Larry June ou le sang de l'orange
En 2016, la Bay Area est toujours la région la plus sous estimée du rap. Cette tendance historique en a fait le secteur des rappeurs de rappeurs, cette société secrète trop codée pour toucher le grand public. Ironie du sort, ces personnalités fortes rendront dingues de jeunes influents devenus artistes qui reprendront leurs formules en les diluant à l'extrême. Et toucheront ainsi un large public. De E-40 à The Jacka en passant par Mac Dre ou Too $hort, la Bay reste le bastion de ses légendes non répertoriées, même si leurs noms flottent toujours dans l'air comme des mantras puissants. Depuis quelques années, une nouvelle génération a éclos dans la Bay, avec les mêmes embûches et les mêmes travers.
Pourtant IAMSU! et son HBK Gang font du bruit dans le coin, remettant au goût du jour un style entre mob et hyphy, entre danse et mélancolie. Hyper productif, IAMSU! a peut être sorti ses meilleurs disques en 2016 mais le grand public n'est pas encore à l'écoute. Parmi le HBK, Kool John est un des plus addictifs, toujours efficace, direct droit au but entre les slaps. Sur un de ses derniers titres infectueux, il invite une nouvelle tête arrogante : Larry June. Voguant entre toutes ces sensations, Larry se prélasse entre OGs de la Bay et OGs du Bayou, passant le sirop entre The Jacka et Pimp C, sans trop y penser.
Originaire de San Francisco, Larry est un touche à tout nonchalant. Le plus important pour lui, c'est d'être authentique. Autant influencé par les figures de la Bay que celles du sud poisseux, Larry June construit son univers de combinard moderne, entre souteneur et trafiquant. De Nicky Barnes, il a pris la productivité et le sens du relationnel, se liant notamment avec Post Malone, G-Eazy ou OG Maco. D'Iceberg Slim, il a gardé l'attitude glaciale que rien ne peut changer de température.
Il pourrait être le chaînon manquant entre Kool John et Jay 305, une impression de lassitude extrême, sursautée d'une passion incongrue pour l'orange. Non, pas la couleur. Oui, le fruit. Alors que ses collègues se passionnent pour les plantes arômatisées, Larry June s'apprête à développer sa propre variété d'agrumes, généreux et pulpeux.

Larry June a été super prolifique cette année avec 3 projets consistants. Après le plaisant Sock It To Me avec Sledgren du Taylor Gang puis le plus électrique Larry EP, c'est surtout avec le soulful Orange Season qu'il transforme l'essai pendant l'été.
Entièrement produit par le duo espagnol Cookin Soul, ce mini album décline tout l'hédonisme de Larry dans un style proche d'un Dom Kennedy qui prend son temps, comme à la bonne époque. Le jus est frais, entièrement naturel, doucement acidulé pour entrer dans une nouvelle année. Maintenant signé chez Warner, Larry June est un roublard qui inspire la confiance, la pire des variétés possibles. Donc un conseil : arrêtez de dormir sur la Bay, l'orange peut vite redevenir sanguine.
- LeCaptainNemo