M24
Interview

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Notamment remarqué aux côtés de Lalcko, le prolifique M24 nous dévoile un parcours sans frontières à l’aube de son nouvel album.

Abcdr du Son : 24 Saisons, ton premier projet sorti en 2006, était très mature. J’ai été assez étonné quand j’ai appris que tu n’étais né qu’en 1986…

M24 : J’ai commencé le rap en 2002. 24 Saisons, c’était un peu plus travaillé qu’une mixtape mais je n’ai pas la prétention d’appeler ça un album. En terme de textes, ce projet-là est très métaphorique, barré même. Il y a 24 titres, c’est ton premier projet, tu pars un peu dans tous les sens… Mais c’est vrai que c’était assez réfléchi, conscient… J’ai du mal à le définir. Ce projet a été enregistré entre Barcelone, Londres et Paris. On était parti dans un concept un peu européen. Chaque projet est à l’image de la vie que je menais. 24e Heure, ça sent la surconsommation d’alcool et de drogue, c’est très rue. Dans la foulée, on prend un peu de recul, on essaie de quitter ce chemin qui part en couilles sur 24e État. Et, enfin, Hall Ministère, qui devait s’appeler 0.9 à la base [Sourire]. Du jour au lendemain, Booba fait son annonce, c’était fini [Rires]. Ce projet est un peu violent. J’étais dans un mode de vie pas génial, on va dire. Chaque projet représente une thématique de vie. C’est pour ça que je ne peux pas dire : « Tel projet est le meilleur« .

A : Les projets ont été pressés ?

M : Oui, tous. À 2 000 exemplaires. On a tout écoulé sur le terrain, hormis 24 Saisons qui a été placé en Fnac. C’était l’époque où il y avait le rayon indé’. Il fallait négocier avec le mec de la Fnac, tu lui faisais écouter ton son, il te disait : « OK, c’est bon, je t’en prends 10« . Ensuite, tu lui en passais 20, 25, 30… Et une fois que t’étais référencé dans une Fnac, tu avais davantage de chances d’être dans une autre Fnac. On les a gagnées une par une. Mais je l’ai écoulé en grande partie à Châtelet et Clignancourt. C’est là que j’étais au charbon : samedi, dimanche, lundi à Clignancourt, et le reste de la semaine à Châtelet.

A : Le titre  « Vestige d’un Ancien Rêve » , issu de 24 Saisons, a eu un bon succès d’estime à l’époque…

M : Le titre était un solo à la base, je l’avais enregistré dans un home studio, lors d’un déplacement en 2004 à Barcelone pour une collaboration avec un MC de là-bas. Je me suis retrouvé dans un gros studio d’Espagne. Là, le manager de Nach, une des plus grosse tête d’affiche niveau rap aussi bien en Espagne qu’en Amérique latine, me propose de participer à l’album de son frère ZPU, Hombre de Oro. Je ne savais pas qui c’était… Je dis : « OK mais trouve moi une chanteuse pour ambiancer un de mes titres« . Quelques jours plus tard, j’ai rendez-vous au studio. Soma, le boss des locaux, me présente cette fameuse chanteuse, Aniki. Le feeling passe bien, je rentre en cabine, pose le titre au propre, elle écrit le refrain et boom ! On se rend compte que le titre est très bon. Je décide donc d’enregistrer une grande partie de mon premier projet 24 saisons là-bas, à Lebuqe studio.

Quelques mois passent, je vais au Cameroun pour participer au clip de Lalcko « Lumumba ». Les réal’ sont dans un bon délire et l’un d’entre eux doit justement partir sur Barcelone à la fin du tounage pour faire de la post-production sur un long métrage. Il écoute mon projet et me dit : « OK on se revoit sur Barcelone et on clippe le morceau avec Aniki« . Banco ! Une fois le clip fini à Yaoundé, je fais un saut sur Paris et je redescends à Barcelone rejoindre le réal. Au départ, on avait un programme de tournage, un story board, etc. Tout est parti en couilles. On shoot en soirée avec Aniki, tout se passe bien, puis l’actrice qui devait jouer un petit rôle dans le clip se prend la tête avec le réal’. C’était une michtonneuse des pays de l’est, elle créchait avec nous sur Barcelone et voulait absolument venir en France chez le réal’… Il lui a mis un gros stop, elle a pas digéré [Rires]. Dans ma tête, mon clip est foutu. Je laisse tomber, je me barre en boîte histoire de passer le temps, je me retrouve avec des bouteilles, de la weed et d’autres type de substance bon délire… Je suis explosé, il est cinq heures, je rentre à l’appartement et je motive le réal’ pour shooter. On prend le taxi, on bouge sur Barceloneta et là on découvre un décor de fou sur la plage, on shoot… Résultat, je fais monter le clip en France, je l’envoie en Espagne, les blogs le boostent à mort et je me retrouve avec mon premier clip dépassant les 50 000 vues. Sans le savoir, je venais de travailler avec des artistes en pleine ascension en Espagne. Ils m’ont permis d’y avoir un public, des fans et des gens qui me soutiennent. C’est pour ça qu’il y a souvent dans mes textes des références ou des termes espagnols, c’est ma façon de remercier et d’être toujours en contact avec mes gars du « bario ». Ils m’ont donné beaucoup de force, j’avais à peine dix-huit ans et aujourd’hui les gars sont numéro un ou deux du rap hispanique ! Tu vois, c’est l’histoire d’un titre enregistré par hasard, clippé sous drogue et finalement un de mes sons les plus appréciés. La musique, c’est dingue.

« Beaucoup de mecs dans le rap disent qu’ils n’ont jamais travaillé. C’est bien mais, moi, j’ai toujours travaillé. Toute ma vie. »

A : Le parcours du groupe Makizars est un peu flou, combien étiez-vous au départ ?

M : Au début de l’histoire, il y avait : Mac, M99 aka Saoudien, moi, Kinsho et un beatmaker. On était cinq. Dès mon premier projet, on a chacun pris une direction différente. Le groupe a commencé à se dissoudre lentement. Kinsho est entré dans une hygiène de vie, il a arrêté le rap, s’est mis dans un autre chemin. On a respecté ça, naturellement. Le beatmaker n’était plus sur la même longueur d’onde. Il a fait ses trucs de son côté. Mac a toujours été là mais dans l’ombre, en retrait. Il a beaucoup d’activités en parallèle de la musique. Donc, Makizars est devenu un binôme par la force des choses. Mais on a du mal à mettre des choses en place en commun. C’est pour ça que je respecte les groupes qui durent. Parfois, les gens se demandent : « Putain, pourquoi Lunatic s’est arrêté ? » Quand tu vois ce qu’il se passe à l’intérieur d’un groupe, tu comprends que, même si les gars sont très forts ensemble, les obligations du quotidien, les ambitions de chacun font que… Entre nous, il n’y a jamais eu de problèmes d’ego. C’est le temps, l’énergie que chacun met dans ce business-là qui font qu’on n’a jamais sorti de projet « Makizars », bien qu’on ait des centaines de morceaux ensemble.

A : Tu viens de Rouen, ville qui a vu émerger beaucoup de rappeurs talentueux ces dernières années. C’est une scène que tu as fréquentée avant de t’installer à Paris ?

M : Oui, j’ai participé à plusieurs albums et mixtapes là-bas. Je me suis retrouvé en studio sans trop savoir comment. J’ai fait un morceau puis un autre… Les mecs me disaient : « C’est chaud ce que t’écris, c’est violent ! » Et Saoudien m’a fait découvrir Lalcko. Le premier titre que j’ai entendu de lui, c’était sur Sang d’Encre : « Les Voix Suprêmes ». A cette période-là, j’étais dans le rap cainri. J’avais un peu arrêté le rap français. Quand j’ai écouté ce titre, j’ai eu la sensation de découvrir un nouveau rap. Un rap que je kiffe et qui me fait réfléchir. Ça a sans doute orienté ma façon d’écrire. « Putain, mec, il y a des références historiques, géographiques… » Là, j’ai voulu rapper. Ça m’a motivé. On s’est retrouvés à faire des scènes, des radios… La première phase de ma vie de MC est basée sur cette énergie. Ensuite, Lalcko m’a ramené chez 45 Scientific, à l’époque où Booba venait de partir. Je ne peux pas dire que je les ai côtoyés, ce serait mentir. Je les ai rencontrés à plusieurs reprises. J’ai gravité autour d’eux via Lalcko. Quand, gamin, tu te retrouves face à Ali dans un studio, tu visualises et ça te motive. Tu prends conscience qu’il faut taffer, se donner à fond. Ce sont des choses que Lalcko et Le Seigneur de la Guerre m’ont inculqué. J’avais un pied dans la rue, ils m’ont mis l’autre dans l’industrie.

A : Tu es d’origine ghanéenne, il me semble. Tu es né là-bas ?

M : Je suis né en France. Mon père est arrivé du Ghana quand il avait une vingtaine d’années. Il s’est mis au charbon, il a monté ses affaires, fait son argent… J’ai ça dans le sang. Beaucoup de mecs dans le rap disent qu’ils n’ont jamais travaillé. C’est bien mais, moi, j’ai toujours travaillé. Toute ma vie. Je n’ai aucun diplôme. Je n’ai pas eu le choix. Tu as besoin d’argent, il faut que tu ailles le chercher. Peu importe d’où provient cet argent, tu as transpiré pour l’avoir, tu t’es battu pour le faire rentrer. À l’époque où on vendait nos CD dans la rue, au début, c’était Clignancourt et Châtelet et, ensuite, ça a été toute la France. On s’est rendu compte qu’on voyait toujours les mêmes gens, donc on a bougé. A Lille, Brest, Bordeaux, Valenciennes, Barcelone, Toulouse, Nancy, Metz… J’ai fait toute la France et j’en ai vendu des milliers comme ça. Entre 8 et 9 000 de mes projets personnels plus les mixtapes Baby Killaz. Le grand public ne me connaît pas mais j’ai fait mon chemin dans l’underground. Des mecs avec mille fois plus de buzz que moi n’ont jamais fait ça, c’est un autre business. C’est une autre manière de faire sa musique, de la partager. Je produisais mes projets, les distribuais… Je faisais, contrôlais tout. Moins il y a d’intermédiaires, plus tu rentres. Mais il faut s’autofinancer. Maintenant, j’ai envie d’exceller dans ma musique et, pour cela, il faut s’entourer de gens qui excellent aussi dans leurs domaines : le management, la com’, la distrib’… Chacun son poste. Toi, tu n’as plus qu’à être à ta place, à rapper et à assurer. J’arrive dans cette dynamique-là. A l’époque, j’étais jeune, despee, je voulais tout contrôler. Je ne réfléchissais pas comme ça. Avec cette mentalité-là, tu peux faire de belles choses. Tu as l’esprit plus ouvert, tu es plus détendu, libéré, tu prends plus de plaisir à rapper.

A : Mais tu es déjà allé au Ghana ?

M : Non, mais je suis allé plusieurs fois au Cameroun. Il faut que j’aille au Ghana. Mais j’ai une lourde histoire. Je ne peux pas y aller en touriste, je n’ai pas le droit. Quand tu vas en Afrique, tu ne vois plus la vie de la même façon quand tu en reviens. Tu n’es plus le même. Il y a une énergie, quelque chose d’assez mystique qui se passe. Et je ne parle pas nécessairement des questions de misère. Même physiquement, quand tu poses le pied par terre, il se passe quelque chose. C’est magnifique. Je voyage beaucoup. Inconsciemment, ça influe sur la vision de ta musique. J’ai beaucoup travaillé avec des beatmakers allemands, espagnols… Tu vas à Miami, tu reviens, tu n’es plus le même non plus [Rires]. Tu te retrouves à côtoyer des Colombiens, des Brésiliens, des Canadiens… Tu passes d’une rue à une autre, ça n’a rien à voir. Miami me rend dingue. Le melting pot, le cadre idyllique, il y a une ambiance particulière. Tu respires.

A : On ne sent pas une recherche de la « punchline » dans tes textes, plutôt une envie de partager une vision de vie…

M : J’ai du mal à définir mon rap. Je ressens la différence quand j’écoute d’autres rappeurs. Je vois que je ne rappe pas comme eux. Je ne suis pas dans le truc de balancer une phrase choc pour balancer une phrase choc. C’est cru, c’est vulgaire, tu peux appeler ça une punchline mais tu peux aussi appeler ça une phrase bateau. Je ne me reconnais pas forcément là-dedans. Ce que je trouve intéressant, c’est qu’on puisse expliquer des phases après coup. Tu écris un texte à l’instinct et tu ne prends pas le temps de te l’expliquer à toi-même sur le coup. Tu mets tout ce que tu veux retranscrire dans une phase parce que tu le vis, tu le sens. Et tu l’analyses ensuite. Dans mon album, il y a de la réalité. Je vais t’amener une image, une référence, mais c’est pour que tu captes l’état d’esprit. J’ai envie que tu le vives, que tu ressentes l’émotion. C’est vrai, point barre. J’aime bien que le pera me fasse réfléchir sans me donner de leçons. Quand tu fais un son de trois minutes trente, ça veut dire que tu estimes qu’un mec va t’écouter tout ce temps. C’est très prétentieux de faire du rap. Si le mec a l’intelligence, la finesse de partager quelque chose avec toi, je vais apprécier. Il en ressortira quelque chose, une vision de la vie.

L’exemple du moment : Kaaris. Quand j’ai entendu « Zoo », j’ai aimé car le mec te ramène dans sa folie. Bon délire, j’adhère. Quand j’ai entendu « Paradis ou Enfer », j’ai encore plus apprécié car il a dépassé son personnage, m’a fait passer un message. J’aime avoir le ressenti des gens. Le pays, ça manque. Il faut se battre ici pour construire quelque chose là-bas. C’est ce à quoi j’ai pensé. Extra-Lucide de Disiz, j’ai beaucoup aimé. On est dans le réel et j’ai aussi apprécié tout ce qui est réalisation, arrangements, mix. J’avais aussi retrouvé ça dans Château Rouge d’Abd al Malik : les arrangements, la thématique de l’album… Oxmo, L’Arme de Paix et Roi sans Carrosse, j’ai kiffé. Je n’aimais pas le dernier et, un jour, j’avais un trajet à faire en gova, je l’ai mis et j’ai adhéré. Parfois, les albums, il faut les écouter dans certaines conditions pour les recevoir. Il y a des albums que tu vas réécouter cinq ans après et tu vas les comprendre. Dernièrement, j’ai écouté Banger de Mac Tyer. J’étais lycéen quand l’EP de Tandem est sorti. J’avais un billet dans la poche et je ne sais pas ce qui m’a pris, je ne l’ai pas mis dans du shit ou de l’alcool, j’ai eu envie d’acheter un CD. Je regarde les rayons et je tombe sur cet album blanc avec ces deux gars en jogging. Le titre m’a intrigué aussi. Je l’ai acheté. Sincèrement, ça doit être les dix euros que j’ai le mieux investi dans le rap à cette époque. C’est une dinguerie. Ces mecs m’ont également donné envie d’écrire. Ils m’ont aidé à me frayer mon chemin. Donc, dernièrement, j’ai vu que Banger était sorti, j’ai jeté un œil. Je ne l’écoute qu’en voiture. Je suis vraiment un mec qui kiffe le rap. J’écoute et je consomme. J’arrive à aimer des trucs qui sont aux antipodes. À partir du moment où il y a quelque chose qui passe, un partage, je trouve ça énorme. La sincérité prime pour moi. Quand j’écoute « Regretté », je deviens dingue. J’écoutais beaucoup les doubles-albums de Rohff à l’époque où je faisais des aller-retours au Maroc. Moi, tu ne peux pas me demander : « T’es pour qui dans le clash ? » Je n’en ai rien à foutre. Tout ce qui m’importe, c’est ce que le mec me ramène comme énergie, ouvre comme fenêtre dans mon esprit. « Dounia » et « 2Pac », ça sort des tripes, donc j’adhère. On en revient toujours à la même chose. Même si avec Booba, c’est différent. Il peut se passer de ça, car il sait te dire des trucs complètement cons mais tellement bien dits… C’est encore une autre énergie. Même si j’ai un peu lâché après Panthéon. « Couleur Ébène », « 2Pac » et pas mal de morceaux de Temps Mort, chargés d’images, de références, ça me parle.

« Quand le rap devient ton moyen de survie, ça commence à être chaud. »

A : Tu évoquais Mac Tyer… Le public semble s’en être complètement désintéressé alors qu’il était très apprécié il y a encore quelques années…

M : C’est ça que je trouve intéressant dans la musique. Ce n’est pas le tout de bien rapper. C’est comme Nessbeal. Est-ce que Nessbeal a marché comme il aurait dû ? Tout le monde connaît la réponse. Arrivé à un moment, tu mets de l’énergie, de l’argent, tout ce que tu as et tu n’as pas le retour escompté. Ton public te dit que ce que tu fais est fort mais tu vois que les portes restent fermées. Et c’est là que la frustration, l’aigreur peuvent prendre le dessus. Quand tu rentres dans cette dynamique-là, tu te boycottes. Moi, à ma modeste échelle, ce qui m’a aidé, c’est quand je me suis complètement détaché du rap. Le piège est là : quand le rap devient ton moyen de survie, ça commence à être chaud. Une fois que tu t’en dégages, que tu fais ton oseille autrement, tu te fais davantage plaisir musicalement. Tu es libéré, tu rappes par plaisir et je pense que tu deviens meilleur. C’est pareil pour les grands sportifs, quand tu fais les choses avec le cœur et le plaisir… Ça se ressent chez les boxeurs à leur façon de se déplacer, de distribuer les coups, d’imposer le rythme. Tu vois qu’ils ont le goût et ils rendent ça magnifique à regarder, alors qu’un mec hargneux, bien que techniquement très fort, il sera brouillon. Et c’est la même chose pour tout art. L’âme de la personne est dans sa réalisation artistique. Nos œuvres transpirent ce que nous sommes.

A : Tu disais avoir eu un désintérêt pour le rap français à un moment mais, avant de t’y être remis notamment via Lalcko et Tandem, quels albums t’ont marqué ?

M : Je vais te parler des albums qui me ramènent à ma jeunesse. Ce ne sont pas forcément ceux que je juge comme les meilleurs mais j’éprouve de la nostalgie en y pensant. L‘École du Micro d’Argent ; Ma 6T va Crack-er ; Première Classe ; Première Consultation ; Suprême NTM ; Hier, Aujourd’hui, Demain ; Opération Freestyle ; Quelques Gouttes Suffisent. Voilà, je te fais un top huit, c’est du 24 [Rires]. Le jour où un pote à mon grand-frère m’a passé Ma 6T va Crack-er, je l’ai tenu comme si on m’avait donné un million d’euros. J’avais cette passion-là [Rires]. Je ne vais pas être original en te disant que « Retour aux Pyramides » était mon morceau préféré. À l’époque, les freestyles de Diam’s tournaient pas mal aussi. J’étais choqué. Je ne savais même pas que c’était une meuf. On te passait une cassette, tu t’en foutais de savoir qui c’était, juste tu kiffais les sons. Après, les albums que j’ai le plus tués, ce sont Ma 6T Va Crack-er et Quelques Gouttes Suffisent.

A : Il me semble que ton prochain projet devait à la base être un album Makizars…

M : Ce sont les problématiques des groupes : les plannings… C’est mon projet solo. Jusqu’ici, j’avais fait cinq mixtapes. Là, ça va être plus professionnel, plus pointu. M99 est présent sur plusieurs titres mais ça reste mon projet. Il est terminé à 99%, même si je me laisse le droit de modifier le tracklist si une opportunité se présente. Je n’ai pas envie de précipiter la sortie, qui devrait être pour 2014. La ligne directrice de mon album, c’est : famille, travail, argent, ambition, réussite. On a besoin de certaines choses pour avancer et on est obligé d’en faire d’autres pour les nôtres. C’est cette thématique-là que j’ai essayé de traiter. Pour ma dernière mixtape, Décollage, je me suis retrouvé à signer un premier contrat avec un label londonien : TPP Records. J’ai enregistré à Stockholm. Ces gens m’ont fait entrer dans une autre facette de l’industrie. Ils avaient produit pour des artistes parisiens, dont Lalcko. C’est comme ça que la connexion s’est faîte. Via ces gens-là, j’ai rencontré Wayne Beckford. La production musicale de mon album est assurée par Karnyval : Wayne Beckford, Ren Hook et Alwio. C’est une coproduction. J’avais envie d’avoir une couleur. Ces gens ont produit pour Oxmo, Rohff, The Game, Beenie Man… J’avais envie d’être à la fois plus pointu et plus ouvert. Ils ont cette touche-là.

A : On te sait assez proche de Lalcko, on le retrouvera sur l’album ?

M : Lalcko, c’est également une question de planning. Il a des affaires à gérer, moi aussi. On se parle régulièrement au téléphone mais on n’arrive pas à se caler de rendez-vous. Quand on se retrouve en studio, les choses se créent. Mais on n’a pas réussi à s’attraper. C’est en suspens, on va dire [NDLR : M24 et Lalcko ont finalement enregistré un titre ensemble quelques jours après l’interview].

A : Beaucoup d’auditeurs fantasment sur un album commun entre Lalcko, Despo Rutti et Escobar Macson. Tu ne crois pas qu’un album Lalcko/M24 ferait davantage sens ? Vos collaborations ont toujours fait mouche.

M : [Rires] Ce serait un kif. On prendrait un plaisir énorme à le faire. Il y a une cohésion, quelque chose qui se crée entre nous. J’apprécie de travailler avec lui. On a pas mal de morceaux ensemble. L’un des premiers feat que j’ai fait avec Lalcko, c’est « Monstre », pour la mixtape Diamant Noir. On a enregistré ça dans le 92 sur l’instru’ de Jay-Z « Moment of Clarity », extrait du Black Album qui est l’un de mes albums préférés de Jay. L.A.L me donne une phrase comme directive : « Vous avez fabriqué un monstre« . Sur le moment, ça me parle, le titre est chaud, gros couplets… Mais c’est environ sept ans plus tard que j’ai compris réellement la profondeur du thème. On vie dans une société sans système d’intégration, les gens sont montés les uns contre les autres et deviennent des monstres à leur manière, que ce soit ce suprématiste inquiet pour l’avenir de « l’homme blanc » ou cet individu réfugié dans un courant religieux extrémiste, chrétien, juif ou musulman, le résultat est le même. C’est notre société qui a faillit et créé ces « monstres » là. Et si on ne s’implique pas pour s’éduquer et mieux vivre ensemble, c’est nous qui allons en créer d’autres.

A : Comment envisages-tu la suite de ton parcours ?

M : J’ai encore beaucoup à prouver mais j’estime que les gens n’ont pas forcément conscience de ma vraie valeur et c’est un défi que j’ai envie de relever. Je suis intimement convaincu que je peux apporter une pierre à l’édifice. Je le dis en toute humilité. Il faut réussir à capter ce public, ces médias qui te permettent d’exister un peu plus au grand jour. Il faut que les gens se rendent compte. Il y a des tas de rappeurs extrêmement forts mais inconnus. C’est la dure réalité du business. Le mec qui m’a invité à faire ma première radio, UnSaleNoir, il a une plume à la limite de l’inaccessible tellement il est fort. C’est pour ça que je compte développer un média en parallèle pour booster ces gens-là. Même si c’est énormément de boulot. Si on m’avait boosté encore plus à une époque, si un média avait été derrière moi, je pense que j’aurais gagné un certain nombre d’années. Aujourd’hui, je suis confiant sur l’accueil que va me réserver mon public. Pour ceux qui vont me découvrir, je suis impatient.

Tous les précédents projets de M24 sont disponibles gratuitement sur http://www.makizars.fr/

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