Sidi Sid : « Je ne renie rien et je suis fier d’être ce que je suis »
Interview

Sidi Sid : « Je ne renie rien et je suis fier d’être ce que je suis »

Devinette : quel rappeur compte aussi bien Kubrick que Cam’ron dans ses influences, Beethoven que la Mafia Underground ? Si vous y êtes encore étranger, bienvenue dans l’univers de Sidi Sid, la moitié exposée de l’entité Butter Bullets.

Un peu après la mise en ligne du clip de « Seul à la maison », l’entité Butter Bullets, composé du rappeur Sidi Sid et du beatmaker Dela, avait fait parler au sein de la rédaction de l’Abcdr. Si certains le connaissaient déjà depuis un petit moment, d’autres le découvraient alors avec ce sulfureux clip qui fut rapidement supprimé de la plupart des plateformes visant à héberger des vidéos. Alors forcément, lorsqu’on tombe nez à nez avec Sidi Sid deux jours plus tard dans une boutique du centre-ville parisien, on ne peut pas s’empêcher d’aller tailler le bout de gras avec lui. Quarante-cinq minutes plus tard auront suffit pour nous convaincre qu’il fallait absolument poursuivre cette discussion de manière plus officielle, avec un dictaphone allumé.

Après quelques mails échangés, le rendez-vous fut donc pris avec la ferme intention de savoir qui était vraiment ce rappeur à la trajectoire forcément intriguante. Si Sidi Sid raconte aujourd’hui quelques délicieuses histoires d’horreur aux côtés d’AlKpote, il faisait plutôt dans la sucrerie quelques années auparavant lorsqu’il collaborait avec Cuizinier. Rapidement, le ton est détendu et la voix de Butter Bullets semble déterminée à la jouer franc-jeu. On comprend alors qu’on a à faire à un quelqu’un de foncièrement traumatisé par le rap qui a pris le temps de sagement façonner son personnage. Auditeur exigeant et rappeur perfectionniste, Sidi Sid semble aujourd’hui prêt à bousculer la fourmilière du rap français.


Abcdr Du Son : Comment es-tu arrivé dans le rap ? 

Sidi Sid : [Il hésite] Je ne me suis jamais posé la question. Je pense que c’est l’attirance pour le rêve américain. J’étais fan de séries américaines, de l’univers qu’il y avait autour et, par extension, je me suis intéressé au basket. Je pense que le rap est un élément supplémentaire qui s’est ajouté naturellement par la suite. A l’époque, on ne captait même pas Skyrock à Besançon. Il y avait une radio suisse qui s’appelait Couleur 3 et je crois que le DJ qui avait une émission rap s’appelait DJ Sebb. Ce type avait une mère américaine et un père suisse et, du coup, il voyageait beaucoup. Il ramenait beaucoup de choses de New-York et les jouait dans son émission. C’était le vendredi soir à 21 heures et ça durait trois heures… C’est là que je suis vraiment tombé dans le rap. Le premier album de Mobb Deep, Juvenile Hell, m’avait bien marqué aussi à sa sortie.

A : Comment fonctionne l’entité Butter Bullets ?

S : Grosso modo, on va dire que je suis le rappeur et que Dela est le beatmaker. En parallèle de nos projets, on place des sons pour plusieurs personnes et, par exemple, c’est Dela qui est derrière les derniers gros titres d’Al K. Je ne produis pas mais j’adore le sample et ça m’arrive fréquemment d’en proposer. Tous nos morceaux sont pensés à deux. On a quatre titres sur L’empereur contre-attaque par exemple. On devrait aussi placer des sons sur pas mal de gros projets français.

« Je pense que les trois références cinématographiques qui ont pu influencer ma musique sont Barry Lindon, la série Twin Peaks et Akira. »

A : Comment s’est faite cette connexion surprenante avec AlKPote ?

S : Je pense que c’était évident. A chaque fois qu’on se retrouve, je suis le seul blanc de Province au milieu de cailleras et pourtant ça semble logique. A la base, je l’ai invité sur un morceau, on s’est vu deux, trois fois, il a écouté quelques-unes de nos prods et a kiffé. On s’appelle une fois par semaine et on se voit régulièrement. « Chiens » était notre première collaboration et, en plus, on a eu Evil Pimp sur le remix. C’était le moment où Al K commençait vraiment à rentrer dans ce délire de double time donc il était super enthousiaste. Finalement, le double time est quelque chose de super vieux. Le groupe de Sté, la Mafia Underground, est sûrement un groupe qui a pu m’influencer et ils étaient là-dedans. « Chiens » a pris une grosse ampleur. C’est marrant parce que des gens ont cru que c’est nous qui avions pompé Al K ou que nous étions rentrés dans son univers alors que, derrière, on est vraiment à la base du truc.

A : C’est peut-être dû au personnage d’Al K Pote ou à l’époque dans laquelle on vit mais, malgré qu’elle soit improbable, cette connexion n’a pas choqué…

S : C’est vrai. En même temps, si tu écoutes mes morceaux, ils sont tous un peu cailleras dans l’attitude. C’est le cas de « Titanic » par exemple où je dis des choses hyper violentes. C’est le cas du clip de « Seul à la maison » aussi. Je pense que tout ça est dû aussi bien à mes influences musicales que cinématographiques.

A : Elles ressemblent à quoi tes influences cinématographiques ?

S : Quand j’étais petit, j’avais souvent du mal à dormir. Du coup, quand ma mère regardait la télé, je faisais semblant de dormir dans le salon et j’ai sûrement vu des trucs que je n’étais pas censé voir à l’époque. Kubrick m’a retourné le cerveau par exemple. Je pense sincèrement qu’on ne fera jamais mieux que Barry Lindon. Je l’avais vu une première fois gamin et je ne l’avais pas compris. Ma mère m’avait dit qu’un jour je me rendrais compte de la puissance de ce film. Elle n’était pas spécialement cinéphile mais très ouverte d’esprit et, en plus, passionnée de Moyen-Age. Un jour, je me le suis remis à Noël et ça a été une vraie claque. Musicalement, c’était magnifique en plus. Par ailleurs, je suis un grand fan de musique classique et Beethoven est probablement mon musicien préféré. Finalement, Barry Lindon c’est Scarface en plus baroque : l’histoire d’un mec qui part de rien, vit une folle ascension et finit par chuter. Je pense que les trois références cinématographiques qui ont pu influencer ma musique sont Barry Lindon, la série Twin Peaks et Akira.

A : Ce qui est fort avec Néochrome c’est qu’on a le sentiment que ce label a, à chaque fois, réussi à façonner un vrai univers autour des rappeurs signés. Al K avait déjà un côté horrorcore assez prononcé et « Chiens » est arrivé à point nommé…

S : Ouais, c’est le genre de morceau qu’on kiffe. Si tu regardes, les couplets sont hyper ternaires et, hormis les Bone Thugs, c’était les mecs de Memphis qui faisaient ce genre de titres. La Three 6 Mafia, c’est vraiment une influence commune avec AlKpote. C’est vrai que cette rencontre nous a ouvert des portes et que, sans le calculer, on se donne des coups de mains réciproques.

A : Tu sens que cette rencontre t’a aidé ?

S : Bien sûr.

A : Il s’agit typiquement du genre de rencontres qui ne se serait pas fait sans Internet et…

S :[Il coupe] On ne s’est pas rencontré via Internet. Je l’ai contacté parce que, pendant un déménagement, un mec avait un t-shirt AlKpote. Je lui dis que son t-shirt est cool et que j’aime bien ce que fait Al K. Le mec me dit qu’il est pote avec lui et qu’il pouvait nous mettre en contact si je le voulais. Ça c’est fait aussi simplement que ça. Depuis, on est devenu potes.

Il m’a permis d’aller au contact d’un nouveau public. Par exemple, je l’ai accompagné lors d’un concert à Abbeville au cours duquel on avait fait « Chiens ». Déjà, c’était incroyable de voir à quel point le morceau a plu, il s’est vraiment passé quelque chose. A la fin du concert, on était tous en loges. Il y avait la loge de Seth et celle de Al-K et toutes les deux étaient super blindées. Je me suis mis entre les deux et là tu avais le public qui défilait. Pas mal de cailleras du nord avec des survêtements de l’OM et des t-shirts Néochrome. Ces mecs venaient me voir et n’arrêtaient pas de me complimenter… Ce qu’ils me rendaient était super fort ! Je trouvais ça incroyable quand ils me demandaient de prendre une photo avec eux.

« Je trouve ça cool qu’il y ait un mystère autour de mon âge. Ça me fait marrer que les gens pensent que je viens de l’Entourage. »

A : C’est également vous qui aviez produit « Bande putains de putes ». Quelle est l’histoire derrière ce morceau ?

S : C’est une longue histoire [sourire]. En fait, à chaque fois que je vais voir Al-K aux Pyramides, je vais lui faire écouter quelques beats. On avait cet instru et on se disait qu’il était parfait pour lui, il fallait que ça lui plaise. On était en studio et quand on a joué l’instru, les basses rendaient particulièrement bien à travers les enceintes. Un mec que je ne connais pas déboule dans la pièce, écoute le beat et lâche un grand « Wowwwwww !”, tout en bougeant la tête comme un dingue. « Al-K, c’est quoi ce beat ? Il te le faut !« . D’autres mecs rentrent dans la pièce : « Putain, c’est quoi ce truc de ouf ?« . Al-K me regarde et lâche un très sobre « Ok, on le garde [sourire].

A : C’est envisageable un projet commun avec AlKpote ?

S : Oui… On en a déjà parlé mais on ne sait pas vraiment quelle forme ça prendrait. On a déjà fait pas mal de morceaux ensemble même s’il n’y en a que trois qui sont officiellement sortis. « Chiens », « Bande de putains de sales putes remix » et le morceau présent sur La Crème de l’Ile de France.

D’ailleurs, l’histoire autour de mon couplet sur ce morceau est assez drôle. J’arrive dans le studio aux Pyramides et il y avait vraiment du monde. Des potes mais aussi des rappeurs comme AP du 113. Il y avait la finale de Secret Story à la télé et c’était incroyable : les mecs parlaient de FX genre « ça c’est mon négro, trop gangster » [rires]. On était les deux seuls blancs du studio avec Dela. A un moment, Al-K me dit que c’est à moi. Il était 4 heures du matin et j’étais complètement défoncé, il me manquait des rimes… Al-K ne me lâchait pas et, pour me donner du courage, me sert un verre de sky. Je me le fais d’un coup et je vais dans la cabine. En deux prises, j’avais bouclé le truc. Je sors de la cabine et tout le monde vient me checker « Ouais ça tue, tu parles de Lucifer et tout ». C’était la première fois que j’allais dans ce studio, que je rencontrais tout le monde et ça restera un bon souvenir. Je sentais qu’il y avait un côté challenger et qu’il fallait que je gagne leur respect.

A : Si on revient sur Butter Bullets, le buzz a vraiment commencé à prendre en 2011. Est-ce que vous avez sorti des projets avant ?

S : En fait, on a déjà sorti deux albums mais dont on n’est pas forcément très fier [sourire]. Le dernier date de 2006. Enfin, c’était cool mais ça ne me dérange pas que les gens positionnent nos débuts avec notre premier clip finalement. Je n’ai absolument pas honte de ce qu’on a fait avant mais je suis tellement focalisé sur nos projets actuels que je n’ai pas forcément envie de revenir là-dessus. Notre prochain album sortira en septembre et c’est vraiment ce projet qu’on a envie de mettre en avant.

A : Les gens qui voient tes vidéos sur Internet ont l’impression que tu as 18 ans…

S :  [Il coupe] Et je trouve ça cool qu’il y ait un mystère autour de mon âge. Ça me fait marrer que les gens pensent que je viens de l’Entourage [rires].

A : En tant que rappeur qui s’apprête à sortir un premier album, tu imagines vivre de la musique ?

S : J’aimerais bien mais c’est complètement utopique…

A : Je pense pourtant que tu as un personnage qui est susceptible de parler à plusieurs personnes…

S : Le côté « mec qui fait du rap mais qui parle bien le français » ? Peut-être mais ça ne m’intéresse pas forcément. Après, si on a du succès, je ne cracherai pas dessus et si je peux faire un single à la con sur un bon album, pourquoi pas… Dans le cadre de discussions qu’on a eues avec des maisons de disques, on m’a déjà proposé de changer un peu mon rap et d’aller vers quelque chose de plus pop, d’avoir le single qui porterait le disque comme sur un album ricain… mais je n’en ai pas envie. On n’est pas de Paris et on a déjà tellement galéré que je n’ai pas envie de foncer immédiatement dans un mur.

Là, on va sortir le premier album et on verra ce que ça donne. On réfléchit encore sur le support à adopter mais je pense qu’on va marketer ça comme le font les ricains, un peu à la manière de Hype et Sazamyzy en France. On adhère complètement à leur manière de travailler et, en plus, j’adore ce qu’ils font. Ils savent ce qu’ils font et ils font vraiment partie du haut du panier en France avec Al-K, Seth, Zesau, Sofiane… Ce sont des gens qui comptent. Je suis content parce qu’il est question qu’on bosse avec toutes ces personnes. Ce sont des gens qui ont des vraies personnalités et ne passent pas leurs temps à pomper les dernières tendances des rappeurs américains. Comme le hashtag par exemple… Les mecs en abusent genre « J’ai envie de chier #toilettes » [rires].

A : Hype et Sazamyzy, comme Butter Bullets, font partie des groupes qui ont fait parler d’eux via Internet. Est-ce que tu penses que Sidi Sid pourrait exister sans le Net ?

S : Peut-être mais il aurait fallu qu’on soit à Paris. Il aurait fallu que je sois Harlem et que j’aille rapper dans le métro [sourire]. Et je l’aurais sûrement fait parce que j’aime vraiment le rap ! Je vais à New-York tous les ans et je vois ça comme un passage obligé. Si j’avais été ici, j’espère qu’on aurait parlé de moi comme on parlait à l’époque d’Octobre Rouge qui est un groupe que j’ai surkiffé. Je respecte ces gens qui sont là depuis longtemps et qui continuent à aller de l’avant.

« On n’est pas de Paris et on a déjà tellement galéré que je n’ai pas envie de foncer immédiatement dans un mur. »

A : J’imagine qu’un groupe comme 1995 te fait chier alors…

S : Je pense que, déjà à l’époque, les groupes qui rappaient comme ça nous faisaient chier. Sérieusement, c’est la pire vitesse du monde 90bpm [rires] ! On a mis énormément de temps à se séparer de ce son et voir que des gens retombent dedans… Après, je n’ai rien contre eux mais leur musique ne me parle pas. C’est pas mon univers et je ne pense pas que ce rap soit fait pour nous de toute façon.

Ça me rappelle aussi une époque où il y avait quasiment une dictature autour de ce qu’on devait écouter en France et on avait presque honte d’écouter autre chose. J’achetais The Source à l’époque et, à la fin, tu avais toujours plein de pubs pour les albums de Cash Money, de Three Six Mafia… C’était les pires pochettes du monde mais les albums butaient et on était content d’aller chercher quelque chose de différent. Les seuls qui font un peu ça en France ce sont Hype et Saza.

A : Je pense qu’Internet a favorisé aussi l’émergence de groupes qui avaient d’autres influences…

S : Sûrement et Internet a ramené beaucoup de choses, du bon comme du mauvais. Avant, quand tu achetais un album, tu l’écoutais de A à Z, tu le réécoutais, tu le réécoutais avec le livret… Aujourd’hui, tu te fais un avis en cinq minutes. Tu sors un disque et, une semaine après, il n’est déjà plus d’actualité. Même T.I, en début d’année, s’est senti obligé de lâcher une mixtape histoire de rester dans le coup. En 2011, je n’ai quasiment écouté que des mixtapes. La musique est vraiment devenue gratuite et, aujourd’hui, c’est tout un bordel quand tu achètes un CD. Il faut que tu l’encodes, que tu le mettes sur ton ordinateur et ensuite sur ton téléphone…

A : Pour revenir sur l’idée utopique de faire un album « commercial » sans se perdre pour autant, Orelsan est quelqu’un qui réussit à bien jongler avec les pressions d’une maison de disques et il réussit à faire des singles plutôt bien foutus…

S : Ouais, c’est bien fait mais ce n’est pas pour moi. Je n’ai rien contre Orelsan mais c’est dur d’écouter ses singles quand tu écoutes du rap depuis un bail. En ce qui le concerne, même si le côté « loser » me saoule un peu, il a bien géré son truc.

A : Récemment, Fuzati nous disait qu’il reprochait à Orelsan d’avoir pompé son délire de loser et s’en attribuait la paternité…

S : Il y a une grande différence entre ces deux-là : je pense que Fuzati était fier d’être un loser alors que chez Orelsan, on sent qu’il y a un côté « je voulais être avec les grands de la récré« . Je pense aussi que tu n’as pas du tout la même vie selon que tu habites à Versailles ou en Province.

A : Justement, tu t’es fait remarqué via plusieurs vidéos récemment et plusieurs personnes se sont empressées de dire que tu avais changé de positionnemment : fluokid qui traînait avec TTC il y a deux-trois ans et chantre du horrorcore à la française aujourd’hui. Est-ce que les rappeurs spé du début des années 2000 t’ont influencé ?

S : Ils ne m’ont pas du tout influencé mais je n’ai pas eu le choix. A cette époque, tu étais là-dedans quoi qu’il arrive. Je n’ai pas envie de rentrer dans une complainte du style « c’était difficile d’être blanc » mais, à cette époque, c’était un peu le cas. Même si je ne pense pas que ça soit encore le cas aujourd’hui, TekiLatex et moi avons eu la même culture musicale à une époque. On a tous kiffé le Wu-Tang avant que ça nous fasse tous un peu chier et on est ensuite parti dans des trucs un peu spé’ type Company Flow qui nous ont complètement retourné. En fait, le rap était devenu vraiment chiant et ce sont les mecs qui faisaient des trucs un peu barrés qui nous ont attirés. Def Jux, c’était cool comme label.

Si être un fluokid c’est penser qu’à un moment, les sonorités électroniques sont plus intéressantes que celles du rap de l’époque, alors pourquoi pas ? Mais, en réalité, ça m’a toujours fait chier d’aller au Social Club et je n’en ai rien à battre de la hype. Si j’ai porté des trucs fluo, c’est peut-être aussi qu’on portait tous ça à un moment… Où peut-être parce que Cam’ron portait du rose ! Je ne regrette absolument pas cette période. De toute façon, je pense que les gens qui parlent de ça ne vont même pas écouter ce que je vais faire. Je veux juste que les gens qui aiment bien ce que je fais continuent à s’y retrouver et comprennent l’évolution que je peux avoir et mes différentes références. Le reste, je m’en fous et les gens penseront de toute façon ce qu’ils voudront. Après, oui, on va me parler de ma coupe de cheveux mais je l’ai toujours eu. Je pourrai me raser la tête mais ce n’est même plus la mode de toute façon [rires].

A : Tu fréquentais les mecs de TTC ?

S : Je connaissais TekiLatex et Cuizinier puisque je les avais rencontré en Suisse via DJ Raze. Donc, on s’est retrouvé là-dedans sans le faire exprès. On a grandi avec toutes ces cultures mais on ne savait pas forcément comment les utiliser. Je pense qu’on s’est nous-mêmes mis des freins parce qu’on était des blancs de Province. Express D était le premier groupe de rap que j’ai kiffé en France mais je ne pouvais pas faire du Express D. S’il faut aller se taper j’irai mais je ne suis pas une caillera. Depuis qu’on m’a vu avec Al K, je reçois du respect de la part de certaines cailleras mais cette crédibilité là est toute récente.

« Express D était le premier groupe de rap que j’ai kiffé en France mais je ne pouvais pas faire du Express D. »

A : Je sais que tu es sur Twitter. Tu communiques beaucoup avec les gens qui écoutent ta musique ?

S : Quasiment pas et, de toute façon, je n’ai jamais été trop sur le Net. J’y étais à l’époque de Napster et, ensuite, de Soulseek. A cette époque, quand tu parlais à quelqu’un, c’était privé. Par exemple, je n’ai pas de compte Facebook et je ne sais même pas comment ce site fonctionne. On a une page Butter Bullets mais ce n’est pas moi qui la gère et je suis bien content. Twitter est marrant et permet de faire des connexions mais je ne passe pas non plus ma journée dessus.

A : Tu as pu te connecter avec des gens justement ?

S : Avec Hype par exemple. Je ne sais plus exactement comment ça a commencé mais on a discuté et on sera probablement amené à bosser ensemble. On leur a filé des beats et, de la même manière, on aimerait bien les inviter sur notre projet.

A : Sur Twitter, on peut parfois avoir l’impression que tu as des goûts assez intraitables et que tu as une vision très précise du rap que tu peux apprécier…

S : Je pense qu’on est tous pareil et qu’on est tous des cons. On aime un truc et, si tout le monde le kiffe six mois après, on va se mettre à le détester… C’est débile mais on est tous un peu comme ça. Je ne le fais même pas exprès. Après, quand j’aime quelque chose, je n’hésite pas à le dire. Je suis un gros fan d’E-40 et je pense que ses derniers double albums sont les disques que j’ai le plus écouté ces dernières années. Ça ne m’avait pas fait ça depuis la grande époque Dipset.

A : La comparaison est encore un peu facile mais le fait que tu cites Dipset parmi tes grosses influences nous ramènent encore du côté de TTC qui considérait Cam’ron comme un véritable Dieu à un moment. Comment est-ce qu’on peut expliquer qu’il ait parlé à toute cette frange de rappeurs ?

S : C’est impossible à expliquer. Cam’ron est tellement débile, c’est génial ! Ca n’a rien à voir avec un Tyler qui cherche à être débile, je pense que Cam’ron faisait vraiment toutes ces conneries naturellement. Il ne jouait pas le ouf mais rappait pour ses potes… Et c’était drôle ! Dans « Crunk Muzik », il fait des bruits ridicules derrière le micro qui sont hilarants. Toutes les vidéos de Cam’ron de l’époque sont classiques.

A côté de ça, ils ont ramené un vrai son qui leur appartient. Le côté soulful, voix pitchées et le côté rap de chevalier. Les mecs venaient bousiller des gueules sur leurs destriers, c’était ça Dipset ! J’ai un gros respect pour tous ces mecs-là. Quand j’ai aimé quelqu’un à une époque, je ne pourrai jamais décrocher. J’écouterai toujours ce que sortira Juicy J par exemple.

A : Tu imagines bosser avec des rappeurs américains ?

S : On l’a fait ! Sur notre album, il y aura un morceau avec Al K et Project Pat. On est conscient que ça ne parlera pas à énormément de personnes en France mais on s’est fait un gros plaisir.

C’était assez drôle parce qu’on devait se capter et son manager me dit que la collaboration devra être repoussée. Je me dis qu’il y a une arnaque et que ça ne se fera jamais, pas grave. Le lendemain, je vais sur Worldstarhiphop et je me rends compte qu’il était impliqué dans une fusillade à Atlanta… Ah ouais, les mecs ne rigolent pas quand ils ont des empêchements ! [rires] Finalement, on a pu enregistré le morceau, son couplet est bourré de références à la France et on est content du produit fini. Et pour ceux qui se poseraient des questions, ça nous a coûté une misère d’avoir Project Pat sur le morceau. Aujourd’hui, tu peux avoir Prodigy pour 500 $. Aujourd’hui, tous les producteurs ricains que j’adore sont moins chers que les producteurs français que je déteste ! [rires]

Je ne comprends pas pourquoi les rappeurs français qui ont du budget ne vont pas davantage chercher ces producteurs là. Un mec comme Burn One n’est pas cher par exemple. Si j’étais Rohff ou Booba, j’arriverais avec un album de dingue. Je pense vraiment que Booba pourrait faire bien plus que ça. Qu’il fasse un truc avec Gucci ou qu’il rappe sur des vrais beats de Lex Luger, pas sur des copies !

A : C’est un mec que tu as écouté ?

S : C’est bizarre parce que, dans tous les groupes, j’ai toujours préféré celui que les gens aimaient le moins. Dans les X-Men, j’ai toujours préféré Cassidy et c’était le cas avec Ali pour Lunatic. Même si Ali m’a moins parlé quand il a centré ses textes sur la religion, j’ai toujours été plus réceptif à son flow. Cassidy était impressionnant et j’attends les morceaux qu’il sortira dans l’avenir.

A : Tu n’es pas affilié à Néochrome ?

S : Pas du tout même si ce sont des personnes que je respecte et que je fréquente. 25G par exemple est quelqu’un que j’ai rencontré lorsqu’on bossait sur un son avec Seth et Al K. Il avait été super sympa avec moi… C’est la solidarité blanche ça ! [rires]

A : Ceci dit, les rappeurs blancs sont presque en majorité aujourd’hui dans le rap français si on regarde la plupart des nouvelles têtes d’affiche…

S : Peut-être… Mais il y a un moment où j’ai senti que ça allait presque être la mode d’être blanc et de rapper. Ça a commencé il y a un peu plus d’un an. Ça implique un positionnement assez compliqué. Si on prend Yelawolf par exemple, c’est quelqu’un qui avait des feats de dingues sur sa première mixtape et qui faisait vraiment d’excellents morceaux. A partir du moment où il a signé sur Shady, ils ont complètement rebossé son image et c’était foutu. Le plus triste c’est que son album n’a même pas dû si bien marché que ça. C’était juste mauvais.

A : Justement, ce côté rappeur blanc, un peu arrogant…

S : [Il coupe] Je suis arrogant dans le vie en fait. Pas pour la provocation, je suis vraiment comme ça. Je suis l’inverse d’Orelsan ; c’est à dire que j’étais super confiant quand j’étais adolescent, j’étais persuadé que j’allais baiser trois meufs. Ça n’était pas forcément le cas mais c’est comme ça que je fonctionnais en tout cas. C’est de l’égotrip !

« Je suis l’inverse d’Orelsan : c’est à dire que j’étais super confiant quand j’étais adolescent et toujours persuadé que j’allais baiser trois meufs. »

A : Cette posture de blanc de province un peu arrogant qui n’a pas le même look que le reste du rap français, est-ce que tu y réfléchis ? Est-ce que tu la cultives ? Où est-ce que tu n’y penses même pas ?

S : Je n’en ai rien à foutre en fait. Je suis né blanc et ce n’est pas de ma faute [sourire]. Au final, je ne renie rien et je suis fier d’être ce que je suis. Je n’ai aucune honte à dire que j’aime porter des polos Ralph Lauren. Parce que quand je vais claquer 250 euro pour des sapes, j’ai travaillé pour ça et je ne le fais pas parce que je suis le fils d’un mec blindé. Je n’ai d’ailleurs pas plus de thunes que quelqu’un d’autre. J’ai un job qui me permet de vivre normalement, c’est tout. Je suis né blanc et je suis devenu arrogant [sourire].

A : Des rappeurs qui t’ont influencé ?

S : Finalement, les mecs qui m’ont influencé sont souvent des mecs ultra laid-back ou alors super débiles [rires]. Ce qui est marrant dans le rap, c’est que dès que tu rappes un peu technique et que tu fais du ternaire, les gens trouvent ça incroyable. Alors que ça n’est pas plus compliqué que rapper de manière plus « cool ». C’est juste que beaucoup de rappeurs français ne connaissent pas le rythme et pensent que tu es un bon rappeur si tu donnes l’impression d’être technique. Ce qui est bon c’est de pouvoir tout mélanger, le côté laid-back et le côté plus électrique également.

Les mecs de Memphis, et Evil Pimp notamment, ne font que du ternaire. Au bout d’un moment, ça peut sembler fatiguant. Ludacris, en revanche, est super complet et peut vraiment passer d’un style à un autre sans problèmes. Je me suis refait tous les morceaux de Luda avec Ciara et il a des couplets incroyables à chaque fois. J’en suis presque à rêver qu’ils fassent un album en commun ! [rires]

A : Si tu devais me citer les albums qui t’ont le plus marqué, qu’est-ce que tu dirais ?

S : Je te dirais Funcrusher plus de Company Flow, Mystic Styles de Three Six Mafia qui a des morceaux éblouissants et Crime Mob du groupe éponyme. Après, il y a aussi le premier Gravediggaz, le premier Raekwon, le premier Snoop qui a tué tout le monde, tout les Cam’ron… En fait, je me rends compte que je ne cite que des albums de vieux. La raison est simple : à l’époque, on avait ces albums sur cassettes donc pour aller du track 1 au track 9, tu devais avancer manuellement… Forcément, tu les rinçais les albums !

A : Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur votre actualité ?

S : Alors notre actualité, c’est notre album qui sortira la première semaine de septembre et qui se nomme Peplum. 50% de l’album est produit par nous-même et le reste par des gens que l’on affectionne tout particulièrement comme Roro de GBParis, Hits Alive ou encore 70Cl. Nous avons la chance de bosser avec l’outre-Atlantique aussi mais je n’en dirai pas plus pour le moment. Pareil pour les invités. Comme je te le disais juste avant, il y a un track de malade avec Alka et Project Pat et pas mal d’autres surprises de ce genre… On se fait vraiment plaisir !

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