Lord Funk, confessions d’un dealer de samples
Interview

Lord Funk, confessions d’un dealer de samples

Peu de gens le savent mais Lord Funk est derrière quelques-uns des grands coups d’éclat de Just Blaze, Q-Tip, Spinna ou les Beatnuts. De Radio Show aux valises de disques pour Paul Hunter jusqu’au magasin new-yorkais A-1, retour sur un parcours incroyable.

et Photos : Jérôme Bourgeois.

L’histoire de cette interview commence par un message débordant d’enthousiasme : « Je sors d’une discussion avec Lord Funk. Ce mec a des anecdotes hallucinantes sur un paquet de producteurs Hip-Hop. Je pense que vous devriez vraiment le rencontrer. » De l’autre côté du clavier, Manu Forlani, pilier de Free Your Funk, structure d’organisation de concerts devenue utilité publique depuis une décennie. Marathonien du rap, Manu a aussi de vraies bonnes idées. Une recherche et quelques coups de fil plus tard viennent ressusciter des souvenirs bien enfouis : les disquaires new-yorkais et la première visite dans la ville qui ne dort jamais.

L’histoire de Lord Funk, c’est celle d’un homme de l’ombre derrière quelques-uns des classiques qui tournent encore en boucle aujourd’hui (The Blueprint, A Musical Massacre.) C’est aussi celle d’un français collectionneur de disques et de boucles, bouffé par le rêve américain jusqu’à en toucher la réalité. Mais aussi un fort en gueule, bien ancré dans ses convictions, quitte à égratigner au passage quelques mythes bien installés (Q-Tip, Just Blaze ou encore Pete Rock). Et même si les cigarettes améliorées ont rongé une partie de sa mémoire, on a la ferme impression qu’effectivement, on se devait de le rencontrer. Les trois heures passées ensemble autour d’une terrasse de café ont révélé un parcours hors norme et une foule d’anecdotes croustillantes. Bien vu Manu.

Naissance d’une obsession

En 1981, j’entends un morceau de Central Line à la radio. Ce titre me fait halluciner. On me dit que c’est de la funk. Je fais quelques économies et un an plus tard je m’achète une petite platine, puis des disques. Un par semaine, parfois plus, parfois moins. Je suis un peu seul dans mon coin, à Rosny-sur-Seine. J’écoute Radio Show, la radio où bosse Marc, qui partira plus tard sur Générations. Ça me permet de rassembler un paquet de références.

Quand Marc parle des disques qu’il joue, il te raconte une vraie histoire. Il parle des musiciens, de l’histoire de la pochette, de l’année de production. C’est ce qui me donne envie d’en savoir plus. À quinze ans, en 1985, je découvre les puces. Je trouve des disques à dix balles. De fil en aiguille, je comprends qu’en fonction des imports, c’est parfois difficile de trouver certaines références un peu plus rares. Du coup, je commence à aller en Belgique assez régulièrement, notamment dans un magasin qui s’appelle USA Music Import. Là-bas, il y a des disques en double ou en triple exemplaires. Quand je trouve des disques assez rares, je les prends pour les vendre en France.

J’ouvre mon propre magasin en 1990 avec un ami d’enfance. J’ai vingt piges. J’ai des disques de funk, forcément, mais aussi de la soul, du rap ou du jazz-rock. Le magasin est assez diversifié mais il nous manque quand même des disques. Du coup, on décide de partir aux États-Unis. On se dit qu’on va arracher les pages jaunes là-bas et ramener tous les disques qu’on voulait absolument avoir.

On arrive là-bas, on prend le premier taxi : le mec écoute « Rock Creek Park » des Blackbyrds à la radio, un classique de chez classique. Je me dis : « putain, ça y est, on est arrivé à la maison ! » [rires] On pense trouver des disques très facilement là-bas. Sauf qu’en 1990, à New York, ce n’est pas si facile. On commence par les trucs de touristes, Colony Records ou Tower Records. Les disques sont très chers, tu as déjà beaucoup de CD et les puces locales ne sont pas incroyables. On trouve quand même la boutique d’Eric B & Rakim, du coup on chope tous les Ultimate Breaks and Beats. On trouve les nouveautés sans problème, mais nous, on cherche surtout à acheter des vieux disques moins chers. Bref, on marche comme des galériens dans New York… jusqu’à ce qu’on tombe sur Downtown Records, sur la 43ème.

Là-bas, on trouve des vinyles partout, enfin. On trouve tout en 45 tours, mais vraiment tout. N’importe quel titre de funk ou de soul. Et je ne te parle même pas de ce qu’on ne connaît pas. On reste de 10 heures du matin à 8 heures du soir. On écoute les disques sur un petit pick-up. On fouille, on fouille, on fait des piles et des piles… Et on demande au vieux vendeur de mettre les disques de côté. Le mec nous demande : « Vous en voulez d’autres ? Il faut que j’aille regarder là-haut, à l’étage. » On lui demande si on peut aller à l’étage, mais le mec refuse, c’est fermé.

Quand on y retourne le lendemain, on sympathise un peu plus avec le mec. Il comprend qu’on est français, il baragouine quatre mots et nous raconte une histoire qu’il avait eu il y a des années avec une française. Forcément ! [rires] Il nous trouve sympa et nous dit qu’il a discuté avec le patron. Finalement, il nous laisse monter. À l’étage, il y a tous les 33-tours de funk et de soul. Tout ce qu’on cherchait. Sauf que c’est un bordel pas possible. Les pochettes sont d’un côté, les disques de l’autre. On ramène l’équivalent de 10 000 disques. On fait des tonnes de colis pour envoyer en France. À l’aéroport, on baratine une nana d’Air France pour passer tous ces disques en bagages. À la douane en France, ce sera une autre histoire…

« Les majors, ce sont des vendeurs de chaussures. »

Ce premier voyage, c’est une super aventure, même si on en a vraiment chié pour trouver cette caverne d’Ali Baba. Les mecs nous ont fait des super prix. Avec tous ces disques, notre magasin marche bien, très bien même. Tellement bien que la légende dit que Papalu [NDLR : Lucien] et sa clique des Requins Vicieux sont venus nous le braquer un jour où on n’était pas là. On est ouverts depuis trois semaines, et on se fait prendre 800 disques. On ne se connaissait pas avec Lucien à l’époque, je ne lui en veux pas. On est devenus très bons potes des années plus tard. Je lui donnais des samples en priorité, il passait même avant Spinna.

J’essaie de vendre du rap français mais c’est compliqué, même si j’aime bien parce que c’est un peu le début de la black music en France. Quand on ouvre USA Music en 1990, Squat’ me file des exemplaires de Note mon nom sur ta liste. C’est une époque de production et d’auto-production par des gamins qui ont envie de soulever des montagnes. Ça casse cette image rock ’n’ roll qui colle à la France. Quand Solaar sort « Bouge de là » sur un sample de Cymande, franchement : mes respects. On ne s’attend pas du tout à ça. Et Solaar a une voix. Tu l’entends une fois, tu vas toujours le reconnaitre. Le premier IAM, le premier NTM, ça reste chanmé pour moi. NTM qui sort « Le monde de demain » en samplant « Trouble Man » de Marvin Gaye, c’est mortel. Tu n’as pas un seul mec de major capable de reconnaitre le morceau. Tu fais ça aujourd’hui, tu te fais sentir le cul direct. Et encore. Les majors, ce sont des vendeurs de chaussures. Les trois-quarts n’en ont rien à foutre et ne connaissent rien à rien.

La clientèle à Paris, c’est beaucoup de vendeurs de shit, avec du cash. Pas mal de mecs des cités. À l’époque, je commence à voir les premiers producteurs français, notamment Logilo. Logilo, c’est deux personnes : DJ Kaze et DJ Logistik. Logistik est sur les Cool Sessions et l’album de Menelik. Logistik, c’est un passionné de rap avec qui on parle musique pendant des heures. C’est moi qui lui ai prêté le disque de RAMP « Everybody loves the sunshine » pour le morceau avec les Sages Po’, Ménélik et Sinclair. Quand il entend mes émissions, il hallucine. Il comprend tout ça. Get Busy, qui savatait tout le monde à l’époque, dit alors que c’était l’émission à faire pleurer les sampleurs.

Un mec comme Logistik, pour moi, c’est un vrai gars et le meilleur producteur de rap français. Après, il y a Wilfried du Gang du Lyonnais. Et Chill, évidemment. Chill, c’est un vrai ‘ricain dans l’âme. Bon, déjà c’est un rital, c’est la famille ! [Rires] Son histoire à Chill, le mec qui débarque à New York en 1986, elle est exceptionnelle. D’ailleurs j’ai retrouvé son maxi dans une collection à New York. Je savais qu’il avait fait un maxi là-bas mais avant de le trouver, j’ai galéré. Je l’ai trouvé des années après. C’est un mec qui a une vraie mentalité américaine, cette envie de toujours pousser plus loin, de creuser ses connaissances.

Naissance d’un label

En 1993, l’armée me tombe dessus. Je vais les voir pour leur dire que j’ai un commerce, je ne peux pas le céder comme ça. Je tombe sur un connard d’appelé qui m’enfume. Le vendredi, on me dit que si je ne suis pas à Châteauroux lundi, ils me considèreront comme déserteur. Le vendredi soir à la radio, j’annonce la fermeture du magasin et la braderie de tous les disques. Mon père rend les clefs au bailleur, sans chercher à vendre. Je perds l’équivalent de 400 000 francs à seulement 23 ans. Au final, je ferai une semaine d’armée. Je pète un plomb et je suis réformé de tout. Sauf que quand je rentre, je n’ai plus rien. Plus de magasin, plus de disques. Pendant un an, je me retrouve à bosser dans la restauration.

Dans les brocantes, je commence à chercher des trucs européens. Au départ, je ne connais que deux trucs en français : Chute Libre, qui avaient fait deux albums, et un truc de Loulou Gasté, l’ancien mari de Line Renaud. Il avait fait un 45 tours à la Otis Redding, avec un break d’enculé dessus. Tous les producteurs ricains l’ont. À force de creuser encore et encore, je découvre un paquet de trucs : des mecs comme Bernard Estardy, Alain Goraguer, Jean-Claude Petit. Et déjà Manu Dibango. Je vais de brocanteur en brocanteur. Je ravage des départements entiers. Il me faut du temps avant de comprendre les pochettes. Souvent, tu as de la soupe mais au milieu tu peux trouver des breaks de bâtard. En France, il y a des kilomètres de groupes et orchestres de jazz. Des trucs mortels, mais pas forcément très visibles. Des mecs qui bouffaient sur les musiques de pub’, sur le générique de Champs-Elysées.

Je continue à trouver des breaks mais je ne les vends à personne. Je commence à me refaire une collection d’enculé. Je revois Bando à New-York, les disques sont beaucoup moins chers là-bas et la qualité du pressage bien meilleure. Lui il aime tellement ma compilation Orchestral Party sur Saint-Germain-des-Prés qu’il veut absolument qu’on fasse ça. Il fait la pochette et s’occupe de tout clearer.

Quand je retourne à New York, je demande à Philippe [NDLR : Bando] de me présenter des mecs qui sont dans le rap. Je vais régulièrement chez Paul Hunter chez Freeze Records. C’est quelque chose, Freeze Records : tu montes au trente-cinquième étage d’un immeuble, tu as un mec derrière une grille, une porte blindée, les cassettes d’or et disques d’or EPMD, les Kurtis Blow, Mantronix… Un jour, j’y vais avec 120 disques. Le mec me prend tout en me disant : « Mon boss s’en fout de l’argent. Il veut des hits ! » Forcément, quand tu achètes un disque pour 1 franc au fin fond d’Orléans et que tu le revends 40, 70 ou 100 dollars, tu as du billet. Je suis reparti avec des liasses de biftons mon pote ! [Rires] C’était une autre époque.

J’ai aussi plein de beats. En 1996, je fais « Danger » avec Widow Prizum. Le maxi connait son succès. Tellement que trois ans après, Romain et Kim de Kourtrajmé en ont fait un clip. Quand on fait ce maxi, on se retrouve dans la foulée sur XXL et on fait une soirée au New Morning. Mathias [NDLR : Rockin’ Squat] nous donne un coup de main. Il vient juste de faire « Underground connexion » avec Supernatural, le cousin de Widow P. À cette époque, je continue à faire des allers-retours et à enchaîner les trips dans tous les dépôts-vente. Je me fais des missions, genre un mois dans une région, puis je repars à New York et en deux jours je revends tout. Je n’ai plus un disque et des dollars plein les poches. Je régale DJ Spinna.

« Quand tu achètes un disque pour 1 franc au fin fond d’Orléans et que tu le revends 40, 70 ou 100 dollars, tu as du billet. »

À force d’accumuler plein de disques, je commence à lancer des compilations sur mon label, Saint-Germain-des-Prés. Ce sont des compilations avec du easy listening, des musiques de films, des breaks. Je fais presser la première compilation à mille exemplaires. Mon pote anglais me prend tout de suite 600 copies. Il vend tout en deux jours, du coup, il veut me prendre tout le reste. J’en garde à peine trente pour moi. Je vais à New York avec dix copies et j’en dépose dans quelques magasins de disques. Quand je reviens la fois d’après, je me rends compte qu’elles sont tombées entre de bonnes mains. On m’invite à mixer au sommet du World Trade Center. Je me retrouve à mixer chez DJ Franco, un truc de fou. Le truc s’appelle Vampiros Lesbos. Des grosses stars viennent là, genre Kate Moss. Il y a des nanas à poil partout et des projections de films de boules. [Rires] Une soirée complètement dingue.

Je rencontre tout le monde pendant cette soirée. Une meuf me propose de sortir le volume 2 via son réseau de distributeurs. Elle nous présente un plan marketing simple : tu prends 5 000 dollars et avec cet argent, tu rinces des radios universitaires et tu leur files des disques. Si tu fais ça, tous ces distributeurs vont te prendre des disques. Moi, je n’ai jamais donné de l’argent comme ça. On en discute avec Philippe, et on décide d’y aller. On galère à essayer de vendre de la nouveauté. Du coup, on a l’idée de faire du faux. C’est beaucoup plus facile : tu inventes une fausse réédition avec une autre pochette. Plus besoin de promotion pour vendre ta sauce. Moi, je distribue Desco Records, le label de Bando.

Les deux années qui suivront ont été fantastiques. Juste avec ma compilation française, on développe Desco Records comme on ne pensait jamais le faire. Notre label s’appelle Disque Wagram. Quand je rentrerai des États-Unis, Wagram voudra même nous attaquer. Une plaisanterie. Déjà, ils étaient arrivés après nous et bon…. Mon associé, c’était Lehman Investment, donc fallait pas trop nous casser les couilles [NDLR : Bando, associé de Lord Funk sur le label, s’appelle Philippe Lehman. On vous laisse faire le lien entre les deux.]

Au bout de deux ans, je me prends grave la tête avec Philippe. On travaille sur une production ensemble. On a reconstitué tout un orchestre et commencé à préparer des morceaux. Sur les quatre titres qu’on a de prêt, deux partent sur le premier album de Lee Fields. Philippe est archi-fan. Lee Fields, à l’époque, il galère de folie à chanter dans des églises. Philippe est tellement content de l’avoir retrouvé qu’il ne discute rien.

Philippe vit dans un loft à New-York avec Patrick Cariou, un Français photographe de mode, et une meuf, Violaine, qui a un gros poste chez Victoria’s Secret. Et son mec, un black adorable qui bosse chez MTV et adore Spinna. Un jour le mec rentre dans notre bureau, il voit les disques au mur et il nous demande ce qu’on fait. On lui explique et il nous propose de participer à un gros show le samedi soir sur MTV. Il veut nous mettre sur le même plateau que des gens comme Jay-Z et Beyoncé. Son idée c’est de réunir ceux qui utilisent les samples et ceux qui les fournissent.

Bando déteste le rap, mais vraiment. Pour lui, c’est de la grosse merde. Un jour où on n’est pas là, le mec de MTV appelle au bureau pour caler l’émission. Bando l’envoie chier et lui raccroche au nez. Forcément, le mec ne proposera plus jamais quoi que ce soit. Ce jour-là, je me fâche vraiment avec Bando. Il ne réalise même pas ce qu’il a fait. Je ne suis pas milliardaire moi. Pourquoi est-ce que je n’ai pas été là pour décrocher ce téléphone ? On serait passé devant les yeux de l’Amérique en prime time.

Les Années A-1

Fin 1997, je manage A-1. C’est le magasin où j’allais déjà pour échanger les disques dont Spinna et Paul Hunter ne voulaient pas. Je décide de reprendre le magasin avec Aldo, l’ancien associé de Philippe, qui travaille déjà là-bas.

Pendant deux ans, je fais des allers-retours entre la France et New York, jusqu’à ce qu’on me propose de rester là-bas. Je me sens chez moi à New York, c’est une ville dure mais c’est l’essence de la musique. Avant de partir, je vends une grosse partie de mes disques américains. Je garde surtout l’européen. J’achète pas mal de trucs, notamment 35 000 disques d’illustrations sonores à un mec. Je lui prends à un franc l’unité.

Amir bosse chez A-1 de temps en temps, pour se payer quelques disques. Il y a aussi un Japonais, Toshio, qui s’occupe du rap. Eric Duncan, qui allait gérer l’électro et le disco, n’est pas encore arrivé à ce moment-là. Dan the Beatman est là aussi, c’est lui qui fait les compilations Dusty Fingers et les Strictly Beats. Il compile beaucoup d’originaux déjà samplés. Un pur gars du Bronx. C’est lui qui a donné le sample à Biz Markie pour « Just a friend ».

Avant qu’on ne prenne A-1, il y avait déjà deux Anglais qui étaient là-bas. Ils ont voulu acheter le magasin mais le propriétaire a refusé. Du coup, ils lui ont dépouillé tout son magasin pour monter le leur. Ils lui ont volé tout le jazz, toute la soul, et le rap. Il ne reste que le disco et funk des années 80, et les disques d’un entrepôt à Brooklyn qu’ils ne connaissaient pas. À l’époque, il y a déjà Pete Rock et Diamond D qui passent. Nous, on est blancs et français, ils nous prennent pour des cons, gentiment mais sûrement. Quand les mecs nous testent, on les met à l’amende. Sur leur propre musique. Ça leur fait bien fermer leur gueule.

Les trois premiers mois se passent correctement mais à un moment, on va voir le proprio en lui disant de revoir les prix de ses disques. Ce qui était à 50 cents ou 1 dollar, on veut le passer à 8, 10 ou 20 dollars. Le boss pique une crise, nous dit que ça ne marchera jamais. Il a une démarche de brocanteur : il récupère des lots suite à des mises en faillite et il revend le tout. On va lui prouver qu’on peut acheter des disques 40 dollars pour les revendre 90, et ça va lui plaire. Pas mal de Japonais viennent, ils payent le prix fort et repartent avec des cantines pleines. Forcément, après, le proprio nous adore.

Chez A-1, on rééduque les Américains. Ils achètent toujours les mêmes trucs. Ils sont tellement chauvins que pour eux il n’y a que l’Amérique. Le reste, ça n’existe même pas. Un pote qui bosse chez Air France me ramène tous mes disques européens. Tous les KPM, les breaks, les illustrations sonores. Quand il voit tout ça, Pete Rock est livide. Lord Finesse, même chose. Quand il entend le premier KPM, il me dit : « Je les veux tous ! Je veux toute la collection ! Avec ça je fais trois albums. » Un disque comme ça, je peux le lâcher à cent ou deux-cents dollars. Je sais que Lord Finesse rendait Buckwild malade avec les boucles qu’il faisait. Et il ne voulait pas lui donner l’adresse de sa caverne d’Ali Baba ! [Rires]

« Nous, on est blancs et français, ils nous prennent pour des cons, gentiment mais sûrement. »

Au tout début du magasin, la collection de disques de Q-Tip part en fumée. Il avait des albums de Miles Davis dédicacés, il est dégoûté. Il lâche 15 000 dollars pour tout racheter. Q-Tip est pote avec Lucien, mais il faut le dire : il est insupportable. Son téléphone sonne constamment, il s’affiche toujours avec des nouvelles montres, pour montrer qu’il est important. Rien à voir avec Psycho Les et Juju. Eux, ce sont des vrais gars. Je me suis toujours bien entendu avec eux. Sur leur album A Musical Massacre, qui gagnera un Grammy, je leur file deux samples français fondamentaux [NDLR : « Black Night » de Daniel Janin sur « Muchacha » et « Seramina », toujours de Daniel Janin]. À la base, ils sont un peu réticents sur les Blancs et les Français. Après, faut dire les choses, les mecs sont Portoricains et ils ne sont pas aimés aux États-Unis. Bref, Lucien leur donne son aval et après, ça roule tout seul.

Le meilleur exemple de tout ça, c’est Bumpy Knuckles. Mon pote Patrick Cariou avait fait des photos de lui en studio pour la sortie de son album. Vu qu’on parle tout le temps de musique au loft, Patrick sait qu’on a des trucs sérieux en stock. Il parle de nous à l’équipe de Bumpy, en disant qu’il a des potes français qui ont un magasin à East Village. Forcément, Bumpy se fout de sa gueule en lui disant de bien fermer sa gueule de blanchâtre. Il lui dit : « c’est simple, si ton plan est foireux, tu nous rinces chez Cipriani. » Cipriani, c’est un restaurant où les pâtes sont à 120 dollars et je ne te parle même pas des vins. Bref, il nous ramène Freddie Foxxx au magasin. Le mec est déjà vénère quand il arrive : « alors c’est vous les blancs qui avez des samples ? J’espère que tu sais qui je suis et que tu sais aussi que j’ai besoin de personne. Alors, ne me fais pas perdre mon temps. » Je lui dis : « Tu sais, dans la vie, tu finis par apprendre que tu n’as pas forcément tout découvert. » Je joue un premier disque, il se marre. Patrick commence à flipper, il me dit : « mais tu ne sais pas qui c’est ce mec, c’est un fou, il va me buter. Il a des histoires au cul, tu n’imagines pas. » Freddie veut se barrer, je lui dis de se rasseoir. Je lui dis que je vais lui faire écouter des boucles que je ne vends pas. Des trucs costauds, et vu qu’il me prend pour un con, il va pleurer. On fait trente minutes d’écoute. À la fin, il me lâche 900 dollars en me disant : « toi, t’es vraiment dangereux. On ne m’a jamais pris autant d’argent en si peu de temps. Respect. »

 

Voyant ça, Amir appelle Kon, qui bosse alors chez The Source. Il lui dit qu’il faut absolument nous interviewer. Kon va faire quatre pages sur nous. Il explique que deux Français vendent des disques à Pete Rock et Diamond D. Il laisse l’adresse et le numéro de téléphone du magasin sur le papier. Du jour au lendemain, on a plein d’appels et un paquet de visites. Buckwild comprend à ce moment-là ! [Rires]  Au tout début du magasin, j’avais un Polaroïd pour prendre en photo les mecs qui passaient. On les mettait à l’extérieur et tu avais toujours du monde dehors pour regarder ces photos. Et il y a un paquet de monde qui est passé.

Premier mettra un an et demi à venir au magasin. La première fois qu’il vient, je ne le reconnais pas tout de suite. Toshio, le Japonais, il est comme un dingue : « il est là ! Preemo ! » [Rires] Je commence par le remercier pour tout ce qu’il a pu faire, et je lui dis qu’il est venu au bon endroit. Je lui présente le magasin et lui dis : « Je sais que tu n’as pas besoin de moi, mais si tu veux je peux te faire écouter des trucs. » Il me lâche un petit : « Pourquoi pas. » Je lui fais une petite pile de disques. Il fait ses écoutes, sélectionne ses disques et va directement à la caisse. Il ne calcule pas du tout ma sélection. Il paye et s’en va.

Une semaine après, il revient. J’applique alors la même recette que pour les autres : je me mets dans un coin du magasin et je sélectionne des disques. Dès qu’il enlève son casque pour remettre le disque dans la pochette et en écouter un autre, j’envoie une boucle. Premier tourne la tête, il reconnaît le sample de Histoire de Melody Nelson utilisé par Tribe Called Quest. C’est d’ailleurs Lucien qui avait donné ce sample à Tribe. Melody Nelson, c’est un album qui n’est pas du tout sorti aux États-Unis. Premier vient me voir et me demande ce que je joue. Je lui dis : « C’est Serge Gainsbourg, un disque européen. » Il regarde le prix : « 80 dollars le disque, tu te fous de ma gueule ? » Je lui dis : « J’ai dû en vendre 300 copies, il m’en reste une vingtaine. » On engage vraiment la conversation là. « Tout le disque est samplable, c’est un truc de fou. Mais t’inquiètes, je vais te le faire à 60 dollars pour toi ! » [Rires] Ça le fait marrer.

Le truc qui fait la différence, c’est que tous les disques sont déjà marqués : sur chaque disque, j’ai déjà noté où il y a des boucles. C’est pour ça que Spinna me kiffe. Spinna, c’est vraiment mon pote. Kenny Dope et Clark Kent pareil. On se parle d’abord musique et ces mecs sont des furieux. Assez rapidement, tu vois qui est un vrai passionné et qui est là pour faire des dollars et ne respecte pas la musique. Ils aiment aussi notre attitude. Ils nous disent qu’on est rudes. Si les mecs ne veulent pas débourser 200 dollars pour un disque, tant pis pour eux, il sera probablement vendu à quelqu’un d’autre.

« Just Blaze, je lui ai vraiment lancé sa carrière. »

Il y a des gens que j’aime vraiment et les autres… qu’ils aillent se faire enculer. Le pire, c’est Just Blaze. Le mec, je lui ai vraiment lancé sa carrière. Je l’ai sorti de son studio. Quand il avait vingt-deux, vingt-trois ans, il était juste ingénieur du son. Il faisait quelques beats à la maison mais rien de plus. L’histoire c’est qu’à un moment, notre boss nous donne carte blanche pour traverser les États-Unis et ramener des disques. On s’enquille 14 000 miles et un paquet de rendez-vous. Ça faisait une bonne année qu’on était chez A-1 et on en avait marre de récupérer des risques rayés. Tous les ans, tu as la plus grande convention autour de la black music à Austin. On se doit d’y aller. On part au Texas, on passe par la Nouvelle-Orléans, Jacksonville, on a rendez-vous notamment chez un ancien agent de Prestige et Motown Records. Le mec nous sort des disques incroyables. On dépense 80 000 dollars pour, au final, récupérer un demi-million de dollars en six mois de temps.

Pendant le trajet, pas loin d’Austin, on reçoit un coup de fil : Just Blaze est chez A-1 et il est en galère. Il a fait tous les magasins de disques de New-York et lui faut absolument la référence d’un disque qu’il a samplé parce que Nas veut le signer. Il explique le truc : il a rencontré Nas en studio et lui faire écouter quelques-uns de ses beats. Il me dit : « il peut lancer ma carrière là…. mais j’ai samplé un morceau sur une compilation où il n’y pas les crédits. » Il me fait écouter le truc, je reconnais le track mais je n’ai plus le disque sous la main. Monsieur commence du coup sa carrière de producteur. Il revient me voir pour l’album de Jay-Z : The Blueprint. Je lui file deux samples pour ce projet et… il me baise la gueule. Je devais prendre 10% là-dessus. Je n’ai jamais vu la couleur de l’argent. Il s’est acheté une maison avec. On a été en froid pendant un bout de temps à cause de ça.

Pete Rock, c’est un mauvais client aussi. Il a beau être signé chez Loud, il laisse traîner des additions à 4500 dollars pendant six mois. Il me bloque des disques que j’aurais pu vendre un paquet de fois, donc au bout d’un moment ça me fatigue. Même si c’est Pete Rock.

Parfois, je vends trois, quatre fois le même disque à des producteurs différents. Je vends beaucoup à Alchemist, à Jay Dee, à Madlib, à Cut Chemist aussi. Je lui ai vendu tous les KPM. Le premier sample qui éclate vraiment, c’est le « B-Boy document 99 ». J’avais donné le sample de Joe Thomas à Mighty Mi. D’ailleurs, Mighty Mi n’achète pas de vinyle. Je lui fais uniquement un DAT avec la boucle. Je lui vends ça pour 20% du prix du disque.

Un jour, Fatboy Slim passe au magasin. Il était à New-York et il avait une séance de studio l’après-midi. Il avait entendu parler de nous, du coup il est arrivé tout discret. Il vient me voir à la caisse pour me dire : « J’ai à peine une heure devant moi, je dois aller en studio mais on m’a conseillé de venir ici. » Je lui dis : « Si tu veux, tu as un bac de samples là-bas, tout est marqué. Pas la peine d’écouter le reste. Après, tu as des disques partout. Si tu as juste une heure ça va être court, tu vas devoir revenir. » Il me remercie et au bout de dix minutes, il vient me revoir pour me dire tout bas : « Au fait, je suis Fatboy Slim. » Le mec tout discret ! Je lui dis : « Norman Cook ! J’achetais tes disques dans les années 80, tu nous as fait rêver mec. Tu es à la maison ici. » ll est reparti une heure après. Pendant trois ans de suite, il répétera dans toutes ses interviews que notre magasin était le meilleur au monde. Fatboy Slim, ce n’est pas de la rigolade.

Tout le monde nous a copiés. Tous les disquaires de New-York sont passés chez nous et ont noté toutes les références. Au bout d’un moment, on est devenus un musée. Internet et les sites comme Discogs, eBay ont aussi changé beaucoup de choses. Au lieu de passer nous vendre des disques, les gens ont commencé à les vendre directement par eux-mêmes.

Quant à Mark Ronson… je pourrais vous en raconter sur lui. Il était le seul ayant droit au départ sur « Uptown Funk ». Ils sont neuf maintenant dessus. Il prend les gens pour des cons. Il croit que les gens n’ont pas d’oreilles ou quoi ? J’ai rencontré ce connard quand il était directeur d’Atlantic Records pour la musique noire nord-américaine. Il avait fouillé nos bacs en deux minutes et nous avait dit qu’il n’y avait rien pour lui. Il ne connaissait même pas les compilations Pure Records qui étaient au mur. Alors que ce sont des classiques de chez classiques. Je lui avais dit : « c’est toi le directeur de la black music et tu dis que tu connais tout ?. » Le mec nous avait dit qu’il connaissait tout James Brown et qu’il avait tous ses disques. Je lui avais dit : « ne bouge surtout pas, je vais te présenter son fils. Parce que s’il y en a un qui a tout sur James c’est bien Bando. » Bando, il a les 180 productions qu’a faites James. Philippe, il s’en bat les couilles de tout le monde, il ne parle à personne. Au bout de cinq minutes, il se retourne et dit : « mais c’est qui ce bourricot ? Il connait à peine 80 productions de James. Et t’es directeur de la soul ? Tu viens te la péter chez nous et tu as un poste d’enculé pareil ? » Je me suis renseigné après, son oncle tenait une grosse chaine aux US, la NBC ou un truc comme ça. C’est un blindé d’oseille, qui aime la musique, et est placé comme ça grâce à la famille. Au moment où la funk revient à la mode, le mec il fait mon set, il joue tous mes disques à la radio. Et après il fait quoi avec Amy Winehouse ? Il prend tous les mecs qu’il a vus en studio avec nous à l’époque de Desco Records, dont Gabriel Roth. Il n’a fait que pomper nos idées. Tu as des parasites comme ça, ça me rend ouf’. Heureusement, tu as des mecs qui ont des bêtes d’idées et du mérite.

Le Bilan

J’ai un peu d’amertume aujourd’hui, forcément. Je ne roule pas en 4×4, même si, bon, le 4×4, je n’en ai pas besoin. L’amertume déjà, c’est d’avoir quitté les États-Unis pour retourner dans le pays de merde où j’étais avant. Ici, on n’a fait que me mettre des bâtons dans les roues. Je suis revenu à cause du 11 septembre. Dans ma tête, c’était clair : j’allais finir ma vie aux États-Unis. J’allais soit me marier, soit gagner à la loterie, soit un autre truc. Mes revenus principaux, c’était A-1. J’y étais six jours sur sept. Je mixais très régulièrement le soir, je dormais peu mais je prenais grave de l’oseille. Les attentats ont tout bouleversé. Les artistes ne passaient plus par New-York. Il faut se rappeler qu’à un moment il n’y avait plus de vols sur les States, et même quand c’est revenu, c’était compliqué pour aller sur New York. L’album de Pete Rock a été repoussé d’un an. Les Beatnuts, décalé de huit mois. Cent mille personnes au chômage en une semaine. Tous mes amis français qui vivaient à New-York sont rentrés. Ça a été l’exode. Et plus personne n’achetait de disques. Au bout d’un moment, je suis parti à Miami. J’avais ma meuf là-bas donc voilà. Je suis resté un peu là-bas et finalement je suis rentré en France.

C’est Karim Thiam, chez Jive-Epic, qui m’a mis en lumière. Quand il bossait sur la Mafia K’1 Fry, et notamment sur « Pour ceux », c’est moi qui lui ai dit de mettre l’équipe de Kourtrajmé dessus. La première fois que je rentre dans son bureau, à mon retour de New-York, Karim me dit qu’il faut que je fasse un DVD sur ma vie. Il me dit : « Tu es plus qu’un vendeur de disques. Tu as fait gagner des années de travail à un paquet de monde, en sélectionnant et compilant les samples qui allaient ensemble, tu as mâché le travail. » Je n’avais pas particulièrement envie de faire de la musique à l’époque. Ou plutôt je voulais attendre et être plus mûr pour en faire. J’ai attendu 2000 pour acheter un sampler. Et j’ai fait Funk Hunt en 2001 avec Rocé et Romain Gavras.

Aujourd’hui, je n’écoute quasiment plus de rap. Je fais du beatmaking, notamment pour la télévision. Quand je produis du rap, je suis en affaires avec deux amis italiens, Luigi et Pippo, on s’appelle la Squadra Azzura. Eux, ils sont encore à même de suivre l’actualité et écouter les nouveautés. J’ai failli m’essayer à la trap, mais il y a un côté fatigant. Tu as tout et n’importe quoi, mais tu as aussi des putains de morceaux. On arrive à des niveaux de programmations où tu as quand même 25 beats dans un seul beat. Je trouve ça intéressant. Après, je n’ai pas mis pleinement le nez dedans.

« Je suis un mec correct avec tout le monde mais moi, c’est la musique avant tout. »

Je ne regrette pas de ne pas avoir fait davantage de production. Je n’aurais probablement pas été aussi doué qu’eux. Jay Dee, par exemple, c’était un mec extraordinaire. Il prenait toujours des samples d’enculés et même si parfois les morceaux faisaient 1’50, c’était toujours de l’excellente musique. Parfois, il te rajoutait juste de la batterie et ça donnait un truc mortel. Quand je suis rentré en France, j’ai dû bosser. Mais bon, des soirées sur Jay Dee, personne ne m’a attendu pour en faire. Je ne vends plus de disques aujourd’hui, c’est fait et c’est derrière moi tout ça. J’ai diggé en France, ramené des disques européens, je n’ai plus envie de tout ça non plus.

J’ai eu beau bosser avec Rim-K, Seth Gueko, la Scred ou l’exécuteur de Hong-Kong, je n’accroche pas particulièrement avec le rap français. Je ne vais pas me faire des amis en disant ça mais bon : l’oncle de DJ Mehdi, Samad, c’est un gros vendeur et collectionneur de disques. C’est un vieux de la vieille. Mehdi, je l’ai rencontré aux Puces. Il ne voulait pas lâcher un franc. Il voulait des samples sans acheter de disques. Au moment où ça a commencé à bien marcher pour lui avec 113, il a débarqué à New-York avec toute son équipe. Il est passé chez A-1, normal, c’était l’escale pour tous les français qui voulaient savoir ce qui se passait en soirées à New-York. On était contents de le voir, c’était un mec qui travaillait bien, mais il ne regardait pas les disques à dix, quinze dollars ou plus. Il était sur ceux qui étaient par terre, à moitié rayés, et qu’on vendait à 1 dollar. Une pince à linge le mec. Mon associé de l’époque faisait des compilations : Disco Stuff. On lui offre un disque. Sur la première compilation, il y a trois samples qu’on retrouvera sur Les Princes de la ville. Quand je suis rentré en France, il était en interview sur Les Inrocks. Il se comparait à Frank Zappa et Miles Davis. Je me fous qu’il ait besoin de se faire mousser devant des presse-papiers mais bon, ses tubes sont des grosses boucles avec une batterie, faut pas déconner non plus. Même si c’était un petit génie, je trouve qu’on l’a beaucoup trop encensé, Mehdi. On lui a offert un disque avec les trois samples qui ont fait ses hits, et ensuite il se compare à Miles Davis. Franchement, après ça, je n’avais plus envie de lui parler de musique. Romain Gavras était fou de Mehdi, plusieurs fois il a essayé de me pousser à reprendre contact avec lui, mais je ne voulais plus le revoir. Je suis un mec correct avec tout le monde mais moi, c’est la musique avant tout.

S’il y en a un qui me fait marrer c’est L’exécuteur de Hong-Kong. Déjà, il est dans la dérision à 500%. Après, je ne dis pas qu’il écrit incroyablement bien mais ce n’est pas grave. Et il faut arrêter de se prendre au sérieux de temps en temps. Que tu décrives la merde dans laquelle tu vis, OK, mais au bout d’un moment ça casse les couilles de parler constamment de flingues et de banditisme. On en parlé des milliers de fois avec Amir. Il n’en pouvait plus de voir des clips et de la musique qui détruisent la communauté noire. Il se passe la même chose en France. Les mecs se niquent eux-mêmes en racontant tout et n’importe quoi. Au bout d’un moment ça tourne en rond. Il faut que ça s’arrête tout ça. Il n’y a pas une putain de bibliothèque dans un clip. Tu as juste des meufs qui montrent leurs culs, des grosses bagnoles avec des jantes qui brillent et des guns. Tu n’as pas envie de kiffer cinq minutes et te détendre un coup ? L’essence du Hip-Hop pour moi c’est Dee Nasty, Sidney et H.I.P-H.O.P, les frères et les sœurs, détendez-vous les gars. La musique, elle est là pour te détendre et te faire voyager. Après, je comprends que quand tu es rentré dans un certain format, tu es obligé de la jouer « keep it real. »

Aujourd’hui, il doit me rester à peine 20 000 disques. Mais si j’avais pu tout garder, j’aurais deux entrepôts pleins de disques. Je sais que des gens m’ont pris pour un gros mytho, mais je m’en fous. L’essentiel à mes yeux c’est de continuer à vivre de la musique et c’est ce que je fais avec mon label Boogie Butt Records.


Le temps passe et Lord Funk reste occupé. Il continue à mixer dans des soirées ici et là, notamment au Café A et au Zig Zag Club. Il opère aussi régulièrement chez Rinse pour des DJ Set bien éclectiques. Il y a quelques mois, il sortait un 45 tours sur son label, Boogie Butt Records. Le morceau « Jimmy wants to dance » rassemblait The Real Fake MC et le truculent Blowfly, un ancien arrangeur, compositeur et auteur notamment de « Rap Dirty », un des tous premiers morceaux de rap. Hasard absolu de notre calendrier de publication, l’ami Blowfly vient de passer l’arme à gauche. Il avait 76 ans.
Lord Funk, lui, sort dans quelques semaines, via Celluloïd Records, son premier album intitulé Global Warming.

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14 commentaires

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  • Ben - j,

    Bonjour.
    Vraiment intéressante cette interview.
    Étant moi même collectionneur depuis 25 ans, je suis un peu étonné des propos de Lord funk.
    Une pointe d’amertume, en ressort.
    J’ai très bien connu les compilations PURE, et que dire des morceaux, avec des fausses références sur ces compilations, envie d’induire en erreur les passionnés, ou de ne pas partager les références.?
    Allons, allons, monsieur Romain, tout le monde vous connaît, dans le milieu parisien de la collection,ainsi que votre fine équipe (bronco et compagnie).
    Nous ne sommes pas les musiciens qui jouent sur ces disques, nous ne sommes que des passionnés.
    Et je confirme que lord funk a été un des acteurs qui a pourri ce milieu et qui a fait passer l’oseille avant la musique…
    Au passage dj merci est décédé, on ne parle pas des absents. Encore moins des morts.
    Cordialement.
    Un vrai Passionné…

  • vega,

    C’est fou !

  • TeddyMaurice,

    Bonjour, je voulais savoir si il était possible d’avoir plus de renseignement sur le cd de Loulou Gasté façon Otis Redding. Merci d’avance

  • ARMEN,

    MAGNIFIQUE! Des histoires dont j’avais déjà entendu par le principale intéressé … Mais c’est un régal. On ne peut pas être amis avec tout le monde et il y a un moment où la vérité finit toujours pas ressortir. Ca s’appelle la passion.

  • regis,

    le mec explique qu’il a lancé la carrière de just blaze? faudrait alors donner des sources des infos pour recouper confirmer infirmer…mythomane, il traine certes cette reputation? je ne sais pas…500 000 dollars en vente de disques? le fisc américain etait au courant j’espère…si c’est vrai…Il a vraiment parle comme ca à Bumpy knucles? vu le gabarit et la reput du lascar ca me parait étonnant…Romain gavras fils de Costa? C »‘est une réference dans le hip hop lui? j’apprends des choses… je le voyais plus comme un fils de bourgeois fasciné par la rue, et puis parler d’un mort, ce n’est pas très joli joli…

  • Florent,

    Passionnant cette histoire, merci résultat j’ai diggé une bonne partie de la nuit. Rien sur Easy Mo Bee cependant?

  • rester urbain,

    Excellent!!!

  • Dj Vince,

    juste vous remercier pour cette interview dingue! Bravo!!! j’ai appris bcp de choses, passionné de beatmaking et djing depuis 20 ans… je suis passé chez eux (A1) en 2012 mais fermé! il devaient déjà peut-être être fermés définitivement, bref! une personne que j’aimerai vraiment rencontrer… Merci à vs. Dj Vince , Le Mans.

  • Popcore,

    Complétement dingue cette interview, vous faites vraiment du putain de bon boulot !

  • meduz',

    Merci beaucoup pour ce récit absolument énorme.

  • Goldfingers,

    Ultra lourd. Respect infini. Je garde une quarantaine de K7 de l’emission de Bronco sur E’FM et les passages de Lord Funk font partie des meilleures emissions. J’ai toujours le maxi Lord funk rose et noir.

  • Digger's digest,

    je confirme Romain est un mec cool ! Thanks for paving the way Lord Funk.

  • Lee,

    Are you allais living in the past?Boring French people!
    Everyone get a life..

  • Polly-esther,

    Merci pour cette immense interview.
    Le mot de la fin : Blowfly est parti rapper dirty sur une autre planète, depuis hier.