Sidekicks

Voilà bientôt deux ans que Gucci Mane a disparu derrière les barreaux après une cavalcade dure amère sur les réseaux. Mais son héritage reste intact, présent à tous les étages de la culture rap & pop actuelle. Dans son fief de la zone 6 d’Atlanta, le photographe Cam Kirk lui a consacré une exposition éphémère nommée « Trap God » en avril dernier. Mélange d’images inédites et d’installations incroyables dans une église abandonnée, cet événement était le décor rêvé pour un clip de Young Thug avec tonton Guwop en featuring.

Tout l’impact de Gucci Mane est contenu dans ces visuels, entre meme internet infini et vrai demi-dieu de la musique de dealer sudiste. Entre deux mixtapes pleines de chutes (morales et musicales), l’homme aux BURR peut être fier de ses rejetons et de leur dévotion à toute épreuve. Et la communauté s’agrandit avec The Burrprint, un portail et un événement à New York la semaine dernière, avec Cam Kirk, 808 Mafia, Rome Fortune, le tout soutenu par Tumblr. Gucci Mane est l’ombre qui plane derrière tous vos rappeurs préférés, il est temps de le célébrer comme Thugga dans la Trap Church.  Apprécie !

La routine de Young Dolph n’est pas compliquée. Boire des sodas codéinés, faire pleuvoir du papier numéroté sur des filles dénudées, fumer des tubes blindés de verdure bien corsée et balancer tout ça dès que le micro est allumé. Le prince du rap piège de Memphis est toujours en cavale sur les meilleures cuisineries de tes producteurs préférés. Cette fois-ci, on retrouve Drumma Boy la légende pour une virée bien psychédélique dans le Tennessee de la Mafia aux trois six. Chaque putain de jour. Continue le voyage avec 16 zips et toujours, apprécie !

Plies ne lâche pas l’affaire. Jamais. Son dernier album dans la ligue majeure date de 2010 mais le petit nerveux de Floride a enchaîné les mixtapes à un rythme régulier depuis. La formule a beau être éprouvée, l’énergie demeure intacte et la voix de Plies monte toujours dans les tours dès que les premières notes retentissent. Considéré comme un goon ultime, un abruti irresponsable, Plies a pourtant trouvé le secret d’une véritable longévité. Proche de Boosie, ce vétéran continue la guerre comme si elle ne finissait jamais et apparait comme le dernier mec qui reste debout quand tout est fini. En attendant l’apocalypse, sa dernière mixtape Ain’t No Mixtape Bih nous maintient en équilibre sans trop en faire, avec une vidéo de narco en prime. Ne snobe pas Plies. Et apprécie !

Dr. Dre vient de sortir Compton et, malgré l’impressionnant sentiment de maîtrise qui s’en dégage, le disque est à des années lumières des sonorités g-funk issues de Chronic. Quand certains se réjouissent de la capacité du Docteur à constamment se réinventer, certains regrettent déjà de ne pas avoir eu la bande son ensoleillée de leur mois d’août. Qu’ils se rassurent : un autre vétéran californien a fait le choix du retour aux sources en donnant une suite à l’un des plus grands classiques que le rap de Long Beach ait produit. 21 ans après Regulate… G Funk Era, Warren G vient d’en sortir la deuxième partie. Une entreprise ardue tant on sait que les sequels font souvent des déçus. Et pourtant, on se surprend à se plonger dans cet EP comme on regarderait avec plaisir les photos de nos premières colonies de vacances : on y retrouve de vieilles connaissances (le fameux DJ Eazy Dick est de retour), on reconnait les endroits où l’on a fait nos premières bêtises (le disque a parfois des allures de carte postale) et on repense avec émotion à notre meilleur pote de l’époque (Nate Dogg est présent sur l’ensemble des titres). Un projet qui ne réinvente pas la roue mais qui, sans nostalgie mal placée, nous ramène deux décennies en arrière. Repose en paix Nate Dogg.

« J’suis qu’une étoile filante, j’serai jamais une star. » Et pourtant, Escobar a prouvé à plusieurs reprises qu’il possédait une des plumes les plus aiguisées du rap français. Avec son rap sombre et blindé de références, il aura parfois eu du mal à trouver son public malgré une série de projets réussis. Le dernier en date, Red Business, ne dérogeait pas à la règle et « Pablo » vient tout juste de démontrer que le rappeur n’a rien perdu de sa verve. Sur une production ténébreuse de Wealstarr, Esco enchaîne les rimes choc, se moque ouvertement de l’autotune et règle ses comptes avec l’industrie. A regarder jusqu’à la fin.

Plus les années passent et plus on réalise à quel point Fabe était une curiosité dans le rap français des années 90, au-delà de son image (bien réelle) d’artiste intègre et clairvoyant. Le MC de Barbès ne rappait pas pour ne rien dire, mais il résistait rarement à l’appel du bon mot (qu’on n’appelait pas encore la « punchline »). Il était ouvertement distant, mais on pouvait le retrouver parmi les rares invités d’un disque aussi énorme que L’École du micro d’argent d’IAM. Et même s’il n’allait « jamais dans la tendance », il était quand même partant pour poser un couplet sur un single que Puff Daddy aurait pu produire. Bref, c’était un artiste complexe, brillant, et impossible à catégoriser. Avec Koma, son compère au sein de la Scred Connexion, Fabe a formé l’un des meilleurs duos du rap hexagonal. L’équipe Conçu pour Durer leur rend hommage à travers une sélection de leurs morceaux en commun. De quoi regretter que ces deux-là n’aient jamais eu l’occasion d’enregistrer un album ensemble.

Il a rarement été question de paix avec Sean Price. Plutôt d’esprit de famille et de collectif (Heltah Skeltah, Boot Camp Click, Random Axe), de Brownsville et d’authenticité. Trois ans après la sortie de son troisième album solo, longuement attendu, Mic Tyson, Sean Price s’est éteint mystérieusement dans son sommeil hier. Un paquet de souvenirs nous reviennent au passage en pleine gueule, notamment son couplet sur l’éternel Dah Shinin’, son premier solo (Monkey Barz), son esthétique de rouleau compresseur et cette interview épique avec le trio éphémère Random Axe où Sean Price avait bloqué la porte d’entrée avec une table pour ne plus être emmerdé. Il était comme ça Sean Price, brut et charismatique. Qu’il repose en paix.

La nouvelle génération a été bercée par GoblinTake Care et Yeezus. Elle a pour modèles :  Travi$ Scott, Chance The Rapper et quelque part Future, peut être sans le savoir. Avec les spectres de Lil B et Gucci Mane qui planent doucement au dessus de l’ensemble choral.

Trapo est complètement issu de cette matrice. Mais il en propose une version déjà très aboutie du haut de ses 17 ans. Cette nouvelle tête du Wisconsin (oui oui) nous propose une expérience avec « Cards & Conversation », un mélange de chant autotuné et de sentences brutales sur fond de jeu de cartes entre amis. L’histoire est simple et prenante : Trapo nous raconte un accident auquel il a échappé, totalement indemne. Un témoignage qui pourrait être anodin mais qui transporte facilement grâce à une voix bluffante, une mise en musique subtile et un concept béton.

Bien sûr, ça ressemble à ce qu’on entend un peu partout en ce moment mais il y a la petite étincelle, l’effet Roy Wood$ qui donne envie d’en avoir plus. Apprécie !

Au mois d’octobre 2014, l’équipe Deeper Than Rap racontait l’influence que Lil B avait pu avoir sur une large partie de la nouvelle scène rap. Plus sceptique, Teki Latex regrettait lors de notre entretien que nous en soyons à la troisième génération de rappeurs qui copiaient le style du Based God. Parmi ceux-là, impossible de ne pas citer Chance The Rapper, le Chicagoan n’ayant jamais caché son admiration pour l’auteur de Illusions Of Grandeur. Réaliser une mixtape entière avec lui s’apparente donc au rêve devenu réalité (il le confesse ouvertement sur la piste « First »), une échappée dans la jeune carrière de Chance qui lui permet de plonger dans l’univers de Lil B et de se remettre à rapper après l’épisode Surf. Une excellente surprise en attendant la mixtape collaborative de Lil B avec Kendrick Lamar (laissez-nous y croire).

Cela fait plus de deux ans qu’on attend le successeur du très bon Life Changes, dernier album en date de Casey Veggies. Depuis, le rappeur californien nous livre quelques petites friandises entre flip à l’envers entre copains et attachement pour la nouvelle jeune égérie. Et on le sent bien. Finalement, pourrait-il être le grand gagnant de cette scène bouillonnante de Californie entre Opm!, HBK Gang et autres Black Hippy ? Dans tous les cas, l’ambition et le niveau sont en constante élévation comme sur cet « Organic », du pur jus funky rafraichissant fourni par Hit-Boy, toujours en forme. Life & Grow est prévu pour le 25 septembre prochain et on trépigne déjà. Apprécie !