Never forget the disc-jockey

A-Trak

Qu’il soit à la production ou derrière les platines, A-Trak n’a cessé de se renouveler au fil de sa carrière. Preuve en est avec un CV qui va de Lil’ Wayne à Obscur Disorder. Hommage en un mix à un DJ qui sait allier technique, connaissance et modernité.

et Texte par zo.
Artwork par Hector de la Vallée.

Quand A-Trak remporte son titre mondial de champion DMC, il n’a que quinze ans. En à peine vingt-quatre mois, le Canadien, encore collégien, a ingéré tous les codes du deejaying et du scratching. D’abord en commençant modestement à improviser en cachette sur la platine de son père, puis en se faisant remarquer par son frère aîné et ses amis. A-Trak deviendra leur DJ dans les bars de Montréal et acquiert une réputation locale. Comment un gamin peut se retrouver ici et toucher aux platines comme cela ? Voilà ce que se demande le public qui assiste aux concerts rap dans les bars bordant le Saint Laurent. Le reste sera l’histoire.

Cette histoire, c’est celle d’un adolescent qui pour certains a un don, pour d’autres une abnégation et une facilité incroyable à décrypter les sons produits par ses aînés à l’aide de platines. Alain Macklovitch, lui, sera bien plus pragmatique sur son propre parcours d’apprenti DJ, expliquant dans nos colonnes qu’au moment où il découvre le scratch, toutes les techniques des turntablists sont en train de changer. Quand les anciens, devaient se défaire de leurs réflexes, A-Trak, lui, n’avait qu’à les ingérer. Figures techniques d’un autre âge ou plans fraîchement inventés, pour A-Trak tout est neuf. Comme un gamin qui grandit dans une ville bilingue, il intègre aussi bien le langage du DJ des années quatre-vingt que celui des nouveaux prodiges des années quatre-vingt-dix. Avec une rapidité déconcertante. Au point d’être sacré champion du monde deux ans seulement après avoir cassé pour la première fois le diamant de la platine de salon de la famille Macklovitch.

On est en 1997 et qu’un adolescent de quinze ans gagne le championnat du monde à la barbe et au nez des anciens, devant le jury le plus prestigieux possible à l’époque, agace. La victoire est constellée de rancœur. Certains confrères du jeune DJ raillent ce sacre qui serait plus dû à l’age qu’aux qualités techniques, certes prodigieuses pour son âge, du trop jeune champion. Elles étaient pourtant évidentes et reconnues par tous les anciens tenants du titre, de Roc Raida à Cut Master Swift en passant par Q-Bert. Alors A-Trak décide de faire taire toute la concurrence en gagnant de nouveaux titres de champion. Il se met à jongler avec les mots d’absence à l’école et l’année suivante, en 1998, il se retrouve face au révolutionnaire DJ Craze. C’est une finale mondiale. Une finale mondiale perdue cette fois mais une finale mondiale quand même, la deuxième en deux ans. Et Craze, qui apprécie son jeune concurrent, lui propose de fonder un groupe : The Allies. Adoubé par Craze, invité d’honneur des Invisibl Skratch Piklz de Q-Bert, Mix Master Mike et DJ Appolo, A-Trak fait désormais partie des plus grands. C’est officiel et les contestataires se taisent.

C’est pourtant à l’issue de cette période que  Alain Macklovitch sort d’une vision uniquement technique du deejaying. Pendant qu’il finit ses années lycée, il découvre les coulisses d’un label, Audio Research, qu’il monte avec son frère, producteur de beats pour la scène canadienne. En parallèle, il se réapproprie l’art du mix, commence à faire entrer dans sa tête de jeune diplômé qu’un DJ n’est pas là que pour épater ses pairs, mais qu’il est avant tout là pour faire danser les gens. Celui qui avait commencé en écoutant les Beastie Boys, qui passait en boucle les morceaux de DJ Premier lors de ses sets, comprend que le rap est en train de changer. Timbaland, Les Neptunes, autant de noms qui lui indiquent que sa musique favorite va entrer dans une autre ère et que pour en jouer lors de soirées, sa façon de scratcher doit changer. EN parallèle, A-Trak découvre la musique électronique et se retrouve en avant-première de la plus grande avancée technologique de la platine vinyle depuis l’apparition des platines à entraînement direct, puisque le DJ Canadien sera l’ambassadeur de Serato – le scratching dématérialisé – avant même que le produit ne devienne public. Puis il y aura la rencontre qui le fera entrer dans une autre dimension : Kanye West.

C’est lors d’un improbable showcase dans une boutique de Londres qu’A-Trak, poussé par un disquaire, noue contact avec l’ego le plus génialement surdimensionné du rap des années 2000. Il en sortira une collaboration matérialisée par deux albums, Late Registration et Graduation. Également DJ sur scène, A-Trak voit Kanye élaborer une « stadium music », des sons faits pour soulever les foules. Le DJ en retient quelques concepts clefs : être universel, chercher la pureté et l’efficacité dans la musique mais sans jamais trop en concéder à la simplicité. Un défi idéal pour le scratch, élément du hip-hop qui est vu par le grand public comme le plus indéchiffrable de tous. C’est ce qu’A-Trak travaillera dans son appartement new yorkais, jusqu’à baigner sa production dans des influences électroniques et rencontrer un phénoménal succès mondial avec le titre « Barbara Streisand », sorti sur son label Fool’s God. Et c’est la genèse de cette histoire, de ce scratcheur de quinze ans devenu une star mondiale, que ce volume des Never Forget the Disc-Jockey propose d’explorer.

TRACKLIST :

  1. D Styles – « Felonious Funk » (remix)
  2. Lil Wayne – « Fireman so Cold »
  3. A-Trak – « Ray Ban Vision » feat. Cyhi Da Prynce
  4. A-Trak – « Enter Ralph Wiggum »
  5. Dubmatique – « Soul Pleureur » (remix)
  6. Common – « Chi City »
  7. Obscure Disorder – « Lyrically Exposed »
  8. Obscure Disorder – « Last Call Part. 2 »
  9. A-Trak – « Step Off » feat. Little Brother
  10. Run DMC – « Unite All Originals »
  11. Allies – « All Hail To My Hands »
  12. A-Trak – « Umbilical Cord »
  13. Obscure Disorder – « Like »
  14. A-Trak – « Knucklehead »
  15. E-40 & Keak Da Sneak – « Tell Me When to Horse »
  16. Three 6 Mafia – « Sippin on Private Life » feat. UGK
  17. A-Trak – « Knucklehead » (BMore remix)
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