Moudjad, loin de sa cage
Interview

Moudjad, loin de sa cage

Il y a 20 ans, Moudjad fonde l’un des rares groupes de rap de Haute-Savoie : La Ménagerie. Le bestiaire ne survivra pas à quelques succès d’estime mais Moudjad continuera de kicker sec. Par intermittence, le temps de remplir son frigo et de renoncer à une vie de bohémien. Entretien rétrospectif.

Photographie : Photoctet

Fin des années quatre-vingt-dix. En dehors de l’axe Paris Marseille, peu de régions ont encore réellement droit de cité dans le rap français. Parmi elles, il y a la Haute Savoie, purement invisible à l’échelle nationale. Pourtant, à Annecy comme partout ailleurs, le rap a fini d’envahir les cours d’école et les quartiers. Dans cette ville où Fabe a brièvement vécu avant d’arriver sur Paris, deux groupes se distinguent le long de la frontière Suisse et à proximité de feu Sens Unik et de Double Pact. Le premier est Impact, qui aura un tout petit écho national. Le second est La Ménagerie.

Moudjad fait partie de ce bestiaire. Avec ses acolytes, il prône un rap un peu plus déjanté que celui qui domine l’hexagone à ce moment-là. La Ménagerie n’appuie que peu sur les phases conscientes et engagées. Ses MCs bouffent du rap américain au petit déjeuner et ne s’en cachent pas. Résultat ? Ils recherchent plus les couleurs chaudes, les flows ondulés et les phases what what que les témoignages de quartier assénés sur des caisses claires. Le trio, avec leur beatmaker Djé, est aussi une meute de jeunes chiens fous. De ceux qui aiment la fête et ses excès. Mais que personne ne s’y trompe : ils prennent tout de même le rap au sérieux. Tellement qu’ils finiront par s’embrouiller avant même que le groupe ait ses premières opportunités d’exposition nationale, aussi minimes soient-elles.

Moudjad sera finalement le seul rescapé de l’équipe. Descendu sur Paris, d’abord avec son ami d’enfance Bat, l’Annécien emmerde les réseaux parisiens et navigue dans Paris, une bouteille de whisky à la main, un bédot sur l’oreille et la vanne facile et enthousiaste en étendard. Il croise dans la capitale Fabe, puis Triptik auquel il sera souvent comparé, le beatmaker Sir-Yu mais surtout Grems, qui « l’emmènera toujours quelque part. »

Moudjad devient pourtant un animal solitaire connecté à une équipe qui est un peu l’autre rap indépendant français, dans l’ombre de celui qu’on a appelé alternatif. C’est l’époque d’Olympe Mountain, du rassemblement Soul’Sodium mené par l’équipe Kamasoundtracks, des compilations et mixtapes Maximum Boycott ou encore de la mixtape Lyrikal Teknik. Alors que les Sept, Grems, Iraka 20001, Booba Boobsa, Rodd, Arm, Bursty ou encore Soklak s’organisent, créent des passerelles entre Paris, Montreuil et les Régions, Moudjad reste un satellite, que seul le champ de gravité de Grems et la foi que le rappeur d’Annecy a en son talent sauront attirer. Jusqu’à se lasser d’avoir une « vie de bohémien. » Entretien avec un MC singulier qui est aujourd’hui un homme (presque) comme les autres.


Annecy zoo 1990 – 2000

J’ai quarante ans. Mon premier disque de rap, c’est Radio de LL Cool J que j’avais trouvé en Nice Price CBS, ce fameux autocollant rouge que les gens qui trouvaient du rap en cassette connaissent. J’écoutais ça, Public Enemy, mais aussi Benny B, je le dis sans complexe, on était des gosses. Contrairement à beaucoup de mecs de cités dans les années quatre-vingt, je n’étais pas dans le funk direct. Par contre, le rap me fait très vite tomber dans le funk.

Rapper au départ, c’est un délire de cour d’école. J’étais avec mon pote Spyke. Dans la cour du collège, on faisait des improvisations. Ce que j’aimais, c’était le groove mais surtout faire des allitérations, jouer avec les assonances. Jusqu’au lycée, je ne calcule pas trop le rap français. Ce qui m’intéresse c’est les Américains, ça a toujours été les Américains. Notamment leurs rappeurs multisyllabiques que j’adore. Big L, Notorious B.I.G, Nas et surtout Redman. Redman ce n’est pas pour l’écriture mais pour son énergie. C’est pour moi le MC qui représente le mieux la folie hip-hop. Et tous ces Américains ont un groove qui m’influence tout de suite. Ces flows un peu ondulés, c’est typiquement ce que j’ai essayé d’adapter à ma sauce en français. D’ailleurs, les seuls MCs français que j’ai vraiment adorés ce sont Ill et Dany Dan auquel on m’a souvent comparé. Eux ont ce groove, ce mélange de nonchalance et de calage hyper précis sur le beat, avec des rimes hyper élaborées, qui sonnent.

À Annecy comme ailleurs, le rap et le hip-hop étaient des vecteurs de rassemblement. Au lycée, je rencontre Franck alias Peuffi. C’est lui qui m’apprend les bases du rap. J’avais d’autres potes qui rappaient et on fonde un groupe ensemble : Swing G, avec notamment Ju, Peuffi, Bat le Primate qui fera plus tard partie de La Ménagerie. On était que des amis d’enfance là-dedans. C’était un beau bordel. On était une dizaine et on rappait sur des boucles de funk, la musique qu’on adorait tous. Franck, notre beatmaker, avait une SP 1200. On bouclait nos samples de Grover Washington, Joe Sample ou de Johnny Guitar Watson dessus.

On connaissait quelques groupes locaux comme Impact avec lesquels on était amis, mais ça ne me parlait pas trop. Par contre, dans le coin il y avait un duo de rappeurs qui s’appelait Extralarge. Ils sont deux rappeurs et ils ont une spécificité : l’un rappe en anglais, c’est Blue. L’autre rappe en français, c’est Dekpo. Ces deux mecs m’ont niqué la tête. Ils ne crachaient pas leurs phases sur des instrus comme plein de rappeurs le faisaient. Non, ils avaient un vrai groove, qui m’a fait comprendre comment on pouvait transposer le côté rap cainri. Flow, rimes, métaphores, ils avaient tout. On s’était croisés à une MJC lors d’un concert, genre session freestyle et on s’était mutuellement kiffés. Quand Blue est parti de son côté, Dekpo et moi nous sommes mis à rapper ensemble. C’est avec lui que je forme La Ménagerie.

Djé qui était le beatmaker d’Extralarge nous rejoint immédiatement pour faire les sons. Assez vite, en 1996, on sort une cassette. C’est un petit EP avec un Donkey Kong qui tient un micro dessiné sur la pochette. C’est le moment où Impact commence à décoller en Savoie et à avoir un peu de succès sur Annecy. De l’autre côté, il y avait nous, un rap plus funk, groove, festif, beaucoup moins revendicatif. En fait, Impact avait envie de raconter des choses alors que nous on voulait avoir du verbe. Bat nous rejoint, on fait tourner notre cassette sur laquelle il n’apparaît pas. Digit est notre DJ et un autre mec nous rejoint, Yannick alias Nick Larsen. Il est plus âgé que nous et il nous a beaucoup aidé. Lui son boulot, c’est le mixage, le mastering. C’est aujourd’hui un responsable respecté au sein de la TSR. [Télévision Suisse Romande, qui est aussi une radio, NDLR] Il a eu beaucoup d’importance dans notre tout petit parcours, surtout local, car il était plus mature. Il poussait beaucoup le groupe, nous encourageait. Et c’est aussi ses talents qui ont permis qu’on sonne vite assez bien.

C’est la période où on se fait nos premiers contacts, dont deux qui auront de l’importance pour moi. Ces contacts, c’est Sept et Sindbad. On les rencontre par un mec qui s’appelait H le Hurleur [rires] lors d’un freestyle absolument improbable dans le gymnase de notre cité. C’était un évènement contre la violence. Sauf que la veille, on avait eu une soirée galère de chez galère. J’avais eu un petit accident de voiture et mon pote, Flo, s’était battu. Résultat, on s’est retrouvés sur scène à ce cypher contre la violence, moi avec une attelle au genou en train de boiter et mon pote avec une cheville à moitié pétée et un œil poché. Les gens ont cru qu’on leur faisait un happening. [Rires] À la fin du freestyle, H le Hurleur vient nous voir et nous dit : « putain, je connais des mecs sur Paris qui sont dans le même délire que vous ! Il faut que vous les contactiez. » C’est comme ça que Sept et Sindbad sont apparus avec nous dès 1999, sur le premier album de La Ménagerie : En vous.

On est super motivés et on se trouve un tourneur. Il s’appelait Carlos, mais on le surnommait le tourneur-fraiseur car on n’était pas vraiment satisfaits de son travail. On a été un peu cons, car il avait capté des trucs et a réussi à nous placer sur des trucs mortels avant même qu’on sorte notre premier album. Déjà, il avait compris qu’on gagnerait à passer souvent la frontière pour jouer en Suisse. Là-bas, on a fait pas mal de dates qui nous ont permis de se roder, d’apprendre, que ce soit des freestyles dans des radios locales ou des concerts, notamment à Genève. Et surtout, il a réussi à nous placer en première partie des Jungle Brothers et de Redman. Ça, tu ne peux pas ne pas kiffer, surtout quand tu as moins de vingt ans. Tous ces concerts nous ont permis de nous faire des contacts et de mieux réaliser l’album qu’on préparait.

« La Ménagerie pour nous, c’était une métaphore du rap, surtout dans une ville où il était rare »

On fait l’album avec des bouts de ficelle. Nick Larsen a aménagé avec nous un studio dans la cave de la grand-mère de Dekpo. Djé nous faisait des instrus comme un fonctionnaire : tous les jours de huit heures à dix-huit heures, il écoutait du son et faisait des prods. On choisissait les samples avec lui. Avec Dekpo, on ramenait les concepts. Bat était plus en retrait dans la conception. On voulait faire un truc qui groove avec un côté très instinctif et animal. En fait, on surkiffait notre concept. La Ménagerie pour nous, c’était ce regroupement d’espèces bizarres qui ramènent leur truc. On y voyait une métaphore du rap, surtout dans une ville où le rap était rare. Faire du rap ici, c’est un peut être les spécimens du zoo. « On amène le bruit » comme on l’a dit plus tard sur la mixtape de Fabe.

La Ménagerie - « M.E.N.A.G.E.R.I.E »

On a tout enregistré dans cette cave aménagée par Nick Larsen. On y était fourrés quasiment tous les soirs et chaque week-end. Petit à petit, on fait tous les morceaux là-bas. C’est là qu’on fait notre première erreur : au lieu de trier un peu les sons, on ne jette quasiment rien. On veut tout garder pour l’album, on est persuadés qu’il faut qu’on sorte tout ce que l’on produit. On invite Sept et Sindbad à Annecy avec lesquels on s’était connectés pour qu’ils viennent rapper avec nous. On invite aussi Daskik, des rappeurs de mon quartier qui sont mes amis. Quand on termine l’album, on l’envoie en Suisse pour le mastering. Le rendu s’avère dégueulasse, on n’apprécie pas du tout le travail qui a été fait. C’était tellement dégueulasse qu’on a refusé de payer le mec et qu’on a décidé de faire le master nous-mêmes, avec une mixette de DJ. On s’en est servie surtout pour pousser les basses. Pour un truc do it yourself, ça n’a pas été si mal et en tous cas bien mieux que la première version qu’on nous avait rendue. Il y avait aussi les limites techniques de l’époque, les moyens limités qu’on avait en autoproduction. On a eu un grain particulier sur les sons que les vieilles machines et les contraintes matérielles permettaient d’obtenir. L’identité parfois Brooklyn, parfois façon Pete Rock, c’est ce qu’on aimait. En plus Nick Larsen aimait beaucoup le côté technique du hip-hop et il a réussi à faire sonner le disque de la bonne façon. Même si ce n’est pas le meilleur album que j’ai fait d’un point de vue technique, c’est un disque qui sonne encore bien si l’on excepte la pochette qui était notre troisième erreur. [Rires] On a voulu faire comme dans le livret de The Love Movement de A Tribe Called Quest. On voulait se fondre dans le fond blanc de la pochette avec nos t-shirts blancs. On a tout foiré en voulant tout faire nous-même. La pochette est finalement devenue la mochette. [Rires] On n’avait pas de budget pour faire mieux, aucune connaissance qui maîtrisait les retouches photos et finalement, on s’est habitués à en rire, donc on l’a gardée. Pour la sortie du disque, on était aussi seuls. On a envoyé des disques à Sept et Sindbad pour qu’ils le fassent tourner sur Paris mais le gros de la sortie s’est fait localement. On en avait pressé un millier d’exemplaires et ce qu’on a vendu l’a surtout été sur Annecy, lors de nos concerts. Malgré tout ça, je considère que c’est le meilleur album que j’ai fait. Ce n’est pas le plus abouti, c’est sûr, mais c’est le seul qui sonne comme je le voulais, c’est le seul qui a cette fougue. Je n’ai jamais réussi à retrouver autant de spontanéité. On avait dix-huit ans, on ne connaissait rien ou presque aux coulisses du milieu rap donc il y a un état de grâce, une touche un peu magique. Je suis content d’avoir commencé avec ce disque même s’il n’a pas eu d’écho.

La Ménagerie sur Paris 2000 – 2003

Pourtant, très rapidement après cet album, le groupe se sépare. En 2000. En réalité, La Ménagerie continue à exister durant deux ans mais sans Dekpo. On s’est chiffonnés comme des gamins. On était monté sur Paris pour enregistrer un truc qui a foiré. On était frustrés d’avoir fait un aller-retour pour rien. On était stressés, déçus aussi, car on prenait ça au sérieux et descendre sur Paris était une galère pour nous. Le ton a fini par monter entre Dekpo et moi, on s’est limite tapé dessus. Bat et moi étant des amis d’enfance, on est resté ensemble et on a  continué à faire vivre le groupe comme on pouvait. C’est à ce moment là qu’on a le plan pour faire Bonjour La France, la mixtape que Fabe est en train de monter.

Fabe avait vécu un an ou deux à Annecy, dans mon quartier, mais je ne l’ai pas connu à cette époque. Il est par contre repassé sur Annecy plus tard et c’est là qu’on l’a rencontré. Comme on avait une petite notoriété locale, il avait entendu parler de nous. Il aimait particulièrement les instrus de Djé, au point qu’on lui avait envoyé un DAT avec des productions, à sa demande. Je sais qu’il avait fait des essais dessus. Quand il a lancé son projet de mixtape, il a pensé à nous. On est descendu sur Paris, sans Dekpo, juste avec Bat le Primate pour enregistrer notre morceau. On se rend à l’adresse qu’il nous a donnée, dans le dix-huitième. On monte dans un immeuble, on frappe à la porte de l’appartement et là une meuf en hijab nous ouvre. Avec Bat, on est là avec notre bouteille de whisky dans la main et notre bédot sur l’oreille. On se dit qu’on s’est plantés, on s’excuse auprès de la fille qui nous a ouvert la porte. Elle nous demande qui on cherche. On lui dit qu’on cherche Fabe et elle nous répond avec un calme et une paix incroyable : « c’est là, entrez. » [Rires] À 18 ans, on était des chiens fous, on aimait aller là où il y avait de la fête. Alors quand nous sommes arrivés dans cet endroit où tout avait l’air calme, religieux, on était un peu déconnectés. Fabe nous accueille et nous propose de nous servir un Nescafé. C’est la seule fois de ma vie où on m’a proposé un Nescafé. [Rires] J’avais ma bouteille de whisky à la main, je crois que je l’ai regardé avec des yeux ronds. [Rires] « Mais attends, j’ai une bouteille de whisky, tu ne veux pas que je l’ouvre ? » Il me répond avec calme et douceur qu’il ne préfère pas et que pour le bédot, ce serait mieux de le fumer à la fenêtre. Du coup on a torché le morceau en une heure, parce qu’on ne pensait qu’à boire et fumer. Je crois qu’on était mal à l’aise en fait. Mais dans les quelques échanges que j’ai pu avoir avec Fabe, j’ai vraiment vu quelqu’un de droit dans ses bottes et d’extrêmement réaliste par rapport à sa situation dans le rap. Il sentait que l’industrie de la musique n’était pas ce qu’il cherchait dans sa vie, que ça ne le satisferait pas. Je n’ai pas vu quelqu’un d’aigri mais quelqu’un qui avait choisi son chemin. Grâce à lui, on a fait un morceau pas dégueu sur sa tape. Des mecs comme lui j’aurais aimé en rencontrer plus dans le hip-hop. Mais il ne faut pas se méprendre : Fabe avait beau avoir une notoriété, cette mixtape est restée très confidentielle.

La Ménagerie - « On amène le bruit »

C’est à cette époque que je décide de m’installer sur Paris. C’est là que le rap se passe, on voit que plein de disques sortent, que des labels comme Night & Day distribuent des disques de rappeurs à tour de bras. On a envie de refaire un album, j’ai la bougeotte, alors avec Bat on décide de descendre sur la capitale. C’est encore un truc que l’on fait comme des chiens fous, avec juste mille francs en fraudant le TGV et sans trop savoir où on va atterrir. Sindbad était d’accord pour nous accueillir car sa sœur était absente pendant plusieurs mois. Il nous a offert l’hospitalité, sa gentillesse et ses délires aussi. Mais forcément, ça a été la merde de descendre comme ça, tête baissée. On n’était absolument pas préparés à ça. On ne connaissait rien au business, ce n’était même pas quelque chose qu’on avait en nous. On ne savait pas réseauter. On était aussi pas forcément très gérables. Bat le Primate portait bien son nom et moi si je te sentais pas, je ne te parlais pas. On ne savait pas non plus où étaient les bonnes portes, les bonnes personnes. On n’est pas des gens comme Sofiane qui, même si ça lui a pris du temps, a su frapper aux bonnes portes. Nous on était juste des mecs qui savaient rapper et aimaient descendre une bouteille de whisky en rappant. On cherchait tout le temps des plans fêtes et surtout, on ne pensait pas à faire des featurings ou à faire partie d’une équipe. Tout ça, que ce soit Bat ou moi, on n’en avait rien à foutre. On voulait faire notre disque, pas s’installer dans un réseau. Pourtant, on a eu d’abord des premiers plans qui sur le papier avaient la classe. La mixtape Triptik avec Cut Killer, celle avec Fabe. Mais les gens ne viennent pas te voir en réalité. C’est très rare. Comme on manquait de contacts et qu’on ne savait pas aller vers les gens, ça s’est forcément vite essouflé. On n’a pas su prolonger ces portes qui se sont ouvertes, même si on a ensuite fait des trucs qu’on a adorés. Et même la mixtape de Fabe, elle n’a pas été connue. Très peu de médias en ont parlé, voire aucun. Quant à la mixtape Cut Killer consacrée à Triptik, tous les médias qui en ont parlée n’ont pas parlé de nous.

« Les multisyllabiques, c’était notre fond de commerce »

Triptik sont ceux dont on s’est sentis le plus proches à cette époque. Au départ, c’était surtout une affinité musicale. Eux-aussi avaient ce truc multisyllabique et ils assumaient leurs influences cainris. Ça nous plaisait. Nous, les multisyllabiques, c’était notre fond de commerce à l’époque. C’est Dekpo qui m’a appris le délire des multisyllabiques, comment Big L rappait. C’est cet usage des mots qui nous a donné envie de faire du rap, alors je comprends les générations qui sont venues ces dernières années en kiffant ça. Ce n’est pas exactement la même technique que ce qu’on faisait nous. Chez eux, les fins de rimes ne sont souvent pas les mêmes, la multisyllabique est plus souvent à l’intérieur d’une phase que sur la rime. Le flow est plus précis chez les jeunes, mais la rime l’est moins. « Vision d’holocauste, musique paradisiaque, mes kholotes chaussent les bottes et treillis shootent une Cadillac. » « Paradisiaque » et « Cadillac », ça colle parfaitement : A-I-Ak. [Ph] Les jeunes termineraient plus avec un mot comme « caillasse », avec une rime A-I-Ass. [Ph] Eminem le faisait très bien, mais tout le monde n’est pas Eminem. Certains français le gèrent, d’autres le font un peu juste pour dire qu’ils l’ont fait. Pour moi, c’est hyper important, j’ai eu le cerveau lavé à la multisyllabique car je l’ai toujours vue comme un moyen d’être plus musical tout en étant un putain de défi pour avoir du sens.

Il y a aussi des flows d’américains que j’ai vraiment pompés. Nas par exemple quand il dit « Nothing on my mind but the dime sack we blazed. With the glaze in my eye, that we find when we crave », ça c’est un flow que j’ai pompé : « rien d’autre dans mon crane que la canne qui s’achève et le rêve qui s’entame pendant que je plane les gars crèvent. » Je ne m’en cache pas, j’ai pris son flow. À propos des Américains, je prenais tellement cher dans leur manière de placer les rimes, que oui je peux le dire : quand c’est tellement bien fait, tu ne peux qu’essayer de faire pareil. Et avec La Ménagerie, on s’est dits que ces influences américaines et le multisyllabiques, il n’y avait pas grand monde qui faisait ça en France, ou du moins qui l’assumait. Notre style est certes pompé des cainris, mais en France, à part Ill et Dany Dan, personne ne le fait. C’est aussi là qu’on s’est retrouvés avec Triptik. Ils assumaient leur côté américain et la recherche de ce groove.

Triptik - « Panik » feat. Moudjad

C’est surtout Dabaaz qui kiffait notre truc, même si j’ai gardé des super relations avec Blackboul’. Après la mixtape réalisée par Cut Killer, Dabaaz m’a invité sur Microphonorama. On traînait un peu ensemble et on a souvent été comparés à eux. Il y a même eu ce délire autour de la paternité du morceau « Bouge tes cheveux. » Fouzi était un pote qui traînait avec moi et Bat. Encore un trublion de notre genre. C’était une sorte de Jamel Debbouz de deux mètres et cent kilos qui déconnait tout le temps même s’il ne buvait pas et ne fumait pas. Et comme Dabazz était chauve, Fouzi n’arrêtait pas de le chambrer en lui disant : « Hey Dabaaz, bouge tes cheveux. » Avec Bat, on en a fait un gimmick qu’on répétait à la suite de Fouzi : « Bouge tes cheveux, bouge tes cheveux. » [Il le dit en imitant le flow du morceau de Triptik, NDLR] Je pense qu’ils ont fait de cette vanne et de la façon dont on la plaçait un morceau. Sur le coup, quand tu entends le titre, tu ris un peu jaune : « hey, mais c’est notre délire réadapté en morceau ! » Mais tu n’as pas besoin de réfléchir longtemps pour te dire qu’en fait, c’est cool. Un délire de potes qui finit par donner un morceau qui a son succès ? Honnêtement, si tout le milieu du rap fonctionnait comme ça, ce serait bien mieux. Surtout qu’à côté, ils ne m’ont jamais fermé la porte, de Dabaaz avec Microphonorama à Blackboul’ qui m’a invité sur les concerts Can I Kick It.

Supermicro et animal solitaire 2004 – 2006

De notre côté avec Bat, on continue nos conneries, la principale étant de rester des paillus de Haute Savoie qui vivent au jour le jour et qui sont persuadés que leur talent va suffire. Pour beaucoup de gens, on était un peu les Gérard Muller du rap. [Rires] C’est là que je rencontre le mec qui va le plus m’aider et me motiver pour la suite : Grems. C’est chez Sir-Yu qui produira pas mal des sons sur lesquels je rapperai à Paris. C’est un apéro et je vois Grems avec ses lunettes et ses rictus à la Robert de Niro débarquer. Je ne le connais pas et il me dit : « mec, j’ai écouté ce que tu fais, respect, ça claque vénère. » Cool poto, ça fait plaisir ! Et à cet apéro, on commence à rapper. Je vais ensuite écouter ce qu’il fait et là, je découvre un Ill en version hyper speed, plus technique aussi, tout en ayant cette nonchalance incroyable. Grems me suivra et me motivera tout le temps. Il fera toutes mes pochettes et c’est lui qui m’a poussé au cul pour faire mon premier album ou en me présentant Bursty de Da Brazza Records.

Pour beaucoup de rappeurs de province, Bursty a vraiment compté. Avec sa série Fuck le maximum boycott, d’abord en cassette puis en compilations CD, il a au fur et à mesure mis en valeur plein de rappeurs de régions. Le seul problème de Bursty, c’est qu’il avait des ambitions démesurées par rapport à ce qu’il pouvait réellement faire. [Rires] Mais il était déterminé, il était connecté à Bordeaux, il était connecté à Paris et il a réussi un créer un axe Paris-Province super cool avec ces projets Maximum boycott et son label. Pour moi, ça a été une vraie chance. Sur ces projets, je retrouvais des gens que j’appréciais comme Sept, Sindbad, Grems et plein d’autres. Quelque part il nous a donné notre chance et il a aussi fait apparaître cette autre scène indépendante qui en réalité n’en était pas vraiment une. Avec Olympe Mountain ou Soul’Sodium, certains ont su se connecter. Mais avec Bat, même si on aimait bien certains rappeurs que tu pouvais retrouver dans ce milieu, on voulait faire notre musique à nous. On profitait des opportunités, mais on ne cherchait pas à se mélanger pour autant. Notre délire, c’était de garder notre son, l’identité qu’on avait créée avec La Ménagerie. Grems m’a parlé, Sept m’a parlé, D’Oz m’a parlé, Iraka 20001 et sa voix de dingue à la Akhenaton sorti du tombeau et sa poésie, ça m’a parlé. Mais en réalité, à part quelques featurings, on restait dans notre coin. On n’avait pas l’impression d’appartenir à une scène ou à un mouvement.

« J’ai vécu la musique comme un joueur de foot du dimanche »

Malgré ce côté un peu isolationniste que je pouvais avoir, Grems m’a toujours emmené quelque part. En 2005, je sors un bootleg commencé quelques années plus tôt et que je publie uniquement sur internet : L’Histoire. Je le fais avec DJ Klem’s et j’y rassemble plein de titres que j’ai pu faire. On retrouve 6000R, plein de gens qui gravitent autour de Maximum boycott, mais aussi Dekpo avec lequel je me suis réconcilié entre temps et que j’inviterai l’année suivante sur Droit Devant, mon premier album. Klem’s m’accueille chez lui pour enregistrer des inédits. Sa femme a fait quelques interludes où elle jouit en criant mon nom. [Rires] Abdel, un pote à moi, paix à son âme, a fait les autres interludes avec moi. J’enchaîne sur Droit Devant, mon premier album, sur lequel je commence à travailler à partir de 2004. Sir-Yu m’avait déjà mis des instru de côté et Grems me dit : « écoute, on va aller voir le gars de 2Good Distribution et on va sortir un putain d’album de Moudjad. » Évidemment j’étais chaud, je suis monté à Paris pour ça ! Ça m’a mis dans une bonne vibe. Au-delà des pochettes qu’il m’a toujours faites depuis L’Histoire, Grems a de toute façon toujours été un vrai moteur. Et pas que pour moi ! Si tu regardes son parcours, il a eu des dizaines de projets, de groupes et il a toujours amené les choses quelque part, a su leur donner du sens. C’est lui qui m’a permis d’avoir la seule distribution nationale dans mon parcours. C’est pour montrer l’importance que Grems a eu qu’il y a le logo Deep Hop sur Droit Devant, mais aussi pour le remercier de tous les concerts où il m’a emmené avec lui.

Moudjad - « Le Blues de l’ouvrier »

Tout ça m’arrive au moment où j’ai ma première fille et où je poussais des fly cases chez Crossroads [Entreprise spécialisée dans l’événementiel et les concerts, gros pourvoyeur de roadies et d’intermitents du spectacle vivant, NDLR] Je gagnais cinq cent balles par mois et je faisais un peu n’importe quoi. J’étais pourtant déjà débrouillard mais avoir ma fille m’a définitivement fait passer ma vie personnelle devant, quoi qu’il se passe dans le rap pour moi, album distribué nationalement ou pas. Ce n’est pas du tout pour faire le misérabiliste, mais quand ma fille est née, j’allais à l’assistance sociale pour lui acheter des couches. La vie m’a rattrapée en fait et à partir du moment où le frigo est vide, c’est boulot d’abord. Le rap, ce sera sur le temps libre. En fait, j’ai vécu la musique comme tu joues au foot le dimanche. D’abord comme un mec fougueux qui fait la fête et compte sur ses dribbles pour s’en sortir et se faire repérer sur le terrain le dimanche, sans aucune idée de plan de carrière. Puis ensuite comme le mec qui bosse et qui va taper la balle pour le plaisir avec ses potes les week-end où il trouve le temps. J’ai juste décidé que le rap ne m’autorisait pas à vivre comme un schlag. Aller rapper je ne sais où au fin fond d’une ligne de RER où on rémunère ton couplet en te laissant repartir avec une bouteille de whisky, en rentrant en fraudant et en ouvrant chez toi un frigo vide, ça va une fois, deux fois, trois fois, mais au bout d’un moment, non, ce n’est pas possible. Très vite tu vas à la boîte d’intérim pour remplir ton frigo. La vie de bohème, elle tient trois à quatre ans, pas plus, surtout quand tu as un enfant. Ma gosse, quand elle est née, elle n’avait rien demandé. Donc c’est aussi pour ça qu’après Droit Devant, je ne fais plus rien pendant presque 5 ans.

Printemps Arabo Savoyard 2006 – 2017

De 2006 à 2010, je ne fais donc quasiment rien. Je suis embauché chez Ikea, je passe en CDI, mon enfant grandit, je suis dans l’Essonne, je commence à m’en sortir, ma femme est posée, on regarde notre enfant grandir, on est heureux. Je continue le rap comme on fait du foot le dimanche, parce que j’aime ça mais je n’ai absolument pas le temps de me lancer dans un projet. Je fais des featurings à droite à gauche, quelques titres dans ma chambre, c’est tout. En 2010, je réalise que ça fait un moment que je n’ai rien fait. Je sors donc une net tape, comme je l’avais fait en 2005 : Le Taulier. J’ai toujours trouvé qu’internet était un moyen cool pour communiquer. Aujourd’hui, c’est évident, mais quand j’ai commencé à m’en servir en 2002, 2003 puis 2005 avec L’Histoire, ce n’était pas évident pour tout le monde. Internet n’était pas encore accessible à tous, tu n’avais pas de smartphone, les débits n’étaient pas ceux d’aujourd’hui. Mais déjà, ça permettait de by-passer plein de gens et d’être réactif. C’était aussi l’époque des forums. Mes fans, c’était un peu des avatars, que parfois t’as la chance de rencontrer. J’ai passé des heures sur le forum de 90bpm.net et ça donne de la force, que ce soit de recevoir un mail, de lire des retours sur ta musique sur un forum de passionnés ou de discuter à la fin d’un concert. Tu fais de la musique pour dire des trucs mais aussi pour être entendu, il ne faut pas se mentir. Quand en 2003 je recevais un mail d’une meuf qui me disait : « il faut que tu saches qu’au fond, quelque part, quelqu’un t’écoute et ça le fait vibrer », ça me foutait la pêche pour continuer.

En 2010, ça fait cinq piges que je veux m’installer en Suisse et je n’y arrive pas. Alors je m’apprête à rentrer à Annecy, mais je suis d’abord muté à Grenoble. Je suis là-haut, dans la campagne grenobloise où le dimanche, tu n’as rien d’autre à faire que rapper. Greg Frites [autre alias de Blackboul’ de Triptik, NDLR] me recontacte et me propose de rejoindre le collectif La Fronce et les concerts Can I Kick It. Greg me motive grave, m’appelle souvent. Quand des mecs sont moteurs comme lui ou Grems, alors que tu fais tes raps dans ta cave, bien sûr que tu viens, quitte à poser des congés. La Fronce, c’était une sorte de crew internet qui venait de partout, tellement qu’on a pu faire qu’un seul concert au complet, mais quel concert ! C’était à La Machine du Moulin Rouge et c’était vraiment un très beau casting et une sacrée équipe. Et Can I Kick It a été au final la meilleure expérience sur scène que j’ai eue. Ça a été super bien organisé, Greg est un mec carré et il avait monté un sacré plateau avec des mecs qui ont toujours pris le live au sérieux, y compris des mecs de la nouvelle génération comme Deen Burbigo, Némir ou Jazzy Bazz. Que tu aimes ou pas ces MCs, ce n’est pas le genre de rappeur avec lequel tu blagues en freestyle ou sur scène.

« Aujourd’hui, ce que j’aimerais c’est me casser une jambe »

Dans ma vie personnelle, c’est aussi le moment où j’en ai marre de bosser pour Ikea. Je veux changer de métier, c’est un moment charnière comme tu peux en avoir à trente-cinq ans. Je quitte donc Ikea et me retrouve au chômage. Niveau rap, je ressens aussi ce besoin de changement. Je vois que je commence à écrire dans ma petite cave des morceaux plus conscients. Je ne lâche pas le côté déconneur, festif, what what, mais j’appuie un peu plus sur le côté sérieux comme je le faisais exceptionnellement avec « Mes collègues » sur L’Histoire ou « Le Blues de l’ouvrier » sur Droit Devant. Je commence à rassembler mes textes et à faire un nouvel album. Ce sera Printemps Arabe. C’était le moment des Printemps Arabes et même si ça a été des mouvements récupérés politiquement, notamment en Tunisie et en Égypte, sur le coup, j’ai trouvé ce symbole beau. Et revenir comme ça, c’était aussi mon propre Printemps Arabe. Je m’appelle Moudj, je le sors en mai, je suis « de retour » avec le même style tout en proposant quelque chose d’un peu différent… C’est le printemps quoi ! [Rires] C’est un projet qui me remet le pied à l’étrier et dont je suis très fier. Je ne fais quasiment pas de promo et j’ai tout même quelques articles et surtout plusieurs milliers de téléchargements. Puis rebelote, il faut bien rebosser, alors back to life !

Moudjad - « Atlas »

J’ai trente-cinq piges, je n’ai pas grand-chose à moi : je bouge en Suisse pour chercher du boulot et je finis par trouver un taf de fou, dans une grande multinationale high tech américaine qui paie très bien. Très vite, je me retrouve à pouvoir construire enfin ma vie, à sécuriser les miens. J’achète un appartement, je voyage, en bref je fais tout ce que je n’ai jamais pu faire avant. Et le rap, comme toujours, j’y reviens quand j’ai l’envie et le temps de le faire. De toute façon, je ne crois pas que des gens m’attendent. Et si des gens m’attendent, alors qu’on vienne me voir et que je prenne un billet pour aller en studio. Je suis comme tout le monde : il faut que je rentre des sous. Le rap, c’est mon kif, ce n’est jamais ça qui m’a fait gagner de l’argent même si je l’aurais bien voulu. Même ici à Annecy, plus personne ne me connaît, tout le monde s’en fout de moi. [Rires] Je ne fais même pas d’ateliers d’écriture ou de travail en MJC, même si j’y pense. Donner des techniques d’écriture à des MCs, ça peut être cool. Je trouve qu’aujourd’hui, il y a beaucoup de rappeurs et peu de MCs. Quitte à paraître rétrograde, c’est un distinguo que je n’hésite pas à faire. Les rappeurs sont ceux qui font rimer toto avec réseau pour simplifier. Les MCs sont ceux qui se prennent la tête. C’est la même différence qu’entre un écrivaillon et un écrivain, qu’entre en scribouillard et un journaliste. Un mec qui fait ses trucs sans travailler, qui écrit en trente minutes en studio et pense que c’est génial, c’est mort. Et ce n’est pas une question de talent. Le talent c’est le travail, je sais de quoi je parle pour avoir parfois rien foutu. [Rires]

Du coup, depuis Printemps Arabe, j’ai fait un morceau pour la compilation de Samm de Coloquinte avec Sameer Ahmad et Kadaaz, mais sinon je n’ai fait qu’un morceau solo, « Veines Ouvertes », que j’ai sorti début 2017. Ce morceau est à la base issu d’une sollicitation. Sako m’avait contacté pour les quinze ans de « Maudits soient les yeux fermés » sur la B.O de Taxi. Il voulait sortir un remix avec plusieurs rappeurs et m’avait dit bien aimer ce que je faisais. C’est pour ça que tu retrouves les mots « couleur améthyste » dans le premier couplet de « Veines Ouvertes », car c’était une référence au titre de Chiens de Paille. J’avais enregistré ce premier couplet sur le beat qu’il m’avait donné et lui avait envoyé. J’avais eu un super retour, du genre « j’ai adoré ce que t’as fait, tu as plié tout le monde » etc. Puis je n’ai plus eu de nouvelles. Jusqu’à voir le morceau sortir sans moi. [Rires] Là j’avoue que je ne l’ai pas très bien pris. Autant, ne pas être dessus, c’est la vie. Mais alors pourquoi me faire un mail de suceur en me disant que j’ai tout tué et ne pas revenir ensuite me dire que je ne serais pas sur le titre ? Je n’ai pas besoin de me faire sucer moi, j’ai besoin de ne pas perdre mon temps quand je rappe. Ou alors tu me paies ! Du coup, je me suis retrouvé avec ce texte en carafe. Je l’ai repris quelques années plus tard et j’ai posé ça sur un son d’un producteur cainri que j’ai acheté en ligne. Je l’ai fait comme un one shot.

Moudjad - « Veines ouvertes »

Je ne sais pas quand il y aura autre chose ensuite. Je sais qu’il y aura autre chose, mais quand ? Je n’en ai pas la moindre idée. Ce qui est sûr, c’est qu’on entendra peu de choses de moi, mais par contre, on entendra des choses de moi jusqu’à mes soixante ans. Je veux juste continuer pour le kif. Je laisse les Niska où ils sont. Je fais du hip-hop, pas du rap. Aujourd’hui, ce que j’aimerais c’est me casser une jambe. Je cours toute l’année et j’en arrive à me dire qu’il faudrait que je sois immobilisé un mois pour trouver le temps de faire l’album de ma vie. Désormais, je ne rappe que sous la contrainte les gars ! [Rires] Celle du temps principalement. Alors quelque part, comme le dit Alkpote chez vous en interview, je pourrais me dire que le rap est le pire truc qu’il me soit arrivé dans mon existence. Mais en fait, c’est faux, c’est le meilleur truc qui me soit arrivé. J’ai galéré, je n’ai jamais percé, mais ça a été l’école de la vie. Tu me diras que ça aurait très bien pu être autre chose, mais moi je me suis confronté à la vie en descendant avec moins de mille balles sur Paris pour le rap. Aujourd’hui, après être passé par des tafs de merde, je gagne la paie d’un médecin, je travaille en Suisse, j’ai une baraque et un gros merco, ce que même pas trois pourcents des rappeurs français ont. C’est bidon dit comme ça, mais ce que je voulais avoir par le rap, c’est à dire vivre confortablement, je l’ai eu. Je ne l’ai pas eu par le rap certes, mais ce sont toutes les galères liées au rap qui m’ont formé. Al hamdoulillah comme on dit chez moi. Faites votre vie, battez-vous, c’est Moudj qui vous le dit bande d’enfoirés ! [Rires]

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