Svinkels
Interview

Svinkels

Photographie : G. Landry

9 Juin, lendemain de fête de la 8.6. Une date calibrée pour rencontrer les Svinkels. Krevards désormais un peu bling-bling, du genre à exploser des pneus 17 pouces sur les débris d’une bouteille de cabernet d’Anjou, Xanax, Baste et Nikus Pokus restent fidèles à leur réputation. Ou presque, car de Prince à Booba, de Fredy K à Michaël Youn en passant par Robert Palmer et Drixxxé, la fête de la 8.6, elle, ils l’avaient un peu oubliée ! « On se dit qu’on va faire des morceaux sérieux, mais on n’y arrive pas ». Pour ce qui est des interviews, par contre, c’est en bonne voie.


Abcdrduson : Cinq ans pour pondre un album que vous définissez comme celui de l’immaturité, c’est un beau paradoxe quand même non ?

Xanax : Ouais, mais ce n’est pas le premier ni le dernier.

Nikus Pokus : Normalement, au troisième album, les médias vont dire que ça y est, c’est l’album de la maturité. Alors nous, pour contrer tout de suite, on décrète que c’est l’album de l’immaturité. Ce n’est malheureusement pas avec l’âge que tu deviens plus intelligent ou que tu grandis.

Gerard Baste : C’est surtout qu’il nous a fallu beaucoup de temps pour comprendre qu’en fait, il fallait qu’on revienne à l’essentiel, à savoir le côté petit con et un peu branleur qui nous caractérise. On avait envie de mettre ce côté en avant et de le faire contraster avec une grosse prod’. Bon, les cinq ans n’ont pas été que consacrés à l’album, on a fait plein de choses à côté. Mais on a voulu prendre le temps de faire quelque chose qui nous satisfasse vraiment. On aurait pu faire des mixtapes, 20 titres de freestyles sur des instrus cainris. Mais non, même si personnellement j’aime bien ça et que j’aimerais le faire un de ces quatre. Quand on fait un album Svinkels, on a envie qu’il s’y passe quelque chose de A à Z. Le but ce n’est pas de dire que dessus, il n’y a rien à jeter. De toute manière ce n’est justement pas à nous de le dire. Mais chaque morceau a sa place, chaque arrangement a été pensé, bref, tout est fait pour que l’ensemble soit cohérent. Pour nous c’est hyper important de faire un truc comme ça. Après, ce qui est mortel, c’est que tu te prends la tête à bosser, tu le fais bien, tu travailles dur, et au final tu te rends compte que c’est l’album de l’immaturité parce que c’est le plus stupide que tu n’aies jamais fait. C’est bien de se donner du mal pour faire des trucs bêtes !

A : Les disquaires ont souvent eu des difficultés à vous classer dans les rayons rap. A partir de « Bons pour l’asile », on a parfois eu l’impression que vous cherchiez une reconnaissance du milieu rap, à dépasser le délire que j’appellerais : les krevards parlent aux krevards. L’étiquette de ‘Reveille le punk’ vous a-t-elle poursuivie ? « Dirty Centre » est-il aussi une manière de définitivement vous affirmer comme un groupe de rap aux yeux du public et de ses prescripteurs ? 

X : Non, ce n’est pas une question de reconnaissance. Ça on en a rien à foutre. Le vrai constat, c’est qu’il y a 10 ans, on n’arrivait pas nécessairement à retranscrire exactement ce qu’on avait dans le crâne. Maintenant on y arrive beaucoup mieux. Mais ça n’empêche pas que l’énergie qu’il pouvait y avoir dans le premier album, dans « Le punk » par exemple, tu la retrouves toujours aujourd’hui, mais sous une autre forme, détournée vers d’autres délires. Il y aura toujours ce côté un peu rentre-dedans dans Svinkels. En terme discographique, quand ça fait environ 10 ans que tu fais un groupe, au bout d’un moment, tu réfléchis avant de faire les choses, même si tu gardes un côté exalté comme le nôtre. Tu te demandes pourquoi, lorsque tu réécoutes ton album d’il y a 10 ans, tu as l’impression que tous les titres sont pourris et que tu n’as pas réussi à faire exactement ce que tu voulais. Puis tu poses un second album, et tu réalises que tu te rapproches de ce que tu veux exactement. Mais la reconnaissance, se coller ou se décoller des étiquettes, non, ça ça ne rentre pas en compte. C’est juste qu’avec notre expérience, on est de plus en plus capables de reproduire précisément ce que l’on a en tête.

G.B : Je crois qu’on a souffert de l’étiquette rock. Attention, ça nous a aussi apporté plein de trucs, particulièrement au niveau du live ! Mais cette histoire de classification dans les rayonnages, c’est vraiment quelque chose pour lequel on s’est battu et il a fallu 10 piges pour avoir gain de cause. Même si y a un ou deux morceaux teintés rock sur nos disques et qu’on est un groupe avec des concepts un peu rock et l’attitude qui va avec, on fait des disques de rap qui sont faits pour aller au rayon rap ! Moi je trouve ça dur qu’après nous avoir vu en concert, un type qui se pointe le lendemain au rayon rap d’un magasin pour acheter notre disque, bah il ne le trouve pas ! Tu crois qu’il va penser à aller dans le rayon nouvelle scène française pour le trouver ? Aujourd’hui cette histoire est réglée. « Dirty centre » est au rayon rap, bien qu’on ait toujours fait des disques de rap. On ne cherche pas la reconnaissance des autres mais effectivement on essaie de s’affirmer comme un groupe de rap, qui a sa vision de cette musique et sa manière de la faire. OK, il y a plein de groupes dans lesquels on ne se reconnaît pas, mais il y en a aussi plein dans lesquels on se reconnaît !

A :  « Dirty centre » semble délaisser le travail sur les champs lexicaux et le côté jeu de mots et références cachées qui émaillaient vos textes au profit d’un rap plus direct. Vos textes semblent plus spontanés, moins recherchés, et faire plus de place aux onomatopées et gimmicks. C’est d’ailleurs tout le concept du titre ‘Faites du bruit’. J’ai lu que pour « Juste fais là » et « Tapis rouge » vous écriviez vos textes bien avant de penser aux instrus, alors que depuis « Bons pour l’asile » ça a changé…

G.B : Ouais, on a une manière de bosser qui est plus freestyle aujourd’hui.

A : Vous êtes plus dans la recherche de la musicalité en fait ? 

G.B : Exactement. Tout simplement, ce qu’on a fait il y a longtemps, tout le délire des morceaux à grosse thématique, on peut dire qu’on l’a plus que fait, parfois même un peu en avance. A une époque, tu disais champ lexical à un rappeur, il ne savait pas ce que ça voulait dire. Après, une pléthore de morceaux du style « Je zappe et je matte » est arrivée. Aujourd’hui, on continue à recevoir des démos de mecs qui font du sous Svinkels et qui sont là genre « ouais regarde, j’ai fait un morceau, je cite tous les animaux dedans, tous les personnages de bandes dessinées ». Bah ouais, c’est bien, mais je m’en fous mec si ton morceau il est tout pourri. Nous ce qu’on veut, c’est faire des trucs qui sonnent. Je sais pas, quand j’écoute les Ying-Yang twins, c’est super teubé, mais musicalement ça défonce ! Tout est basé sur le groove du truc. On a appris plein de choses en matière d’écriture et on a désormais envie de faire des trucs plus simples, plus agréables à écouter. On souhaite faire des trucs plus groovy, plus funky, et voilà… Tout simplement parce que ça ressemble aussi à ce qu’on aime écouter et entendre.

A : Le côté Gainsbarre de Xanax dans ‘Tout nu Yo !’, le sample de ‘We will rock you’ sur ‘Droit dans le mur’, les sons de Mario sur ‘Du PQ pour mon troutrou’. Finalement, les références ne sont-elles pas plutôt d’ordre musical sur ce disque ? 

X : Si tu veux, à partir du moment où tu tartines, tu ne laisses pas de place à la musique. Comme là on n’a pas tartiné,  effectivement, on avait besoin d’avoir de vrais trucs musicaux derrière. Le but du jeu c’était que quand l’auditeur écoute « Dirty Centre », il soit content, il ait envie de bouger son cul, et non pas qu’il reste assis sur une chaise à dire « attends, attends, remets, qu’est ce qu’il a dit là ?! », tu vois ce que je veux dire ? Y a un truc pour ça, c’est les mecs qui font du slam.

G.B : Sur ‘Droit dans le mur’ l’idée au départ c’était de faire un truc qui sonne à la fois G-Funk et Queenesque. On se le dit entre nous, et forcément, à l’écoute ça se ressent aussi. Tout l’album est aussi basé sur ce besoin d’assumer aussi bien ce que nous sommes que nos influences. On n’a jamais vraiment donné de direction musicale à nos disques. Là pour une fois, on s’est dit « on veut faire un truc qui va sonner comme ça, qui va dans cette veine là » et voilà… Au final ça s’entend.

A : Baste et Xanax, vous avez votre interlude solo sur « Dirty centre ». Ce n’est pas ton cas Nikus. T’es puni ?

G.B : Si il en a une ! C’est ‘On ferme’.

A : Ouais c’est vrai, mais je ne sais pas, c’est peu rappé au profit d’une ambiance, c’est plus l’outro quand même non ? Dans la vibe de celle de Qhuit…

N.P : Oui c’est l’outro, mais je l’ai fait comme une interlude. J’ai même pas réfléchi au fait que ça allait être le dernier titre. Enfin si, j’y ai pensé quand j’ai fait la fin, où je laisse un blanc avant que la patronne de bar reparle pour clôturer le disque.

G.B : Chacun a sa petite intervention qui ressemble à sa personnalité. Moi voilà, j’adore la culture pop, le name-dropping, la télé-réalité qui me fait trop marrer, donc j’avais envie de faire ‘La ferme’. Lui [il désigne Xanax], il a fait son truc de pimp [rires]. Et Nico voilà, les bars quoi…

A : Justement, cette outro, ‘On ferme’, sonne donc comme un écho de celle de Qhuit. Dans toute votre discographie, c’est le projet dont les sonorités se rapprochent le plus de « Dirty centre ». Qhuit a été un déclencheur au niveau de l’univers sonore, de ce virage vers des sons beaucoup plus synthétiques ? 

N.P : Non, c’est plus l’ère du temps qui veut ça, la façon de composer. Avant on prenait des samples et des boucles, mais il arrive un moment où ça devient une tannée de trouver un bon sample et une bonne boucle. Les déclarations sont un calvaire, les producteurs font chier, et c’est aussi une évolution musicale. Désormais, la plupart des producteurs composent. Il y en a encore qui prennent des boucles, MF Doom ou du rap un peu plus underground, par exemple. Mais sur Qhuit, que ce soit moi ou Drixxxé, la plupart des titres sont composés. Là on attaque d’ailleurs le prochain volume et tout est quasiment fait à l’expander. Le sampler est encore là, mais pour mettre des sons de caisses un peu crades. Tout le reste est composé au synthé. Au moins on peut se faire des intros, des ponts, c’est beaucoup mieux musicalement.

X : Et puis la vérité, c’est que de toute façon en France, on n’a pas la culture du sample,  alors que des mecs comme Swizz Beatz ou plus simplement Just Blaze, ils ont cette culture. Ca fait 20 ans qu’ils font du sample et leur son c’est de la bombe atomique. Ils ont la culture musicale pour le faire et la grosse grosse discothèque qui va avec. En France, personne n’a réellement la vraie culture qu’il faut pour faire ça.

G.B : Surtout que eux, ils ont les moyens de payer les boucles. Nous on ne les a pas. Just Blaze, il déclare les Lafayette et compagnie. C’est super cher mais il se les paie.

N.P : On lui demande des dizaines de milliers de dollars, il les a et il peut les utiliser pour ça. Nous non. Quand on appelle les Etats-Unis, on ne nous rappelle même pas !

X : Et ce n’est pas uniquement ça, même en terme de conception, les américains ont un vrai savoir faire par rapport au sampling. Au niveau du mixage en studio, des mastering, ils ont la culture du sample, ils savent le faire et bien. Quand un album sort là bas avec du sample, tu as l’impression que c’est un truc énorme. Ici, en France, ce savoir-faire là, on ne l’a pas. Et quand un album sort ici avec du sample, quand tu le passes au mastering, au final tu as l’impression d’avoir une poubelle. A partir du moment où il n’y a pas la véritable culture pour en tirer le maximum, autant se tourner vers la composition. Ce sera plus simple et plus efficace. En France, personne ou presque ne sait réellement faire du sample.

A : Cette discussion me ramène à votre titre ‘Bois mes paroles’ sur « Tapis Rouge ». Le morceau samplait sauvagement ‘Every kind of people’ de Robert Palmer. Vos producteurs ont vraiment payé les droits ? Comment ça s’est passé ? 

N.P : Oui le sample a été clearé, et pour payer les droits, ils nous ont même pris les nôtres sur le texte ! On a juste 15% des textes sur ce morceau. Ils ont pris la totalité des droits sur la musique, et 35% sur les textes. Ils ont tout pris.

G.B : Mais bon, on voulait le faire.

N.P : Et plus récemment, le titre ‘Petit con’ qui reprend le thème des Simpson par Danny Elfman, j’ai tout rejoué. On a quand même appelé les Etats-Unis. Eh bien on n’a jamais eu de retour. Jamais !

X : Par contre t’inquiètes hein, si le morceau assure, on en aura des retours ! [rires]

A : Nikus, justement, on évoquait tout à l’heure Drixxxé, Qhuit, DSL, etc.. Vous n’avez jamais songé à fonder un pool de producteurs ? 

X : Ca se voit que tu le connais pas ! [sourire]

N.P : Bah, faut avoir envie de monter sa boite. On n’en a pas besoin, on peut se retrouver sur un projet, ça suffit amplement.

A : Mais produire pour d’autres artistes, hors de la quadrature du cercle, ça ne vous botte pas ?

N.P : Si, Drixxxé le fait déjà. Et de toute manière, c’est pareil, pas besoin d’un pool. Il suffit qu’on passe un coup de fil à l’un de nous, qu’on nous commande un instru et ça suffit.

G.B : Puis quand tu vois le talent d’un mec comme Drixxxé et comment il galère pour placer des instrus… c’est flippant !

A : Xanax, tes capacités de chant n’ont jamais été aussi exploitées que sur « Dirty centre ». Tu poses d’ailleurs ta voix sur des sons funk ou plus électro, notamment avec Mozesli, Ark, ou plus récemment Dj Mehdi. C’était important pour toi d’affirmer un peu plus tes qualités en la matière sur un album des Svinkels ? Comment vous avez intégré cette donne à la composition et l’écriture ? 

G.B : Nous, depuis toujours, on a qu’une envie, c’est qu’il chante plus !

X : Je ne calcule pas vraiment ce genre de choses, je ne les anticipe pas vraiment. A partir du moment où tu m’amènes des trucs qui me donnent envie de chanter, que je le sens comme ça, j’y vais. Le truc par rapport à un album comme « Bons pour l’asile » sur lequel je ne chante pas du tout, c’est que rien ne s’y prête. Mais quand un morceau comme ‘Faites du bruit’ me tombe dans les pattes, instinctivement je vais plus aller vers un truc chanté.

G.B : Ca a été quand même pensé au départ. On s’est dit qu’on voulait faire des trucs qui groovait, qui laissait de la place au chant, donc on est allé vers les instrus qui s’y prêtaient. Non non, c’est cohérent, c’est du boulot.

N.P : L’idée c’était ça : moins tartiner et être plus musical. Là, le chant est très important.

X : Et puis ce genre de choses, ça correspond aussi beaucoup à ce que tu fais, ce que tu traverses, ce que tu écoutes. Ca reflète ton état d’esprit. Moi j’écoute que du Rhythm & Blues depuis 20 piges, donc au bout d’un moment c’est normal que ça sorte. Ce n’est pas parce que tu as un côté « Svinkels, ah c’est la guerre ! » que… [il s’arrête] Ce serait super réducteur de nous regarder et de dire « ah tiens, ce sont des poivrots qui boivent de la bière et qui terminent mal à chaque fin de soirée », parce que ce n’est pas ça la vérité. Le fait est que les instrus de cet album se prêtaient plus à chanter, et donc, peut-être qu’effectivement, je mette un peu plus ma patte sur le projet.

G.B : On avait envie de faire un album qui soit funky de toute façon. On avait envie de synthés, on avait envie de chants, des choses comme ça.  Un de nos MCs préférés, c’est Snoop. Et lui, il est trop fort là-dessus. Tu ne sais jamais vraiment quand il rappe, quand il chante. Et quand t’écoutes ce genre de musique, typée west-coast, tu te rends compte que ça amène vachement à être chanté. Les gammes, les harmonies, ça se prête grave à ça. C’était dommage de sous-exploiter Xanax dans les albums précédents au niveau du chant, mais c’est simplement qu’ils ne s’y prêtaient pas.

N.P : Il y avait tout de même eu le refrain de ‘Juste fais là’ ou son couplet sur le titre ‘Tapis rouge’.

A : Gérard, sur « Dirty centre », ton flow semble s’être durci, ta voix sonne presque « irritée ». Sur ‘Ca r’commence’, tu disais « quand je rappe faut que je sois à cran comme Jean-Pierre Bacri »… 

G.B : Non, je sais pas, c’est naturel… je ne me rends pas compte ! J’aime bien quand ça patate, et quand j’écoute certains anciens morceaux, je me trouve un peu mou. J’aime bien les mecs rentre dedans. Genre j’adore Redman. Je ne suis pas non plus un fan des rappeurs hurleurs hein ! Mais j’aime bien être un peu dans la tension. C’est mon côté un peu pété. J’aurais bien aimé être un rocker [rires]. Et puis le rap, c’est une musique dure aussi.

X : De toute façon, le flow il évolue avec toi. Ton flow et ta voix évoluent plus selon ce que tu vis, ce que tu écoutes, que par le travail. C’est une évolution normale. Quand tu vieillis, ta voix devient plus rauque, tu dois pousser plus pour envoyer. Il y a une grande part d’évolution personnelle là dedans. Ton flow et ta voix, c’est toi.

G.B : On est ce qu’on est de toute manière. On a 35 ans, on a bourlingué, et j’aime bien que ça s’entende aussi. A la limite, je pensais plus que tu allais me dire que j’étais moins technique sur cet album. Là, j’avais envie d’aller dans l’énergie, dans le simple. Je n’ai pas trop poussé sur l’aspect technique hormis quelques exceptions comme ‘Le blues du tox’. Je ne me suis pas lancé dans des trucs techniques qui pouvaient plus être présents sur les anciens albums, des titres façon ‘Ma musique’. Je voulais un flow à l’image de « Dirty centre » : brut, bien patate et rentre-dedans.

« Nous ce qu’on veut, c’est faire des trucs qui sonnent. Quand j’écoute les Ying-Yang twins, c’est super teubé, mais musicalement ça défonce !  »

Gérard Baste

A : Dr Crunkeinstein, alias Planet Get Down, est Ludovic Bource. C’est votre arrangeur. Il a apparemment joué un rôle prépondérant sur l’album. Il faisait partie du même groupe que Dj Doo Bass (ndr : Fred Lansac), votre premier DJ, au milieu des années 1990 : Sept, qui faisait de la fusion…

G.B : Ouais ! D’ailleurs, notre bassiste sur scène, c’est celui de Sept.

A : Qui a aussi été le bassiste de Sergent Garcia ?

G.B : Oui.

A : Ce groupe là, est ce que vous pouvez m’éclairer un peu dessus, parce que j’ai l’impression qu’il a nourri beaucoup de groupes sur Paris !

X : Ouais carrément. J’ai commencé la musique avec le chanteur de Sept : Leduc

G.B : En fait, Sept ça vient d’un autre groupe, qui s’appelait THC.

X : THC, à l’époque ils étaient pris pour des fous. Aujourd’hui on en dit que c’étaient des précurseurs dans le milieu de la funk parisienne. Et tout part de là, toutes les relations se sont faites par là. Tout se regroupe car tout simplement j’ai commencé avec Leduc qui en était le chanteur. Il a ensuite fondé Sept, groupe dans lequel a joué Fred Lansac, notre premier DJ. Il vivait d’ailleurs chez le bassiste de Sept,  et de fil en aiguille…

G.B : Attends, je vais tenter de te refaire la généalogie du truc. En fait, THC leur guitariste c’était Ark, leur batteur c’était Marlon, qui a travaillé sur les albums de –M- ou de Java, le bassiste c’est aujourd’hui Dj Shalom, qui a fait Mozesli ou Shalark avec Ark. Le chanteur c’était Leduc, qui maintenant fait Alarash avec China Bridgewater. Et Crunkeinstein, notre arrangeur, était le clavier de Sept. Et c’est donc lui qui a joué un rôle majeur dans la réalisation de notre dernier album. Son CV est assez ouf. Il a co-réalisé le second album de Oxmo, il a fait plusieurs trucs pour Monseigneur Mike…

X : Il a aussi fait beaucoup de trucs pour Passi…

G.B : Ouais, ‘Rap business’ pour Passi, il a aussi bossé pour Bashung, pour le projet Alphonse Brown, il a réalisé la B.O de OSS 117. Non ça va, il pèse !

A : Vous fêtez encore le 08 Juin ?  (ndr : la fête de la 8.6).

N.P : C’était hier… oh putain !

A : Bah ouais, je sais, c’est pour ça que je vous demande !

G.B : Moi je l’ai fêté sans m’en rendre compte !

X : Y’en a d’autres qui ont repris le flambeau il parait.

A : Et sortir l’album le 16 juin, c’est une publicité subliminale pour une marque de bière ?

N.P : il a été tellement décalé qu’on ne pense plus à la date. On le sort quand c’est possible !

G.B : Il y a un moment on a espéré le sortir le 8 !

A : Rien à voir avec 1664 alors… ?

X : Non. de toute façon ils ne nous sponsorisent pas, alors on va pas leur faire de la pub à ces connards !

N.P : On en a déjà assez fait.

A : Xanax, sur Qhuit tu affirmes plus que jamais ta posture de « celui qui ne boit pas ». Ce propos revient par à coups sur « Dirty centre »…

X : Bah ouais, je ne vais pas raconter que je bois huit litres de bière alors que c’est pas vrai !

A : Comment tu gères la vie sans alcool dans un groupe mené par deux alcooliques notoires ?

X : Bah, ils font leur vie je fais la mienne.

G.B : Et puis regarde, on est au Perrier et au café !

X : Non mais tu sais, mine de rien, même si ce n’est pas le truc ultra important, dans le pera tu ne racontes pas des trucs si ce n’est pas ta vie. Alors je vais pas raconter que je suis comme eux à boire des bières dans les rades jusqu’à 6 heures du mat’ alors que ce n’est pas vrai.

G.B : Il y a quand même un truc, c’est que dans la discographie de Xanax, deux morceaux sur trois, il vient à la fin pour nous dire qu’on le fait chier avec nos conneries [rires]. C’est assez récurrent comme posture chez lui.

X : Faut bien avouer que vous êtes chiants avec vos conneries quoi !

A : Lors de votre passage à l’Elysée Montmartre en Avril 2005; votre concert était annoncé comme filmé dans le but de sortir un DVD. J’ai lu sur votre forum que le projet ne verrait jamais le jour. Vous pouvez en dire plus ?

X : Bah écoute je t’explique : on a filmé, on a regardé et on a dit « vas-y jette ! ». Parce que c’était nul, tout simplement.

G.B : Ca fait plusieurs fois qu’on essaie de faire des montages sur des concerts, et à chaque fois on trouve que ça n’en retranscrit pas l’énergie. Pire, ça la plombe. Alors à quoi bon laisser une trace de tes concerts si c’est pour que celui qui le regarde trouve ça pourri alors que ceux dans la salle ont trouvé ça mortel ? Ca sert à rien ! On ne va pas sortir un live pour sortir un live, c’est nase. Mais peut-être que maintenant qu’on est avec des musiciens sur scène…

X : Ouais, à partir du moment où il se passe réellement quelque chose sur scène, peut-être qu’on va en tirer quelque chose de différent. Avec ce concert de l’Elysée Montmartre, il y avait deux problèmes. D’abord on n’était pas prêts, c’était en début de tournée. A la limite, plus tard dans la tournée, ça aurait été une autre histoire. Et en plus sur cette date là on n’est pas bons. Moi en tout cas, je suis à bout de souffle au bout de deux morceaux.  Quelque part, quand le résultat ne te convient pas, tu ne vas pas te forcer. Déjà, en règle générale, les lives ça me casse les couilles, hormis quand c’est du Prince ou le concert de l’année. Alors si en plus c’est pas terrible…

G.B : Moi j’aimerais bien en sortir un un jour. Mais en fait, ce qu’il faudrait peut-être que l’on fasse, c’est un DVD non pas avec des concerts mais les conneries qui se passent. Là ça pourrait être pas mal !

X : Quand Parliament arrive sur scène en soucoupe volante avec des espèces de couches culottes et les yeux exorbités, là un DVD live ça vaut le coup. Pareil pour Prince, avec Sheila E. derrière, des trucs de ouf qui se passent sur scène comme quand sur la tournée Purple rain, l’autre il débarque en bas résille pour jouer du piano. Mais quand tu vois trois pauvres connards qui gigotent sur scène pendant une heure et demie avec des casquettes New Era, bof quoi…

G.B : Si encore on portait des bas résilles !

A : Les Svinkels avaient déjà été impliqués sur le film « La beuze » de Michael Youn. Quelques années plus tard, Gérard, tu as participé au projet Fatal Bazooka. Quel était exactement ton rôle ?

G.B : J’ai donné quelques idées, j’ai co-écrit ‘Fous ta cagoule’, j’ai écrit sur la parodie de Diams et totalement écrit le titre ‘Viva bazooka’. Sinon, ça fait un certain temps que je donne des conseils de « coaching » à Youn. Je suis un peu une sorte de Richard Cross du rap en fait [il sourit]. Non, mais voilà, j’ai fait pas mal de trucs avec lui, l’ai souvent coaché, et là j’ai aussi co-écrit deux ou trois conneries. Mais j’ai plutôt participé de loin à cet album, et ça n’empêche que j’ai trouvé ça cool !  J’aime bien faire ça. Je pense qu’il y a un avenir pour les auteurs dans ces délires là. Quand t’es auteur c’est super intéressant de participer à des projets qui touchent autant de monde. C’est une autre histoire que tes projets relativement « confidentiels » qui intéressent 10 000 personnes. J’aimerais bien refaire des trucs comme ça même si je n’ai finalement pas fait grand-chose.

A : Gerard, dans une interview accordée il y a quelques années à 90bpm, à une question sur d’éventuels featurings, tu disais que tu aurais été intéressé par un éventuel featuring avec Lord Kossity… Tout en nuançant « qu’est ce que je vais foutre à faire un featuring avec Lord Kossity, ça va me coûter je sais pas combien et si ça se trouve, ça va être tout pourri !!! ». Bon, apparemment tu n’as pas bossé sur le morceau ‘J’aime trop ton boule’ de Fatal Bazooka, mais tout de même… Tu étais sérieux ? 

G.B : Je trouve que Lord Kossity a fait des purs morceaux dans l’histoire du rap français. Je pense à ‘Morenas’ par exemple. C’est des choses qui sont assez proches de ce qu’on fait avec Svinkels, dans le sens que ça a un esprit assez festif. Mais même la grande époque IV my people, quand ils sont arrivés, il y avait quand même une petite bande, particulièrement Zoxea et Koss’, qui avait une démarche vachement basée sur l’énergie. Quand tu creuses les morceaux de Kossity, il y a quand même des trucs de ouf. [Il chante] « Comme Loana elles veulent du sexe dans la piscine ! », ça tue ! Après bon, le gars je l’ai rencontré il est pas super marrant. Et en plus avec Svinkels, on a des idées et puis… Par exemple, le refrain du ‘Corbeau’, j’aurais bien vu Lord Kossity dessus. Sur ‘Le svink’ c’est chic’, on pensait à Gotainer et finalement, on finit par faire les maquettes nous-mêmes et on se dit pourquoi se faire chier ? Le contacter, le faire venir, lui donner son billet, tout ça pour écrire featuring machin. Finalement, c’est plus drôle de le faire soi-même. Puis tu te rends compte que t’es capable de faire un refrain ragga ou d’imiter Gotainer… ce qui est important dans la vie quand même !

A : ‘Peu de gens le savent’ sur Qhuit revenait avec violence et dureté, et surtout d’une manière très réaliste, sur le revers de la médaille de votre rapport avec l’alcool. C’était après avoir eu ton infarctus. En 1999, sur les phases de ‘Reveille le punk’, Nikus criait « je représente ceux qui utilisent leur cervelle à la détruire ». En 2008, sur ‘La youte’, c’est à ton tour de clamer « pourquoi je penserais à l’avenir, mon seul plaisir c’est de m’autodétruire ». Tu as eu l’incident cardiaque qu’on connaît…

G.B : [il coupe] C’est le côté un peu sombre du truc.  Quand t’abordes des thèmes tels que la foncedé, l’alcool et tout, il y a un moment où voilà, ce n’est pas la fête tous les jours. Des morceaux comme ‘Krevard’ disaient déjà ça : il y a un côté sombre à tout ce côté festif. Nous on ne fait pas du prosélytisme pour l’alcool ou la défonce. On ne dit pas « bourre toi la gueule c’est chanmé ! » . Non, ça jamais. Ce qu’on dit, c’est notre vie, dans laquelle il y a des hauts et des bas. Pour en revenir à l’outro de Qhuit, c’est véridique et ça me choque. Y a des gars qui sont venus voir Rhum-g (ndr : l’instigateur du projet et de la marque de vêtements) et qui lui ont dit : « ouais vas y nous aussi on boit, donne nous des sapes et tout mec ! » . Mais vas y on s’en fout mec ! Nous on fait d’abord de la musique, il y a du travail derrière. Si tu veux, ça m’énerve par exemple quand avant un concert, si tu dis non à un mec qui veut te faire boire ou te faire fumer, il fasse vraiment la gueule !

A : Ouais, il est déçu…

G.B : Non non, qu’il soit déçu ça me fait plutôt marrer, mais qu’il fasse la gueule ce n’est pas une bonne chose. Nous, il n’y a pas de comédie dans ce qu’on fait. Il y a un moment où tu travailles, un moment où tu t’amuses. Ce n’est pas tout le temps le bon moment ! Moi je suis hyper disponible pour les gens après les concerts et tout. Mais quand je ne le suis pas, faut pas venir dire après que j’ai fait ma tête de con ou quoi. On a nos humeurs, nos envies, des fois on a envie de rigoler, des fois pas. Des fois on a envie de se mettre la tête, d’autres non. Puis des fois on s’amuse beaucoup et le lendemain on paie le prix fort. On se dit « putain merde, je vais plus faire ces conneries » . Mais le problème c’est qu’on les refait tout le temps. Voilà, c’est de ça dont des morceaux comme ‘La youte’ parlent. ‘Droit dans le mur’ c’est pareil. On continue à faire ces conneries même si on sait que c’est mal, parfois douloureux.

A : Tu n’interprètes que très rarement sur scène ‘J’pète quand je crache’. Dans le délire porno-mc, il y a aussi le morceau ‘Svinkels.com’. Pourquoi tu n’exploites plus beaucoup ce créneau, que ce soit sur scène ou en studio ? 

G.B : C’est des thèmes que j’aime bien pour mes morceaux solos ouais. Mais jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas vraiment eu le temps de m’occuper de mes projets solo. De temps en temps, j’arrive à poser un morceau sur une tape ou à faire un featuring… Mais le rap sexy j’adore ça, je trouve ça mortel ! [il se reprend] Enfin « sexy », chacun sa façon de voir les choses [il rit]. C’est un truc vers lequel je me dirige pour mes projets en tout cas. Après, y a aussi le fait qu’en règle générale, on ne joue pas beaucoup de morceaux solo sur scène, vu la taille du répertoire qui nous implique tous les trois. Non, ce délire c’est vraiment une histoire d’occasions. Ca fait quand même 4 ans que je me dis que je vais faire un disque ou même une tape, et je n’ai toujours pas trouvé le temps de le faire.

A : Vous avez joué en première partie d’une soirée techno au Zénith l’an dernier. Quels rapports entretenez vous avec ce milieu et les teuffeurs, qui sont une frange de votre public ? J’ai entendu dire que vous vous étiez retrouvés à jouer en free.

N.P : C’est arrivé qu’une fois. On y a joué des morceaux de Qhuit juste au moment où « Gran bang » sortait. C’était pour une teuf Heretik.

G.B : Gamins, on a été en rave party dans des hangars. Après la free, c’est une scène qu’on suit de loin. On a des potes qui posent des sons mais ce n’est pas spécialement un truc que l’on fréquente. S’habiller en kaki et se rouler dans la boue en écoutant de la musique répétitive trop fort, ce n’est plus dans nos priorités. Mais y a des bons aspects, on sait qu’on a un public en commun et le fait que des gens y aillent, je trouve ça super cool. C’est aussi un peu notre génération. Mais c’est juste que moi, aujourd’hui, ça ne me donne plus trop envie.

A : Vous avez changé plusieurs fois de maison de disques. Les Svinkels ne seraient-ils pas un cauchemar à développer ? 

N.P : On a tout le temps changé de maison de disques. Pour eux ouais, c’est impossible de nous développer. Puis on est arrivé dans la musique pile quand elle était au top des ventes de disques et à partir de là, ça a commencé à baisser. Ils ont donc commencé à licencier et à rendre des contrats, spécialement ceux concernant les artistes qui vendaient moins de 20 000. On rentrait dans cette case là.

A : Vos paroles doivent vous donner l’impression qu’il vous est impossible de passer en radio…

X : Ce n’est pas une impression [rire jaune]

N.P : Sûrement, évidement même.

G.B : A moins que Rires et chansons débloque un créneau ! [rires]

N.P : Ou si Patrick Sébastien prend ‘Tout nu yo !’ pour son émission…

A : Ca peut changer avec « Dirty Centre » ? 

G.B : C’est marrant, à chaque fois il y a au moins un ou deux morceaux pour lesquels on se dit que ça peut faire un hit, et en fait on se rend bien compte que non. Cette fois on a encore des espoirs pour certains titres mais je crois qu’on va vite être déçus.

A : Xanax, j’ai lu dans certaines interviews, mais aussi percuté à l’écoute des deux épisodes ‘Série noire‘ que Baste et Nikus affectionnaient les « retraites musicales ». Ca n’a pas l’air de t’enthousiasmer plus que ça. Ta manière de créer est vraiment différente de la leur ? 

X : Ouais, complètement. D’ailleurs, c’est désormais eux qui se rapprochent plus de ma façon de créer que l’inverse. Moi il est super rare que j’écrive un texte sans musique derrière. Mais je suis aussi beaucoup plus anarchique qu’eux au niveau du travail. Peu importe l’endroit où je suis, ça va finir par venir. Ce n’est pas parce que tu vas me mettre à tel endroit ou dans telle ambiance que je serais dans de meilleures dispositions. Eux ont besoin de ça, de s’isoler de leurs habitudes, de ne rien avoir qui leur pollue l’esprit. Alors que moi, ces retraites là, c’est typiquement le genre d’endroit où je vais venir pour rien foutre, parce que c’est pas nécessairement le bon moment. Je n’ai pas besoin d’être tranquille pour écrire un texte

G.B : Bah en fait, le bon moment pour Xanax, généralement c’est quand même le dernier moment ! [rires]

X : Voilà, en gros c’est ça !

G.B : Alors si quelqu’un se met pas avant à la campagne pour faire les ceaumors, bah ! [rires]

X : Moi tu m’emmènes deux semaines à la campagne, c’est sûr que je ne ferais rien. Le studio c’est demain ? J’aurais tous les textes !

G.B : C’est un mode de fonctionnement et c’est très bien comme ça. Moi à la campagne, c’est pareil. Je cogite les 12 premiers jours et les 3 derniers je vais bosser. Mais on a une méthode de travail qui est désormais rodée dans Svinkels : Nikus fait les musiques, moi je trouve mes idées de morceaux, je fais mes couplets et mes refrains, et Xanax arrive à la dernière minute et lâche son texte… qui généralement dit « je vous emmerde ! » [rires].

« Pas mal de rappeurs commencent à se retirer le balai qu’ils avaient dans le cul.  »

Gérard Baste

A : Xanax, dans tes phases, il y a parfois des références au football : « je déploie mon flow comme le jeu footballistique à la nantaise » / « mon flow est clair comme un lob d’Edson Pelé ». Nikus dit dans ‘La fugue’ que tu rêves de devenir journaliste sportif. Perso, je te verrais bien lâcher des bons billets d’humeur aigris dans So Foot ou les Cahiers du football… T’as déjà tenté d’infiltrer le milieu ? 

N.P : D’ici 5 minutes, tu ne pourras plus parler de football [rires] (ndr : la France affronte la Roumanie dans quelques minutes et Xanax et Nikus tiennent à voir le match).

X : Bah le problème c’est que je n’ai pas le syntaxe, je ne sais pas écrire comme eux, alors c’est un peu compliqué pour devenir journaliste. Mais je pense que si tu as une faculté d’analyse par rapport à ce que tu regardes ou écoutes, tu as le truc. Et moi c’est un peu ma malédiction. Je ne peux pas faire autrement qu’analyser tout ce que je vois et ce que j’entends, aussi bien pour le sport que la musique ou la gueule que fait Sarkozy en prononçant ses discours. Au bout d’un moment, tu as envie de retranscrire ces choses là. Mais par rapport au sport… Je suis un téléphage, je bouffe beaucoup de télé, donc forcément beaucoup de sport…

G.B : En fait il faut qu’il soit invité à 100% foot, qu’il y prouve sa valeur en tant que commentateur et qu’on lui propose quelque chose. [A Xanax] Il faut que tu passes par un circuit alternatif !

X : A une époque, y avait des espèces de va-nu-pieds qui essayaient de monter une télé sur internet et ils voulaient que je fasse des trucs pour eux. Mais ils ne l’ont jamais fait, sinon j’y serais déjà.

A : Xanax, j’aimerais évoquer avec toi le premier projet des Professionnels : « La maison hantée ». Les paroles partent dans tous les sens, sont complètement barrées, « rap satanique » comme vous dites. D’où est venue l’idée ? Est-ce un hommage à Charles Manson ? 

X : Non. Si y a un hommage là dedans c’est plus à l’édition gore de Fleuve noir. Moi personnellement, j’en ai rien à foutre des serial killers. Ils sont complètement tarés, font du mal aux gens, je n’ai aucune envie d’avoir quelque chose à voir avec ces connards. Non mais rappelle toi par contre le samedi soir, quand tu étais jeune, sur Canal +, le petit film d’horreur avant le film de boule ! Là l’instru me faisait penser à ce délire avec ces bruits de fantômes, et je suis parti dans ce concept horreur satanique. C’est marrant, souvent quand tu fais un morceau avec un texte assez conceptuel, les gens te posent plein de questions, se disent que tu as grave conceptualisé ton truc alors que finalement, tu as souvent une inspiration liée à l’instru.

A : Et sur l’album des Pros cette fois, toi et Lansac faites pas mal de Story telling, notamment avec le titre ‘Crimes de femmes’. Avec les Svink’, hormis vos histoires à vous, c’est un registre que vous pratiquez très peu. Pourquoi ? 

X : Si tu veux, avec les Svinkels, le concept et l’identité sont tellement marqués qu’on n’a pas besoin d’aller beaucoup plus loin que ça.

G.B : Faut dire que Les pros c’est super cinématographique.

X : Oui, c’est un autre concept. D’ailleurs, cet album des Professionnels, je l’ai vraiment conceptualisé comme si j’allais au cinéma. Il y a toujours une espèce de décalage entre ce qu’est le pera, où tu parles de ce que tu es réellement, où tu es authentique, et les histoires que tu peux avoir envie d’y raconter. Bah, cette envie là, je l’ai concrétisée via Les pros, parce que les instrus s’y prêtaient bien. Une production comme celle de ‘Crimes de femmes’ ça aurait pu être quelques secondes de B.O de Nestor Burma.

G.B : L’histoire est bien tirée par les cheveux quand même [rires]

A : Ouais avec la fille Clinton ! 

X : Oh, t’as compris toi !

G.B : Faut connaître Chelsea quoi ! [rires]

X : Bah ouais, si tu connais Chelsea tu captes normalement.

[Xanax et Nikus s’en vont, respectivement « faire des trucs » et voir le match]

A : Pourquoi l’aventure Game One s’est elle arrêtée ? Et quel en est ton meilleur souvenir ? Etre déguisé en capitaine alcoolique et clasher Booba posé dans un fauteuil avec une poupée gonflable ? 

G.B : Tu sais que sur tous les invités qu’on a reçus, c’était le seul où j’étais vraiment content qu’il vienne ! Ca m’a fait super plaisir de rencontrer ce keum que je trouve vraiment incroyable. C’est marrant, tous les rappeurs comme nous, dits « alternatifs », tous les petits rappeurs « bourges », ils kiffent tous Booba ! Parce que le gars tue, qu’il écrit trop bien. Après, lors de l’émission ce n’était pas vraiment un clash mais j’étais mort de rire de pouvoir délirer avec lui et j’ai été assez surpris car il est bien cool. Il avait beaucoup d’humour, contrairement à d’autres qui ont l’air cools et sont bien chiants en vrai. Concernant la parenthèse Level one, je suis trop content d’avoir fait ça dans ma vie. Primo, je kiffe trop les jeux vidéos, depuis toujours, mais je ne jouais pas tant que ça avant Level one. Là, ça m’a vraiment mis dedans. Ensuite, ça a été un plaisir à faire comme truc. Je bossais avec deux gars avec qui je m’éclatais trop. Il n’y avait pas de tension, on rigolait trop. On avait deux jours de prépa’ et un jour de tournage, et on ne faisait que rigoler. Mais vraiment. On était mort de rire tout le temps. Après, ce qu’on a fait était super inégal, mais en tant que MC, ça m’a apporté plein de trucs ! Au début de l’émission, j’étais super québlo, pas à l’aise. Et ça te force à bien formuler tes phrases, à être concis, à avoir de la répartie. Et quelque part ça m’a apporté des skills, par exemple sur scène pour tchatcher entre les morceaux. Il y a un truc qu’il faut comprendre, il y a un rythme là dedans, et la télé te l’impose.

A : Pourquoi ça s’est terminé ? 

G.B : Game One voulait faire des choses un peu plus sérieuses. En gros, le vieux chelou à moustache et le rebeu ça leur plaisait moyen. Mais c’est déjà incroyable que ces conneries là aient duré deux ans. J’aurais aimé continuer, on devenait à chaque fois meilleurs, il y avait un truc. Avec plus de moyens peut-être que… Mais je ne mets pas totalement de côté l’idée de revenir un jour à la télé avec des sketchs ou autre truc. Je me branche de temps à autre sur des projets. On verra bien si ça donnera quelque chose.

A : Tiens, puisqu’on parle télé et image, je me rends compte que j’ai oublié de poser cette question à Xanax. Peut-être que toi tu pourras m’en dire quelques mots. Je crois qu’il a toujours eu envie de jouer un peu au cinéma, d’avoir quelques plans pour des rôles. Je crois aussi savoir qu’il est en contact avec M. Oizo qui se place aussi parfois derrière la caméra. Tu peux en dire un peu plus ? 

G.B : Ouais il est apparu dans le premier film de l’Oizo. Xanax, c’est quelqu’un qui est comédien dans l’âme. Il chante super bien. C’est quelqu’un qui te chante du Sinatra, du Gainsbourg. Et il est fort pour imiter les gens, il a une super bonne mémoire, se rappelle vachement bien des films, il a du charisme, bref un vrai potentiel. Mais c’est des choses… il faut s’en donner les moyens. [Un peu gêné] Je parle pour lui, ça ne se fait pas, mais il y a un moment où il faut qu’il fasse un choix. La comédie, ça ne se fait pas en claquant des doigts et il faut se mettre au turbin. Moi franchement, si on peut l’aider, le pousser, si quelqu’un veut utiliser son potentiel, je pense qu’il pourrait crever l’écran ! Tu peux voir sa gueule dans « Dobermann » d’ailleurs.

A : Sérieux ? 

G.B : Ouais, mais attends, tu le vois de loin hein, c’est quasi de la figuration, mais il est dans « Dobermann ». Mais on ne sait jamais, par exemple si M. Oizo décide de faire un vrai film et qu’il a besoin de quelqu’un dont la tête correspond à Xanax… Il y a des moments, on a des connexions, alors on ne sait jamais. Pareil, on a bien connu Berroyer… Qui sait ?!

A : DJ Pone a quitté le Svink pour ce qui concerne les tournées. Il était donc là pour l’enregistrement de l’album ? 

G.B : Non, Pone n’a jamais été beaucoup là pour les enregistrements, même en terme de scratches. Il y avait des morceaux où il intervenait, comme ‘Ca n’ sert à rien’. Plus récemment il a participé à ‘Petit con’ qu’on n’a pas mis sur l’album. Par contre c’est quelqu’un qui adore le groupe et qui régulièrement nous donnait son avis sur l’évolution de l’album. C’est lui qui nous a poussé à refaire des arrangements, en nous disant par exemple de pousser plus loin tel ou tel délire, ou qu’à tel endroit c’était bien mais qu’on pouvait faire encore mieux. Il nous connaît bien. En plus c’est quelqu’un dont tu ne mets pas la parole en doute. Il n’a rien à prouver puisqu’il l’a déjà fait. Je ne dis pas qu’on est toujours d’accord avec lui, mais c’est vraiment un avis qui compte.

A : Comme tu dis, Pone a déjà tout prouvé, donc on ne le remplace pas. Vous avez désormais choisi d’être sur scène avec des musiciens. Pourquoi ce choix ? Il a été influencé par la production de l’album ? 

G.B : En fait, ça faisait longtemps qu’on avait envie de ça, et beaucoup de gens nous en parlaient, entre autres les plus vieux. [Il prend un accent du sud un peu vieillissant] « Ah p’tain, ce serait bieng avec un groupe » . On attendait le moment pour le faire, et là c’est probablement le moment idéal. Après, dans le rap, tu as aussi des certitudes qui volent. Pendant un temps, le R&B, c’était nul. Aujourd’hui, c’est limite encore mieux que le rap. C’est plus moderne, encore mieux produit. Pendant longtemps, un batteur ne pouvait pas jouer un rythme de rap. Maintenant, des batteurs, des rappeurs, des producteurs jouent leurs propres beats de rap. T’as des groupes qui ont défraîchi le truc. Un temps, le seul groupe valable en rap, c’était The Roots. Bah non ! Va sur Dailymotion : Jay-Z il est avec un groupe, Lil’ Wayne il est avec un groupe, Chamillionaire aussi. Tous les gars sont avec un groupe ! Tout simplement parce que sur scène ça pète mille fois plus. Primo parce que ton son il est cent fois meilleur, tu n’as pas un vynil mais une basse, un batteur, des choristes, etc. Secundo, parce qu’en terme d’attitude ça pète ! On est dans l’ère du spectacle, on est dans l’ère du grand truc, et pour nous avoir le groupe derrière c’est un plus pour aller plus loin. Mais tu sais, ce qu’on a réussi à faire avec Pone, c’était fort. Arriver aux Eurockéennes, jouer avec un DJ devant 25 000 personnes… et en plus il y a 6 ou 7 ans, les DJs n’étaient pas reconnus comme aujourd’hui. Les gens nous voyaient arriver, ils disaient pour la plupart « mais y a pas de groupe ? » . Bah non ! Et quand ils voyaient Pone, pendant les balances, ils comprenaient un peu tout le truc. Nous, quand on a commencé à tourner, vers les années 99/2000, quand on a commencé avec Pone, les organisateurs ne voulaient plus faire de rap. Ca c’était trop mal passé, ils faisaient la gueule. Grâce à ‘Réveille le punk’, on a réussi à s’infiltrer dans le truc. Je ne vais pas dire qu’on a réouvert la voie, mais doucement, le rap est revenu sur scène, d’abord avec les Triptik, les TTC, des groupes comme ça, avant que tous les rappeurs français se remettent à tourner ! Regarde aujourd’hui, tous les MCs français tournent. Mais si tu regardes il y a quelques années, par exemple la tournée Indépendance tour avec Sinik, L’Skadrille et je ne sais plus qui, ils ont dû se mettre à trois et pour faire des petites salles ! C’était il y a trois ans. C’est pas comme maintenant ou y a des Diams qui ont tout pété, etc. Et tiens, même Diams aux Victoires de la musique elle était avec un groupe ! Bref, je crois que le rap cherche à être de plus en plus musical, et pour nous, le choix du groupe était clair depuis un moment.

A : Est-ce que des morceaux de votre période kradecore –je pense spécialement à « Krevard »- peuvent vraiment le rester interprétés par un groupe ? Ce qui faisait le charme du Svink’ de cette période, c’était aussi ses instrus cheaps, non ? 

G.B : De toute façon tu ne peux pas tout jouer avec le groupe. Et tu es forcément obligé de dénaturer un peu. Mais je préfère le terme dépoussiérer. Il y a des morceaux qu’on se farcit depuis 10 ans, genre ‘C-real killer’, et à la fin, sur scène dans sa version originale, tu n’en peux plus. Tu as l’impression que ça ne tourne pas, qu’il n’y a plus d’énergie, que les caisses n’ont pas de pêche, etc. Là tu le reprends avec un groupe, tu as un batteur qui frappe, une basse, un synthé qui joue le thème, tu envoies du hard-rock dans les breaks, et là tu te dis « ah ouais, quand même ! ». Pour moi, ça tire plutôt un morceau vers le haut que ce que ça le dénature. Après, avec le groupe, il y a aussi des morceaux qu’on ne peut pas jouer. La sauce ne prend pas. C’est le cas pour ‘Ca n’ sert à rien’ par exemple. Et justement, si on doit jouer à Paris, ce sera sûrement l’occasion de voir Pone venir le faire. Pour l’instant on ne joue que des festivals, donc on n’est pas sur des sets qui tournent à plein régime. Et puis, avoir la contrainte des musiques, c’est mortel. OK, certains titres sont difficilement interprétables, mais d’autres qu’on avait délaissés reviennent en force, comme ‘A coups de santiags’. Avec les musiciens, il est mortel à jouer. ‘Vite fait, mal fait’ ou ‘Comment ça’, adaptés ils sont supers aussi ! Puis on a un répertoire de 80 morceaux, donc on a quand même le choix !

A : Suite à la mort de Fredy K, l’aventure du Klub des 7 est définitivement terminée ? 

G.B : Pas du tout. Déjà, Fredy avait enregistré ses phases pour le second disque avant de partir. En fait, le deuxième album du Klub des 7 sort normalement en Septembre. Là il est terminé. Fredy a participé à environ cinq titres. Et on avait vraiment envie de continuer, parce que déjà on kiffe l’aventure et qu’ensuite, on pense que c’est ce qu’il veut. Klub des 7 c’est une histoire de ouf de toute manière. Au départ c’est un projet tout pourri, avec un disque un peu inexistant hormis la patte Fuzati qui en est un peu le fil rouge. Les MCs ne se connaissaient pas tous. Il n’y avait qu’un morceau en commun, et on a appris à se connaître en tournée. Il s’est passé plein de choses pendant les dates, et l’ambiance ressemblait à celles des vieilles émissions freestyle de radio rap. Chacun apporte un flow, un style, une présence différente. C’est ça qui est bon dans le Klub des 7, c’est la diversité de ses MCs. Fuzati a un côté sombre, hyper textuel avec son flow atonal. Cyanure est lui sur la performance, la rapidité. Moi, je joue plus sur le fait que les gens sont un peu acquis à ma cause. James Delleck a son délire futuriste bizarre. Et là, musicalement, l’album va ressembler au premier, sauf que les MCs se mélangent beaucoup plus, qu’il y a plein de morceaux à plusieurs. Le disque est pour ainsi dire fini et comme il est toujours sur le thème de l’enfance et de la cour de récré, on espère le sortir pour la rentrée des classes.

A : L’étiquette de Beastie Boys français, qu’on vous a aussi souvent collé, qu’en est il ? Xanax la revendique dans les premières mesures de ‘Droit dans le mur’.

G.B : Ouais, justement, sur « Dirty centre », on n’avait plus envie de fuir ces trucs là. Ouais on est les Beastie boys français. Ouais on est les Licence 4 du rap. C’est vrai ! Il y a un moment où ça te fait chier mais c’est comme ça. Quand une meuf écrit « c’est Biz markie version camembert » , bah finalement c’est marrant. Déjà c’est mortel d’avoir Biz markie en référence, et c’est vrai que c’est camembert. On essaie d’aller à l’encontre de ça, on fait des efforts, on se dit qu’on va faire des morceaux sérieux, mais on n’y arrive pas. On kiffe trop le rap cainri, mais ouais à coté de ça on est des gros beaufs franchouillards, on est comme ça et on n’a pas honte de le dire. Voilà, « Dirty centre » c’est ça. On fait le rap qui nous ressemble, des trentenaires un peu tournés vers la foncedé, qui sont quand même revenus de quelques trucs dans leur vie, qui ont rocké plus de 400 concerts dont certaines grosses scènes, et puis à côté de ça, on aime manger un bout de fromage en buvant un verre de pif’.

A : Sur ‘C’est des cons’, vous parlez entre autres des fans qui restent dans le délire « c’était mieux avant » . Avec « Dirty centre », vous ne craignez pas que plus d’un soit décontenancé par votre évolution, qu’ils trouvent que votre quête d’une musicalité et d’un gros son se fasse au détriment des paroles type « mode de vie krevard », certes toujours présent, mais de manière moindre et moins évoluée ? 

G.B : Ouais, mais si tu veux, à chaque fois qu’on a sorti un nouveau disque, il y a toujours eu des gens pour nous dire qu’ils préféraient avant, et d’autres que c’est mieux maintenant. Nous on fait de la musique. On propose, les gens disposent. Les vieux albums ne disparaissent pas, ceux qui les aiment peuvent toujours les écouter. Et si ils n’aiment pas le nouveau, bah… tant pis. Nous on en est fier, on propose quelque chose de bien bossé, qu’est ce qu’on peut faire de plus ? Ok, l’album est beaucoup plus bling-bling et prétentieux. Mais en même temps, c’est notre disque qui a le plus d’énergie ! En fait, en terme de puissance j’aimerais ressembler à NTM, dont je ne suis pas fan même si j’ai pris une claque quand ils sont arrivés. Et cet album, il montre quand même une certaine montée en puissance. Il en veut, ce n’est pas la cour des petits. Après, ceux qui ne kiffent pas, tu veux que je te dise qui c’est ? Généralement ce sont les clodos. Ils ne s’y reconnaissent pas.

A : Bah ouais, le côté « les krevards parlent aux krevards » semble doucement s’effacer…

G.B : Ouais enfin, tu ne peux pas dire qu’on a trahi la cause ! Il y a des morceaux krevards, regarde ‘Le blues du toxicomane’ ! Mais ouais, des gens nous disent que c’est moins écrit, que c’est plus simple, moins recherché et qu’on se la pète. Bah ouais on se la pète ! C’est ça le rap, qu’est ce que tu crois ? Si tu te la pètes pas tu fais quoi ? Tu restes dans ton coin à pleurnicher en faisant de la chanson française ? Tu vois ça, cette arrogance, c’est un truc que les gens reprochent beaucoup à quelqu’un comme Tekilatex. Mais moi je trouve qu’il a raison ! Tu crois que Jay-Z il ne se la pète pas ? Tu crois que les mecs ont des tocantes en or grosses comme ça pour regarder l’heure ? Nous on n’ira pas non plus faire n’importe quoi, on ne trahira pas nos causes. On continue à faire des morceaux sur les toxs, à balancer des sales vannes bien vicelardes dans nos textes. Mais après, les gens qui ne kiffent pas, soit ils ne comprennent pas, soit ils n’arrivent pas à vivre avec leur époque. Et généralement, notre public suit quand même ce qu’il se passe.

A : Dans une interview à Divergence, Xanax évoquait la difficulté de ne pas faire de redondance, afin de ne pas s’ennuyer soi même avant même d’ennuyer le public. C’est aussi ça qui vous a poussé à faire un album si marqué, si différent des autres ? 

G.B : Oui et non. Cette question là, on se l’est déjà posé avant de faire Qhuit. On s’était dit : « putain, on ne va pas faire une vingtaine de morceaux que sur l’alcool quand même ? » . Bah finalement si, parce que faire des morceaux parlant d’autres choses sur ce projet, ça aurait dénoté, ça aurait été hors contexte, ça n’aurait pas tenu la route, bref ça aurait été nase. Avec Svinkels, on s’est aussi dit : « bon, qu’est ce qu’on fait ? » . On s’est rendu compte que faire un morceau politique par exemple, ça ne nous faisait pas kiffer. On se disait pourtant qu’on n’allait pas reparler encore des mêmes trucs. Bah finalement si. On a tourné sur les mêmes délires, avec des variantes. Est-ce qu’on reproche à un auteur de polar de faire souvent des histoires autour d’un sérial-killer ? Non. Un artiste il a quand même une démarche récurrente, il revient vers les mêmes choses, tu vois ce que je veux dire ? C’est dans la manière de faire qu’il faut se renouveler. Il y a des peintres qui ont peint plein de fois le même paysage, en changeant les couleurs, les axes, les lumières. Bah voilà, nous ce qu’on fait, c’est du Svink. On parle un peu de foncedé, un peu de trucs marrants, un peu de trucs sexy, avec des petites piques à la société. Et finalement c’est comme ça que je vois le rap. Quand j’écoute Booba ou Jay-z, dans le même couplet, j’entends une petite phase nasty, une autre sur le fait de sa la péter, et une autre par exemple sur les préoccupations du peuple noir. Je trouve ça mortel de mélanger les thèmes dans un même couplet. Le rap à thème, genre on fait un morceau bien précis sur les vikings ou je ne sais quoi, je trouve ça dépassé !

A : Mais pourtant, vos thèmes sont quand même parfois assez marqués ? 

G.B : Pas tant que ça. ‘Droit dans le mur’ c’est un peu la même chose qu’Ultra festif’ ou ‘La Youte’. Sauf qu’il y en a un plus rock, un plus fun, un plus dark. Mais ça reste un peu les mêmes trucs. Même ‘Faites du bruit’, ça reste toujours cette idée de fond : allez bois ton coup ou prends ta drogue et arrête de faire chier va danser avec les putes. [il rit]

A : Toi tu as l’idée de faire un solo ? 

G.B : On a tous cette idée. Des featurings on commence à en avoir quelques un. Moi j’ai aussi fait quelques tapes. Je pourrais prendre mes apparitions hors Svinkels et nos featurings, et ça ne poserait pas de problème pour faire un street cd. Après l’idée des albums solos, elle est là depuis super longtemps. On a chacun nos univers. Nikus a son côté un peu poète social, politisé. Moi je suis plus dans le délire nasty dégueulasse. J’ai envie de le mettre en avant. J’aimerais bien aussi faire un single du Capitaine, car quand je vois toutes les conneries qui marchent sur internet, je me dis qu’une de plus ne ferait pas de mal ! Puis je pourrais mettre sur le cd « la nouvelle grosse merde d’internet qui marche ». Et j’ai aussi envie de faire des morceaux pour moi, car j’aime rapper et je kiffe le rap. De toute façon, dans les trois ans qui viennent, je pense qu’il y aura un solo de chacun des Svink’.

A : Avoir une date à l’Olympia, ça fait quelque chose de spécial ? 

G.B : C’est surtout pour les parents et la famille que c’est cool. Ca fait longtemps qu’on veut faire cette salle. On y a déjà joué mais pas en tête d’affiche, et c’est une salle mortelle à faire.

A : Vous y avez joué avec qui ? 

G.B : Avec Matmatah, aussi pour une opération d’Universal. Si tu veux c’est une salle qui est entre l’Elysée Montmartre, le Bataclan, soit 1 500 personnes, et des salles pour lesquelles Svinkels n’est pas assez connu, comme le Zénith. Y’aura notre nom en lettre rouge sur la façade, c’est la classe, et la famille est contente parce que c’est prestigieux. La semaine dernière on était dans un truc à Besançon, et on jouait aussi devant du monde qui kiffait. Non, le live, c’est cool, et l’Olympia ça fait plaisir. Le seul truc qui me saoule, c’est que la sortie tardive du disque a empêché qu’on participe à pas mal de festivals genre les Eurockéennes ou Solidays.

A : Dans plusieurs interviews, tu estimais que le rap français ne s’autorisait pas des thèmes qui sont super reconnus outre atlantique, particulièrement festifs ou sur la défonce. Tu citais en exemple Redman ou des groupes comme les Alkaholiks et les Beatnuts. Selon toi, les choses s’améliorent, les thèmes sont aujourd’hui plus ouverts sur la scène hexagonale ? 

G.B : Ouais. Booba en est un bon exemple. Regarde son évolution sur trois albums, qui sont trois bêtes d’album. Au début, il était dans le délire poète des grands ensembles, aujourd’hui c’est le majeur en l’air sur la piste de danse. Pas mal de rappeurs commencent à se retirer le balai qu’ils avaient dans le cul. Et puis, il y a quand même eu une explosion des musiques festives aux Etats-Unis. Le Crunk passe en boucle sur les radios. T’as les mecs qui sont là avec leur coupe d’Hennessy et Sprite devant les strip-teaseuses qui remuent leur boule, forcément…Il y a 5 ou 6 ans, je sortais dans la rue avec une casquette et un baggy, je me faisais traiter de zoulou ! Aujourd’hui regarde les mecs. Là on est aux Halles, les gens t’as vu comment ils sont ? Casquettes roses et tout. Les mentalités ont vraiment changé. Et c’est marrant, mais j’ai l’impression aussi que c’est depuis les délires Star Academy et compagnie que tout ça a changé, que les jeunes se sont lâchés. Avant 2000, les gens étaient un peu tristes. Tu as vu les jeunes aujourd’hui ? Regarde la tektonik ! Ils ont des coupes de ouf, ils sont maquillés, ils ont du gel dans tous les sens, des mitaines roses. Les rappeurs c’est pareil, ils sont tous sappés à la Cam’ron. C’est bien, c’est décomplexé. Mais il y a encore du chemin à faire pour être au niveau des cainris en terme de lâchade.

A : Vous avez défini le Svink de hip-hop de comptoir, de kradekore et de slip-hop. Maintenant, avec « Dirty Centre », c’est quoi ? 

G.B : Tiens, c’est vrai, on n’a pas eu de nouvelle formule pour ça. Tu sais, tout ça, c’était plus des vannes que des définitions. C’est comme un élément de texte. Nous, on considère qu’on fait du rap à notre sauce. Je considère qu’aujourd’hui dans le rap il y a plein de courants. Les gens vont te dire qu’il y a en gros, d’un coté le rap classique et de l’autre le rap alternatif. Mais combien de courants tu mets dans ces deux cases ? La Rumeur et le 113 ce n’est pas pareil. Svinkels et le Klub des losers non plus. Ce qu’on veut faire c’est faire un truc qui nous ressemble et qui plaise aux gens qui s’y reconnaissent. Bon, faut qu’on trouve une nouvelle formule !

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