Chronique

Hooss
French Riviera

2015

Quand il sort French Riviera en septembre 2015, Hooss a tout pour réussir, et autant pour décevoir. Nous sommes douze mois après la montée d’un buzz éclair, lancé par le morceau « Devant le D. » À une époque où les carrières se font et se défont en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, il n’a pas le droit de se rater, et il le sait. Alors le rappeur varois se lance, avec cette première mixtape de dix-sept pistes où s’écrit son quotidien à l’Aspé, 83700 Saint Raphaël. Le sud de la France d’où sont envoyées les plus belles cartes postales du pays, et où les vols à l’arrachée rapportent le plus. Le Var ? C’est le rap français : beaucoup d’argent, pour peu de monde. Et Hooss compte bien prendre sa part du gâteau. La French Riviera, Hooss la fait visiter, dans ses moindres recoins.

Pas besoin d’avoir arpenté les rue de Saint Raphaël pour savoir que que ses journées se passent au pied de son immeuble, et qu’il les partage avec L’Alibi, Pêcheur, A2L, Rimkov, Portos et Djamili. Écouter French Riviera, c’est passer une heure avec eux, le cul sur un mur de l’Aspé, où Hooss a tout vécu. « Oui j’ai vu des scènes atroces, j’ai treize ans je divague dans ma rue. » La Méditerranée est partout sur cette tape. Tous les invités sont d’ailleurs de la région, du Marseillais Kamikaz à l’Aubagnais SCH, qui livre un couplet remarquable pour « Aniki » sur l’instru de Katrina Squad. Alors que son visage est juvénile, le garçon, à vingt deux ans, parle de lui avec le recul d’un trentenaire, comme si en commençant la musique il avait définitivement laissé derrière lui les soucis de l’adolescence pour un rap ensoleillé, un rap du sud, celui d’un gosse d’Algériens installés sur la côte française. Une musique portant en elle le mental des quartiers régionnaux. Le morceau éponyme à l’album en est sûrement le meilleur reflet. Rare incursion club, festive et entraînante au premier abord, avec ses quelques notes de guitare répétées en boucle sur le beat de Jay Paris. Hooss y dresse pourtant le constat amer d’une jeunesse gaspillée, sans diplôme, passée à traîner sous le ciel bleu, à vendre du marocain à la bourgeoisie niçoise.

Paradoxe de la rançon de la gloire, les policiers réclament désormais à Hooss des autographes pour leurs bambins. De quoi rendre fière une maman. Une maman disparue, mais loin d’être absente. Hooss évoque très régulièrement la décès de sa mère, sans tomber dans le pathos. Bien que tout cela soit triste, comme pleurer en buvette, comme pleurer en fumette. « Et si toi aussi, quand tu vas au lit, t’as deux grammes dans le sang et tu as trop fumé, t’as même pas le temps de réciter la fatiha, aujourd’hui c’est dur, maman demain ça ira. » « T’as pas saisi ? Enlève la mer de la côte d’Azur » disait Oxmo il y a quelques années.

Enfant seul ou pas, en attendant, Hooss s’amuse, dépense, fume, baise, boit. Les yeux sont toujours rouges, trop éclatés pour être humides, dissimulés derrière une paire de luxe. Des lunettes de nouveau riche, des Gucci d’or. De celles qui plaisent aux filles. Mesdemoiselles constituent une inspiration à part entière pour Hooss. « Mon bébé mon cœur est en panne, mais j’ai la plume sentimentale, comme Cheb Mami. » L’amour n’est pourtant pas la part la plus évidente de French Riviera, quand on entend le jeune sudiste clamer par exemple « te rends pas folle, t’es mon plan cul, t’es mon passe temps » sur « Maman dort. » Madame le séduit, il séduit madame, puis déçoit madame, et madame le déçoit. Des cœurs se brisent et des corps s’épuisent.

À l’image de ce thème, French Riviera est très classique, presque générique par moment. Comme si Hooss n’était pas titulaire indiscutable sur son propre terrain. Pourtant on le sent plus talentueux que les autres. Il excelle dans une cabine d’enregistrement. Capable de retourner toutes sortes de beats, jamais désemparé, il ressort de chacune des apparitions d’Hooss une forme de facilité. Si bien que l’on en vient à espérer une erreur de placement, un faux pas, pour que cela soit moins propre, perfectible. Sa musique peut manquer de relief, et il y a quelque chose de trop classique dans ce que fait le rappeur . « Je sais rapper j’aurais pu être le meilleur, en 98. » Conscient de ses capacités, Hooss se repose par moment sur ses acquis. French Riviera donne à voir un diamant brut, qui n’attend plus que d’être taillé. La redondance des thèmes et la surabondance de gimmicks constituent l’écueil majeur de ce premier disque, plein de promesses par ailleurs. « En un an j’ai fait ce que t’as fait en 4 ou 5 ans, » ainsi Hooss synthétise son parcours. Reste à savoir quelle suite compte-t-il donner à cette première mixtape. Le temps peut aussi filer vite dans les HLM du bord de mer.

Fermer les commentaires

Pas de commentaire

Laisser un commentaire

* Champs obligatoire

*