Abcdr du Fond Raph GPW – Sur la route (Vol. 1 et 2)

C’est un signe anecdotique, mais assez éclairant sur son statut : Raph GPW est pour le moment encore trop méconnu ne serait-ce que pour avoir sa propre page sur le site Genius. Il y aurait pourtant matière à voir poser à plat les textes de ce rappeur d’Évry, engagé cette année dans une aventure solo après ses premières sorties au sein du groupe Lord Mafia. Avec ses deux EP Sur la route dévoilés en 2021, Raph a quitté la trap de son groupe pour affirmer sa propre voie, plus proche de celle des sorties signées du label 12 Monkeys (Ron Brice, CHAM), de Hemo, de M City, de Gizo Evoracci ou d’Eloquence et Joe Lucazz, dont Raph GPW a assuré une première partie de concert cette année. Dans les deux volumes de Sur la route, Raph GPW pioche chez des producteurs (dont certains illustres, comme Kool M de La Rumeur sur « Belly ») un son lent et brumeux qui rappelle volontiers une partie du rap new-yorkais et sud-californien de la décennie passée – les refrains de son comparse Dayron vont clairement dans ce sens (« Roll Up »).

Sur cette partition touffue, c’est un quotidien plutôt gris mais sans désespoir pour autant que le rappeur narre. Alors certes, « toujours en mode zombie, toujours sombre, demande pas d’la zumba, Rafee est entier, est antillais, mais Rafee ne zouke pas », comme il l’annonce dès l’entrée de « Qui c’est ». S’il rappe par moments la violence de sa « Putain d’époque », Raph décrit aussi avec justesse la vie sans adrénaline et tout aussi courageuse de ceux qui triment à l’intérim et se satisfont de construire une vie stable (« Chance »). Seule vraie fantaisie dans ce quotidien : le rap. Celui qu’il porte en héritage de ce vivier qu’est Évry, en confessant une pointe de nostalgie (« Retour aux Pyramides, regrette l’époque de La Peste »), en posant sur des productions toujours excellentes de ZEK, et surtout en invitant des membres de feu-Fuck Dat sur « Putain d’époque » (Apôtre H, Treyz, Eloquence). Une filiation évidente dans l’écriture de Raph, vive même quand il parle de la grisaille, et même ardente dès qu’il lève le menton comme sur l’intro du volume 1 ou sur « Lmet » en conclusion du volume 2, avec un deuxième couplet redoutable. Et cette punch qui résume son année 2021 : « fais pas de bruit comme une Tesla ». Du rap Model S dans une TDI à crédit. – Raphaël