Poésie sous champagne Drake, Certified Toxic Boy ?

Pour décrire son album sur Apple Music, le rappeur Drake utilise ces mots : « Une combinaison de masculinité toxique et d’acceptation de la vérité qui est inévitablement déchirante. » Le succès a-t-il eu raison de notre gendre idéal ? Certified Lover Boy est un album frustrant. Selon notre niveau d’appréciation Drake, il peut paraître une parodie de lui-même à son insu ou alors, un album traversé par des bribes de sincérité peu glorieuses pour son auteur. Produit dans un contexte particulier – la pandémie a retardé sa sortie après le single efficace « Laugh Now Cry Later » -, l’auteur de Scorpion a délocalisé son studio d’enregistrement dans son nouveau manoir de cinquante mille mètres carrés. Certainement retravaillé et réaménagé, un sentiment de stagnation émerge même si ce dernier a eu plus de temps pour peaufiner ses armes. Mais pour cet article, nous allons nous arrêter sur un contenu qui plane tout au long de chaque titre, comme si le bonhomme avait effleuré un sujet actuel de sa vie sans réellement tenter de le traiter ou de l’exorciser. Top 10 des lignes les plus Certified Toxic Boy.

  • 10. « And I’m way too sexy to go unprotected » – « Way 2 Sexy » (feat. Young Thug & Future)
    « Way 2 Sexy » est une ode à la coquetterie. Un plaisir coupable, inavouable, capable de faire chanter en chœur des hommes qui ne devraient plus avoir l’âge pour. Il y a ce petit quelque chose dans le titre qui vient flatter en nous les sentiments les plus refoulés jusqu’à nous faire hurler sans même le remarquer : « trop sexy pour ta copine, trop sexy pour ce monde, trop sexy pour ces bijoux. » Et dans ce premier épisode de sa vie, Drake semble avoir retenu la leçon : il ne faut jamais faire deux fois la même erreur.
  • 9. « We used to do pornos when you would come over but now you got morals and shit » – « TSU« 
    « TSU » est une chanson où les frontières entre l’autobiographie et la fiction sont brouillées. Dans ce morceau, il est là fois question de son ancienne relation avec la mère de son fils, Sophie Brusseaux, que de la mélancolie d’un homme à la recherche de sa moitié. Susurrer pour les formes voluptueuses des strippeuses ont toujours fait partie de son agenda. Et dans cette deuxième partie, c’est plutôt l’amertume du protagoniste qui ressort. Drake est-il vraiment un gentil garçon ?
  • 8. « You’re the reason we cannot communicate » – « Pipe Down« 
    Rihanna : « Never underestimate a man’s ability to make you feel guilty for his mistakes. »
  • 7. « Got a little candy in her pocket, she gon’ take off like a … » – « N 2 Deep » (feat. Future)
    Nouveau poème dans lequel Drake et Future, les deux inséparables, se partagent les couplets. Dans « N 2 Deep », Aubrey clame son amour pour Houston. Passionné de la ville, il en a pris les us et coutumes des locaux (« Dirtied up a cup, I’m on the Northside »), mais dans ce mélange entre opiacés et recherche de sa dulcinée in the club, une seule et même question se doit d’être posée : Future est-il vraiment une bonne fréquentation pour Drake ?
  • 6. « I give you this bread, you run me some head and then you go glow up a bit » – « TSU« 
    « TSU », encore. Pendant quasiment une année, l’auteur de So Far Gone s’est paré d’un petit cœur sur sa coupe de cheveux dans l’optique de faire la promotion de son nouvel album. Nous ne sommes pas là pour juger, mais tout de même, les preuves sont là : Dreezy Drake est un homme qui va au bout de ses idées. Très tôt dans sa carrière, le Canadien s’est toujours montré prêt à supporter financièrement les travailleuses du sexe dans leurs projets annexes. « TSU », acronyme pour Texas Southern University, est un signe de son engagement. En revanche, plus les lignes « TSU » s’écrivent, plus une forme de rancœur est révélée : et si Drake n’était pas considéré à sa juste valeur par ses dames ? Dans le langage soutenu, est-il trop candide ?
  • 5. « Trust me, this ain’t ’bout revenge but now I get along better with your friend » – « Get Along Better » (feat. Ty Dolla $ign)
    Dès les premières mesures, le ton est donné : « This might be too real, too real… » Drake quitte sa compagne pour se mettre avec une de ses amies. C’est peut-être l’excès de confiance qui caractérise Certified Lover Boy.
  • 4. « Yeah, say that you a lesbian, girl, me too » – « Girls Want Girls » (feat. Lil Baby & Lil Durk)
    Cette ligne a déjà été épiée, critiquée, scrutée sur les réseaux sociaux mais nécessite une seconde couche. Cette mesure a réussi à atteindre les oreilles de millions d’auditeurs purs, désireux d’écouter l’ancien acteur de la série Degrassi dans l’unique but de passer un bon moment. Comment cette ligne est-elle parvenue à sortir du studio ? Noah « 40 » Shebib s’était-il assoupi un moment de boucler la session d’enregistrement ? Drake porte-t-il une obsession excessive sur l’attirance entre deux femmes ? Drake est-il un sociopathe ? Drake est-il un manipulateur sournois, et nous, un public trop malléable ? Drake pensait-il vraiment s’en sortir avec cette rime ? Tant de questions. Peu de réponses.
  • 3. « I had to fuck a lot of girls to get a kid like this » – « You Only Live Twice » (feat. Rick Ross & Lil Wayne)
    Repose en paix Adonis.
  • 2. « Yebba’s Heartbreak« 
    Inséré à la onzième place de Certified Lover Boy, quasiment pile au milieu, « Yebba’s Heartbreak » est une douce pause dans un album mouvementé. Interprété par la chanteuse Yebba, Drake perpétue la tradition des interludes dans ses albums et par la même occasion, offre une plateforme unique à la jeune artiste de faire briller son nom. Mais passé ce premier constat, c’est une forme d’incompréhension qui plane : Drake a-t-il invité une jeune demoiselle à dévoiler son cœur peiné suite à ses agissements ? Oui, oui. Si évidemment ces mots ne sont pas à prendre au pied de la lettre, l’orchestration de l’idée est discutable.
  • 1. « I’m still working on me… (Work it) » – « Fucking Fans« 
    Et la palme est décernée à un ad-lib : « Work it. » Dans un morceau plutôt direct – « Fucking Fans » -, le chanteur de Toronto avoue travailler sur sa personne pour devenir un homme meilleur. Mais sur son épaule, un petit diable à la couleur du purple emoji apparaît : PartyNextDoor. Son ad-lib est subtil, vicieux, voilé. Il chuchote dans le creux de l’oreille de son auteur, « Work it », comme pour dire qu’en réalité, les premières confessions de Drake ne sont pas sincères. Dans une traduction littéraire, ces deux mots pourraient être traduits par « mets tes atouts en valeur ». La voix de son acolyte de OVO est-elle le subconscient d’Aubrey Graham qui lui dit : « Suis-je réellement prêt à changer ? Cette vie, dans le fond, est-elle déplaisante ? » Une fois de plus, tant de questions, peu de réponses.

ShawnPucc