Les albums de la rédaction
Première Partie

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Pharrell, l'année héroïque

Si Pharrell n’avait contribué qu'à ces deux chansons-là, ça aurait suffi. "Get Lucky" et "Blurred Lines", à elles seules, lui assuraient déjà le statut de producteur porte-bonheur de 2013. Mais ce n’est presque que la partie émergée de l’iceberg. 2013, pour lui, n'a pas été une année, mais plutôt une carrière miniature, synthétisée en douze mois.

Pour ses quarante ans, Pharrell a été partout : là où on l’attendait, là où on ne l’imaginait pas, et là où on l’espérait. Des blockbusters ? Comptez toujours Jay Z parmi ses grands potes. Un peu de nostalgie ? Il a fourgué des singles à N.O.R.E. et Nelly comme si c’était 2002. Le soutien aux jeunes ? Il s’est fondu discrètement dans les très bons albums de Earl Sweatshirt et Mac Miller. La liste inclut aussi 2Chainz, Mayer Hawthorne et Beyoncé, et elle n'est toujours pas exhaustive. Plus que jamais au diapason de son époque, Pharrell a même offert à l’artiste la plus cliquable de 2013, Miley Cyrus, la grande chanson que Kelis ne fera plus jamais.

C’est tout ? Non. Fin novembre, au moment où on commençait à se dire qu’il allait bien finir par prendre un coup de vieux, voilà que sort "Happy", l'expérience musico-digitale qui mettra fin à toutes les guerres. Pendant que Kanye West râle et que Timbaland se rachète une conduite, Pharrell semble plus inspiré que jamais, et sautille tranquillement vers les portes du Panthéon pop. Pour couronner le tout, il a peut-être bien donné l’interview de l’année. Le perfectionnisme, l’enthousiasme et – oui – l’innocence qui s’en dégagent nous donnent assez d'indices pour espérer un jour, peut-être, décrypter sa formule secrète. –  JB

Écouter la playlist : A Year in the Life of Pharrell Williams

Les clips de l'année

10 artistes à suivre en 2014

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Kaaris, nouvelle icône française ?

"Et vous, vous vous souvenez de la première fois que vous avez entendu le couplet de Kaaris sur "Kalash'"?" Dans quelques années, on pourra se poser la question tant Kaaris et son gros doigt de pied auront marqué les esprits, faisant immédiatement de l’auteur de Z.E.R.O la nouvelle égérie d’un rap français qui se cherchait cruellement une nouvelle tête d’affiche. Les épaules assez larges pour endosser ce rôle, Kaaris a enchaîné très rapidement avec le clip de "Zoo", premier extrait d’Or Noir, dont les images de Chris Macari présentaient un personnage inédit, entre le super-héros et la créature effrayante. "Zoo", c’était surtout le point de départ d’une déferlante d’extraits, tous plus efficaces les uns que les autres, et d’une flopée de rimes qui ont tout doucement envahi les esprits du public rap. Il fallait voir son concert à la Boule Noire le jour de la sortie de l’album où la quasi-totalité de la salle semblait déjà capable de réciter l’ensemble du disque par cœur. La force du rappeur de Sevran, c’est aussi d’être parvenu à faire ses premiers pas dans la pop culture en un temps record : accès aux gros médias généralistes, hallucinante prestation sur Canal + dans le Before du Grand Journal, échange de bons mots avec Sébastien Patoche, présence au générique de Clique…Ce que Booba, éternel point de comparaison, n’a finalement approché qu’avec la sortie de 0.9, voire de Lunatic.

Les Tumblr et autres comptes parodiques sur Twitter prouvent en tout cas que Kaaris est devenu la personnalité rap qu’il faut désormais observer à la loupe. Reste désormais à voir comment la suite sera négociée. On pense, par exemple, au syndrome Sefyu qui avait décroché une Victoire de la Musique avec un deuxième album qui reproduisait peu ou prou les recettes du premier et qui peine terriblement à se renouveler et à susciter l’intérêt des auditeurs depuis. Toutes ces questions, Kaaris et son producteur Therapy, avec qui il forme un vrai duo, devront se les poser dans les mois qui viennent. Avec Or Noir, Kaaris a-t-il atteint prématurément son zénith où n’est-il qu’au début de son ascension ? Pari risqué mais on penche plutôt pour la deuxième proposition. – Mehdi

Les pochettes de l'année

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Trap music ou Trap EDM ?

A : "Je me suis mis à écouter de la trap au fait."
B : "Putain, il était temps ! T'écoutes quoi ?"
A : "TNGHT, Baauer, ces trucs-là."
B : "Mais c'est pas de la vraie trap ça !"

Vous avez peut-être été témoin ou acteur d'un dialogue du même genre. Cette année, la trap EDM s'est vulgarisée au point de perméabiliser la définition originelle de la trap music. Encore confidentiel il y a dix ans lorsque sortait Trap Muzik de T.I., le genre a muté pour devenir le mètre-étalon du rap moderne, avec ses rythmiques lentes et appuyées, et ses ambiances terrifiantes ou sautillantes. Des DJs (A-Trak) et compositeurs (Hudson Mohawke) ont été assez malins et doués pour transposer son énergie des gros SUV d'East Atlanta aux clubs branchouilles. Et même de produire, avec "Harlem Shake" de Baauer, la matière du meme vidéo le plus populaire de 2013. Des ambiances infernales de Shawty Redd aux sursauts nocturnes de TNGHT, il y a à la fois une filiation indéniable, mais aussi la sensation peut-être injustifiée d'une "elvisation" de la trap. Pourtant, les incursions d'un Danny Brown sur la trap-électro sauce Glasgow de Rustie prouve qu'il n'engage qu'à certains rappeurs de se réapproprier cette version plus exubérante et criarde de la trap. Alors qu'il y a encore deux ans le rap faisait du pied à l'eurodance, c'est aujourd'hui la musique électronique qui tente d'adapter les codes d'un style de rap qui brille lorsqu'il est intrinsèquement violent, viscéral et brut. C'est peut-être la plus belle preuve de vitalité et d'inventivité du rap. – Raphaël

Les albums de la rédaction
Deuxième partie

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#NewRules

Derrière ce hashtag prétentieux et tapageur se cachent plusieurs nouveautés dans la façon de développer la musique rap. Initiés par Jay-Z et son entourage, ces nouveaux codes sont placés sous le signe de la surprise, de la productivité et du changement de format. Ainsi Hova sort son Magna Carta... Holy Grail en avant première via une application Samsung sur mobile, ce qui lui permet d’atteindre le disque de platine dès la première journée de lancement. Est-ce que cette distinction veut toujours dire quelque chose ? De son côté, Kanye West sort Yeezus presque du jour au lendemain, sans promotion, sans pochette et sans véritable stratégie de vidéo clips. Déjà amorcée par Death Grips, cette technique de No Marketing devient justement le marketing parfait maintenant que la terre entière est abreuvée quotidiennement d’une vague déferlante d’informations de toute sorte. Et ça marche. Dernière en date, l’épouse du H to the Izzo elle-même sort son nouvel album sans prévenir avec quinze vidéoclips disponibles le même jour. La pochette : un simple Beyoncé sur fond noir. Résultat : Plus de 800 000 albums vendus en 3 jours et un crash de iTunes en prime. Less n’a jamais été aussi More. Cette année où Netflix a fait la différence en proposant tous les épisodes de House of Cards le même jour est définitivement une transition au niveau communication du divertissement, accès aux créations et développement artistique.

A côté des nouvelles techniques de ses mastodontes, certains modèles indépendants se font une place. Ainsi Nipsey Hussle fait l’actualité en proposant 1000 exemplaires de son Crenshaw à $100 pièce. En remettant ainsi en cause le prix d’une oeuvre musicale, il teste un changement de mentalité sur le produit et l’art. Il entrera d’ailleurs ensuite dans une guerre sainte contre Complex autour de l’impact d’un artiste dans le monde d’aujourd’hui. Le nombre de ventes ou la signature en major n’est plus un indicateur sûr. Il prêche pour son propre cas bien sûr mais les cartes ont clairement été redistribuées, aux médias aussi de s’adapter. Forbes l’a bien compris en consacrant un article sur le modèle économique de Dom Kennedy ou comment faire un million de dollars indépendamment. Les nouvelles règles sont donc globales, chez les puissants comme chez les artisans. Tout reste encore à inventer. – LecaptainNemo

En 2013, on a redécouvert

4 albums instrumentaux

Nos autres albums de l'année

+ Morcheeba - Head Up HighJMSN - †Pllajë†Alex Beaupain - Après moi le délugeJames Blake - OvergrownJustin Timberlake - The 20/20 ExperienceHoly Ghost! - DynamicsLorde - Pure HeroineJessy Lanza - Pull My Hair BackBlood Orange - Cupid DeluxeAlbin de la Simone - Un hommeCiara - Ciara...

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Macklemore : le syndrome de Seattle

Des fenêtres d'affichage, un "troisième lieu", une ode aux fripes. L'informatique pour tous, le cappuccino branchouille, le rap progressiste. Macklemore et Ryan Lewis sont-ils au rap ce que Microsoft fut aux nouvelles technologies et Starbucks à la pause café ? Il y a un point commun entre ces trois entités de l’État de Washington : une bonne idée transformée en réussite commerciale. En six mois, Macklemore et son producteur sont passés d'artistes connus d'un public web restreint à l'un des plus gros succès rap en indépendant de ses dernières années et à un phénomène type "je-n'écoute-pas-de-rap-mais-ça-j'aime-bien". Leur musique ne répond ni à des racines régionales, ni à aucune mode du rap des années 2010.

Sur leur premier long format sorti l'an dernier, The Heist, les productions de Ryan Lewis trouvent régulièrement le juste milieu entre racines rap et ambition pop, sans tomber dans la facilité démagogique, au hasard, des Black Eyed Peas. Symétriquement, Macklemore est un rappeur à idées, qui parvient à compenser son manque de singularité (les fringues farfelues, ça ne compte pas) par un talent pour mener avec intelligence ses morceaux à thèmes. Au point d'en faire des singles redoutables, mais pas évidents (tous ont été des "sleeper hits"). C'est avec trois d'entre eux que le tandem s'est imposé comme incontournable sur les ondes et sur YouTube. "Thrift Shop" est un bras d'honneur roublard aux références systématiques des rappeurs aux marques de luxe (et qui a même amené des journaux sérieux à s'intéresser à un potentiel regain d'activité des friperies). "Can't Hold Us" a prouvé qu'on pouvait faire grimper le rap en BPM avec réussite et personnalité sans l'aide de David Guetta ou Afrojack. Et "Same Love" est un manifeste courageux dans un genre musical pour le moins suspicieux envers l'homosexualité. Macklemore a-t-il seattlisé le rap à message ? En l'espace de millions de vues, diffusions radio et albums vendus, il a au moins rappelé qu'on pouvait encore parler de sujet sérieux sans se prendre pour tel. Même dans le rap. – Raphaël

Revue de Presse

Playlist : 100 morceaux de rap en 2013

12 mois sur l'Abcdr

Janvier

L’auteur David Dufresne revient sur Yo! Revolution Rap, l’un des premiers livres en français sur le rap. Inclus : une anecdote hilarante sur NTM et des contrôleurs de la SNCF.

Février

Mois sombre : on dit adieu au trompettiste Donald Byrd, samplé par plusieurs générations de rappeurs, et au chien fou Tim Dog. Mais est-il vraiment mort ?

Mars

Bachir et SLurg célèbrent l’histoire d’amour compliquée entre le rap et les marques. Une mixtape sponsorisée par Mercedes, Fila, Nike et Rolex.

Avril

Le producteur Proof raconte l'histoire du label havrais Din Records, et décortique ses titres emblématiques. Quelques mois plus tard, nous rencontrerons son acolyte Médine.

Mai

Il ne nous dira pas qu'il a participé à Yeezus, mais Brodinski prend quand même le temps de nous témoigner son amour pour le rap, de Memphis à Toronto.

Juin

Yeezus, justement, divise notre rédaction. Alors, grand disque ou caprice narcissique ? On débriefe, à chaud, l'un des albums essentiels de l'année 2013.

Juillet

Normandie toujours : pendant qu'il peaufine l'album des Casseurs Flowteurs, Skread revient sur ses dix années de production, marquée par l'explosion d'Orelsan.

Août

Il a connu le succès de masse avec Sniper, il attaque désormais une carrière solo plus discrète : Aketo nous accorde une longue interview.

Septembre

Hommage à un MC méconnu : Cadence, du groupe bostonien Raw Produce, mort au printemps dans l'indifférence générale.

Octobre

On revient aux origines du hit "Started from the Bottom", Nothing was the Same nous met une grosse claque, et Jonathan Mannion confirme : "Drake est un roi."

Novembre

Pilier du collectif ATK, puis homme de l'ombre en maison de disques, Cyanure nous raconte son histoire du rap français.

Décembre

Un obscur morceau new-yorkais des années 80 devient la colonne vertébrale du rap sudiste. C'est l'histoire de "Drag Rap", en écoute sur notre page Soundcloud.

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Crédits

Conception
LecaptainNemo & JB

Développement
LecaptainNemo

Réalisation
JB, Mehdi & LecaptainNemo

Infographies
JB

Contenus
La rédaction de l'Abcdr

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