8TM
Diamond in the Rough

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8TM fait partie de cette nouvelle génération de producteurs français décomplexés. Lors de cette première rencontre, il nous parle de sa musique mais aussi de Pimp C, de Jazze Pha et de volant en bois.

Abcdr du Son : Peux-tu te présenter en quelques mots ?

8TM : Bonjour, je m’appelle Théo, j’ai 22 ans. je vis dans la banlieue sud de Paris. Je produis des sons et je joue du rap dans des soirées.

A : Quels sont tes premiers souvenirs rap ?

8 : Vers 8/9 ans je pense, quand mon père revenait de la Fnac avec des EPs de De La Soul, sans trop savoir ce que c’était. Sinon ma grande soeur me faisait écouter Cypress Hill et Ice Cube.

A : Peux-tu nous raconter tes premières expériences de production ?

8 : J’ai commencé à faire du son dans ma chambre sur Fruity Loops vers 2006/2007 quand j’étais encore au collège. A cette époque, je voyais mon pote Manaré faire des sons et je trouvais ça vraiment bien de pouvoir faire de la musique sans jouer réellement des instruments. J’ai toujours adoré la musique et après avoir perdu pas mal de temps, je me suis finalement lancé. Mais ça n’a pas été sérieux avant fin 2012, presque 5 ans après ! Au début, ça ressemblait même pas à du rap ce que je produisais, plutôt à des trucs de grime anglais. Pourtant mon pote Thiago m’avait introduit au rap du sud et j’écoutais presque que ça à l’époque. Après je me suis vraiment plongé dans un autre délire avec J-Dilla et Madlib, puis New York. Finalement je suis revenu sur le sud et vogue désormais plus vers la Californie.

A : Tu préfères bosser des samples ou sur tes propres compositions ?

8 : Ça dépend. Au final, ça m’arrive de tellement modifier/couper un sample que ça devient ma « propre » composition. J’aime de plus en plus bosser avec des synthés, mais bien souvent je ne suis pas assez doué pour me permettre de ne faire que ça. Sauf exception comme “Hoes Bucket Love” [Rires]. Ce que je préfère, c’est mélanger les deux et qu’au bout du compte, tu ne puisses même plus savoir ce que j’ai samplé et ce que j’ai composé.

A : Tu sors surtout des morceaux / projets instrumentaux pour le moment alors que les producteurs français commencent en général par produire des rappeurs de leur entourage. C’est un choix, une façon de mieux mettre en valeur ta musique ?

8 : Ce n’était pas vraiment un choix. Le truc, c’est que je n’avais pas vraiment d' »entourage musical » au début, j’étais vraiment seul, et aussi incroyable que ça puisse paraître, j’avais même pas un pote qui rappait. Je mettais mes sons sur Myspace et je les faisais écouter à mes amis. Ils me disaient que c’était cool donc j’ai continué dans mon coin, sans trop chercher à démarcher les gens. Juste faire mon truc quoi.

A : Tu aurais envie de produire pour des rappeurs français par la suite ?

8 : Non, pas du tout, sauf des amis proches éventuellement. J’ai jamais écouté de rap français vraiment, c’est limite même pas ma culture en fait. Aussi débile que ça soit. Par contre je commence à travailler avec des américains depuis quelque mois. Les sons sortent bientôt. Mais je t’avoue que je n’ai pas vraiment encore trouvé un artiste avec qui une bonne communication/entente s’opère.

A : En décembre dernier, tu as sorti un projet de remixs de UGK avec Fusils à Pompe. Qu’est-ce que représente Pimp C et Bun B pour toi ?

8 : Ils représentent beaucoup pour moi, c’était eux mon introduction réelle au rap et à ce mode de vie américain bien particulier du Texas : celui des grand espaces, de la lenteur, des mélodies de guitares chargées mais aussi des deals de cocaïne, des beaux habits et des voitures lustrées. Rien que visuellement quand je voyais Pimp C mettre du sel sur une vache et parler de son volant en bois la minute d’après, ça me faisait vraiment voyager. Et ça, c’est sans parler de leur musique, c’était hors du commun. Il y avait plein de samples et en même temps des jolies lignes de basses enregistrées. Justement, tu ne distinguais pas toujours ce qui était de la composition pure et ce qui était samplé. Et puis leur façon de rapper, tant dans la forme que dans les lyrics, c’était vraiment le top à mes yeux. Énormément de groove, avec des syllabes à rallonges. Ça m’a beaucoup inspiré. Quand je passais ensuite sur du Wu Tang ou du Nas, ça me paraissait vraiment gris et fade en comparaison. Je n’y arrivais pas.

« Quand je voyais Pimp C mettre du sel sur une vache et parler de son volant en bois, ça me faisait vraiment voyager. »

A : Ta production est assez éclectique sur ce projet, quelle était ta démarche ?

8 : L’idée est venue au sein du collectif Fusils à Pompe mais j’avais toujours un peu voulu faire ce projet sans jamais oser. Je n’avais pas de démarche particulière, je voulais surtout leur rendre hommage. Et au fur et à mesure, c’était marrant de voir si je pouvais faire un lien entre ma musique et celle de UGK. Essayer de fusionner les deux et que ça rende bien sans sonner trop « remix ». Essayer de donner une nouvelle vie à UGK sans dénaturer, renier leur origines.

A : Tu travailles pas mal autour du Screwed-N-Chopped. Qu’est qui t’intéresse dans ce style ?

8 : En vrai ce que j’adore dans le Chopped N Screwed, c’est la dimension complètement différente et parfois vraiment meilleure que ça peut donner en ralentissant un son… Ça influence énormément mes productions depuis un bout de temps maintenant et ça m’a permis de faire ressortir une certaine couleur, une émotion particulière dans ma musique qui me correspondait bien.

A : Tu es proche d’autres producteurs comme Myth Syzer ou Dave Luxe. Tu penses faire partie d’une nouvelle génération avec de nouveaux codes, de nouvelles façons de travailler ?

8 : Oui je pense qu’il y a vraiment un délire en commun entre nous. Déjà le fait qu’on a tous un amour certain pour le rap du sud qui se ressent dans nos productions. Mais aussi le fait qu’on produit dans les mêmes conditions, un peu isolés, chez nous. Maintenant plus personne ne va en studio, sauf si c’est pour enregistrer et mixer un album sérieux. On est chacun chez soi avec notre laptop et on fait notre truc. Il y a peut-être un certain côté autiste, mais au final on sort nos projets, on se connecte avec d’autres gens, on a des retours. Il y a une ouverture sur le monde derrière tout ça.

« On a ridé avec ses potes en BMW et on a mangé des gaufres. »

A : En 2013, tu as mixé à Atlanta avec Dj Quik et Sango, deux écoles et générations différentes de producteurs. Peux-tu nous parler de ces rencontres ?

8 : J’ai surtout bien sympathisé avec Sango là-bas, on a ridé avec ses potes en BMW et on a mangé des gaufres, c’est un gars vraiment bien. On fait partie de la même génération de producteurs pour le coup, même si notre musique est vraiment différente. On est allé voir Quik à la fin de son concert, c’était cool mais bon, le gars a déjà sa carrière derrière lui et la différence d’âge, de statut n’est pas forcément facile à gérer. Il ne nous portait pas un intérêt débordant et malgré le fait que ce soit l’un de mes producteurs préférés, je n’ai pas cherché à lui communiquer mon enthousiasme. C’était une rencontre cordiale sans plus, c’est un peu dommage mais je comprends tout à fait.

A : Si tu devais choisir trois producteurs qui t’ont marqué et influencé, quels seraient-ils ?

8 : En choisir juste trois risque d’être vraiment compliqué. Je dirais dans le désordre : Erick Sermon, Pimp C et J Dilla. Il y en a beaucoup d’autres, dont certains m’ont autant influencé que ces trois-là, mais c’est un peu les bases de mon inspiration de producteur, je pense.

A : Si tu devais choisir une production qui t’a choqué ?

8 : Il y a beaucoup de productions qui m’ont marqué mais en ce moment, une que je réécoute souvent c’est “Lets Get Away” de T.I. J’aurais pu citer Jazze Pha dans les producteurs qui m’ont beaucoup influencé, il y a vraiment un truc qui glisse dans ses drums, dans toute la composition. Il m’a montré la voie. Quand je commençais à produire, c’était une vraie référence. Je ne sais pas ce qu’il devient d’ailleurs mon pote Jazzy Phizzle.

A : Quel serait ton rêve de producteur ?

8 : Je pense que ça serait de pouvoir vivre de ma musique tout en travaillant avec des artistes que j’admire. C’est sûrement présomptueux de ma part mais j’aimerais vraiment arriver à un niveau où je puisse travailler, avec disons, Rihanna par exemple. Un peu à la manière d’un Mike Will. Même si sa musique n’a pas du tout la même approche et la même finalité que la mienne, j’aime beaucoup sa démarche. En gros, ça m’inspire et ça me motive. Même si je sais bien que je ne vais pas produire un album pour Miley Cyrus et gagner des Grammys avec.

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