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L'ombre sur la Mesure

Kool M : On signe chez EMI car Fuas n’avait pas les reins pour faire l’album. Monte Cristo savait bien que ça allait le dépasser. En accord avec nous, il a essayé de revendre son catalogue à des majors. On n’y connaissait rien à l’époque mais ça nous paraissait logique de passer sur un plan major. On voulait un son qui pète avec de beaux moyens de production et on se disait bien qu’il faudrait une structure solide pour atteindre cela. Ça s’est joué entre plusieurs majors. Finalement, on a choisi EMI.

Marc Nammour : Quand ils finissent les trois volets plus L’Entre-volet, en tant qu’auditeur, je me dis qu’on assiste à l’émergence d’un groupe à part, qui peut représenter les gens. Mais je serre aussi les fesses en espérant qu’ils ne vont pas signer chez une major et partir sur un gros album façon rap français de l’époque.

Kool M : Ce son qui pète, ça passait par un ingénieur du son. EMI nous a proposé Renaud Letang. Pour le coup, c’est le directeur artistique qui a été le chercher. Notre directeur artistique aurait dû nous tuer d’ailleurs, tellement on refusait toutes les règles et les méthodes qu’ils ont l’habitude de mettre en œuvre. Mais il a vite compris comment on fonctionnait et a su nous dire « faites » quand on l’envoyait chier.

Marc Nammour : Je ne doute pas de leur authenticité ni de leur plume corrosive, mais les majors, ça effraie toujours.

Kool M : Quelques mois auparavant, Renaud Letang avait sorti Clandestino de Manu Chao. C’est le genre d’album où tu comprends que le mec qui l’a mixé arrive à faire sonner deux claves comme un beat et à en faire un truc qui tourne. C’est d’abord Soul G et moi qui sommes allés le voir. On l’a rencontré et on s’est retrouvés face à quelqu’un de très humble qui avait mixé à lui seul quasiment tous les groupes qui passaient en rotation sur Ouï FM. On lui a expliqué ce qu’on voulait : partir sur une ambiance cinématographique, créer un environnement sonore, un monde, quelque chose qui relève presque de la musique de films. On lui avait donné « Écoute le sang parler », car c’est un titre qu’on trouvait vraiment compliqué à mixer. Il nous a rendu un mix qui pétait. Tout le groupe a adoré. On a vu qu’il comprenait vraiment ce que l’on souhaitait faire et voilà, c’était parti.

DJ Duke : L’Ombre sur la mesure, dans ma réception d’auditeur, je l’ai plus reçu comme un album des MC. J’ai eu le sentiment que c’était moins un album fait à 50/50 entre beatmakers et rappeurs. Je peux me tromper, mais j’ai ressenti que les rappeurs ont orienté le disque vers un univers très cinématographique. Ça leur va vachement bien d’ailleurs, le disque est très deep. Mais quand je le mets en parallèle des volets, j’ai le sentiment que c’est plus un disque conduit par les rappeurs. Il perd un peu les touches funky qu’avaient les volets. Même si les thèmes étaient déjà bourrés de sens et de gravité, les boucles y étaient souvent funky. Et c’est d’ailleurs vraiment dans L’Ombre sur la mesure que le discours politique de La Rumeur, par références, s’exprime plus pleinement que jamais.

Kool M : Traduire sa culture politique en tant que beatmaker, ça se faisait par ma passion pour le ciné. Gérald est aussi un passionné de cinéma, mais je pense pouvoir dire que je le suis plus que lui. Quand les rappeurs venaient nous voir en évoquant des ambiances, des sonorités, on cherchait à conceptualiser ce qu’ils disaient à travers des mini-environnements sonores. Je suis un grand fan de films noirs, de compositeurs comme Lalo Schiffrin ou Michel Magne et j’ai toujours aimé les bandes originales. Plus généralement, j’aime les disques qui ont une atmosphère. L’idée, c’était donc que chaque morceau n’ait pas peur de sonner comme un film, sans avoir peur d’avoir recours à des bruitages, des sons d’ambiance. Les rappeurs sont des scénaristes, Gérald et moi sommes des compositeurs et tous ensemble, on est des réalisateurs.

Demi Portion : Je me souviens que je voyais leurs clips passer à la télé, et c’était un gros boum ! « Le Cuir usé d’une valise » est très cinématographique, avec ce grain de fou.

Kool M : « Le Cuir usé d’une valise » a marqué beaucoup de monde, notamment pour son côté cinématographique. Mais je suis sûr que sans le clip, pour lequel Hamé s’était vraiment pris la tête, on ne se focaliserait pas plus sur l’aspect cinématographique de ce morceau qu’un autre. Pour moi, tout l’album a un côté cinématographique complètement assumé.

La Gale : Les MC's de La Rumeur modèlent leurs textes de façon à ce que tu puisses visualiser des choses. Ils ont tous cette qualité et Hamé plus particulièrement. J’ai pu encore plus le constater quand j’ai travaillé avec eux pour De L’encre.

Kool M : Au total, on avait maquetté des dizaines de titres avec Soul G. On n’avait pas utilisé de chutes des volets. Tout est composé pour l’occasion, en brainstorming, comme on l’a toujours fait et la genèse des morceaux a toujours été très compliquée. Il y a toujours eu quinze mille idées qui fusent. On en sélectionne puis, finalement, il y a toujours au moins l’un des MC qui change d’avis. Au sein de La Rumeur, on est des insatiables, avec tout ce que ça comporte comme qualités, notamment le fait que tous les quatre sont des bosseurs, des vrais bosseurs. Mais le défaut des insatiables, c’est qu’ils sont rarement satisfaits. Lors de la construction de L’Ombre sur la mesure, il y a eu une trentaine de morceaux qui ont été mis au rebut. On peut dire que l’album a eu trois versions. Il y a des trucs que Soul G et moi trouvions vraiment mortels mais que les rappeurs ont fini par recaler. Nerveusement c’est usant, mais c’est aussi ce qui fait notre force car il y a un vrai travail de groupe. Ensuite, on se dispatche selon les sons : duo, trio, quatuor, et Renaud Letang s’est proposé de faire des arrangements, la réalisation. Il nous avait dit « je peux vous décupler le truc » et effectivement, il l’a fait. Un titre comme « 365 cicatrices », par exemple, ne devait pas commencer comme ça. Le beat devait être là dès la première seconde. C’est Renaud Letang qui a pris le parti de lancer le titre a cappella, puis de faire arriver ce sinus et enfin lancer le beat. C’est un exemple parmi tant d’autres de ce qu’il a fait. Il est vraiment très fort.

Demi Portion : Je suis parti acheter l’album au Virgin Megastore de Montpellier, puisque c’était un groupe que je suivais et que j’aimais déjà beaucoup. J’attendais vraiment leur premier album. Quand je l’ai écouté, j’ai pris une grosse gifle, surtout pour le titre « 365 cicatrices » du Bavar. Ce morceau était phénoménal et puis l’instru… C’était le titre qui me collait le plus, avec un délire oriental.

Kool M : Ce qu’on voulait aussi, c’est que l’album soit une main de fer dans un gant de velours. La main de fer, ce sont les a cappella. Le gant de velours, ce sont les instrus. Et on voulait ce délire film noir. Aller chercher des dialogues et des ambiances de films, c’est quelque chose qu’on a aimé faire. Quand on a fini l’album et qu’on l’a comparé avec les volets, on a compris ce que c’était de sonner, notamment grâce à Renaud Letang.

Arm : En plus de la portée politique du groupe, de cet inédit mélange de rap très cérébral et de rap de quartier, il y a toute cette identité film noir, Audiard, titis parisiens, qui était très originale à l’époque. Tu es à la fois dans la gamberge, tu sens leurs références cinématographiques ou littéraires, et en même temps tu sens la rue, un vécu. Personne ne faisait ça. Ils se sont construits là-dessus.

Thomas Blondeau : L’Ombre sur la mesure est un grand album de rap. Au premier abord, il y a une certaine monotonie dans la production, mais en réalité, c’est une véritable identité sonore et textuelle. Il y a une vraie cohérence, et ça arrive en plus au moment où le rap fait des albums avec des fillers, des producteurs différents. Pour moi, quelque part, c’était important qu’il y ait quelque chose de monotone dans La Rumeur, car tu y sens cette fermeté et des mecs extrêmement soudés. Il y a une véritable éthique et une profondeur du discours, des références historiques comme « 365 cicatrices » par exemple. En réalité, tout l’album est une peinture criante de vérité, qui porte un message. C’est un tableau.

Marc Nammour : Quand je découvre le titre de l’album, je me dis que ça présage du bon. Et quand j’ai écouté le disque, j’ai adoré, sur-adoré même. Les mecs étaient définitivement lancés, tu sais qu’ils ne peuvent plus dévier.

Kool M : Évidemment, EMI a ensuite voulu qu’on fasse la promotion de l’album. Ils nous ont mis en face de Tania Scemama qui était l’une de leurs attachées de presse et qu’on ne connaissait pas encore. Ils pensaient qu’on allait faire comme tout le monde, mais évidemment, on refusait d’aller la voir. On refusait aussi de donner des interviews ou plutôt, on acceptait seulement d’en donner aux gens en qui on avait confiance. Il y en a peu.

Thomas Blondeau : J’étais arrivé depuis très peu de temps chez RER et Tania Scemama, que je connaissais déjà et qui m’avait annoncé qu’EMI allait signer La Rumeur, m’appelle. Quelque temps plus tôt, elle m’avait dit que ce serait bien que je suive la sortie de l’album. Au téléphone, elle est emmerdée, car finalement, La Rumeur ne veut pas entendre parler de la presse rap. Pour eux, on va baisser notre froc, jouer le jeu de Skyrock. Elle a finalement réussi à me faire venir en studio, car contrairement à l’usage de l’époque, le groupe refusait d’envoyer des maquettes ou des mises à plat. « Thomas, si tu veux écouter l’album, tu te déplaces et prépare-toi à être enchaîné à un siège. » [Rires] Seuls Vincent Portois de Groove et moi sommes venus. Quand on est arrivés, Hamé et Ekoué nous ont d’abord fait un vrai interrogatoire. Pourquoi on a mis untel en couverture, ce genre de questions. En exagérant, je te dirais limite qu’on a dû dire pour qui on votait. [Rires] Ils étaient vraiment méfiants vis-à-vis de la presse.

Kool M : Passer dans les mains d’un attaché de presse ou d’un service de communication ? C’était inenvisageable. Du coup, ils nous demandaient comment on allait faire notre promo. « Ben, on va sortir le disque, c’est lui la promo ! » [Rires] Avec la maison de disques, on a eu des conversations de fou, des non-sens pour eux comme pour nous. C’est notamment de cette situation que vient l’idée de faire notre propre magazine avec la sortie de l’album. On a décidé que notre communication serait faite par nous et pour nous.

Marc Nammour : Quand ils lancent le magazine avec le premier album, ça contrebalance complètement le fait qu’ils soient signés en major. Ça a dû être un taf de dingue et la démarche défonce. Tu marques ton indépendance en faisant cela, tu affirmes que tu es maître de ton propos, de comment il est diffusé, tu montres que tu es maître de ton image. Qu’ils se soient structurés pour fournir ce fanzine, ça a été mortel.

 Avec le magazine, ils contrebalancent complètement le fait qu’ils soient signés en major, ils affirment leur indépendance et la maîtrise de leur propos.  

Marc Nammour

Kool M : On est en pleine période d’élections et ce magazine va être l’outil promotionnel de l’album. Dedans, tu as deux textes qui vont avoir un impact sur notre carrière. Le premier est un texte d’Ekoué qui s’intitule Ne sortez jamais sans votre gilet pare-balles. C’est un pamphlet contre la récupération et le lissage de la culture rap par Skyrock. Tcho l’avait illustré en reprenant le visuel de Skyrock qu’il avait criblé d’impacts de balles. Dans la même période, un vigile de Skyrock s’était fait tirer dessus au grenaille par un malade, qui n’avait rien à voir avec le rap. Sky a commencé à dire qu’on incitait les gens à leur tirer dessus et a porté plainte. Ils ont mis un coup de pression à EMI en leur demandant de retirer le magazine. EMI voulait qu’on s’arrange avec Sky : « mais vous vous rendez compte, Skyrock, les intérêts qu’il y a ! » Nous, on s’en foutait, c’était leur intérêt, pas le nôtre. Les magazines étaient de toute façon déjà distribués. Au final, on n’a rien retiré de ce qui avait déjà été diffusé. Par contre, il n’y a pas eu de réimpression. De son côté, Skyrock a porté plainte mais elle a été classée sans suite. Mais du coup, le magazine, lui, s’était retrouvé entre les mains de la police et Skyrock a attiré leur attention sur un article d’Hamé : Insécurité sous la plume d’un barbare. Ils ont filé ça aux Renseignements Généraux et là, on est entré dans un autre délire. Un syndicat de police a commencé à couiner, on est tous passés en audition aux RG. C’est comme ça que la procédure judiciaire, qui a duré huit ans, a commencé.

Demi Portion : L’insécurité sous la plume d’un barbare, je l’ai toujours à la maison. Ils font partie des gens qui étaient visionnaires et avaient cette capacité de tenir un discours sans sourciller.

Thomas Blondeau : Quand le ministère de l’Intérieur les a attaqués, ça a été pour délit de presse. Et La Rumeur s’est défendu non pas sur la liberté de la presse, mais sur le fond du propos. « On s’en bat les couilles de la liberté de la presse, ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est que ce qu’on a écrit est vrai. Et si on gagne en justice, la vérité sera reconnue », voilà leur ligne de défense. Ça démontre aussi un radicalisme dans le propos et une éthique, celle de ne pas se planquer derrière la liberté de la presse et d’assumer à cent pour cent ce qu’on a écrit. Tout le radicalisme de la Rumeur est contenu dans cette défense.

Arm : Le procès a fait beaucoup parler et a contribué à leur identité, qu’on le veuille ou non. Quand je parle de La Rumeur avec des gens, c’est souvent le procès qui revient en premier, au point que je trouve parfois qu’on en oublie tous les morceaux qui ont été faits depuis et qui ne racontent pas ça.

Kool M : Ça n’a pas empêché L’Ombre sur la mesure de nous permettre d’avoir plus d’exposition. On a notamment eu plus de dates et on a pris définitivement conscience de l’importance de la scène, au point que ça a influencé la construction de notre second disque. On a continué à aller chercher notre public via des dates, je crois que c’est comme ça que notre musique a le plus tourné. On aime la scène, et même si c’est crevant d’enchaîner les dates, on aime ce rapport au public. Et surtout, on a compris qu’on était une marque. Le Secteur Ä, dans un délire différent, avait aussi compris ça. Je sais que le mot fait bizarre dans notre bouche, mais oui, on est une marque, au sens où quand tu entends le nom de La Rumeur, tu sais qui tu as en face de toi, ce qui te sera proposé, ce qu’on fait, notre savoir-faire et pourquoi on le fait. On a créé La Rumeur Records avec comme volonté d’être en licence. On a voulu aller aussi vers l’édition de livres, le documentaire, les films, des plateformes internet, où on voulait qu’il soit possible de parler de contre-culture et de culture urbaine de façon indépendante. On a voulu élargir, ne jamais se limiter.

La Rumeur Records, la réappropriation selon Hamé, au micro d’Olivia Gesbert - France Inter – 2004

La Gale : Il y a des choses qui se mesurent dans le temps. La Rumeur a su tenir dans le temps et garder sa ligne de conduite, sans changer de formule mais en évoluant. Leur militantisme est très marqué et ils ne dévient pas de ce qu’ils pensent ni de leur façon de faire. À côté, ils n’ont pas peur d’explorer d’autres domaines. J’aime cette idée que c’est bon d’agir là où on ne t’attend pas et eux le font. Cela donne une véritable assise supplémentaire à leur propos, à leur démarche.

Thomas Blondeau : Que ce soit le cinéma ou autre chose, ils ont toujours tout fait en indépendance totale, n’ont jamais acquiescé à ce qu’on leur disait de faire. Ils ont eu envie de faire plein de trucs et ils l’ont fait. Ils ont plein de cordes à leur arc, s’en battent les couilles de faire un disque d’or. Ils enregistrent tranquillement dans leurs locaux, développent leurs projets de site internet, de films, sans parler de la musique ou de maisons d’édition. Ce sont des mecs qui se sont toujours pris en main, qui n’ont eu besoin de personne, malgré ce paradoxe d’avoir commencé en maison de disques. Aujourd’hui, ils font partie des vraies réussites du rap français.

Demi Portion : Peu d’artistes peuvent encore tenir aujourd’hui leur discours de l’époque. Tu as tout dit dans ton premier album, pas besoin d’en sortir huit ! Quinze ans après, ils peuvent refaire une tournée sans aucun souci, avec le même nom et un public toujours fidèle.

Kool M : Je pense que notre musique a bien vieilli et qu’elle est encore en phase avec le monde d’aujourd’hui. Peut-être même plus, malheureusement. Le discours de La Rumeur, en vérité, c’est un peu de l’enfonçage de portes ouvertes, dans le sens où on n’invente rien, on ne fait que dire des choses qui existent et sur lesquelles des diagnostics sont posés. On met des mots sur des situations. « Pas de justice pas de paix », c’est un titre qui est encore d’actualité malheureusement, en ayant heureusement bien vieilli musicalement.

Nordine Iznasni : Aujourd’hui, je pense que leur discours est encore plus audible. Les gens sont conscients de ce qui se passe. Certains veulent faire passer les habitants des quartiers pour des gens qui ne sont pas conscients, mais c’est faux. La Rumeur le montre. Un jour, il faudra être des milliers dans la rue pour dire que les affaires de violences policières ça suffit. On ne peut pas étrangler des gens, les étouffer ou leur tirer dans le dos, sans que personne n’ait de comptes à rendre. Ça va rendre les gens fous furieux. On l’a dit déjà à l’époque que sans justice, sans reconnaissance, il va se passer des choses encore pires dans les quartiers. Il y a un moment, il faut qu’on montre qu’on n’est ni des chats ni des chiens et il faut le dire autre part que sur Internet. Ce combat, c’est beaucoup d’implication, ce n’est pas facile et les gens ont besoin de repères. Ces repères, voilà ce que La Rumeur apporte.

Thomas Blondeau : La Rumeur a considéré le rap comme un porte-voix de leur discours politique. Même leur dernier film [Les Derniers Parisiens], c’est un vrai parti pris. Il traite de la gentrification du dix-huitième et montre bien que la dimension populaire de l’arrondissement va crever à force de voir les habitants historiques s’en aller et les loyers augmenter quand les appartements sont remis en location. Au fil du temps, La Rumeur est passé d’un discours politique très général à quelque chose de plus proche du quotidien, plus dans le récit d’errance. Un titre comme « Quand la Lune tombe » n’est pas de ceux qui se faisaient sur L’Ombre sur la mesure. Et surtout, quand NTM ou IAM disaient simplement « nique la police », La Rumeur le faisait avec, en plus, un mélange d’engagement et de jactance, avec leur singularité. En fait, ce n’est pas le groupe qui dit juste « untel est un enculé », mais qui dit « c’est un enculé, et on va t’expliquer pourquoi », en découpant tout le monde quand c’est nécessaire, comme sur « Le Prédateur isolé. » [Rires]

La Rumeur à l’antenne de What’s the Flavor pour la sortie de L’Ombre sur la mesure - Générations 88.2 (2002)

Kool M : Le groupe entier s’est retrouvé autour de cet engagement. Ces volets et cet album, c’est une fierté. Tu joues « Blessé dans mon égo » pour la trois cent cinquantième fois et les gens kiffent toujours, nous le demandent encore. On s’est rendu compte qu’on a créé des classiques. Quant à nous, ce dont je suis fier, c’est qu’on soit encore tous là. Le groupe n’a pas bougé dans sa composition. La Rumeur est une entité indivisible qui, pour chacun d’entre nous, est une famille. C’est un kif commun. Quand Rissno s’est marié et est parti vivre en République Dominicaine, on n’a pas su prendre quelqu’un d’autre, ce n’était pas possible. Idem quand j’ai quitté la gérance de notre label, on aurait pu partir sur dans une maison de disques, mais non, c’est impossible. On est un clan. Personne ne rentre dans notre clan comme ça. On est la famille Mulliez du rap. [Rires] Il n’y a aucun actionnaire, on n’a pas ouvert notre capital, on n’est pas entrés en bourse, on est indépendants et c’est notre choix.