Sax appeal Longue vie au saxophone dans le rap français

Le rap français l’a d’abord aimé. Avant de l’abandonner. Pour ensuite se le ré-approprier. Dans les années 90, il était même souvent caché, au milieu d’un sample en arrière plan d’une prod de rap français. Et puis les années 2000 l’ont contraint à retourner s’enfermer dans sa boîte, sans jamais espérer en ressortir. Trop ringard, trop étiqueté musique de conservatoire, le saxophone a été oublié. Lui qui pourtant, avait donné un écrin jazzy aux compositions des beatmakers du rap new-yorkais de la grande époque. Lui aussi, qui avait offert tant de mélancolie à la Fonky Family en seulement cinq notes répétées en boucle sur « Cherche pas à comprendre ». Seulement voilà. Le saxophone n’avait plus la cote.

Heureusement dans la musique (et seulement dans la musique) se remettre avec son ex peut parfois être une belle idée. Et c’est exactement ce qu’il s’est passé : il y a d’abord eu une première tentative en 2016 avec Nekfeu, qui invitait la légende Archie Shepp sur son album Cyborg. Mais c’est surtout en 2019 que le sax est revenu dans les bacs. Alors certes, le retour n’a pas été des plus valorisants pour l’instrument. Sur « Khapta » de Heuss L’Enfoiré puis sur « Moulaga », sa sonorité sortait tout droit d’une banque de sons, donnant cet effet bien compressé qui servait à l’esthétique dance-kermesse des deux titres. La même année, Jul en rajoutait une couche, d’abord avec « JCVD » puis en faisant tout de même appel à un vrai saxophoniste avec Jimmy Sax sur « Ibiza ». Alors, le saxophone, condamné à ambiancer les showcases d’été avant de disparaître le reste de l’année ? Que nenni.

2021 aura redonné toutes ses lettres de noblesse à l’instrument préféré de Bill Clinton. Déjà fin 2020, Benjamin Epps sonnait le retour de hype du sax en le mettant en avant sur « Tard le soir », avant de carrément inviter un saxophoniste sur une performance live pour le média Grünt quelques mois plus tard. Mais c’est évidemment un autre morceau qui va réveiller la hype : avec « MOROSE », Damso a mis un coup de projecteur puissance 10 sur le saxophone, en laissant le jazzman belge Dieter Limbourg se balader sur la prod d’Ikaz Boi en fin de morceau. Une source de blagues sur Twitter de la part des haters de Dems qui n’éclipsera pas la belle lumière qu’a pris la création d’Adolphe Sax, puisque le rappeur Belge déclarera même quelque semaines plus tard vouloir apprendre à en jouer sur ses réseaux sociaux. Quelques mois plus tard, c’est sur un autre morceau que l’instrument se fait à nouveau remarquer : sur le très bon « American Gangster », Lacrim laisse un saxophone s’inviter pour renforcer la dramaturgie du morceau. Avant de même déclarer : “American Gangster est dans mon top 3. C’est le plus fort en termes de musicalité que j’ai fait dans ma carrière. Le saxo’ a tout dépassé pour moi”. La saxophonerie n’est jamais finie. – Brice