West Coast MC Eiht – Lessons

Depuis 2017 et ses deux participations sur l’album Rosecrans de DJ Quik et Problem, MC Eiht semble avoir retrouvé de sa superbe. Après une décennie 2000 difficile, le très propre LP Which Way Iz West (sur son propre label Blue Stamp Music) remettait Aaron Tyler sur les rails.

En 2020, Eiht tire deux salves. La première en mars avec le double-album Official, mais surtout en toute fin d’été avec Lessons. La saison a son importance car la couleur du disque est chaude mais c’est une chaleur du soir, celle qui retombe suite à une journée caniculaire. Le quinzième album de MC Eiht remet les idées au clair, comme une longue pause sur le canapé après une effervescence fiévreuse et chaotique.

Anciennement affilié Crips, Eiht propose pour la première fois un disque où la cover est à dominance rouge (Straight Checkn’Em de C.M.W. avait bien du rouge mais uniquement en opposition frontale au bleu). Un premier signe qui saute aux yeux et qui, sous le titre explicite et des objets aussi contradictoires qu’un flingue et un pendentif à l’effigie de Malcolm X, témoigne d’une volonté d’unité mais aussi d’un questionnement permanent. L’univers reste inchangé, le neighborhood est toujours au centre de sa musique. Le fantôme de Nipsey erre d’ailleurs au détour de “Neighborhood Looks” (mais pas seulement) réunissant Kurupt et Havoc, symbole supplémentaire d’une bienveillance envers les générations tiraillées par la gang culture. Cette dernière est encore omniprésente derrière des morceaux aux invités guerriers (Conway sur “Honcho”, Dave East & Tha Chill sur “Courted In”, Yukmouth sur « On The Real Tho » ) mais l’OG californien presque cinquantenaire est en démonstration d’humilité, de patience et d’expérience. Les productions épurées et harmonieuses, g-funk sur “Can’t Nobody” ou boom-bap sur “Magic”, sont en majorité concoctées par le néerlandais Ferhan C et collent parfaitement aux storytellings durs et au flow relax, parfois presque réconfortant (“Bluue Wave”, “That’s Perfect”, “U know”), du rappeur . Son timbre inoxydable et caractéristique, excessivement ponctuée de “Gyyyeah” et de “Blue Stamp Official”, fait mouche sur un tracklisting long de vingt morceaux, mais qui du début à la fin, ne souffre presque d’aucun temps mort.

Lessons est cru, toujours gangsta (“On The Real Tho”), mais possède le recul de trente années au sein de Compton. Produit de cet environnement souvent violent, MC Eiht tire les enseignements d’une lutte vécue au quotidien (“Things We Go Thru” suivi de “Past Mistakes”) pour en faire ce manuel, un code de la rue pour ses contemporains. Quelque part, il est l’écho au classic de 1992 Music to Driveby retrouvé sur un canapé, à écouter à tête reposée, près d’un Philly Blunt et d’un cendrier, pour en absorber toute la substance. — JuldelaVirgule