Télévision

Svinkels - Juste fais-là

Recenser la sortie de Juste fais-là en janvier 1998 est un (petit) mensonge. Le public avait en effet pu découvrir le disque des Svinkels une première fois en 1997. Il s’agissait par contre d’une version vinyle et c’est bien dans les premiers jours de l’année suivante que sortait son pendant en polycarbonate. Enregistrée avec les têtes pensantes d’Alliance Ethnik c’est à dire sur le label de Faster Jay et avec la participation active de Guts, cette première réalisation multi-titres de Gérard Baste, Nikus Pokus, Xanax et Fred Lansac assoie tous les thèmes chers aux Svinkels. Rempli d’hymnes à la fête, à la crasserie, l’herbe et l’alcool, Juste fais-là francise et détourne de façon potache le slogan de la marque à la virgule tout en transpirant l’haleine rance d’un Ol’ Dirty Bastard élevé à la gavroche dans les faubourgs parisiens. Mais au-delà de ces jeux de mots qui « comme Pascal Duquesne méritent la palme », la singularité de ce disque tient aussi à l’agrégat Svinkels, pas encore totalement finalisé au moment de l’arrivée de cet EP dans les bacs. Juste fais-là est encore un disque qui tente de mélanger deux duos. D’un côté celui formé par Gérard Baste et Nikus Pokus. Ils ont d’ailleurs chacun leur morceau solo, entre la conscience politique et sociale de Nikus et la pornographie encore aujourd’hui indescriptible de la Nina Hagen français. Quant à l’autre binôme, il est formé par Mr Xavier et Fred Lansac. Fred Lansac, un nom méconnu mais qui a pourtant été essentiel dans la carrière des Svinkels, tel que le racontait Gérard Baste à L’Abcdr du Son et comme le confirmait son acolyte Mr Xavier au magazine Le Ptit Rennais. Quelques mois plus tard, il sera remplacé par le jeune prodige DJ Pone, laissant ses dernières productions pour le premier album du groupe, Tapis Rouge, se consacrant à La Fondation Métisse et à son groupe, Les Professionnels.

Gérard Baste

(MC des Svinkels)

« On posait dans des bars et des soirées du centre de Paris, souvent fréquentées par le milieu funk et fusion. On a eu très vite un gros buzz, à notre échelle, parce qu’aux yeux des gens on était les premiers à rapper la teuf. Nos jeux de mots sur l’alcool et la fume parlaient à tous nos potes. Personne ne faisait ça en plus. Ce buzz nous a ouvert des portes. On a commencé à avoir des rendez-vous en maison de disques. On avait enregistré des démos grâce à Fred. En réalité, nous n’étions pas du tout prêts : nos morceaux faisaient huit ou neuf minutes, nos refrains tombaient n’importe comment. Mais on voulait y aller, on y croyait. Finalement, Emmanuel de Buretel nous a repérés. Il avait flashé sur Fred Lansac. Il trouvait que c’était un personnage. Pour lui, Fredo était le RZA français et nous les Beastie français. Nous, on ne savait pas très bien qui était Emmanuel de Buretel, mais il suffisait de discuter avec lui cinq minutes pour comprendre son parcours, ses faits d’armes. Il y avait aussi Laurence Touitou, tous ces gens-là. Sur le coup, on n’a pas mesuré quelle porte était en train de s’ouvrir, on était toujours dans notre microcosme. C’est d’ailleurs un de mes regrets de ne pas avoir totalement compris qui on avait en face de nous. Reste que dans son bureau avec un Mode 2 au mur, Emmanuel De Buretel nous dit « je vous signe en édition et on fait de la musique ». En un an on s’est professionnalisés et on prépare notre premier disque, l’EP Juste fais là ! Ce disque, on l’a fait avec la même idée que tous ceux que l’on fera ensuite : conceptualiser au maximum, installer un univers. Nikus joue sa carte pamphlétaire, consciente. Moi je fais mon titre d’obsédé avec  « J’pète quand je crache », pour mon côté cul et égotrip. J’ai toujours été plus un rappeur d’égotrip et de freestyle, alors que Nikus était plus un rappeur qui voulait défendre des thèmes. On se rejoignait sur l’alcool, la drogue et la fête, et pour le reste, on se laissait la place à l’un ou à l’autre. Notre duo était le cœur du groupe et le côté sideman hyper efficace et je-m’en-foutiste de Xavier complétait le tout. Guts, qui avait déjà produit « Alcotest », travaille avec nous sur l’enregistrement. Il fait la direction artistique et produit un autre morceau, puisque Kif Records, son label avec Faster Jay, coproduit le disque avec Delabel Editions. C’est un peu la vie dont on rêvait, celle qu’on n’imaginait même pas deux ans auparavant. » – Propos recueillis par L’Abcdr du Son en octobre 2016

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