Trill OG Isha, la violence dans la peau

Avec le troisième volume de La Vie augmente, Isha a achevé une trilogie qui a fait plus que l’installer comme un rappeur touchant dans ses introspections. « J’écris pour guérir toutes mes maladies, j’suis cramé comme journal intime », rappelle-t-il dans « Idoles ». Mais autant que la catharsis de sa musique, le rappeur de Bruxelles chante depuis 2017 « la poésie des grands boulevards » pour mieux s’en extirper. Isha, c’est Jason Bourne en Avirex qui se réveille en pleine rue de Bruxelles après que des magiciens lui ont volé quatre siècles d’histoire, des cicatrices de coups de fouet dans le dos et de tessons de bouteille sur l’arcade. Parfois acteur de la violence urbaine dans le premier volume (« l’impression d’être né pour faire la guerre »), puis plutôt spectateur dans le deuxième (« regarde c’qui lui ont fait, il ne sourit plus, y a une rumeur qui dit qu’ils l’ont fait courir nu »), Isha la déconstruit dans la troisième, en remonte à ses causes – le colonialisme, notamment – et lui tourne enfin le dos sans la renier (« je n’oublie pas d’où je viens, mais je m’en irai pour de bon »). Sur « Décorer les murs », qui conclue La Vie augmente, Vol.3, Isha rappe un de ces dialogues qu’on imagine entre lui et un proche sur un banc en pleine ville, entre deux clopes : « Mon pote me dit qu’il est fier, il est content qu’j’ai trouvé ma voie. Il m’explique que son destin est dans l’ghetto, il va passer ses journées là-bas. » L’échange trahit ce qu’on peut imaginer comme une belle conclusion pour Isha : son échappée belle enfin méritée. Une victoire que le Belge aurait tort de ne pas savourer. — Raphaël