Doot Doot Doot ! Westside Gunn – Pray for Paris

Il y a des run qui ne s’oublieront pas. À n’en pas douter, celui de Griselda en 2020 s’ajoutera dans l’histoire récente à celui de Roc Marciano en 2018. Parmi la myriade de disques sortis par le trio de Buffalo cette année, au moins trois – on prend les paris – sont destinés à durer : LULU de Conway the Machine, Burden of Proof de Benny the Butcher et Pray for Paris de Westside Gunn. Avec son casting all-stars de devant (Freddie Gibbs, Roc Marciano, Tyler the Creator, Boldy James, Joey Bada$$…) et de derrière les machines (DJ Premier, DJ Muggs, The Alchemist, Daringer…), Pray for Paris est peut-être celui qui symbolise le mieux l’hégémonie de l’équipée Griselda. C’est aussi celui qui scelle l’union entre le sacré et le profane, la symbiose parfaite entre l’art des galeries et la rue des galériens. Pétri de sonorités sinistres et graveleuses (« George Bondo », « Allah Sent Me », « Shawn vs Flair »), l’album baigne parallèlement dans la lumière la plus luxueuse (« 327 », « Versace »). Il est introduit par un extrait de la vente aux enchères en 2017 du Salvator Mundi de Leonard de Vinci, pour la modique somme de 450 millions de dollars. Il est illustré par le créateur Virgil Abloh, qui reprend le tableau tout en clair-obscur de Caravage, David avec la tête de Goliath. Et il se conclut par un repas sans esbroufe au Djoliba. Westside Gunn, qui a écrit une bonne partie du projet à Paris pendant la Fashion Week, ne rappe jamais mieux que dans cet entre-deux constant. Comme si la ville lumière, celle qui nourrit autant qu’elle affame, avait imprégné le disque jusque dans ses moindres recoins. Pray for Paris attrape les extrémités des deux mondes, et l’équilibre atteint est vertigineux. — David²