Never forget the Disc-Jockey

Mista Sinista

Pour parler de Mista Sinista il y a plusieurs façons d’aborder le personnage. D’abord il y a la carrière, brillante. Ou on peut décider de raconter sa vie, la vraie. Retour en un mix sur un parcours plein de fissures et de fractures.

et Artwork par Hector de la Vallée.

La carrière de Mista Sinista était tracée depuis l’enfance. Le petit Joey Wright est un enfant de la balle, le virus du deejaying il l’a contracté de son père, lui-même DJ. Ayant grandi dans le Queens dans les années 80, avec comme potes VIC  (le « quatrième Beatnuts ») et son futur collègue Rob Swift, il se destine à vivre de sa passion pour le scratch. En 1986 il s’offre ses premières Technics pour pouvoir consacrer tout son temps libre à s’entraîner. En 1991 il rencontre Dr Butcher, un DJ et producteur en devenir qui a déjà un pied dans l’industrie. Puis c’est la rencontre qui va changer sa vie : Steve D, un des DJs les plus sérieux dans le circuit des compétitions, monte un crew pour affronter les Supermen (Clark Kent, DJ Scratch et Richie Rich) qui dominent New-York. Composé à l’origine de Sean C, Johnny Cas et Roc Raida, Steve D fait entrer dans son crew Rob Swift, Dr Butcher et Joey Wright qui se choisit alors comme pseudo celui d’un villain de l’univers des X Men : Mista Sinista.

Avec son style arrogant, limite je-m’en-foutiste et surtout funky à mort, Sinista se fait remarquer arrivant second à la battle du NMS en 1992. Bien entouré et bien motivé lui et ses collègues sont vite partout : Rob Swift accompagne Akinyele, Dr Butcher se place sur les disques de Kool G Rap tandis que Sinista profite des connexions des Beatnuts. Sa participation au chef d’oeuvre de Common Sense Resurrection marque à jamais les esprits. C’est la période où le turntablism se popularise à grande vitesse, entre autre grâce aux exploits de leurs « rivaux » de la côte Ouest, les Invisbl Skratck Piklz. Pour marquer le lancement de leurs battles l’International Turntablist Federation organise une confrontation amicale entre les deux formations. Suite à ça Naut Humon fait signer les X Men sur son label Asphodel pour sortir l’album X-Pressions en 1997. Évidemment pour éviter de s’attirer les foudres de Stan Lee et de Marvel, le groupe se rebaptise X-Ecutioners. Surfant sur la vague du turntablism le groupe tourne sans relâche pendant cinq ans. Le groupe fonce vers le succès grand public et semble soudé. Et comme tous les groupes soudés ils ont fini par se séparer, en commençant par écarter Sinista. À l’époque, on parle pudiquement de différents artistiques. Longtemps après les faits Sinista n’aura plus de mal à admettre que son comportement était en cause.

Exubérant, extraverti et ouvert aux autres, Sinista est le DJ qui aime faire la fête, reste dans le club longtemps après la fin de son set, jusqu’à la fermeture et l’after. C’est un fêtard et un bon vivant. « Fêtard et bon vivant », c’est ce qu’on dit de lui quand il est à proximité. Junkie et alcoolique disent les gens quand il a le dos tourné. Les excès, l’alcool, la drogue et un fort caractère l’ont éloigné du groupe. Tout le monde voit qu’il ne va pas bien… sauf lui-même. À bout et lassés de lui faire la morale le groupe lui montre la sortie.

Seul avec ses problèmes il perd pieds, en vient à oublier que demander un gramme de coke à un mec de maison de disque rencontré quelques minutes auparavant ne peut que contribuer à crédibiliser les rumeurs sur son manque de professionnalisme. Les problèmes d’addiction sont peut-être chose courante dans cette industrie, mais la plupart des gens ont la présence d’esprit de ne pas en faire l’étalage. Certains parviennent à gérer leur addiction, Sinista est plutôt du genre qui après une ligne de coke va pisser au beau milieu du club qui l’a booké. Pas très pro… Petit à petit le téléphone ne sonne plus, les opportunités se font de moins en moins nombreuses, les cachets s’amenuisent. Continuant à se mentir à lui même Sinista glisse dangereusement. Ses proches Steve D et Rob Swift essaient d’intervenir, sans grand succès.

Toujours persuadé que le problème vient des autres, de son environnement, de la vie à New-York, il s’exile en Virginie, pensant que loin de la grande ville, ses loyers exorbitants et ses tentations, le bon air de la campagne lui fera du bien. Bullshit ! Il part vivre à mille kilomètres de chez lui, n’emportant que ses démons. Rien ne s’est passé comme prévu, il se fait coffrer une première fois pour coups et blessure suite à une baston, puis pour possession d’herbe. Là il se fait jeter dehors par la copine chez laquelle il vivait et se retrouve dans un foyer pour SDF. De retour ensuite à New-York, il se retrouve à la rue. Il y vit durant trois ans et passe ses nuits alongé sur les bancs d’un aéroport à descendre des bières et à aller voler dans les supermarchés. Après s’être fait chopé de multiple fois, il passe par la case prison, six mois à Rikers. Finalement décidé à se remettre en question il part en cure de désintoxication et suit un programme de réinsertion.

Aujourd’hui Mista Sinista semble bien parti pour remonter la pente. Depuis quelques années il parle avec lucidité de sa période sombre et en 2016 il a suffisamment de recul sur son parcours pour se mettre en scène en SDF dans le clip de « Life Without Fear » et scratchant dans les rues de New-York dans celui de « Turntable Opera ». En octobre dernier, comme pour boucler la boucle vingt ans après la battle contre les ISP, on l’a vu remonter sur scène avec les X en ouverture du show New-Yorkais des Piklz, façon de signer son retour. On ne peut que lui souhaiter de retrouver son prestige passé et le place qu’il mérite au panthéon des turntablists.

Tracklist :

  1. Common – « Invocation »
  2. DJ Krush – « The Kinetics » feat Mista Sinista
  3. Kukoo Da Baga Bones – « Sleepin On The Enemy »
  4. Fat Joe – « Bronx Keeps Creating It »
  5. Mista Sinista – « Who Is It ? »
  6. The Beatnuts – « Super Bad »
  7. Common Sense – « Nuthin’ To Do »
  8. X-ecutionners – « Word Play »
  9. Al Tariq – « Crime Pays »
  10. Mista Sinista – « Life Without Fear » feat. Worldarama & Chubs
  11. Mista Sinista – « September » feat. Jean Grae
  12. Dead Prez – « I’m A African »
  13. Kukoo Da Baga Bones – « Real Kukoo »
  14. Kukoo Da Baga Bones – « You Must Understand »
  15. Mista Sinista – « Sseriouss »
  16. The Beatnuts – « Are You ready ? »
  17. Doujah Raze – « New York City »
  18. Princess Superstar – « We Got Panache »
  19. Mista Sinista – « Routine »
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1 commentaire

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  • Kesta,

    Big up Bachirr et Slurg! encore une sacré thématique!!!
    Peace