume 3, produire un groupe de rap. La marque n'était pas assez installée, et les gens n'étaient pas assez ouverts au mélange des styles. Si t'es Matt, “R&B 2 Rue”, t'es pas Booba. C'était scindé. On s'est trompés, on voulait appliquer un truc américain ici, dans un mauvais timing. C'est comme Booba avec 0.9, ou Mac Tyer avec Le Général. Ça a été influent, mais ça n'a pas aussi bien marché commercialement. Sur Première Classe (Les Sessions R&B), il y avait Jalane, Vitaa, avec “Ma sœur”, un de ses plus grands titres... mais c'était trop tôt.

Pit : On a commencé à avoir des directions différentes. Ben-J voulait faire du r'n'b, je ne voulais pas. On a commencé à faire de la musique cainf, mais est-ce qu'on était prêts ? Est-ce que c'était l'image du label ? Les différents échecs nous ont fait douter. Et quand tu doutes et que t'as pas les bases solides, tu n'as plus de vision claire. Tu fais tout et n'importe quoi.

6ème partie

6ème partie

6ème partie

6ème partie

6ème partie

De l’échec PC3

DE L'ÉCHEC PC3

DE L'ÉCHEC PC3

DE L'ÉCHEC PC3

DE L'ÉCHEC PC3

au baroud d’honneur

AU BAROUD D'HONNEUR

AU BAROUD D'HONNEUR

AU BAROUD D'HONNEUR

AU BAROUD D'HONNEUR

Noyau dur

NOYAU DUR

NOYAU DUR

NOYAU DUR

NOYAU DUR

abcdrduson-premiere-classe-pit-baccardi-lino-ben-j-studio-1999

Pit, Lino et Ben-J en studio (1999) © Philippe Hamon

Au milieu des années 2000, le label est érodé. Les débats sur les directions à prendre, les doutes suite aux semi-échecs subis par le label, mais aussi les évolutions professionnelles de chacun ont eu raison de la dynamique unie qui a porté Première Classe. Deux projets, l’un avorté, l’autre inespéré, vont pourtant rallumer, une dernière fois, la flamme PC.

Au milieu des années 2000, le label est érodé. Les débats sur les directions à prendre, les doutes suite aux semi-échecs subis par le label, mais aussi les évolutions professionnelles de chacun ont eu raison de la dynamique unie qui a porté Première Classe. Deux projets, l’un avorté, l’autre inespéré, vont pourtant rallumer, une dernière fois, la flamme PC.

Ben-J : Vers 2004, on était chacun de notre côté. Pit avait travaillé une mixtape [NDLR : Classic Mixtape, avec DJ Poska], Stéphane était très impliqué chez Hostile, avec les projets de Rohff et de Diam's. On avait moins de temps pour se voir.

Stéphane : Après Première Classe (Les Sessions R&B), on était en désaccords artistiques, dans le bad sur les ventes d'albums. Du coup, j'ai dit que je préférais me concentrer sur Hostile.

Patrick : Je vivais déjà à moitié au Cameroun. J'y allais tout le temps. Déjà les années d'avant, j'y avais organisé des concerts de Neg'Marrons et de Pit, et à chaque fois, ça fonctionnait plutôt bien. Je me suis dit : “pourquoi je reste en France, alors qu'ici les gens veulent bosser avec moi ? Autant rester là pour organiser des concerts”. Les gros artistes nigérians qui marchent maintenant, Wizkid, Davido, je les ai fait venir il y a super longtemps au Cameroun ! Youssoupha, Sexion d'Assaut... J'ai fait pas mal de concerts à Douala et Yaoundé.

Arnaud Fraisse : Il y a eu trois compilations, et finalement pas tant d'albums que ça. Il n'y avait pas d'identité Première Classe en tant que telle - à part le son de Djimi Finger. Même le son B.O.S.S. et IV My People était beaucoup plus identifié par exemple. Ils n'ont pas trouvé ni un producteur identifié, ni un roster pour faire une tournée. C'étaient de beaux projets bien faits, au-delà de l'artisanat, mais il n'y avait pas d'attachement au label, qui est resté un petit frère de Secteur Ä. Pit avait les épaules pour être le leader de Première Classe. Pas Ben-J et Jacky, qui étaient déjà affiliés à Secteur Ä, et Bisso Na Bisso aussi pour Ben-J. Il n'y a pas eu de morceaux Pit/Tandem/L'Skadrille. C'était dur à identifier : chaque projet ne nourrissait pas le suivant.

Pit : Il n'y avait plus la même dynamique de départ, chacun était dans son coin. On a commencé à travailler sur un troisième projet avec Oumar, producteur et manager de Dosseh.

Oumar Samaké : J'avais rencontré Pit via Marginal Sösa, qui faisait partie des Rongeurs. C'était après Première Classe Volume 2. Il y avait eu un bon feeling. J'avais commencé à bosser avec lui en réalisant tous les morceaux inédits de sa Classic Mixtape. Donc très vite j'ai rencontré les autres membres du label, on a bossé ensemble sur plein de choses. Après Première Classe Volume 2, ça s'était calmé un peu chez Première Classe, donc j'arrivais en voulant apporter une dynamique de jeune. L'idée d'un Première Classe Volume 3 est arrivée, portée par Pit et moi. Mais ce n'était pas un projet qui était dans la tête de tout le monde. Ils sortaient d'une génération en fin de cycle et une nouvelle génération de rappeurs arrivait. Je leur montrais les nouveaux artistes qui émergeaient. Comme c'était la troisième compilation, l'idée c'était de faire des trios, trois artistes par morceaux, en amenant la nouvelle génération de cette époque.

Patrick : Il faisait ce que Francky Cutlass faisait avant, il est venu avec la hargne... qu'il a toujours d'ailleurs [rires]. Il contactait les gens, faisait des combinaisons. Et tout de suite, il y a eu cinq ou six titres, excellents. J'aimais pas trop Youssoupha, avant, mais là, il avait fait un couplet mortel. Le Kery James / Lino / Sefyu, c'était une tuerie !

Oumar : Il y avait un titre avec Despo Rutti et Kennedy, il devait y avoir un troisième artiste, mais on ne l'a pas terminé. Il y avait un titre Ol'Kainry / Nubi / Smoker, Youssoupha / James Izmad / Grodash. On travaillait avec Spike Miller, Street Fabulous, Therapy, que j'ai rencontré comme ça, d'ailleurs. Le premier album de Sefyu n'était pas encore sorti. Cannibal Smith produisait le morceau de Lino, Kery James et Sefyu.

Patrick : On a voulu enchaîner, mais on a commencé à entendre des “je rappe pas avec lui”. À l'époque, les mecs n'étaient pas contents quand on les appelait !

Oumar : On voulait faire des combinaisons originales, mais la nouvelle génération était dans une mentalité “j'rappe pas avec lui”, “mets moi avec lui”. Ou encore “vous jouez pas mes morceaux sur Couvre Feu”, ce genre de conneries. Pourtant Jacky a poussé tellement de gens sur Couvre Feu, qu'à un moment, ça n'aurait pas dû être galère pour avoir les mecs. Mais ça l'a été.

Pit : On avait des titres, mais pas de finances et pas de deals. Il n'y avait surtout plus de dynamique : dès qu'il y a un obstacle, on baissait les bras, on n'a pas réussi à les affronter. C'est en tout cas comme ça que je l'ai vécu, on n'a pas su rebondir.

On arrivait au bout d'un cycle. L'esprit du hip-hop n'était plus le même.

On arrivait au bout d'un cycle. L'esprit du hip-hop n'était plus le même.

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Jacky

Stéphane : Je n'étais plus impliqué au moment de Première Classe Volume 3. C'était au moment où j'arrivais chez Because, vers 2005. Avec Emmanuel de Buretel, au début, on s'était dit qu'on allait le faire. Ils ont commencé à nous faire écouter des titres, dont celui avec Lino, Sefyu et Kery. Et puis c'est rentré dans des palabres africaines, ça a pris du temps. Sefyu a repris son couplet, Kery aussi... Ça a désespéré tout le monde. C'était pas facile de se remettre tous ensemble dans un studio, sans l'énergie que t'as à 20 ans, cette humilité d'appeler quatre fois les mecs... Oumar avait cette fraîcheur, Pit n'a pas cet ego là, c'est un bosseur. Et puis les jeunes stars montantes de l'époque, ils devaient nous voir comme des anciens, ce qui était vrai !

Ben-J : C'était décourageant de voir que les egos avaient pris le dessus, que les mecs n'avaient plus l'amour de cette musique, et qu'ils venaient avec un intérêt en tête. Beaucoup essayaient de tirer la couverture de leur côté, en se mettant en valeur selon la personne avec qui ils posaient. Alors que Première Classe avait été fait au contraire pour que tu puisses briller par toi-même. C'était à toi de prouver, de te surpasser. Autant quand on était plus jeunes, on avait la patience, autant après plusieurs années d'expérience, on l'a perdu. Parce qu'on ne voulait pas cirer des pompes à qui que ce soit.

Oumar : J'étais dans l'artistique. Je mettais en place les combinaisons, on choisissait les instrus avec Pit, j'appelais les producteurs, proposais des artistes. J'avais un rôle de D.A.. Moi, j'étais jeune, j'avais la niaque, ça ne me dérangeait pas d'appeler un mec vingt fois à l'époque. Mais eux avaient déjà sorti et vendu des disques. Donc avoir à insister, ça les a vite saoulés, ils ont perdu la motivation. Et Première Classe, c'est leur marque, pas la mienne. Donc à un moment, ils en ont eu ras-le-cul.

Jacky : On arrivait au bout d'un cycle. On avait enregistré de très gros morceaux. Et puis on s'est essoufflés en cours de route. L'esprit du hip-hop n'était plus le même. Contacter les artistes commençait à devenir compliqué. C'est ce qui nous a un peu déçus. Sur Première Classe Volume 1 et Volume 2, les choses se sont faites facilement. Sur le Volume 3, tout est devenu plus dur. Les gars n'étaient plus dans le même état d'esprit. Ça nous a cassé les couilles.

Ben-J : On avait enregistré de très bons titres, entre 2004 et 2005. Sauf qu'on n'a pas été malins. En termes de stratégie, on aurait dû clipper ces titres, sortir un premier maxi et faire ensuite la compilation. Un peu comme pour le premier. Sauf qu'on a voulu faire la compil dans son intégralité, comme la deuxième, et on n'a pas réussi à aller jusqu'au bout.

Stéphane : J'ai même pensé utiliser le titre de Sefyu, Lino et Kery James pour la réédition de Qui Suis-Je ? de Sefyu.

Oumar : Pourtant, les premiers morceaux qu'on a faits, ça a été très rapide, parce que c'était des mecs qui avaient “l'esprit” Première Classe, donc ils étaient chauds. Et en effet, on aurait peut-être du vite sortir des morceaux au lieu d'attendre de capter les mecs, et montrer la puissance de notre projet. Tourner un clip pour le titre de Lino, Kery et Sefyu, et l'envoyer. On aurait fait kiffer tout le rap, et on aurait pu boucler la compil en un mois. On était dans une attitude où on se disait que tout le monde allait venir, peut-être trop sûrs de nous. Avec le recul, c'est plus facile de se dire ça, mais à l'époque oui, on aurait peut-être dû sortir des choses.

Pit : Time Bomb, Secteur Ä, Première Classe, il y avait une dynamique. Une fois qu'elle est éteinte, il faut en créer d'autres. Tu ne peux plus revenir seulement en disant "je suis Pit" ou "je suis Première Classe". Il faut recréer une dynamique, des communautés. Chaque fois que Booba arrive, il y en a une. Quand les nouveaux, Niska, Dosseh, arrivent, il y a quelque chose. Et il faut le maintenir. Nous, la flamme était éteinte. Et il suffit pas de bien rapper : sur Illicite Projet [NDLR : compilation réalisée par les producteurs Medeline, sortie en 2005], mon morceau tue, mais derrière ?

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Pit Baccardi et Calbo en studio (1999) © Philippe Hamon

Ben-J : Comme on est des aventuriers, quand on abandonne le projet, on passe vite à autre chose : l'album de Noyau Dur. On avait nos studios, donc ça a été vite. C'est le dernier projet qu'on a produit, et qui représentait l'esprit de Première Classe.

Jacky : On a enregistré Noyau Dur dans notre studio, à Épinay-sur-Seine. Putain d'expérience. C'était un travail en famille, ce qu'on a toujours aimé faire. C'était un projet atypique. C'est un album qui n'a pas rencontré le succès qu'il méritait. On était dans un bon esprit, dans la compétition, même entre frangins.

Calbo : Noyau Dur, c’était un peu le délire Première Classe. On se donnait des rendez-vous à ce studio, on écrivait sur place, comme toujours en faisant tourner des sons. Des gens débarquaient parfois alors que le morceau était en train de se finaliser et on le rallongeait pour que ça pose. “On sera jamais pareil”, je pense que c’est mon titre préféré, justement pour ce que je viens de te décrire. J’étais arrivé au studio, il y avait juste Pit. On a mis la musique, on a commencé le morceau. Les gars arrivaient au compte goutte, nous voyaient poser, entendaient le refrain, et ils se greffaient tous naturellement au truc.

Ben-J : C'était un pur kif, des soirées rigolades. On buvait, on mangeait des cuisses de poulet, on se chariait. On renforçait le système de douane [rires] : on était super durs les uns avec les autres, on n'avait pas peur de dire ce qu'on pensait, pour le bien du projet.

Jacky : C'est à partir de ce projet que la vraie douane est née. Si ton couplet est pas à la hauteur, on s'en fout des egos, il fallait que ça claque. S'il fallait réécrire, il fallait se le dire. On en rigolait : “attention, le douanier n'est pas loin. Personne ne va soudoyer le douanier ce soir”. [rires] C'était un délire.

Patrick : C'étaient des séances d'enregistrement hyper marrantes. De toutes façons, dès que t'as Lino quelque part... [sourire] Les artistes créaient. Nous, on "douanait", en cas de rimes cheloues.

Calbo : Et la douane était violente. [rires] Avant de rapper, tout le monde lisait ton texte et il fallait qu’il soit validé. Ça, c’est le genre de trucs qui pousse à l’excellence, et qui en plus nous a permis de nous amuser. Ce n’est pas comme aujourd’hui où le rap, c’est Schengen. Il n’y a plus de douaniers ! [rires]

Noyau Dur - "Départements" (2005)

Neg Marrons, Pit Baccardi, Rohff & Mystik - "On fait les choses" (1999)

Stéphane : On a réfléchi ça ensemble. On était à Épinay-sur-Seine, dans nos studios, durant l'année 2004. Je suis arrivé ici, à Because, en 2005, donc c'est moi qui ai fait le deal. On a suivi l'artistique, le mix, tout. C'est le premier disque rap sorti chez Because, avant Tandem.

Patrick : Because voulait Neg'Marrons. On leur a dit “ok, mais prenez Noyau Dur aussi”.

Jacky : On aime travailler entre nous, entretenir ce lien familial. Quand il y a eu “la chute” du Secteur Ä, les gens pensaient qu'on était divisés. En fait, c'est la structure qui est tombée, mais on a toujours été très proches. On pouvait se retrouver en studio sans rien faire, discuter, vanner, parler de nos vies. Et l'idée du Noyau Dur est sûrement revenue comme ça. Même aujourd'hui, on n'est pas à l'abris d'un Noyau Dur 2. C'est pas prévu, mais ça peut arriver. On aime ce travail collectif.

Patrick : C'était bien léché, bien mixé, bien produit. Rimes, flows, punchlines : il y avait tout. Si un rappeur écoute ça et dit que c'est pas bien, il ment.

Oumar : Noyau Dur c'est le vrai dernier projet enregistré par l'équipe. Qualitativement, c'était bien. Un morceau comme “Viens” a bien marché. Mais ça n'a pas marqué une génération. C'était sûrement pour eux le moyen de boucler la boucle, en cherchant des nouveaux sons, avec Skread, Komplex.

Calbo : C’est vraiment un disque pour lequel j’ai de l’affection. “Départements” par exemple, j’adore. C’est un album très rap même si ce sont les morceaux dancehall qui ont été mis en avant, on l’a commencé avec “Dead”. C’est avec ce titre qu’on s’est rendus compte que Noyau Dur avait le potentiel pour faire un album.

Jakcy : Cet album était bon, il méritait de rencontrer un certain succès. Mais je pense qu'on était dans un changement, un ouragan était en train de se former dans le rap. Les choses étaient en train de bouger.

Ben-J : Je ne suis pas objectif, mais je pense que c'est un super bon projet, qu'on aurait pu mener plus loin. Le business a fait qu'on ne l'a pas exploité comme on voulait. On est tombés dans une politique commerciale : il y avait deux morceaux dancehall, plus accessibles en radio, mais il y avait des morceaux plus consistants dans le projet. “On sera jamais pareils”, “Attitude”, “Besoin d'ennemis”, “Départements”, “En mode guerre” : il y avait du lourd. Mais Because voulait les morceaux festifs en tête.

Jacky : Quand tu fais deux morceaux dancehall, “Viens” et “OP”, sur quatorze titres, et que la maison de disques veut plus mettre en avant ces morceaux que les titres rap, c'est vrai que ça crée une frustration. Ça ne représente pas ce qu'il y a dans l'album. Mais d'un autre côté, je ne pensais pas que les gens allaient malgré tout restés bloqués à ces singles. D'ailleurs, “Viens” a eu du succès, mais n'a pas poussé les gens à aller écouter l'album. Je ne sais pas si ça a été un mauvais choix, mais ça nous a sûrement fermé sur la suite de l'album.

Noyau Dur - "Viens" (2005)

Neg Marrons, Pit Baccardi, Rohff & Mystik - "On fait les choses" (1999)

Pit : Noyau Dur, la dynamique était déjà perdue. Noyau Dur, ça restait Secteur Ä, mais le moment où il fallait sortir un album, c'est quand Gynéco est parti, et qu'on a sorti “Le Public respecte”. Mais on l'a fait plus tard, et ce n'était plus le bon timing. Ça a marché, parce qu'on n'avait des gros titres. Un album Ärsenik, Neg'Marrons et moi, on ne pouvait pas faire de mauvaises chansons. Mais ça ne suffit pas.

Arnaud Fraisse : C'était une période complexe pour eux, de se relancer, d'être Secteur Ä sans être Secteur Ä, après l'histoire Gynéco. On avait écrit dans une preview des albums à suivre, avant la sortie de l'album, que le groupe était sous-estimé. Dans le sens où ce sont de sacrés rappeurs, et ils n'étaient pas au niveau de succès où ils devaient être. Ils l'ont mal pris. On s'est retrouvés chez Because pour en parler. Pour eux, ce n'étaient pas des challengers, ils nous disaient : “t'as vu tout ce qu'on a fait ?”. Ça nous a fait bizarre, mais je comprends leur réaction.

Stéphane : Il y avait cette difficulté de faire du business avec ses amis. Pour l'album de Noyau Dur, j'étais au milieu. J'étais censé défendre mes potes, et en même temps, je fais du business avec Because. Le deuxième choix du single, ça a été un débat, des mois et des mois. Je crois qu'on a arrêté quand on a annulé un passage à Taratata, parce que Ben-J n'assumait pas le single. Mais c'étaient les morceaux les plus efficaces ! Le choix d'un single ne représente pas tout un album. Mais “Viens”, ça a été un tube : ça nous a permis de faire des concerts, de vendre 30 ou 35.000 albums. Avec un deuxième ou un troisième single, on aurait peut-être vendu beaucoup plus d'albums !

Ben-J : J'ai dit “stop”. Pourtant, ça pouvait mettre Neg'Marrons en avant, et être dans mon intérêt. Mais je trouvais que par rapport à l'essence du projet, ça ne se défendait pas. C'est mon avis personnel, mes partenaires disent sûrement autre chose. D'ailleurs, j'ai un peu quitté le navire à ce moment-là, au moment de la promo. On a pourtant fait une super tournée, d'une vingtaine de dates. Avant le projet, on a même été dans les quartiers, les MJC où plus personne ne voulait aller, on est allés au charbon.

Stéphane : On a arrêté l'exploitation comme ça, en queue de pipe, sur des désaccords de choix de singles. De télé à faire sur quel titre. Tout s'est arrêté, mais toujours à la cool, sans guerre. La maison de disques s'est dit “ils ne veulent pas défendre les titres, donc ça ne sert plus à rien qu'on investisse”. La fin définitive de Première Classe est arrivée après Noyau Dur. On avait encore des bureaux dans le 13e arrondissement, on faisait encore de l'édition, Ben-J s'occupait de Gen Renard... Mais on n'était plus tous dedans.

Patrick : On arrivait à l'époque où beaucoup de gens téléchargeaient, les disques vendaient moins. On avait pris l'habitude de produire cher, et nos charges étaient élevées. À un moment, tu es réaliste. On a dû fermer la structure après Noyau Dur.

Calbo : Je ne sais pas si je percevais que c’était le début de la fin du label Première Classe. Ce qui est sûr, c’est que tous, on faisait plein de trucs : Noyau dur, Bisso Na Bisso, Première Classe, les featuring, Ärsenik… Tout ça, c’était du temps. Les tournées Bisso Na Bisso ont pris beaucoup de temps par exemple. Il y a un moment, il faut gérer ce temps. Quand le délire Première Classe s’est arrêté, on était tristes, même si tout le monde faisait sûrement déjà beaucoup trop de choses à la fois pour que ça continue.

Ben-J : Patou partait s'installer au Cameroun, et commençait à travailler avec la chaîne Trace. Stéphane avait quitté Hostile pour Because. Pit voulait développer des choses avec sa propre équipe. Et nous, on avait Neg'Marrons. On se voyait toujours dans nos bureaux du 13e arrondissement. Mais on était dispersés. C'est le temps qui fait ça, d'autant que certains sont devenus père de famille entre temps. On ne peut plus passer de nuits blanches en studio. Et puis, niveau rap, on n'a pas eu de coups de cœur sur la période après 2005. Et pourtant, on a cherché.

Pit : J'avais besoin de repartir à zéro. Je suis parti au Cameroun en 2010. Le label a fermé vers 2006 / 2007. En 2009, j'ai été voir Nicolas Anelka en lui expliquant que je voulais sortir un disque. Il m'a donné des financements. Sauf que je ne savais pas gérer seul une structure, donc j'ai sorti un album, Juste moi, en numérique. Ça n'a pas été un succès. Après, je suis parti au Cameroun et j'ai créé le label Empire. Je sentais là-bas qu'il y avait un nouveau mouv, l'afropop. C'est populaire, les gens aiment ça. Ça a été un défi, parce que les gens ne me voyaient pas faire autre chose que du rap. J'ai signé le groupe X Maleya, et ça a été un carton. Ça a été un deuxième apprentissage. J'étais en retrait chez Première Classe, mais là j'étais tout seul, donc il a fallu que je gère tout l'administratif que Patou et Stéphane géraient. J'ai capté toutes les erreurs qu'on a fait. Ça m'a donné du crédit dans le business.

On ne s'est jamais lâchés, et on se lâchera jamais si Dieu veut. L'amitié n'est pas morte.

On ne s'est jamais lâchés, et on se lâchera jamais si Dieu veut. L'amitié n'est pas morte.

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Ben-J

Ben-J : On n'a pas fermé de manière volontaire. Il faut rappeler une chose : on était autodidactes, on a essayé de faire les choses comme on pouvait. Mais niveau business, on n'a pas super bien géré. Parfois, à un certain niveau, il ne faut pas hésiter à faire des formations, à se documenter. On n'était pas assez qualifiés dans la gestion d'entreprise, et tout ce que ça comporte : les ressources humaines, la comptabilité, le FISC, les charges. Ce ne sont pas des trucs qu'on apprend dans la rue, et c'est ça qui nous a joué des tours. S'il n'y avait pas eu ça, on aurait continué.

Patrick : C'est là où les anglo-saxons sont différents de nous. Ils ont compris que c'était un business. Nous, on l'a pris aussi comme un jeu. On faisait de la musique parce qu'on kiffait ça. On fréquentait des clubs où il y avait notre musique, on voyageait, et on gagnait de l'argent. Tu te dis : “la vie est belle !”. Alors qu'on faisait un travail difficile, mais on ne s'en rendait pas compte. Et comme on a eu du succès... On a oublié d'être rigoureux.

Pit : Je ne veux pas être le rappeur ancien qui galère. On a fait de grandes choses, et il faut que ça reste mon état d'esprit. Si je dois repartir, quitter le Cameroun, je le ferai. Quand tu décides de vivre de ta passion, il faut bâtir, être un entrepreneur.

Oumar : J'ai grandi avec Première Classe. Ça fait partie des labels de rap français qui ont compté. Secteur Ä, c'était vraiment gros : Stomy, Passi, Gynéco passaient à la télé. PC, il y avait un côté un peu plus... “terrain” : Tandem, l'Skadrille. Il y a un côté cité, plus proche de nous. Sur le Volume 1, avec des artistes comme le Rat Luciano, t'es dans la rue. Donc il y avait une vraie fierté de bosser pour Première Classe, et le dire aux gens. Et c'est clairement grâce à eux que j'suis là aujourd'hui.

Jacky : Aujourd'hui, faire un Première Classe Volume 3, ce serait différent. Ce serait sûrement compliqué, parce que c'est une autre génération, qui ne se mélange pas tant que ça. En termes d'esprit, tout a changé, c'est différent. On en parle souvent entre nous, mais il faut trouver la bonne formule. Je sais que personnellement, ce serait compliqué de rappeler les artistes. On a moins le temps pour faire tout ça. Il faut créer la relève de Première Classe à nos côtés, d'une certaine manière. Un Volume 3, on pourrait chaperonner le projet, et avoir la relève, des petits frères à qui on pourrait faire bénéficier notre expérience. On en parle.

Ben-J : On ne s'est jamais lâchés, et on se lâchera jamais si Dieu veut. L'amitié n'est pas morte. Et on a toujours des envies de travailler ensemble, d'ailleurs on collabore ensemble sur des projets annexes, on se sollicite. On a le studio ici à Ivry [NDLR : où sont notamment enregistrés les émissions Couvre Feu].

Patrick : C'est pas l'argent qui a créé notre relation, mais notre passion commune. Encore plus pour les artistes, ils ont ce truc en commun. Kenzy nous a permis de ne pas rester des mecs de quartiers. On avait des cerveaux, on raisonnait.

Ben-J : Le bilan est positif, parce qu'on a des disques qui font partie du patrimoine musical urbain. On a réussi à développer des carrières, mettre en avant des artistes, même s'ils n'ont pas été signés chez Première Classe. Je pense à Diam's, à Rohff. On leur a apporté notre soutien pour que des signatures se fassent.

Calbo : L’héritage de Première Classe, c’est celui de plein de rappeurs. Rohff le cite. Des managers d’artistes s’en inspirent. Plein de mecs ne le savent pas car le temps passe. Mais je pense qu’une compilation comme Première Classe a fait rentrer des réflexes et des attitudes dans la tête des gens, même si c’est inconscient pour la génération d’aujourd’hui.

Ben-J : Et l'aventure humaine n'est pas finie, elle va au-delà de la musique, ce qui explique pourquoi ça n'est jamais parti en cacahuète pour un euro.

Stéphane : Avec Secteur Ä qui est revenu, ça a motivé tout le monde, donc il faut que Première Classe refasse quelque chose.

Pit : Les gens ont toujours respecté notre logique de travail bien fait. On peut nous reprocher d'avoir été cons, de ne pas avoir su maintenir le label, mais on est fier des projets qu'on a sorti. Si aujourd'hui on est crédible, c'est parce qu'on a donné de la bonne musique. On refera les choses.

Ben-J : On n'a pas fermé de manière volontaire. Il faut rappeler une chose : on était autodidactes, on a essayé de faire les choses comme on pouvait. Mais niveau business, on n'a pas super bien géré. Parfois, à un certain niveau, il ne faut pas hésiter à faire des formations, à se documenter. On n'était pas assez qualifiés dans la gestion d'entreprise, et tout ce que ça comporte : les ressources humaines, la comptabilité, le FISC, les charges. Ce ne sont pas des trucs qu'on apprend dans la rue, et c'est ça qui nous a joué des tours. S'il n'y avait pas eu ça, on aurait continué.

Patrick : C'est là où les anglo-saxons sont différents de nous. Ils ont compris que c'était un business. Nous, on l'a pris aussi comme un jeu. On faisait de la musique parce qu'on kiffait ça. On fréquentait des clubs où il y avait notre musique, on voyageait, et on gagnait de l'argent. Tu te dis : “la vie est belle !”. Alors qu'on faisait un travail difficile, mais on ne s'en rendait pas compte. Et comme on a eu du succès... On a oublié d'être rigoureux.

Pit : Je ne veux pas être le rappeur ancien qui galère. On a fait de grandes choses, et il faut que ça reste mon état d'esprit. Si je dois repartir, quitter le Cameroun, je le ferai. Quand tu décides de vivre de ta passion, il faut bâtir, être un entrepreneur.

Oumar : J'ai grandi avec Première Classe. Ça fait partie des labels de rap français qui ont compté. Secteur Ä, c'était vraiment gros : Stomy, Passi, Gynéco passaient à la télé. PC, il y avait un côté un peu plus... “terrain” : Tandem, L'Skadrille. Il y a un côté cité, plus proche de nous. Sur le Volume 1, avec des artistes comme le Rat Luciano, t'es dans la rue. Donc il y avait une vraie fierté de bosser pour Première Classe, et le dire aux gens. Et c'est clairement grâce à eux que j'suis là aujourd'hui.

Jacky : Aujourd'hui, faire un Première Classe Volume 3, ce serait différent. Ce serait sûrement compliqué, parce que c'est une autre génération, qui ne se mélange pas tant que ça. En termes d'esprit, tout a changé, c'est différent. On en parle souvent entre nous, mais il faut trouver la bonne formule. Je sais que personnellement, ce serait compliqué de rappeler les artistes. On a moins le temps pour faire tout ça. Il faut créer la relève de Première Classe à nos côtés, d'une certaine manière. Un Volume 3, on pourrait chaperonner le projet, et avoir la relève, des petits frères à qui on pourrait faire bénéficier notre expérience. On en parle.

Ben-J : On ne s'est jamais lâchés, et on se lâchera jamais si Dieu veut. L'amitié n'est pas morte. Et on a toujours des envies de travailler ensemble, d'ailleurs on collabore ensemble sur des projets annexes, on se sollicite. On a le studio ici à Ivry [NDLR : où sont notamment enregistrés les émissions Couvre Feu].

Patrick : C'est pas l'argent qui a créé notre relation, mais notre passion commune. Encore plus pour les artistes, ils ont ce truc en commun. Kenzy nous a permis de ne pas rester des mecs de quartiers. On avait des cerveaux, on raisonnait.

Ben-J : Le bilan est positif, parce qu'on a des disques qui font partie du patrimoine musical urbain. On a réussi à développer des carrières, mettre en avant des artistes, même s'ils n'ont pas été signés chez Première Classe. Je pense à Diam's, à Rohff. On leur a apporté notre soutien pour que des signatures se fassent.

Calbo : L’héritage de Première Classe, c’est celui de plein de rappeurs. Rohff le cite. Des managers d’artistes s’en inspirent. Plein de mecs ne le savent pas car le temps passe. Mais je pense qu’une compilation comme Première Classe a fait rentrer des réflexes et des attitudes dans la tête des gens, même si c’est inconscient pour la génération d’aujourd’hui.

Ben-J : Et l'aventure humaine n'est pas finie, elle va au-delà de la musique, ce qui explique pourquoi ça n'est jamais parti en cacahuète pour un euro.

Stéphane : Avec Secteur Ä qui est revenu, ça a motivé tout le monde, donc il faut que Première Classe refasse quelque chose.

Pit : Les gens ont toujours respecté notre logique de travail bien fait. On peut nous reprocher d'avoir été cons, de ne pas avoir su maintenir le label, mais on est fier des projets qu'on a sorti. Si aujourd'hui on est crédible, c'est parce qu'on a donné de la bonne musique. On refera les choses.

Premiere classe en images

Premiere classe
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Premiere classe
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avec les archives photos de Philippe Hamon

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Le livret de Premiere Classe Vol.1

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Premiere Classe Vol.1

Design : Thibaut de Longeville et Alexander Wise (360 Creative)
Photos : Philippe Hamon

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Le livret de Premiere Classe Vol.2

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Premiere Classe Vol.2

Design : Thibaut de Longeville et Alexander Wise (360 Creative)
Photos : Vincent Bloch

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Photos : Vincent Bloch

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Le livret de Noyau Dur

Le livret de Noyau Dur

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Design et photos : Dimitri Simon

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Le livret de Dangeureux 2001

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Dangeureux 2001

Design : Thibaut de Longeville et Arthur Estienne (360 Creative)
Photos : Wardogz

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Le livret de Ceux qui le savent m'écoutent

Le livret de Ceux qui le savent m'écoutent

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Design : Drunken Master Ryck & Macktrucker Turs74
Photos : Silvio Magaglio

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Les livrets des projets en solo de Pit Baccardi

Les livrets des projets en solo de Pit Baccardi

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Design : Thibaut de Longeville et Alexander Wise (360 Creative)
Photos : Philippe Hamon, Xavier de Nauw

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FIN.

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Retrouvez l'histoire
de Première Classe

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de Première Classe

et d'autres aventures collectives
dans le livre "L'Obsession Rap" de l'Abcdr du Son,
à paraître le 23 octobre 2019

et d'autres aventures collectives
dans le livre "L'Obsession Rap" de l'Abcdr du Son, à paraître le 23 octobre 2019

et d'autres aventures collectives
dans le livre "L'Obsession Rap" de l'Abcdr du Son,
à paraître le 23 octobre 2019

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Remerciements

REMERCIEMENTS

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Merci à tous ceux qui ont donné de leur temps aux échanges qui ont nourri cet article.

D’abord aux membres fondateurs du label : Patrick, Stéphane, Ben-J, Jacky, et Pit Baccardi.

Aux différents intervenants qui ont fait partie de près ou de loin de l’histoire de Première Classe : Calbo, Djimi Finger, Kazkami, Pone, Qrono, T.Killa, 13Or, Mac Tyer, FDY Phenomen, Oumar Samaké, Arnaud Fraisse.

À Philippe Hamon pour ses superbes photos d’archives.

À zo., JB, Ouafa et Armand pour leur aide.

À Valentin Cassuto pour sa vision. 

CRÉDITS

CRÉDITS

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Entretiens menés par Raphaël Da Cruz entre 2015 et 2019 pour l’Abcdr du Son.
Direction artistique et conception du site : Valentin Cassuto.
Conception de la vidéo d'introduction : Guillaume Cassuto.

Entretiens menés par Raphaël Da Cruz entre 2015 et 2019 pour l’Abcdr du Son.
Direction artistique et conception du site : Valentin Cassuto.