Sortie

Pit Baccardi

Pit Baccardi

Sur la compilation Première Classe l’année précédente, Pit Baccardi était le seul rappeur à apparaître sur trois morceaux – dont un en solo. Pour le jeune label Première Classe et sa maison mère, le Secteur Ä, le disque était aussi une manière ferme de souligner qu’ils misaient sur le transfuge de Time Bomb, formé avec ATK. Devenu ainsi rappeur solo, Pit savait qu’il devait saisir cette opportunité pour s’affirmer. « J’perds pas la main en solo », entame-t-il d’entrée, après une intro mettant en scène l’album comme un événement médiatique. Ainsi, ce premier opus éponyme le présente sous toutes ses facettes, tout à la fois mélancolique et paillard, ancien bicraveur et nouvelle rap star, jeune entrepreneur mais dénonciateur. Pour accompagner ses multiples visages, l’album maximise les ambitions musicales développées sur la compilation Première Classe. Le gratin de la production française s’y retrouve : le son brillant et conquérant de Djimi Finger et John Ross, celui plus brut de Kilomaitre et Akhenaton, le début des virées synthétiques d’Yvan, un DJ Mehdi en état de grâce sur « K1frystyle », et même le déjà vétéran Sulee B. Wax qui rajeunit le « It Takes Two » de Rob Base et DJ EZ Rock. Sur cette partition, en conviant IAM, Ärsenik, Doc Gynéco, les Neg’Marrons, Rohff et Kery James, Pit Baccardi et son équipe ont créé, peut-être, le premier album blockbuster de l’histoire du rap français.

Pit Baccardi

(Rappeur)

« On a enregistré la compilation Première Classe Volume 1 et mon album parallèlement. Quand on enregistrait la compilation, j’écrivais déjà mon album. C’était pour moi l’occasion de montrer que Baccardi, c’est une marque, un mec qui a son truc, des choses à faire entendre. Je n’arrivais pas à me rendre identifiable. Oxmo était identifié. Ärsenik, X-Men, Lunatic aussi. Moi, non. Je voulais que l’album me ressemble. « Journée de dealer », c’était mon vécu. « Sexcitations », pareil, j’ai toujours été très porté sur le cul. Mais je ne voulais pas faire un truc vulgaire, plutôt quelque chose avec des métaphores. C’était la logique de Time Bomb et Secteur Ä, c’était divertissant, mais aussi intellectuel dans l’écriture. Ce qui est bizarre, c’est que quand tu fais de grandes choses, tu ne sais jamais. Quand j’ai fait « Si loin de toi », je voulais le zapper. Déjà parce que j’ai mis une pige à l’écrire, c’était dur. L’enregistrement, pareil : j’ai été pris d’émotion, je pleurais. Ben-J et Jacky m’ont dit de partir, ils ont écrit le refrain, se sont occupés des arrangements musicaux. J’ai découvert tout ça après, j’étais sur le cul. Quand Kenzy a pris la décision de sortir « Si loin de toi » en single, les gars m’ont demandé mon accord. J’avais l’impression de trahir quelque chose : je ne voulais pas le sortir en single, c’était un message à ma mère sur l’album. Mais quand c’est sorti, ça a touché les gens parce que… c’est la vie. Chez les parents, la mère, c’est quelque chose de spécial. J’ai écrit de la manière la plus naturelle possible, sans exercice de style, sans mensonge. Des grosses cailleras de Paris m’arrêtaient et me disaient : « ce que t’as fait, c’est un truc d’homme, c’est pas un truc de rappeur ». Je suis fier d’avoir fait ce morceau. Et quelque part c’est ma mère qui m’a permis d’être ce que je suis, d’avoir cette reconnaissance. Vingt ans plus tard, les gens m’en reparlent. Beaucoup de Camerounais me disent que j’étais leur emblème. Et puis c’est notre album à nous cinq, de Première Classe. Ce premier album, c’est celui de cinq personnes. Tout ce qu’on a fait à cinq, ça a marché. » – Propos recueillis par l’Abcdr du Son en juillet 2019.

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