Pas de turn-up Monsieur Saï – Sang d’encre

Sang d’encre est une énumération blasée de désillusions et de comportements grégaires – donc idiots –, constellée de quelques rêves d’enfants qui permettent aux adultes d’exprimer leur terreur d’avoir grandi. C’est probablement pour cela que dix pistes plus tard, c’est un album d’adulte qui préfère la compagnie de ses songes de gosses à celle des adultes qui se révèle. Réaliste, sans romantisme indécent et plein de mordant, Monsieur Saï taille le monde moderne, sa musique avec. Quand il s’agit d’utiliser un gimmick, c’est pour le déclamer comme un disque entendu sous codéïne dans une soirée où se péter la tête est la seule solution contre l’ennui. Quand il revient sur le mouvement rap dans lequel il n’a jamais réussi à mettre les deux pieds, c’est un peu comme l’aveu d’un échec auto-provoqué. Monsieur Saï est du Mans, là où il il n’y a « pas de turn-up » , là où il rappait déjà il y a vingt-cinq ans, là où il rappera sûrement encore dans autant de temps. Cette fois, c’est sur des beats triturés par Monsieur Connard, tantôt peuplés de longues nappes de basse touchant presque à la pop électronique, tantôt ne craignant pas des charleys serrés typiquement trap ni les atmosphères nuageuses. C’est épuré, glacial, et loin des saignées verbales auxquelles Monsieur Saï a longtemps été habitué. — zo.