Interview

The Soul Children

Rencontre avec Xcell et Nicko, membres du groupe parisien The Soul Children, récemment dépositaire d’un maxi composé de trois remixes. De la naissance du groupe, à la place de la Soul dans le rap jusqu’aux techniques de production.

Abcdr : Comment s’est formé le groupe The Soul Children ? D’où venez-vous ? Comment vous êtes-vous rencontrés ? 

Xcell : Depuis le départ, The Soul Children est composé de trois personnes : Nicko, Xpert et moi. En fait, je connais le frère de Nicko depuis la sixième donc c’est un peu comme une histoire de famille entre nous. J’allais chez lui, il m’a fait découvrir et écouter sa collection de vinyles et les premiers Preemo. On s’est progressivement rapprochés et récemment on a décidé d’essayer de sortir ensemble de vrais projets.

A : Comment ça s’est passé au départ ? Chacun faisait de la musique de son coté ?

X : Oui, chacun faisait du son séparément.

Nicko : Je faisais moi aussi du son de mon coté. En parallèle, je travaillais avec 3 Griffes, j’étais le DJ de scène de Princess Aniès et je mixais aussi sur Générations 88.2. Je faisais mes trucs de mon coté tout en sachant qu’ils s’intéressaient eux aussi à la musique. Et puis un jour on s’est dit qu’on allait monter ça. Voilà pour la rencontre.

A : Tu parlais tout à l’heure de l’époque où tu as découvert les premiers Preemo. En fait comment êtes-vous venus chacun au rap ? 

X : Moi, je ne suis pas du tout tombé dedans quand j’étais petit. Au départ, j’écoutais un peu tout et n’importe quoi. C’est le troisième membre du groupe, Xpert, qui m’a filé des premiers disques de rap français, à l’époque Time Bomb. J’ai aussi commencé à écouter Nova, le Cut Killer Show et c’était parti.

A : Et toi Nicko, pareil ?

N : Non, moi c’est complètement différent. Déjà parce que je suis plus vieux, j’ai 27 ans. J’ai commencé en écoutant de la Funk et à partir de 1992-93, j’ai découvert pas mal de groupes comme les Lords of the Underground, Marley Marl, le DITC. Au départ, ce sont ces groupes là qui m’ont marqué, j’ai accroché sur le son bien fat. Je me suis intéressé, progressivement, de plus en plus au rap jusqu’à l’époque de Craig Mack. Le ‘Flava in your ear’, c’est le morceau qui m’a tout simplement choqué. C’était une forme de révélation pour moi, et une espèce de transition, entre guillemets, entre la old school et la new school.

A : Rétrospectivement, quels sont les premières productions et les premiers albums qui vous ont marqué, ceux qui vous ont donné envie de passer du stade d’auditeur à celui de producteur ?

N : A la base ce sont avant tout des grands classiques comme Ready to die, Moment of truth, un peu plus tard toute la clique D.I.T.C, les Lords, Eric B and Rakim, EPMD aussi. Après, il y en avait tellement… Bref, toute la clique [rires].

A : Avec quel matériel travaillez-vous ?

N : Moi, je travaille sur MPC 2000XL et eux sur ordinateur avec Sound Forge et Cubase. Sound Forge pour le sample et Cubase pour la séquence. Après on travaille ensemble, donc on échange beaucoup…

A : Justement, comment se passe le travail de production à plusieurs ? Composer à plusieurs j’imagine que c’est loin d’être si facile et cela implique de faire beaucoup de compromis…

X : Oui, compromis mais avant, on travaillait seul et on en était extrêmement renfermés sur nous-même. Du coup, on avait très peu de recul sur ce qu’on faisait. Aujourd’hui, je peux commencer un son, être extrêmement content de moi, et derrière me prendre une claque par Nicko qui me fait: « Mais c’est vraiment de la merde ! »[rires]

N : Et vice-versa ! [rires]. Parfois, j’arrive avec un nouveau son en disant wouahh c’est magnifique, c’est le son du siècle ! Il arrive et il me dit il a pas commencé le son là ? Ah si ça fait cinq minutes qu’elle tourne la piste là !
Non, cet échange nous permet d’avoir du recul, d’être critique, tout en évitant de rester trop dans une couleur de son. En discutant et partageant, on m’a fait des critiques sur des tics de producteurs, des découpages que j’avais remarqué avant qu’on me le dise. Tout ça c’est extrêmement important, ça fait partie d’une grande remise en question.
Enfin, on ne décide jamais seul, il y a toujours le regard de l’un pour juger le travail.

A : Où est-ce que vous trouvez vos kits de batterie ? Avez-vous des scrupules à en reprendre dans le rap ? 

N : Ça me rappelle des discussions que j’avais eu avec des producteurs qui ne samplaient que de la Soul pour leurs kits de batteries. Je sais que Mysta D fait cela, Madizm aussi si ma mémoire est bonne. Nous on a déjà repris des kits de breakbeats et de rap. Ca ne nous pose pas de vrai problème. Peu importe d’où provient le son, l’essentiel est que le résultat soit satisfaisant. On est pas franchement des extrémistes de la production !

« Je considère que le rap ne serait rien sans la Soul. Je trouve que tous les classiques de Hip-Hop ont été faits à partir de disques de Soul. »

Nicko

A : Pourquoi avoir opté pour ce nom Soul Children ? C’est toujours étonnant de reprendre le nom d’un groupe qui a déjà existé, même si j’imagine qu’il s’agit d’un hommage.

X : Oui, comme tu le dis c’est une forme d’hommage. Après, on a bien conscience que ça peut bloquer des gens mais c’est aussi, pour nous, une façon d’identifier notre parcours musical.

N : Je considère que le rap ne serait rien sans la Soul. Je trouve que tous les classiques de Hip-Hop ont été faits à partir de disques de Soul. Et j’aime vraiment bien le nom Soul Children [rires]. Enfin, si ça bloque des gens, ben tant pis…

A : Comment s’est fait le choix des trois morceaux (Pitch Black, Nas et Jay-Z) qui sont remixés sur cet EP ?

X : On était d’abord partis sur une idée d’album, mais on a assez rapidement changé d’avis. On a préféré sortir une sélection des trois morceaux qu’on estimait les meilleurs, tout en essayant d’apporter des ambiances relativement variées, en conservant cette couleur Soul. Si le Pitch Black est relativement fat, le remix de Jay-Z est plus jazzy et le Nas, lui, tourne assez lentement.

N : Dans notre démarche, il y avait aussi une volonté de ne pas faire comme tout le monde, à sortir des morceaux avec des rappeurs français. Aujourd’hui, quand tu fais ça, les gens jugent avant tout le rappeur, sans faire vraiment attention à la production qui tourne derrière. On a donc décidé de prendre des rappeurs très connus comme Nas, Jay-Z et Pitch Black en estimant que comme ça les gens feront bien plus attention à la musique. On considère que sortir des remixes comme ça constitue une bonne façon d’exposer notre travail.

A : Sortir un maxi de remix c’est aussi une façon de débuter avant de proposer vos productions un peu partout ?

N : Tout à fait, c’est exactement ce qui se passe. On a eu quelques propositions après la sortie du maxi et nos quelques passages radio. On a notamment remixé un morceau d’un rappeur allemand, avec Slum Village. Internet te permet d’avoir des relations avec des artistes du monde entier.

A : Avez-vous prévu de sortir un album composé entièrement de remixes ?

N : En fait la sortie d’un second maxi, avec trois nouveaux titres, est prévue pour le mois de septembre. L’album devrait arriver pour le mois de décembre. Il comportera une quinzaine de remixes. Comme on disait tout à l’heure, on a pas voulu sortir immédiatement l’album, en nous disant qu’il serait préférable d’essayer de se faire un peu connaître avant. En plus aujourd’hui, sortir tout de suite un CD c’est une forme de trou noir. On le voit bien en magasin.

A : Quels étaient vos objectifs après cette sortie ?

X : Dès le départ on savait qu’un maxi de remix de rappeurs américains produit par des inconnus, ça ne se vendrait pas comme des petits pains. L’objectif premier était de se faire connaître, distribuer du vinyle à droite à gauche, faire quelques passages radios…et aussi se faire plaisir. On a sorti ce maxi au format vinyle principalement pour se faire plaisir.

A : Comment se passe votre recherche de samples ? Êtes-vous des fouineurs de brocantes, des collectionneurs ou plus simplement vous samplez ce que vous avez sous la main ?

N : On fouine un peu, magasins et brocantes, on a quelques disques…et on a le support que tout le monde utilise, à savoir Internet. Acheter des disques coûte tellement cher qu’on ne peut pas suivre. Déjà sortir un maxi c’est dur, alors on se débrouille.

X : Au tout départ on travaillait avec les disques qu’on avait à la maison. Moi, mon père est portugais, alors j’avais sous la main pas mal de disques de musique portugaise, de la variété française. Nicko avait lui une bonne collection de disques de Funk…et donc oui brocantes, magasins d’occasions…

A : Presser son premier maxi au format vinyle, quand on est indépendant, j’imagine que c’est avant tout pour se faire plaisir, quitte à perdre de l’argent derrière…

N : Presser un maxi au format vinyle, à 500 exemplaires, ça coûte aujourd’hui environ 10.000 francs. Et sur le maxi il n’y a pas de pochette. On a fait l’enregistrement et le mastering chez nous. Après, il te reste les envois promos et compagnie qui font que tu arrives assez vite à 15.000 francs.

A : Qu’est-ce qui tourne sur vos platines en ce moment ?

X: En français, Hocus Pocus qui nous a giflé avec son nouvel album, Logilo, Drixxxé, DJ Mehdi, Ideal J à l’ancienne, Premier dont je suis complètement fan, 9th Wonder. Je considère qu’on est loin d’être des extrémistes mais on est avant tout attirés par des producteurs qui piochent dans le même registre que nous.

N : Tout à fait. J’aime aussi 9th Wonder, Kev Brown, Pete Rock. J’ai acheté dernièrement l’album de Common. Kanye West, à part son ego, c’est très cool [rires].

A : Quelles sont vos sources d’inspiration ?

N : On aime effectivement les producteurs avec une bonne touche Soul mais j’aime aussi écouter d’autres choses. J’aime bien les Neptunes, Timbaland, Rockwilder, je trouve ça intéressant. Après, je considère qu’il y a quelque chose à retirer dans chaque disque.

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