Sortie

La Clinique

Playa

Sorti au coeur de l’été 99, « Playa » a été un tube inattendu mais incontournable. Récit d’une journée idéalisée de vacances, entre naïades, moult plaisirs épicuriens et décor paradisiaque, « Playa » doit son succès autant au texte cabotin de Papillon, aux backs second degré de ses comparses Charlie Waits et Doom Décadent, à l’instru tout en légèreté estivale signée Doom (accompagné par la guitare d’Iso), et à ce refrain chanté comme par des sirènes allongées lascivement sur une plage. Rien ne vient perturber Papillon et ses potes, ni les contraintes temporelles (le fameux « le lendemain matin, vers 15h de l’après-midi »), ni les trouble-fêtes, la maréchaussée se joignant aux lascars en goguette. Groupe qui n’était resté malgré lui que sur le coup d’éclat « Tout saigne » en 1996, le carton de « Playa » va surtout réussir à relancer La Clinique dans leur bras de fer avec Virgin pour sortir enfin un premier – et unique – album l’année suivante.

Papillon

(Rappeur de La Clinique)

« Avec Charlie Waits et Doom Décadent, on se connaissait bien avant la création de La Clinique. On est du 93, Le Blanc-Mesnil et La Courneuve, on était déjà potes avant le rap. Puis j’ai rencontré Gynéco, et avec Charlie, Doom et Space l’Anesthésiste, on a créé La Clinique, qui était une succursale de que faisait Gynéco. « Tout Saigne », sur Hostile Hip-Hop, a été le déclencheur. On a ensuite mis du temps à signer. Mais on commençait déjà à travailler sur des morceaux avec Charlie Waits et Doom depuis 1997. On a écrit nos textes dans un appart qu’on appelait Le Bloc Opératoire, qui a été dans le 18e, chez Space, puis dans le 17e arrondissement. Très peu de choses se sont faites en studio : on était organisés, on préparait vraiment les trucs. Limite des fois on a été peut-être très scolaires, calibrés. Mais on était complètement autonomes. J’ai enregistré le morceau « Playa » sur une maquette, que j’ai fait écouter à Charlie Waits et Doom. Ils m’ont dit que ce serait bien de le refaire, plus pêchu, avec un refrain qui accroche. Doom Décadent a trouvé ce gimmick, on a essayé en studio et on a tous sauté : c’était ça. Pas de refrain compliqué, un truc qui emmène les gens direct en vacances. On n’a pas changé les couplets : les gars m’ont dit « fonce Papillon ». Mais ce n’est pas mon morceau à moi : ils font les backs et on a rebossé le morceau ensemble. Le succès de « Playa », ça a été un vrai plaisir. Quand tu entends ton morceau en rotation – surtout qu’il a bien fonctionné avec la saison – c’est parfait. J’en suis encore très content aujourd’hui : je peux le rejouer sur scène, les gens accrochent. Le seul souci, c’est que l’album n’est sorti sort que l’année d’après. On était un peu dégoutés, Virgin n’a pas suivi directement. Ils avaient d’autres priorités. Pourtant on avait déjà préparé nos bastos, on avait des titres. On attendait, mais on continuait à taffer, on ne lâchait pas la musique. »

Charlie Waits

(Rappeur de La Clinique)

« Avant La Clinique, il y avait les Sales Gosses, avec Papillon, que j’avais rencontré en 1992, Ti’ Poisson Neg’ et moi. Papillon était déjà plus affûté en termes de rap. On crée La Clinique lors des retrouvailles de Papillon avec Doc Gynéco, qui se connaissaient déjà un peu à l’époque et se sont reconnectés vers 1995, je crois. C’est là où on rencontre Space l’Anesthésiste, Doom Décadent, Psychologue. « Tout saigne », le premier morceau de La Clinique était, à la base, déjà un morceau des Sales Gosses – un morceau dont on n’a jamais vu la couleur du disque d’or. S’il nous lit, salut Benjamin ! [Rires] « Playa » datait aussi de cette époque. « Playa » existait même en 1993, comme d’autres morceaux que Papillon avait dans les poches. Comme quoi quand un morceau est bon, il l’est sur la durée. Il avait des couplets posés sur plein d’instrus différents. Il n’y avait pas de versions à proprement dit, jusqu’à ce que le frère de Doom, Cédric, amène cette boucle, qu’on a travaillée en studio. On a fait deux versions : celle du single et une plus longue, avec une autre musique, qui avait une vibe plus Camp Lo, parce que c’est un groupe qu’on kiffait bien. [Version présente sur l’édition vinyle du single, NDLR] On savait que « Playa » était un putain de single. Ça s’est fait naturellement, tout le monde était d’accord là-dessus : il fallait le balancer, pour que les gens kiffent. Et en même temps, le succès du morceau a été une vraie surprise. Le rap, c’était un kif qui n’était pas censé rapporter de l’oseille. Avec Papillon, les trois années précédentes, on sortait sur tous les plateaux de rap dans le 77, le 93, le 92. Du jour au lendemain, tu passes à la télé, dans les magazines. C’est tout neuf. Tu te dis « je peux en faire un taf ». À cette époque-là, je devais avoir vingt piges. Notre ancien manager Chico nous a annoncé qu’on aurait une surprise en atterrissant de notre vol pour le tournage du clip : on s’est retrouvé chez Eddie Barclay ! D’ailleurs, il y a une fille du clip qui est devenue connue juste après [la fille que Papillon sauve de la noyade, NDLR] : Clara Morgane ! [Rires] Le gap entre « Tout saigne », « Playa » et l’album n’a pas été voulu. Ce sont des problèmes en dehors de la musique, plein d’histoires. Ça a empêché l’artistique d’avancer, comme pour beaucoup d’autres groupes de cette deuxième vague du rap français, qui ont connu ce qu’on a connu. Mais en coulisses, on bossait, on créait des concepts, des nouveaux morceaux. »

Précédent Suivant
1999, une année de rap français - le mix
Écouter le mix Écouter le mix