Sortie

La Dernière Tribu – Révolution

Révolution est l’unique maxi de La Dernière Tribu, formation composée de deux rappeurs, Kahin et Pierro, et d’un DJ, Kilab’. En six titres et une trentaine de minutes, le groupe livre un manifeste musical et politique. Révolution –et ses auteurs ne s’en cachaient pas, s’inscrit dans la lignée des œuvres de Public Enemy et NTM, influences majeures de Pierro et les siens. Ils sont jeunes et pour le moins fougueux, mais font preuve d’une certaine maturité d’esprit, que le côté juvénile des voix ne valorise pas forcément d’ailleurs. Très marqué à gauche, le discours de La Dernière Tribu appelle à l’insurrection, au soulèvement des banlieues contre le pouvoir et contre la police, ennemi désigné explicitement. Il est question de prendre PPDA en otage, de couper la tête du roi ou d’abolir le capitalisme, et on cite le Che et Lénine au détour d’un morceau. Vingt ans après, sans surprise, bien des thèmes abordés sur le maxi demeurent d’actualité. Plus surprenant Révolution a extrêmement bien vieilli, et le projet, assez mineur à sa sortie, a acquis son statut d’essentiel avec le temps.

Killab’

(DJ de La Dernière Tribu)

“On a conçu Révolution en 1997, chez nous à Fontenay-Sous-Bois dans le 94, autour de Pierro qui était un peu la pierre angulaire du groupe. Fabrice (Kahin, NDLR) et lui étaient sur la fin de leurs études, ils avaient peu de cours, et moi je m’étais pris une ou deux années sabbatiques pour me consacrer à la musique. Nous avions donc pas mal de temps libre et la conception du maxi a pris environ un an en tout. Une maquette avait été enregistrée à la maison, puis lorsque tous les morceaux ont été prêts, on est partis au studio Black Door à Paris pour enregistrer le tout proprement. C’était un studio très prisé et c’est Jeff Dominguez qui nous a enregistrés là-bas, ça s’est super bien passé avec lui. Ça n’a pris qu’une semaine, à raison d’un morceau par jour à peu près. Révolution a eu un succès d’estime avec le temps, mais pas grand-chose à la sortie. En termes de retours, on a eu ceux de nos amis qui ont trouvé ça bien, comme d’habitude…  Mais il y avait énormément de rappeurs qui sortaient leurs albums en 1998, et je me souviens que nous avons décalé plusieurs fois la sortie de Révolution, car à chaque fois ça tombait le même jour qu’un autre. C’était une période très prolifique, et c’est bien parce qu’aujourd’hui les gens relèvent le travail effectué à l’époque. Mais à l’époque en question, c’est un peu passé inaperçu, au milieu de tout ce qui se faisait en France. On était totalement indépendants mais nous avions deux managers qui faisaient un bon travail, ils avaient pas mal de contacts. On aurait pu en avoir davantage encore mais on a privilégié le côté amical. D’ailleurs, le maxi a failli sortir chez Night & Day mais ça ne s’est pas fait, nous étions assez pressés et c’est un distributeur de jazz qui l’a finalement sorti. On n’était pas très emballés par le packaging, on ne le jugeait pas attrayant. La pochette est merdique, on se l’est dit après coup. À la base on était d’accord pour avoir une pochette en dessin, et sur la pochette, il devait y avoir un flic pendu à un réverbère. C’était une image forte qui collait bien à l’idée de révolution, et qui faisait écho aux noirs qui étaient pendus à des arbres. On voulait quelque chose de politique. Or il s’est avéré que le distributeur ne voulait pas d’une telle pochette. Quand la nouvelle de la censure est tombée, on avait déjà payé le gars qui avait fait la pochette, et on s’est donc retrouvés avec celle-ci à contre cœur. Avec le temps, on s’est dit que nous aurions pu faire une cover beaucoup plus simple, avec juste un de nos stickers dessus. Des fois on a tendance à vouloir mettre trop d’images, alors qu’on peut laisser la musique parler.” – Propos recueillis par L’Abcdr du Son en décembre 2018.

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