Tout n'est pas si facile

Suprême NTM

("Paris sous les bombes", 1995)

A mi-parcours de leur carrière, Kool Shen et JoeyStarr dressent un premier bilan et montrent à quel point leur histoire personnelle est liée à la mythologie du hip-hop hexagonal. Les cyniques diraient aujourd'hui d'un morceau pareil qu'il est "jazzy", voire "passéiste". A l'époque, rien de tout ça : les scratchs rugueux de 'Tout n'est pas si facile' passaient en boucle sur la FM. Comme quoi.

Nirvana

Doc Gynéco

("Première consultation", 1997)

Se suicider pour tuer le temps, pourquoi pas ? La musique est funky, le soleil brille entre les barres d’immeuble mais… Mais il y a un putain de mais : le Doc a l’impression d’avoir fait le tour de la question. A 22 ans, c’est embêtant. Il en restera pourtant au stade de l’intention… Les mauvaises langues disent qu’il aurait peut-être dû. La maison Trois-Rivières et Christine Angot pensent l’inverse.

Les jeunes de l'univers

Rocca

("Entre deux mondes", 1997)

Le sample de Michel Berger aurait pu l'inciter à pondre un texte larmoyant. Mais non. Sur cette poignée de notes de piano ralenties, Rocca pose le plus puissant morceau d'espoir du rap français. Plus grand succès commercial du MC de La Cliqua, aussi : en 1997, 'Les jeunes de l'univers' fera le bonheur des radios et des chaînes musicales.

Manifeste

Shurik'N ft. Akhenaton

("Où je vis", 1998)

En 1997, ‘Demain c’est loin’ est un constat clinique. L’année suivante, Shurik’n convoque son partenaire sur son album solo pour passer à la partie pratique, avec un ‘Manifeste’ accusateur et revendicatif : "A l’Assemblée, on ignore ce qui se passe sur le macadam."

On s'habitue

Rocé

("Top Départ", 2002)

Un clip où les phases se décomposent sur l'écran. Une silhouette qui rappe l'angoisse du conditionnement. Des mots qui opposent la routine à l'identité. Un one-shot qui va crescendo. Un texte qui s'impose à la rétine comme à l'oreille. 'On s'habitue' est une histoire de mises au point qui met les sens en alerte.

'On s'habitue' vu par DJ MEHDI (producteur) : "Je garde un très bon souvenir de cette collaboration et j'ai toujours de très bons rapports avec Rocé. Pendant longtemps, il a fait ses propres musiques avec son frère. Quand je les ai rencontrés, ils se produisaient eux-mêmes. Le détail amusant, c'est qu'ils ne voulaient pas forcément que je leur fasse des instrus, par solidarité l'un envers l'autre. Ce qui est compréhensible, d'ailleurs. Quand j'ai mixé et réalisé la structure telle qu'on la connaît maintenant – Rocé part sans beat, puis les éléments arrivent petit à petit, la séquence n'intervient qu'au bout d'une minute 30 – Rocé n'a pas aimé du tout. Il m'avait demandé de remettre comme c'était sur la maquette. Il trouvait que ça mettait trop de temps à commencer, il n'était pas chaud.

Le sample ? Précisément, là, je ne m'en rappelle plus. On parle d'une époque, il y a plus de dix ans, où je faisais trois, quatre prods par semaine. Je crois que le sample c'est Carl Tjader. Je crois, mais je pourrais me tromper. A l'époque, j'ai payé assez cher mon utilisation des samples car je me suis mangé quelques procès. Ce genre d'erreurs, j'ai du les payer et en argent, et en soucis, mais quand je réécoute des titres comme ça, ça me fait toujours plaisir. Au moment où j'avais l'impression que la composition dans le rap était entrain de progresser, j'avais l'impression qu'avec ce genre de technique, j'étais un peu resté bloqué dans une autre époque. C'est aussi pour ça que j'ai cherché à évoluer en prenant des samples moins longs et moins grillés tout en incorporant des instruments. Ceci étant, le rap est une musique qui a ceci de particulier que ses meilleurs disques ont été écrits en 1988 et 1991, c'est-à-dire avant les ordinateurs, avant les CD, avant le mp3, avant Logic Audio. C'est une question de goût, mais pour moi, les meilleurs disques de rap, ce sont ceux de Boogie Down Production, Eric B & Rakim, Eric Ultramagnetic MC's, Public Enemy… Autrement dit : des disques basés uniquement sur des samples, soit de James Brown, soit de Parliament/Funkadelic. La sophistication y est uniquement stylistique et lyricale. Peu importe si c'est mixé par tel mec dans tel studio, peu importe les moyens, c'est ça qui a fait les meilleurs disques.

Aujourd'hui, je reviens un peu sur ce que je pensais à l'époque. J'aurais pu apporter un peu plus de sophistication à mes instrus en prenant des samples qui ressemblaient moins à leur source originale, mais la vérité c'est que même maintenant, je pense qu'on n'a pas fait mieux que le premier ou deuxième album d'Eric B & Rakim. Là, de tête, je n'arrive même pas à me souvenir de mes propres samples, mais ceux du premier Eric B & Rakim, je peux te les citer en deux secondes [rires]. Mon cœur balance entre faire de la musique plus sophistiquée ou faire de la musique comme celle qui m'a donné envie de faire mes propres instrus. Souvent, j'en reviens à la deuxième solution."

Lire l'interview de Rocé (octobre 2006)

D'accord avec le classement ? Pas d'accord ? Donnez votre avis sur notre blog et notre forum.