Quiñ, née dans l’espace
Interview

Quiñ, née dans l’espace

Échappée R’n’B galactique avec Quiñ, créatrice d’une Fantasy Soul propulsée dans la Voie Lactée par la NASA et dont l’EP Galactica est apprécié par tous les bons chats.

Photographie : Jérôme Aris

Quiñ n’a pas toujours été à l’aise dans la lumière. Paradoxal pour quelqu’un qui vit aujourd’hui à Los Angeles, partage l’affiche d’une campagne Gap avec Naomi Campbell et entame une tournée en Amérique du Nord. Pour développer sa Fantasy soul, elle a dû créer son propre univers. Sa quête ou voyage fantastique lui a permis de surpasser ses peurs et de sortir un premier projet intitulé Galactica l’automne dernier. Sa musique est un mélange délicat de pop, électro et R’n’B éthéré. Mise en orbite, au figuré comme littéralement, sa voix envoûtante se retrouvera bientôt sur son prochain projet Dream girl. Rencontre galactique à l’occasion de la première date de Quiñ, à Toronto.


Abcdr du Son : Pour commencer, peux-tu expliquer cette folle histoire de bande-son pour la NASA?

Quiñ : Oh oui… Donc la mission JUNO a été lancée il y a environ cinq ans. En juillet 2016, ils ont lancé le satellite dans l’atmosphère de Jupiter. J’ai pu, avec ma famille, assister au lancement de la mission depuis un laboratoire de la NASA. Apple Music, qui m’adore, me voulait pour ce projet. En partenariat avec la NASA, ils ont fait une playlist pour accompagner cette mission. Je fais partie des gens qui ont été retenus pour cette playlist, avec Corinne Bailey Rey et d’autres artistes. [Trent Reznor de Nine Inch Ails, Weezer, Brad Paisley, Zoé, Jim James, et GZA, NDLR] Ils m’ont envoyé le mini film avant qu’il soit mis en ligne et c’était incroyable de découvrir que Corinne en faisait partie. Je suis fan d’elle depuis le 6th Grade. [Équivalent de la 6ème, NDLR] J’en ai pleuré parce que je l’aime tellement. C’était une expérience extraordinaire.

A : Avec Internet, les jeunes artistes peuvent partager la musique à travers le monde mais toi ça ne te suffisait pas, tu voulais aller au-delà…

Q : Oui ! J’avais mon morceau « Lightspeed » mais je n’avais pas encore le titre Galactica pour mon EP. Tout allait de pair. Après cette expérience, tout s’est enchaîné. J’ai sorti Galactica l’automne qui a suivi. C’était une source d’inspiration incroyable. J’en étais super contente.

A : Tu as commencé à chanter dans une chorale gospel. Quel impact a eu cette éducation sur ta musique ? Est-ce que ça a un rapport avec ton côté mystique quand tu parles de ciel, d’étoiles ?

Q : Dieu a un impact sur ma musique. Je suis une sorte de canal, de vaisseau. J’ai chanté dans une chorale épiscopale quand j’étais petite et d’un point de vue sonore, ça a eu une grande influence. C’était ma rencontre avec l’harmonie et c’est devenu mon truc. Je n’avais pas beaucoup d’amis dans cette chorale mais j’adorais secrètement cette sensation. Si tu écoutes des chansons comme « I am », enfin toutes mes chansons en fait, tu peux te rendre compte que l’harmonie compte beaucoup pour moi. En termes d’écriture je ne crois pas, parce quand j’étais petite, je n’assimilais pas vraiment les mots. Si tu me demandais ce que j’avais retenu après l’église, pas grand-chose. Peut-être que ça a planté quelque chose en moi qui a éclot et a pu permettre par la suite de développer ma spiritualité.

A : J’ai lu plusieurs versions, tu es de San Francisco ou Los Angeles?

Q : En fait j’ai grandi à Pasadena. J’ai bougé sur La Baie quand j’avais dix-neuf ans et c’était le début de ma nouvelle vie. Là, je suis à LA.

A : Et du coup c’est cette ambiance brumeuse de la baie qui a changé quelque chose pour toi ?

Q : Oh my gosh ! C’est tout à fait ça, c’est marrant que tu dises ça ! J’ai déménagé en novembre après mon anniversaire et juste après un chagrin amoureux. L’obscurité m’a rechargée. J’avais besoin de cette obscurité. Je ne peux pas vraiment l’expliquer mais cette atmosphère me correspondait parfaitement à ce moment-là. J’adore l’effet que ça me fait. Ma mère disait toujours : « ne faites pas attention, elle est dans son monde, écris ses chansons… » Mais là, pour la première fois, j’ai mon indépendance, depuis mon appartement, je vois cette obscurité. Je peux être bizarre, être moi-même cachée dans cette obscurité. Je regarde par la fenêtre, vois le brouillard, mon cœur palpite et je me mets à écrire, écrire, écrire…

A : Comment es-tu passée de quelqu’un qui sait chanter à être chanteuse?

Q : Je savais que je pouvais chanter mais ça me faisait peur. Et quand je suis arrivée sur la Baie, j’ai reçu ces informations sur ce que je devais être sur cette terre, sur mon but.

A : Quelqu’un t’a donné ces informations?

Q : Quelque chose… [Rires] Ces idées sont sorties de nulle part. Je me suis dit : « pourquoi suis-je douée pour chanter ? Pourquoi je peux écrire ? » Ce n’est pas dû au hasard. Je dois donc vaincre mes peurs, mes insécurités pour faire ce que je suis supposée faire. J’ai dû prendre la décision de changer mon état d’esprit, ne plus dire non par peur, de ne plus m’enfuir. Je détestais quand des gens me demandaient de chanter, dans des endroits improbables… Je me suis servie de ces moments pour m’entraîner. Je me suis dit : « I don’t give a fuck. » Pourquoi avoir de peur de rater ? Je ne peux pas rater si je suis née pour chanter. Tout ça a pris un peu de temps. Puis j’ai déménagé à LA et suis devenue cet aimant musical. Tous les gens qui gravitaient autour de moi étaient des musiciens. J’étais toujours timide pour parler de ce que je faisais mais je devenais à l’aise pour écrire, enregistrer, faire des démos. Ensuite il fallait progresser, faire des chansons, un album, obtenir un deal. J’ai rencontré mon manager l’année dernière et ça a permis d’organiser tout ça.

A : Pendant ton concert tu as dit que tu écrivais souvent à partir de tes rêves, comme Tim Burton ou Fellini dans le cinéma…

Q : J’adore Tim Burton. Guillermo Del Toro aussi ! Ouais cette idée de rêve spatial vient de là, de ces endroits dans l’espace où je suis allée quelques fois. C’était une sorte de projection. « Sea of Space », c’est vraiment un rêve où j’ai ouvert une porte et j’ai atterri sur cette mer. J’y étais vraiment. Je ressentais vraiment les couleurs. Ce n’était pas terrestre. La densité du silence était également profonde. Je ressentais l’angoisse. Je portais un gilet de sauvetage et je nageais. J’ai paniqué. Je me disais : « qu’est-ce que je fais là ? Comment je respire ? » Je suis retournée vers la porte et ça a ouvert mon imagination. J’ai eu quelques rêves comme ça où j’étais dans l’espace.

A : Tu crois que tu crées tout cela pour échapper à quelque chose?

Q : Je me suis toujours échappée. Non pas parce je devais fuir quelque chose de terrible, mais parce que je me sentais en paix ailleurs. Au fur et à mesure que ces rêves s’imposaient à moi, j’ai ressenti la nécessité d’écrire des histoires et rapporter tout ça, peut-être pour me connecter à d’autres gens comme moi, ou non, juste pour raconter des histoires. Mon prochain projet est beaucoup sur le thème de s’échapper. Il n’y pas vraiment de raison sérieuse de fuir, juste pour être à l’aise et pour le fun. Bien que ce monde peut être fucked up, c’est pas plus mal d’être ailleurs des fois.

« Je me suis toujours échappée. Non pas parce je devais fuir quelque chose de terrible, mais parce que je me sentais en paix ailleurs. »

A : Sur les réseaux sociaux, tu es  The Quin Cat, tu as ce morceau « Galacticat. » Le chat c’est plus pour le côté sensuel et délicat ou le côté maléfique qu’on peut retrouver dans les contes?

Q : J’ai eu ma mauvaise période mais je suis un bon chat. Je ne l’explique pas vraiment, tout le monde aime les chats chez moi.

A : Tu ressembles à un caracal, ces chats sauvages. Cara-cali vu que tu viens de Cali…

Q : C’est mignon. [Elle sort son téléphone pour montrer une photo] C’est mon chat. Les gens disent qu’on se ressemble. A trois ans, j’ai eu mon premier chat et c’était ma première relation fraternelle. Quand tu es jeune, tu penses que tu es similaire à ce dont tu es proche. Ma mère adore également les chats et nous a élevés comme des chats. C’est juste ce que je suis.

A : Revenons à la musique. Quelles sont tes influences ? Qui t’a donné envie d’écrire ?

Q : Envie d’écrire, personne. Juste mes émotions. J’écoutais beaucoup Céline Dion petite. C’était ma voix préférée. C’est plus ou moins ce que tes parents écoutent de toute façon. Du Sting, Brandy, Erykah Badu, Sade, Prince et Michael…

A : Aaliyah ?

Q : Aaliyah m’a fait comprendre que tu n’avais pas besoin d’avoir une voix forte. Aaliyah et Ciara chantent tout le temps en Falsetto et ce sont mes meufs !

A : J’ai entendu dire que tu as fait des sons avec Syd. Est-ce qu’on va pouvoir entendre ça?

Q: Ça va être sur mon EP Dream girl qui va sortir très prochainement. J’ai des invités très cool. Syd, c’est ma pote. LA est cool pour ça. J’ai connu Steve, le guitariste de The Internet, avant Syd. Un pote en commun m’a dit : « t’es forte, il est fort, connectez-vous. Envoie-lui un message. » Ensuite Steve était chez Syd et m’a dit de passer. Chez Syd, c’est un endroit très cosy et accueillant où tout le monde va.

Halle A : Berry ou Michelle Pfeiffer?

Q : Halle Berry est un chat, Michelle Pfeiffer est Catwoman. Elle était hot. Elles sont toutes les deux hot.

Quiñ - Think About You feat. G-Eazy

A : Tu as également fait deux morceaux avec G-Eazy. Comment ça s’est passé?

Q : J’étais dans son clip « Tumblr girls » et l’ambiance était très cool. Il a écouté un morceau que j’avais fait avec une pote et m’a demandé s’il pouvait poser dessus, puis s’il pouvait le mettre sur son album. C’est quelqu’un que j’appelais régulièrement et pas juste pour qu’il retourne la pareille. Mais quand j’ai écrit « Over Again », j’ai pensé à lui immédiatement. Ça lui ressemblait tellement.

A : Ta musique est très sensuelle du fait de ta voix, de l’ambiance, des visuels. Le côté fantastique peut également ramener à l’erotica mais tu parles peu de sexe finalement.

Q : Oui j’ai remarqué ça. Dream girl est un peu plus sexy. L’amour a des saveur différentes et il y aura des saveurs différentes sur ce nouveau projet. La plupart du temps, j’écris des chansons pour moi et je les tourne en histoire. Je ne les pense pas comme des morceaux sexy mais c’est la vibe qui s’en dégage.

A : Donc tu ne fais pas de « baby making songs » ?

Q : J’en fais mais sans le chercher ! Mais c’est très bien comme ça. Ça ne m’embête pas d’en parler. Mais je crois que je parle d’un truc qui est plus grand que le sexe en fait. Il y a quand même des chansons d’amour cool qui vont arriver, tu verras.

A : Dream Girl suivra la concept de « Fantasy Soul » ?

Q : Oui, on a établi les bases de Galactica et là on va découvrir ce qu’il s’y passe. J’y suis arrivée via un rêve et c’est une histoire vraie. Je ne vais pas mentir, je me la raconte un peu sur ce projet mais c’est fun et mignon. J’appelle ma musique « Fantasy Soul » car les possibilités sont illimitées. J’avais du mal à décrire mon style, et ce truc de « Fantasy Soul » m’est apparu et je crois que les gens captent.


Fermer les commentaires

Pas de commentaire

Laisser un commentaire

* Champs obligatoire

*