J'appuie sur la gachette

Suprême NTM

("1993... J'appuie sur la gachette", 1993)

Quatre ans avant le 'Nirvana' de Gyneco, biographie lugubre d’un suicidaire, de la naissance à l’enterrement. Pour l’occasion, Kool Shen et Joey Starr troquent leur impétuosité contre un ton grave.

Dans la sono

Beat 2 Boul

("Dans la sono", 1996)

L'entrée au bulldozer de Mala, le bagoût inimitable de Dan, le couplet de cascadeur de Zoxea, le jeune Sir Doum's et son flow d'escrimeur pour conclure, sans oublier ce refrain scratché brandit comme l'hymne ultime d'un collectif auteur de deux EP mémorables et dont on aurait tous voulu qu'il ne s'arrête pas en si bon chemin.

Dans ma rue

Doc Gynéco

("Première consultation", 1997)

'Dans ma rue' ou un portrait un rien fantasmé et plein d’humour du dix-huitième arrondissement parisien. Un cousin éloigné de 'Gin and juice' sur lequel le charismatique docteur gynécologue traîne une nonchalance jouissive et contagieuse. Définitivement à sa place dans ce classement.
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Les miens

Shurik'N

("Où je vis", 1998)

‘Les copains d’abord’, sans guitare ni moustache. Hymne méconnu d’une génération de potos. Années système D, jobs de nuit, soirées pillave au square faute d’appart et virées sept par sept en 205. Onze ans plus tard, lorsque l’un d’entre eux a le cœur en automne, les mêmes lui envoient par mail le lien Youtube du clip. Sans un mot - "L’orgueil, c’est comme ça."
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L'Etat assassine

Assassin

("L'homicide volontaire", 1995) - Photo Maître Madj : Yann Levy

Ça commence comme un exposé nerveux des bavures policières, ça se termine par le meurtre d'un flic - ou presque, Rockin' Squat se réveillant in extremis de son cauchemar vengeur. Avec les ambiances hallucinées de Doctor L, 'L'Etat assassine' condense l'esprit et l'esthétique Assassin du milieu des années 90. Et reste, quinze ans après, l'incarnation de la conscience rap à la française.

'L'Etat Assassine' vu par MAÎTRE MADJ (ex-responsable du label Assassin Productions) : "En 1993, il y a eu une série de bavures policières, notamment l'affaire Makomé et une autre bavure dans le nord de la France, à Wattrelos. Je crois qu'en une semaine, trois ou quatre jeunes avaient été tués par la police. 'L'Etat assassine' a été pensé et conceptualisé suite à cette actu. L'essentiel du texte est la synthèse de nombreuses discussions qu'on avait à l'époque, Squat et moi-même. Il écrivait, et on débattait ensemble. C'était un travail d'équipe : je n'intervenais pas sur tous les textes, mais sur certains points de principe, voire des questions de syntaxe.

Assassin commençait à être investi dans toutes sortes de champs politiques, sociaux, citoyens qui ont un peu fait notre "marque de fabrique" à l'époque. On a commencé à rentrer en contact avec des réseaux investis sur le terrain, comme le Comité National Contre La Double Peine, la base historique du MIB (Mouvement de l’Immigration et des Banlieues). Le titre du morceau a été emprunté à une brochure sortie à l'initiative de nombreux militants associatifs autour du réseau Reflex/No Pasaran. Cette brochure, qui est désormais introuvable, recensait toutes les bavures de 1972 au début des années 1990.

Le morceau était déjà enregistré et produit avant qu’on nous sollicite pour le film "La Haine". Si mes souvenirs sont bons, la compilation est sortie deux, trois mois avant "L'homicide volontaire". D'un point de vue artistique, il était difficile de penser qu'on aurait pu founir un morceau meilleur que "L'Etat assassine" en si peu de temps. Quand tu as jeté un truc pareil, tu peux difficilement faire mieux trois mois après. Je me souviens qu'à l'époque, on avait eu un petit problème de fond avec Mathieu Kassovitz. Il nous semblait un peu démago de faire une compil' sur le rapport des jeunes des quartiers populaires à la police sans qu'à un moment, le disque ne puisse profiter aux gens qui en avaient besoin sur le terrain. On a donc imposé à Delabel et Mathieu de reverser une partie des bénéfices du disque à un réseau ou une initiative émanant de gens qui luttent au quotidien sur ces questions. Ça a été l'objet de discussions un peu compliquées. A un moment, on a mis notre participation à ce projet sous condition : "On veut bien être là, mais il faut que ça passe comme ça". Finalement ils ont cédé – et d'ailleurs Delabel a cédé plus facilement que Mathieu. [rires] Il avait du mal à accepter qu'on lui dise ce qu'il avait à faire. Finalement, une partie des bénéfices a servi à la production d'un concert qu'on avait organisé avec le MIB. Delabel a donc envoyé un petit pactole qui a servi à financer une partie des frais du premier concert "Justice en Banlieue" en mars 1997.

'L'Etat Assassine' est un morceau qui est encore d'actualité. Ces choses qu'on critiquait il y a plus de quinze ans, toutes ces questions de justice et d'impunité policière, elles n'ont pas changé. Il y a une attitude dans l'intervention au quotidien des forces de l'ordre qui est limite pire qu'avant. Aujourd'hui, ils ont tous les droits. Avec le développement d'internet, même si c'est un espace de liberté, on est rentré dans un développement de cette société post-industrielle qui favorise encore plus le contrôle politique ou policier. C'est ce qui fait que la force de l'œuvre d'Assassin reste en partie intemporelle. Je pense que la place qu'on occupait à l'époque est aujourd'hui vacante dans le rap français. Il n'y a plus ce grand groupe engagé, et en même temps avec une qualité artistique de très haut niveau. Aujourd'hui, il y a un grand manque dans le rap français. Personne n’a l’envie et la capacité de tenir cette place, pas même le Rockin’ Squat d’aujourd’hui…"

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