Archives de presse Rapanization, le fanzine

C’est un phénomène assez récent : la presse hip-hop sur internet tente d’écrire sa propre histoire. L’Abcdr participe à ce mouvement, destiné à montrer que derrière les pages web se cachent des aventures humaines et un certain miroir du rap français. Le site n’est évidemment pas le seul média à tenter de rappeler qui il est, d’où il vient, et pourquoi il le fait. Nos confrères de Booska-P, par exemple, ont fêté cette année leur quinzième anniversaire. Quant à ceux ayant muté avec le temps (90bpm.net, Rap2K) ou étant tombés au front de ce bénévolat parfois fatigant et chronophage (hiphopsection, hiphopcore.net, lehiphop.com – le mot hip-hop porterait-il malheur ? Ah non, il y a aussi Slurg Magazine et N’Dah Hood pour ne citer qu’eux), ce sont soient leurs anciens lecteurs qui s’acharnent à conserver précieusement leurs archives, soient leurs membres qui évoluent désormais dans d’autres rédactions ou sphères du rap français (Twitter ne compte pas !). Même chez certains médias nouvellement nés, tels que Moggopoly ou la chaîne YouTube de La Formule Secrète, il y a cette conscience d’une histoire du rap français à construire, d’une ligne éditoriale à défendre et d’une aventure humaine à vivre, car après tout, c’est aussi ça qui fait l’âme d’un titre de presse.

Parmi tous les noms cités depuis le début de cette courte chronique, il y a néanmoins des absents, dont un auquel il faut rendre hommage : le site Rapanization. Avec le temps, la publication est plutôt restée dans les souvenirs comme un fanzine qu’un média cherchant à se donner l’importance d’un magazine (ou « webzine » comme il se disait à l’époque). C’est d’ailleurs ce qui lui donnait ce ton sympathique, avec ses biographies remplies de déconne et ses choix éditoriaux tranchés. Et c’est ce qui en faisait un repère important pour des puristes et tenants d’une époque où il n’était pas encore bizarre de mélanger le rap dit « de rue » à celui dit « alternatif ». Rapanization, c’était un site web un peu à l’image d’une compilation de rap français telle que Vagues Nocturnes, version internet effervescent du début des années 2000, où le flash était le must (toute une époque de la web-credibility !) et où le lecteur pouvait espérer à la fois trouver une chronique d’un classique du rap français à côté d’un disque de rap-de-blanc-chelou, où la passion pour les rimes de Sheryo côtoyaient un amour pour les phases salaces de Gérard Baste. Il y était même possible de trouver des chroniques des albums d’Eska Crew (bon, L’Abcdr confesse l’avoir fait aussi) et une interview d’Hubert Félix Thiéfaine ! Lors d’obscures recherches bien paramétrées, il arrivait encore de tomber sur les archives de Rapanization. Ces dernières années, le lecteur y trouvait une sauvegarde à l’abandon, hébergée chez Free et au menu déglingué. Ça rajoutait au charme désuet de cette publication désormais hors-temps, mais porteuse d’une démarche passionnée et d’une liberté de ton et de choix qui avait ce petit quelque chose de gonzo journalisme. En octobre, suite à un tweet du youtuber La Formule Secrète, plusieurs anciens contributeurs ont décidé de retaper la façade de Rapanization. Ils ont même remis leurs podcasts en ligne ! N’hésitez pas à visiter tout ça. Ça a le goût du passé, mais ça a surtout le charme des fanzines dégottés par surprise dans une caisse à archives. — zo.