Musique de cons Tar One – Juskomsa

Toute l’année 2020, Tar One a enregistré et compilé de nombreux inédits. Arrivé à un moment, il en a choisi douze et en a fait un album. Eh oui, juste comme ça. 36 minutes durant, le rappeur de Verviers déploie un style inénarrable. Sa voix, à la fois grasse et rugueuse, est remplie de variations dans les intonations. La découpe des syllabes est soignée, et respectueuse d’un travail d’écriture porté sur les assonances. Les adlibs, déployés déjà depuis l’époque de son groupe Dope Skwad (auquel avait succédé l’éphémère mais excellent Dope ADN), sont à la fois chauds et râleurs, tantôt rebondissants sur le beat, tantôt sanctionnant une phase bien sentie. Et des phases bien senties, Tar One en balance un paquet sur Juskomsa. Il se prend pour un membre de Griselda dans l’excellent “Girseltar”. Juste après, il ressuscite Sean Price dans le génial “T !”. Il rappe à plusieurs reprises contre les opinions à l’emporte-pièce et les certitudes balancées sans honte sur les réseaux sociaux (“Si seulement le narcissisme se limitait aux selfies, qu’on ne doive pas se taper tous tes avis pseudo-objectifs”). Il expose ses regrets, lui qui confie sur son site personnel que “plus que les choses mal faites, ce qui (le) bouffe ce sont les choses pas faites.” Il démonte le racisme ambiant en débitant des horreurs pendant 3 couplets, “florilège d’arguments moisis pas inventés, tous déjà lus et entendus”. Mais surtout, il sort de sa zone de confort, des productions boom-bap, qu’elles soient rugueuses, sombres ou jazzy, pour retourner un beat trap sur le pamphlétaire “Musique de cons”. Et là, tous les travers du rap y passent. Certes, il sera possible d’y rétorquer qu’on est tous le con de quelqu’un d’autre, surtout derrière un micro. Alors en conclusion, il faut entendre que passer à côté de ce disque serait une belle connerie. C’est un conseil, juste comme ça. — zo.