24 Days of Rap

 

Day Thirteen

NBA YoungBoy ou le couvre feu de Bâton Rouge

 

La Lousiane est une terre de désolation humaine et de musique poisseuse. Entre la Nouvelle Orléans et Bâton Rouge, la violence a essaimée dans chaque couffin, comme une mauvaise fée kalashée au dessus du berceau. Vient maintenant l'heure d'une nouvelle génération, qui ressemble à un caïman calme, tapi dans la boue du bayou, attendant son heure pour jaillir la gueule ouverte et arracher quelques membres. Le rap a une interminable dynastie dans cette région. Des soldats amochés, pour les plus chanceux, qui errent le regard vide à la recherche d'une respiration. Héritier de B.G. ou Lil Boosie, une nouvelle tête hargneuse se débat dans le marasme : NBA YoungBoy. Son emblème, le logo détourné de Jordan qui tire en l'air. Son sigle, NBA pour Never Broke Again. Pas vraiment dans le panier mais plus jamais dans la misère.

YoungBoy est un précoce. A tout juste 16 ans, il a déjà vu défiler énormément de crasse devant ses yeux, bien plus que la plupart des adultes. Sa musique transpose la réalité la plus dure, sans filtre, avec la distance d'un vieil homme qui se laisse bercer dans son rockin' chair sous un porche. Pourtant sa vie est extrême, urgente. Ses vidéos sont remplies de bugs de la société américaine, des adolescents qui présentent fièrement leur armement prolifique comme des trophées de chasse à l'homme, des médailles létales en chocolat. Leur regard dur mais encore joueur est celui des enfants soldats de Beasts of No Nation, ceux sans avenir de la Cité de Dieu. Et de toute cette horizon bouchée, YoungBoy fabrique ses incantations puissantes, pleines de mort et d'espoir.

YoungBoy est un produit de son époque, inspiré par la grande épopée drill de Chief Keef, Lil Durk et leur amis. Parfois, la syncope électrique d'Atlanta se fait sentir, entre Future et Young Thug. Mais la véritable identité de YoungBoy se trouve dans son héritage de Bâton Rouge, ce réalisme social qu'on semble effleurer du bout du doigt, défendu par Kevin Gates et Boosie en tête.

Après plusieurs mixtapes d'appoint, NBA YoungBoy sort en cette année 2016 son projet le plus abouti. Blindé de balades mélancoliques et de prières semblant résonner dans le vide, 38 Baby s'écoute en boucle, en immersion totale. Représentant son entourage, chaque morceau est hanté d'âmes damnées, virevoltant sous les rafales d'armes automatiques. Avec uniquement quelques voix supplémentaires, celles de ses propres fantômes de Bâton Rouge : Gates et Boosie. Kevin et Torrence.

Alors que Kodak Black et 21 Savage sont devenus des stars radicales en l'espace de quelques mois, le blues meurtrier de NBA YoungBoy devrait encore grandir dans une Amérique de plus en plus sans pitié. Mais comme pour tous ses illustres pairs, l'ombre de la justice plane sur sa vie désarticulée. Arrêté il y a quelques semaines pour avoir participer à un drive by, le style de vie binaire de NBA YoungBoy pourrait lui coûter sa porte de sortie. Comme si l'ancien sous le porche voyait son heure arriver, sans pouvoir rien y faire, au prochain balancement de la rockin'chair.

- LeCaptainNemo