Sortie

11'30 contre les lois racistes

11’30 contre les lois racistes est une grenade. La métaphore plaira sûrement à White, Spirit et Jean-François Richet puisque l’iconographie de leur label portait la lutte armée en son cœur. Mais il est impossible de regarder 11’30 uniquement par le prisme révolutionnaire. Car comme toute lutte, elle est une réponse à des faits. Alors si avec un casting rap français XXL, l’unique titre de ce maxi fait rouler un projectile sonore au milieu de la question du devenir des sans-papiers, les deux-frères de Meaux et leur voisin en ont fait un booby-trap destiné à la politique française. De ce piège, qui consiste à coincer dans une boîte de conserve une grenade dont le dispositif de mise à feu est retenu par un fil (malheur à celui qui s’y prendra les pieds), il reste les éclats d’une vingtaine de rappeurs qui explosent à la figure de quelques ministres ayant ardemment travaillé à la peur de l’autre. Certains d’entre eux sont cités dès l’introduction du morceau et finalement quoi de plus logique : c’est bien eux qui avaient dégoupillé des lois déshumanisantes, non ? Mais de nombreux autres faits hantent également cette production Cercle Rouge, de l’expulsion de l’Église Saint Bernard aux législations successives criminalisant un peu plus l’immigration. Partant du traitement réservé à ceux que l’on qualifie de « clandestins », chaque rappeur présent ici n’hésite pas à élargir le thème à cette politique qui depuis les premières lois Pasqua vise « à faire rentrer en tête que venir de banlieue est mauvais pour notre avenir » comme le disait Olivier Megaton dans nos colonnes. La même année que Ma 6-T va Crack-er, 11’30 contre les lois racistes était donc la bande originale de l’histoire contemporaine de l’hexagone. Tout cela un an avant l’hystérie joyeuse de la vague Black Blanc Beur, vis à vis de laquelle peu de nos rappeurs seront dupes.

White

(de White & Spirit, duo producteur du morceau)

« Jean-François Richet [cofondateur du label Cercle Rouge avec White & Spirit, NDLR] est quelqu’un de très politisé et d’engagé. Il y avait eu la loi Debré à ce moment-là, et il a estimé que ce n’était pas juste cette loi qu’il fallait dénoncer, mais les autres également, toutes celles qui avaient précédé. Des disques devaient sortir uniquement sur le projet Debré, on ne les a pas empêchés de sortir mais on a estimé qu’on devait faire quelque chose de plus général. Au départ, quand on a lancé le projet on a cherché à qui on pouvait reverser l’argent. On ne voulait pas tomber dans les clichés et donner à SOS Racisme et compagnie. Ce n’est pas qu’on n’avait pas confiance en eux, mais on voulait être sûrs d’où allait notre argent. Madj d’Assassin Productions nous a parlé du MIB, le mouvement de l’immigration et des banlieues. On a fait des réunions avec eux, on a vu ce qu’ils faisaient et on s’est dit que leur donner les sous à eux était le meilleur choix, et donc tout leur a été reversé. 11’30 devait se faire très vite, on avait très peu de temps pour réunir tout le monde et faire l’instru. Pour ce qui est des participants, une partie figurait sur la BO de Ma 6-t va crack-er et il y avait des gens avec qui on avait envie de travailler. Rockin Squat nous a aussi présenté Azé, Radikalkicker et Kabal. Ménélik, qu’on avait invité sur Ma 6-t va crack-er, nous a proposé de faire participer Soldafadas. Pour Sléo, on était au Studio Plus XXX à Paris pour enregistrer les voix, et comme ils étaient en train de bosser dans une cabine à côté on leur a proposé de venir. Ils étaient enthousiastes, ce sont des gars supers, ils ont fait le boulot et on est très contents qu’ils soient sur le morceau.  Il n’y a qu’Akhenaton, qui était à Marseille. Normalement il vient toujours au studio quand on bosse ensemble, mais là c’était exceptionnel, il était sur autre chose donc il a eu la gentillesse de nous envoyer son couplet qui était terrible, comme d’habitude. » (Propos recueillis par L’Abcdr du Son, novembre 2017)

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