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Les Spécialistes

Les Spécialistes

Le premier duo rap rassemblant un homme et une femme est né d’une petite annonce du D.Abuz System dans L’Affiche. Alors qu’elle pose avec des amies de Cergy, Aniès découvre au détour des pages du magazine que le D.Abuz recherche des rappeurs pour un futur passage radio. La rappeuse saute sur l’occasion, prend contact et tombe sur Tepa. Le courant passe immédiatement et si Aniès ne rejoint pas immédiatement et formellement le collectif, elle embarque Tepa en tant que backer sur la tournée de la compilation Lab’Elles (1996) à laquelle elle participe. De concert en concert, le duo devient un groupe dans le sillage du collectif D.Abuz System. Produit par Mysta.D, l’album consacre le binôme, qui avait participé à quelques-unes des compilations et mixtapes majeures des deux dernières années. Déterminés à foutre le feu, bénéficiant des qualités de production du grand-frère de Tepa, les Spécialistes livrent un album de cogneurs, conscients du business dans lequel ils débarquent officiellement. À travers “Condamnés à vendre”, égotrip de MC calibré pour le live, “Le succès” avec sa fameuse métaphore de l’eau et de l’huile, ou “Je sais d’où je viens” , leur premier disque dégage quelque chose de lucide, mais aussi de terriblement sain. Un album de rap précieux, car en plus d’être formidablement exécuté, il est un disque de rap conscient au sens noble du terme, c’est-à-dire bourré d’acuité. En 2019, les Patrons du style ne s’écrira plus qu’au singulier puisque Tepa est décédé ce 14 novembre d’une maladie, quasiment quinze ans après la fin du groupe.

Tepa

(Rappeur des Spécialistes)

« A l’époque, Aniès était toute seule de son côté. Elle nous avait contactés après avoir vu notre adresse dans un magazine. Elle a appelé, elle est venue, on s’est bien entendus, elle est revenue… Au départ, elle avait participé à une compilation sortie chez Barclay, Labelles. Une tournée était prévue et elle n’avait aucune expérience de la scène. Elle avait 16 ans, super jeune, donc je lui ai proposé de l’accompagner. On faisait un show à deux, et de fil en aiguille on a monté le groupe. Et ensuite on a continué jusqu’à signer avec BMG en 1999. C’est seulement quand on a fait l’album qu’on s’est rendu compte à quel point ce duo mixte était particulier pour les gens. Alors que pour nous, c’était normal ! Absolument tout le monde nous en parlait, systématiquement. C’est là qu’on a commencé à se dire qu’on était à part, mais au départ c’était pas un calcul du tout. Même la pochette de l’album ne mettait pas ça en avant. C’était plus un clin d’œil à Men In Black : les Spécialistes, des agents secrets qui viennent tout niquer mais tu les connais pas, c’était le concept. Mais cet album-là, on l’a fait à l’arrache. On était dans un bon studio, mais ce que t’entends dans beaucoup de morceaux, c’est du spontané : on arrivait au studio, la prod’ tournait, on écrivait sur place et on posait. Niveau ventes, c’était plutôt acceptable pour la maison de disques : on a dû faire 15 000, 20 000 ventes. Ce n’était pas un gros succès, mais en même temps il n’y avait pas de morceaux pour la radio. Hormis  “Imagine”, peut-être… On n’était pas dans le format. Par contre, on a obtenu une vraie reconnaissance grâce à ce disque. » – Propos recueillis par l’Abcdr du Son en avril 2008.

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1999, une année de rap français - le mix
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