Interview

La Rumeur : « Une conception subversive et revendicative du rap »

Jeudi 25 Avril 2002. Une semaine après la sortie de leur premier album L’Ombre sur la Mesure, le groupe La Rumeur prend le temps de répondre à nos questions. Humbles, passionnants et convaincants ils retracent leur parcours jusqu’à aujourd’hui, et exposent un état des lieux sans concession de la situation musicale, politique et sociale actuelle.

et

Abcdr : Je vous laisse vous présenter…

Mourad : Mourad de la Rumeur.

Hamé : Hamé, La Rumeur. Je présente les autres, Gerald compositeur, programmateur, DJ. Mehdi, qui n’est pas là, qui est aussi un des DJ du groupe. Ekoué et Philippe, rappeurs du groupe La Rumeur.

A : Pourquoi avoir choisi ce nom La Rumeur ?

H : Ce qui nous a séduit de prime abord, c’est l’aspect subversif, sans contours précis définissable. L’aspect un peu sous-marin, qui sort des sentiers battus et des schémas traditionnels, et qui se répand contre toute attente dans un domaine donné. Subversif et politisé.

A : Un petit historique du groupe ?

M : Le groupe existe depuis une dizaine d’années, discographiquement depuis 1995. On a sorti trois volets, trois maxis cinq titres. Le premier était Le Poison d’Avril, maxi d’Ekoué. Puis, le maxi d’Hamé, le Franc-tireur. Et après le maxi de Philippe et moi, donc le Bavar et le Paria. On a enchaîné avec un entre-volet, édité uniquement en vinyl, version collector. Deux ans et demi après, la sortie de l’album depuis le 16 Avril, l’Ombre sur la mesure, premier album de la Rumeur.

A : Quels ont été les grands points d’accroches musicaux, qui ont fait que vous ayez eu envie de commencer le rap ?

H : Nos symboles en matière de rap sont assez variés, mais ce sont avant tout les plus grandes et les plus belles définitions du rap hardcore, politisé, ayant à la fois une démarche artistique sans compromission. Les premiers à qui on pense c’est Public Enemy. Tous les artistes qui ont parlé uniquement des États-Unis dans un premier temps, avec ce refus de la condition qui est faite au ghetto, ce refus de l’Amérique ségrégationniste et de ses valeurs. En France, à la naissance du rap français, les incontournables qui à l’époque étaient pour nous des valeurs sures, qui pouvaient être nos représentants. Aujourd’hui, à ce niveau là c’est le jour et la nuit. On peut plus dire ça d’eux. Les NTM, IAM, Ministère A.M.E.R. à l’époque de leur premier album. En dehors du rap, il existe d’autres artistes dont on apprécie la démarche et la musique. Tracy Chapman, LKJ, Gil Scott Heron, Bob Marley, Peter Tosh possèdent une authenticité et une expression artistique d’une certaine résistance et d’un certain combat. Même dans la chanson française des gens comme Jacques Brel ou Renaud.

A : On utilise très souvent des pseudos dans le rap, vous préférez de votre coté mettre en avant vos prénoms, pourquoi ?

H : On est pas trop du genre à s’enticher de pseudos, d’alias. On a donné un nom ou un titre correspondant à chaque personnalité du groupe à travers les volets. Quand je m’adresse à Ekoué je l’appelle pas le Poison. Enfin on accorde peu d’importance à ces alias.

A : Philippe, pourquoi le bavar sans d ? 

Philippe : C’était avant tout la manière phonétique qui importait, pas l’orthographe. Le Bavar c’est plutôt une étiquette qui te permet de t’affirmer en tant que MC, lorsque tu fais des scènes. C’est plus le coté égotrip du MC. Quand tu te retrouves entre amis, t’oublies tout ça, on t’appelle par ton prénom comme tout le monde.

A : Sur les trois volets précédant l’album vous cachiez vos visages avec un disque vinyl, c’était par volonté de ne pas vous exposer, de ne pas donner de visage à la Rumeur ?

M : On cachait nos visages parce qu’on voulait mettre plus en avant la musique, que les personnalités et le physique.

H : A une époque où le marché du vinyl était en déclin flagrant, et on connaît l’importance du vinyl dans l’histoire du rap, c’était aussi revendiquer le vinyl comme la première source matérielle et technique du rap. Tout part de là, tout part des platines. C’était aussi un petit clin d’œil par rapport à ça. On se construit par rapport aux bases historiques de cette musique.

A : Quel bilan faites-vous des trois premiers volets ?

Ekoué : Le bilan est évidemment au-delà de nos espérances. Un peu plus de 40 000 ventes, beaucoup de sollicitations, avec une promotion au sens marketing du terme, quasi-nulle. Ces maxis ont reçu un accueil extrêmement favorable. Le bilan qu’on peut tirer, c’était un rendu artistiquement à la hauteur de nos moyens, avec quelque chose de brut, un coté pas fini, qui donnait son charme aux titres.

A : Le troisième volet datait de 1999, soit trois ans, avec entre temps juste un maxi deux titres (l’entre-volet), pourquoi un si long silence ? 

H : C’était un silence voulu, pas un silence subi. On arrivait à une période charnière de l’itinéraire de la Rumeur. C’était une période de transition, une période où il fallait qu’on se repositionne, qu’on réajuste nos fusils, parce qu’on entamait un autre morceau de notre histoire, une nouvelle page. Il fallait se remettre en question, tirer le bilan. On est passé de la réalité d’un indépendant à la réalité d’une major, avec en point de mire la réalisation de l’album. Un très grand chapitre donc, avec logiquement beaucoup de préparations. On s’est enfermé dans nos ateliers, tels des petits artisans afin de construire cet album. 2 ans et demi, trois ans après le dernier volet c’était un minimum.

A : Depuis quelques temps les structures indépendantes prennent du poids, on le voit notamment avec 45 Scientific, pourquoi avoir choisi de sortir l’album sur une major ?

E : On a connu la réalité de l’indépendant de 1996 à 1999, et on est très bien placé pour en connaître ses avantages et ses limites. On considère aussi que la première des indépendances se situe au niveau de la démarche. A la façon où tu veux emmener ton produit, et ce que tu es prêt à faire et surtout à ne pas faire. Après que ce soit sur une major ou un indépendant, la forme contractuelle n’a pas grand chose à voir. A l’exception de 45 Scientific, d’ailleurs un clin d’œil à eux, ils font du bon boulot, pas mal d’autres indépendants dont on ne citera pas le nom, ont prôné cette indépendance par dépit avec des produits pas à la hauteur de leurs attentes et sont allés courtiser les majors. Ils se sont mangés des râteaux, et aujourd’hui brandissent l’indépendance comme une espèce de gage de qualité incontestable, de bannière d’authenticité. C’est complètement faux. Aujourd’hui le rap est infesté par de la merde à la fois dans l’underground et dans les majors.

A : Tu parles de IV my People en particulier ?

E : Non, absolument pas. Je ne parle pas de ces groupes comme NTM ou Ministère Amer qui ont eu cette volonté d’amener de nouveaux artistes sur le marché. Je parle de toute cette nouvelle garde, courtisant les majors, et qui se retrouve en autoproduction par dépit, plus que par conviction. On a fait nous, à l’époque, de l’autoproduction parce qu’on considérait que pour un groupe comme le notre, avec les paroles qu’on avait et la connaissance qu’on avait du business, c’était et de loin le plus approprié. Maintenant, on a évolué, mûri, grandi. On a eu des propositions de majors avant la trilogie et donc forcément après, et on a su avec calme avec pondération, choisir ce qui allait le plus dans le sens de nos intérêts.

« On est passé de la réalité d’un indépendant à la réalité d’une major, avec en point de mire la réalisation de l’album.  »

Hamé

A : Comment ce sont passés les relations avec EMI, notamment au niveau de la médiatisation de l’album ?

E : Très mal. Mal, mais à bon escient. Mal, parce que l’objectif d’EMI c’était d’avoir son groupe hardcore Skyrockisable, et avec un album purgé en trois mois après la signature. C’était pour eux le schéma idéal, mais ils n’ont eu rien de tout ça. Ils ont eu un album qui est arrivé deux ans plus tard, avec des textes bruts et crus. Travailler un produit comme celui-là, parce qu’on est avant tout un produit, on a un code barre au cul, et c’est comme ça que la maison de disque nous conçoit, c’était pour eux compliqué. On entendait vraiment pas trahir notre démarche et les enseignements de notre indépendance contractuelle ni cracher sur notre héritage, mais au contraire utiliser le moyen de la major pour les adapter à une démarche alternative. On voulait se servir de la force de vente de la multinationale et ne pas suivre les chemins que tout le monde suit. Arrêtons de nous faire dicter notre art par rapport aux tendances et à la loi du fric, faisons l’inverse; et ça marche, sinon on serait pas là.

Faire comprendre cet ensemble de choses, ça a forcément entraîné des conflits. Mais le groupe La Rumeur est né d’un conflit, d’un tiraillement de pas mal de questionnements personnels. Forcément dans la manière dont on allait défendre notre musique, c’était évidemment conflictuel et le rendu est adéquat. C’est un album s, qui sent la haine où on sent une tension du premier au dernier titre. On voulait rendre au rap ces lettres de noblesse, celles d’un art marginal, qu fait peur. Un rap revendicatif, vindicatif contestataire, dissident et militant. Du rap tout simplement.

A : Vous avez choisi de donner des interviews uniquement à certains magazines et journaux, comment ça a été pris au sein d’EMI ?

E : On affectionne certains magazines et rédacteurs en chef, Real et Get Busy, qui ont une démarche différente du reste de la presse spécialisée. On accorde beaucoup plus de crédit à ces gens là. Maintenant, tu trouves des gens de valeur au Monde, chez les Inrockuptibles. Nous on est content de l’accueil qu’a reçu l’album, il est reconnu, très reconnu, et on va voir comment cette presse spécialisée va réagir. Notre magazine est aussi une bonne alternative. Personnellement, si on devait faire un magazine ça aurait plus cette gueule là.

A : Comment vous avez abordé l’élaboration de cet album, notamment par rapport aux maxis précédents, c’est pas le même travail ? 

H : Non, c’est effectivement pas le même travail, pas le même niveau d’exigences. On a pu bénéficier de moyens et de conditions de travail comparables avec ce qu’on a connu en indépendant. De bons studios, avec la possibilité de travailler avec des ingénieurs intéressants, avec aussi peut-être plus de temps. L’album représentait pour nous un grand rendez-vous qu’il ne fallait surtout pas manquer. Il a fallu prendre en compte tous ces paramètres. Le travail artistique ça a été maintes et maintes réécritures, trois-quarts des titres qui ont été jetés à la poubelle. Ca c’est fini épuisé, fatigué. On a pressé tout ce qu’on pouvait donner de nous, jusqu’au bout. Et c’est pas encore fini, il va falloir le défendre maintenant l’album. Une fois que l’album est dans les bacs, 50% du travail a été effectué. Maintenant, il va falloir le faire connaître cet album, le défendre sur scène, le capitaliser afin de pouvoir consolider nos assises.

Après le travail artistique en lui-même, sur le plan de la musique et des textes on ne pouvait plus faire la même chose. Il fallait mûrir certains sujets. Dans la manière d’écrire on a aussi essayé de cultiver l’aspect visuel plus que l’aspect didactique ou démonstratif. On voulait plus s’adresser au sens mais toujours avec les même convictions de base et le fond politique. On a mené des réflexions sur la forme, sur le travail, la manière d’écrire, le type de musique, l’atmosphère et l’univers. Ça donne un album assez s, avec une tension latente, avec un coté film noir policier, aussi dans le choix des samples, les DJs ont samplé beaucoup de musiques de film. Tout comme nos styles d’écritures essaient de cultiver l’aspect découpage, synopsis et scénario, les musiques viennent se fondre aux exigences des textes et des raps. Tout ça, c’est deux ans et demi de discussions parfois houleuses à l’intérieur du groupe et des remises en questions nécessaires.

A : On sent une ambiance un peu jazz sur certains morceaux…

Soul G : Oui, c’est ce qu’a résumé Hamé. C’est aussi notre génération pour Mehdi (Kool M) et moi. On vient de cette source là. On cherche même pas à donner cette ambiance là, parce qu’elle est en nous. La musique pour nous, c’est la sensation qu’on a à un moment, un coup de blues, une joie, une peine ça peut être plein de choses. Automatiquement, si tu composes à ce moment là, ça va s’en ressentir.

A : Comment c’est fait la répartition des membres au sein des morceaux ? Vous avez écrit chacun de votre coté, vous étiez regroupés ?

H : C’est en fait une confrontation et une concertation permanente. Au départ la proposition des thèmes et des angles d’attaque sont ouverts. Ceux qui se sentent la fibre d’aborder tel thème se mettent à deux à trois voire à quatre ou en solo. On amasse de la matière, chacun écrit de son coté et en fait part aux autres. Une fois qu’on a toute cette masse là, c’est un peu comme le montage d’un film. Tu amasses de la pellicule et à la fin tu passes au montage pour donner un espace cohérent et un fil conducteur. Y’a pas eu de schéma précis, ou de quotas de morceaux drôles, de morceau sérieux, et de morceaux avec la larme à l’oeil.

Très rapidement trois thèmes et positions se sont dégagés. Une position par rapport à l’industrie du disque, au microcosme rap à tous ses travers et dérives. Et un positionnement sur la condition des quartiers en France, sur la fascisation en France et la poudrière que peuvent être les quartiers. Et puis, un troisième positionnement par rapport à notre histoire, par rapport à la situation des pays d’origine de nos parents, au pillage et à la saignée du Tiers-Monde. Petit à petit ces idées se sont dégagées, et on a estimé bon d’équilibrer les titres en fonction de ces trois veines. Après il s’agit d’extraire le meilleur et de travailler ça, en laissant le moins bon et le passable au garage.

A : On retrouve au sein de l’album plusieurs thèmes récurrents, comme les conséquences actuelles des actes passés ou encore des références au colonialisme…

E : Je considère que c’est sur ces textes qu’on s’attarde le plus. Instinctivement, en écoutant La Rumeur, tu retiens avant tout ces textes empreints de références anti-colonialiste et tiers-mondiste. Ce sont ces textes qui peuvent séduire le plus, où sur lesquels on nous attend le plus. Ces textes quand tu regardes bien n’occupent qu’un tiers de l’album, mais les deux autres tiers avec des morceaux comme Les coulisses de l’angoisse jusqu’au Petites annonces du carnage ou bien de « Moha » jusqu’à « A les écouter » tous sont consacrés à d’autres thèmes. Quand t’écoutes la première partie tu peux te dire que les textes comme « On m’a demandé d’oublier », « Blessé dans mon égo », « Champs de canne » à Paname ne sont pas présents. Mais tu te rends compte en écoutant la deuxième partie que ces textes là brillent encore plus que précédemment.

En général on fonctionne par triptyque, la trilogie des volets, l’album réparti en trois parties. Mais les adeptes de la Rumeur retiennent inconsciemment ce genre de textes. Personnellement, je considère que ces textes occupent la place qu’ils doivent occuper. Dans la première partie des morceaux comme « Je connais tes cauchemars », « L’ sur la mesure » n’ont rien de tiers-mondiste. Les textes à mémoire sont très denses, brutaux, et forcément on les retient plus facilement ceux-là.

A : Toujours sur ce thème, Philippe tu dis sur 365 cicatrices : « avoir ton avis sur la suite des colonisations »…

P : Oui, je voulais montrer les traces que le colonialisme a pu laisser, notamment toutes les séquelles psychologiques. Et aujourd’hui ce n’est pas un hasard si ces descendants de l’immigration occupent aujourd’hui les emplois les plus précaires, et se retrouvent aujourd’hui à une place qui n’a pas vraiment évoluée. On me parle d’esclavage aboli, mais à mes yeux de l’esclavage j’en vois tous les jours et dans toutes sortes d’industries.

E : Pour compléter ce que disait Philippe, l’esclavage a évolué à mesure de la technique, et inversement.

A : On retrouve dans l’album une unité musicale dans la lignée des trois volets, on peut dire que vous avez une identité musicale bien définie ? Quels sont vos influences premières par rapport à ça ?

H : L’influence musicale est assez variée. C’est à la fois Soul, la Soul spirituelle, pas la Soul marketée, cette soupe. Le Jazz aussi, une certaine forme de Funk et des musiques nationales du Tiers-Monde et aussi les musiques des grands compositeurs de film. Tous les produits hybrides entre le Funk, le Jazz, les musiques de certains pays du Tiers-Monde métissées avec le Jazz.

« L’objectif d’EMI c’était d’avoir son groupe hardcore Skyrockisable, et avec un album purgé en trois mois après la signature. »

Ekoué

A : Que représente pour vous le Hip-Hop en 2002 ? 

E : Y’a du bon, mais bien évidemment il est extrêmement minoritaire. Je considère bon, des rappeurs avec une conception du flow où le texte ne dessert pas le propos, et où on comprend ce que tu dis tout en conservant un coté musical. Tu peux comprendre le texte parce qu’il est bien véhiculé. Nous notre travail d’artisan, c’est non pas de faire du rap un outil de propagande, sinon on ne ferait même pas de musique, c’est de faire tout un travail technique, de mise en forme pour que le texte soit compris. Et c’est là toute la difficulté de l’épreuve. Derrière n’importe quel texte de l’album, il y a un travail de la mesure. C’est la raison pour laquelle on a appelé l’album L’Ombre sur la mesure, en hommage à la rime et à la métrique. La technique du verbe sur la musique ça représente un travail de ouf’. Le coté aussi « méfiez-vous de l’eau qui dort » est très important. Moi, je veux que lorsque les gens écoutent cet album, ils comprennent les textes, qu’ils les aiment ou pas mais que ça coule de source.

Aujourd’hui, au niveau artistique je peux tomber sur des produits incompréhensibles. Je pense que le meilleur des juges, c’est de faire écouter ton produit à un non initié à quelqu’un qui n’est pas forcément habitué aux codes, et qui puisse « écouter » les textes. La technique pour la technique, le flow incompréhensible c’est un rap qui m’intéresse pas, c’est inaudible, c’est de la merde tout simplement. Moi j’aime écouter des artistes comme Al & Adil où tu sens qu’il y a du métier derrière, parce que tu comprends ce qu’ils disent.

Maintenant par rapport à la direction commerciale et la façon dont le rap se vend, je pense qu’on est arrivé à un point où on pourra pas faire pire. Le rap c’est pour moi un espèce de travelo qui est en train de froncer les sourcils, qui essaie de te faire peur, mais qui est un travelo quand même et qui se fait enculer. Moi ça me fait pas peur et ça me dégoûte. C’est une apparence de gars rompu au show-biz, à la merde, à tout ce qui est de plus dégueulasse et de plus bas, qui essaie de se raccrocher lamentablement à une espèce d’éthique de rappeur qui n’existe même plus.

P : Notre conception du rap c’est celle d’un rap subversif et revendicatif. Aujourd’hui on assiste à un rap complètement dénué de sens à 80%. Les 80% de rap pourri c’est ce qu’on préférera te mettre en avant, pour enfermer ces jeunes de l’immigration dans ces clichés, dans lesquels eux-mêmes s’enferment. Parce qu’on trouve aussi des collabos au sein du rap.

A : Tu disais tout à l’heure Ekoué qu’un bon moyen pour savoir si ton message était intelligible c’était de le faire écouter à des gens qui n’écoutent pas de rap, cet album est en fait susceptible d’intéresser des gens qui ne baignent pas forcément dans cette musique…

E : Bien sur. Je considère qu’à partir du moment ou tu es profondément Hip-Hop, ton Hip-Hop tu l’amènes où tu veux. A partir du moment où tu sais rapper, tu dois savoir rapper autre chose que des faux MCs, des bons et des mauvais. Philippe, Hamé, Mourad et moi ça fait 12 ans qu’on fait du rap, on fait partie des rappeurs de la première heure. Les DJs sont des DJs old-school, début des années 80. Récemment, je parlais avec un vieil ami à moi, un graffeur qui est arrivé à la même analyse que moi. C’était un tueur dans son art, il faisait des fresques à tomber par terre, à l’époque il dessinait des B-Boys, et il cultivait son style. Maintenant, derrière ses graffs, il a envie de donner un message politique et de faire des fresques qui au delà de l’aspect esthétique, t’interpellent par le message politique qu’elles véhiculent. Mais, ça il peut le faire, parce que c’est un artiste, il sait manier la bombe comme nous on sait manier le micro et la plume. Tu arrives à cette étape là avec le temps, le travail. Cette capacité à parler à un plus large public vient avec le temps. Cet album est un hommage à la communauté Hip-Hop du moins ce qu’il en reste, et il s’adresse évidemment à un public qui dépasse le microcosme de la communauté Hip-Hop.

H : On a pas dessiné des courbes et fait des graphiques pour définir le public qu’on voulait toucher. La prétention qu’on a avec cet album, c’est de toucher nos semblables, et quand je dis toucher nos semblables c’est pas nécessairement avoir la même couleur de peau que nous ou la même origine sociale que nous, c’est partager les même cicatrices, avoir subi le même type d’humiliation et partager surtout le même type de colère. Et ce que tu sois familier au Hip-Hop ou pas. Aller dans les oreilles qui n’est pas issu de notre milieu, mais qui se reconnaît dans le type de tableau qu’on dépeint de la réalité actuelle. Si l’album réussit à remplir cette mission alors ce sera pari gagné.

A : On trouve très peu de featurings sur l’album, uniquement les très proches avec lesquels vous avez fait de la scène, pourquoi ce choix ?

H : Ce choix c’est fait tout naturellement. Les gens qu’on a réuni lors du freestyle final sont des gens qu’on a connu alors qu’on était au fond du gouffre, avec lesquels on s’est serrés les coudes pour avancer ensemble. Ce ne sont pas des relations d’opportunisme, ni de copinage. Ce sont des gens qui mènent le même type de combat que nous et qui défendent la même définition du rap que nous. Sheryo, Casey, Special Homicide, Hisham (le Téléphone Arabe.) Ils sont représentatifs du type de rap qu’on aime entendre, et font progresser à leur manière la définition du rap qu’on veut amener au plus haut point.

« Le rap c’est pour moi un espèce de travelo qui est en train de froncer les sourcils, qui essaie de te faire peur, mais qui est un travelo quand même et qui se fait enculer.  »

Ekoué

A : Ekoué, tu es l’un des seuls à participer des tiers albums, comme Less du Neuf ou des compilations extérieures, c’est une volonté de rester uni, ou plus simplement ce type d’opportunités ne s’est pas présenté ? 

E : Oui, y’a eu des sollicitations, des trucs qui branchaient plus ou moins les autres membres de La Rumeur…Après géographiquement c’est important, j’habite à Paris, et les contacts transitent beaucoup via mon portable et celui de Rissno (manager du groupe) . Les gens considèrent qu’avoir un représentant de La Rumeur c’est avoir un peu le groupe. Je considère que j’ai ce rôle d’ambassadeur de la Rumeur, un rôle que j’assume pleinement. Je porte le groupe partout où je pose des featurings, et je le fais pas pour moi mais avant tout pour le groupe. Preuve en est, ce premier album n’aurait jamais pu exister si c’était Ekoué en solo, Hamé, Philippe ou Mourad en solo. Je fais partie d’un collectif qui appartient à une entité. Mais je suis également aussi un électron libre, quelqu’un qui peut aller poser des bombes sur divers produits, avec toujours estampillé la Rumeur. Après effectivement ça se fait aussi par affinités humaines et artistiques, tu prenais l’exemple de Less du Neuf, si c’était pas des gens que j’appréciais humainement et artistiquement j’aurais pas rappé sur leur album. Et bien d’autres, bien d’autres et encore…même si là on va se calmer [rires].

A : Mourad a fait un morceau avec le Téléphone Arabe, les autres vous pouvez retracer votre parcours ?

H : Moi à titre individuel, j’en ai fait très peu, il y a eu juste des projets qui n’ont jamais vu le jour. Je n’ai pas non plus été sollicité.

M :Celui que je retiens le plus, c’est celui que j’ai fait avec le Téléphone Arabe sur la mixtape de Tenzano, le DJ de Less du Neuf. Après, y’a eu des projets avortés, des maxis qui devaient sortir mais ne sont pas sortis.

P : Moi, ça fait une dizaine d’années que je rappe avec Ekoué. Au départ, on rappait tout les deux dans nos premiers groupes. On a fait nos premières scènes ensemble. Sur disque, j’ai juste fait une apparition sur l’album de Faouzi Tarkhani et donc quelques mixtapes.

A : Vous avez réalisé en complément de l’album un magazine, qui sera distribué gratuitement chez les disquaires , pourquoi avoir réalisé de ce magazine ?

H : Avec le constat affligeant qu’on faisait de la presse rap en France, à quelques exceptions près, on savait qu’on allait pas afficher nos gueulesdans la plupart des presses. On devait donc imaginer un moyen alternatif d’être présent dans la presse, Real et Get Busy n’étant pas suffisants. On avait aussi envie de créer notre propre média presse, et de le diffuser le plus largement possible. C’est un gratuit, tiré à 50 000 exemplaires. On a pu laisser libre cours à nos plumes et de la même manière que sur l’album on a essayé de matérialiser la définition d’un magazine qui se veut Hip-Hop aux travers de chroniques, d’articles et de billets d’humeur. Le magazine me semble assez représentatif du disque et du ton adopté par le groupe. Le point de départ c’est qu’on avait énormément de mal à nous retrouver dans la plupart des presses, on s’est alors dit qu’a cela ne tienne on va créer la notre.

A : Vous aviez un projet de court métrage pour illustrer visuellement vos morceaux, où est-ce que ça en est aujourd’hui ?

H : On a du à ce niveau là réviser nos ambitions à la baisse. On voulait partir un dans un truc assez cinématographique, avec une histoire. On a rencontré des problèmes de temps et d’argent. Ces trois clips mettent en image trois titres ‘Le cuir usé d’une valise’, ‘L’ombre sur la Mesure’ et ‘Le coffre-fort ne suivra pas le corbillard’. Il s’agit plutôt d’un triptyque de clips avec un fil, mais on ne peut pas vraiment considérer ces clips comme un court métrage. On aurait aimé dealer les trois en bloc pour amener quelque chose d’original. Avec un budget de 50 000 francs pour trois clips le résultat est tout de même plus que satisfaisant. Moins de 100 000 francs par clip, c’est un budget ridicule, un clip de rap français moyen c’est entre 500 000 et 1 million de francs. Ces clips vont être diffusés le plus tôt possible.

A : Ekoué, d’un point de vue plus personnel, peux-tu nous expliquer d’où te viens cette rancune envers Akhenaton ?

E : Nan, pas rancune. Très sincèrement, je m’en fous de ce type, il m’empêche pas de dormir la nuit. Maintenant il s’avère qu’il nous a attaqué moi et Farid (Sheryo) dans un journal, par un fils de pute de journaliste du nom de Jean-Eric Perrin. Il s’est permis de nous dire qu’on était jaloux de son succès et qu’on était une petite bande d’aigris qui avait toujours le morceau « Reste underground » en travers de la gorge. Il a aussi affirmé qu’il était près à le rechanter ce morceau. Il nous a insulté une fois c’était pas nécessaire d’essayer de remuer le couteau dans la plaie. Après, on l’a appelé cordialement et on lui a demandé des comptes, parce qu’on comptait pas en rester là. Y’a un morceau qui existait dans son album, C’est ça mon frère, ou sans citer explicitement des noms, c’était très clair qu’il s’en prenait à des gens comme moi ou Sheryo, qui ne sommes pas d’accord avec lui. Après, il a menacé de retirer ses billes et de faire pression pour que le maxi de Sheryo ne sorte pas, et c’est ce qui s’est passé. Le maxi n’est pas sorti chez Virgin. Ils ont alors cassé leur petite tirelire et distribué le maxi eux-mêmes un peu partout pour que ce morceau soit entendu. Alors que les gens du rap viennent me donner des leçons par rapport à ce morceau, non. Moi, à partir du moment ou on m’attaque je réponds. Si demain tient quelqu’un des propos diffamatoires sur toi dans un journal, et que t’es pas dans le copinage de la presse et des mass media, le seul moyen que t’as à ta disposition c’est de rapper. Il s’est avéré que ces rimes ont été assassines, et elles ont fait parlé d’elles.

Maintenant, Akhenaton fait partie de ces rappeurs qui m’ont poussés à écrire. Il a écrit de très beaux textes, notamment dans son premier album Métèque et Mat. Après malheureusement sa démarche n’a pas été à la hauteur, et on a été les premiers déçus, mais quand ça se traduit par un comportement « si vous parlez comme ça, c’est que vous êtes jaloux de moi » là on est pas d’accord et on se défend. Après, je considère qu’Akhenaton coulera au même titre que le navire Skyrock et le navire des prostitués du rap. Et à ce moment là, les gens du rap et ceux dont il a usurpé des réalités pour en faire son fond de commerce, lui demanderont des comptes.

A : On a déjà parlé brièvement tout à l’heure de la dimension consciente du groupe, il serait inconcevable pour la Rumeur de ne pas suivre ce genre de thématique ?

E : Moi, j’aurai tendance à dire que le rap dépourvu de tout ça, c’est plus du rap. Nous on revenait à cette époque un peu old school où des gens comme Biz Markie arrivaient avec un message ironique et drôle mais avec derrière un fond social. Maintenant, si c’est pour être rigolo et avoir un public de branchés ou hardcore et ne pas toucher directement tes pairs, je considère personnellement que c’est plus du rap. Le rap a pour moi vocation à toucher tout le monde et a être le témoin de son époque. Après, dans le marasme actuel des thèmes et préoccupations des rappeurs on apparaît comme un groupe militant et conscient mais c’est pas difficile. Le rap conscient aujourd’hui ça renvoie directement à la Rumeur, mais la Rumeur c’est quoi ? Trois maxis à 40 000 exemplaires, c’est très peu, par rapport à la masse d’argent que le rap a généré. Avoir déposé une éthique sans promo ça relève de l’exploit. Les mecs qui disent faire du rap et ne pas faire de politique, Hélène Segara pour moi dit exactement la même chose, elle chante et ne fait pas de politique. Si tu rappes et que tu ne fais pas de politique, fais autre chose. Après, il y a eu la politique au sens Assassin du terme, cet espèce de constat froid, pompeux, chiant, avec rien d’intimiste et de personnel, le tout sur un ton professoral. T’as l’impression d’écouter un mec du haut de son pupitre en train de t’expliquer comment le monde tourne, et ce sans savoir à qui tu avais réellement à faire. Nous, La Rumeur on vous dit qui on est, d’où on vient, et après on peut éventuellement parler.

« Qui a parlé du bruit et des odeurs ? Qui a dit que la France ne pouvait pas accueillir toute la misère du monde ? »

Hamé

A : En parlant de politique, quels ont été vos réactions après les résultats du premier tour des élections présidentielles, et la triste victoire de Le Pen ? 

H : Rien d’étonnant. On ne découvre pas le visage de la xénophobie depuis dimanche, et Le Pen n’en a pas l’apanage. Nos problème ne se règleront pas dès la mesure où on fera barrage au Front National. Depuis une vingtaine d’années, qui a instauré les charters ? Qui a relancé la politique de discrimination des milieux immigrés ? Qui a parlé du bruit et des odeurs ? Qui a dit que la France ne pouvait pas accueillir toute la misère du monde ? Le Front National n’a pas eu besoin d’être au pouvoir pour que des lois racistes et sa logique soient au pouvoir.

Oui, c’est donc dans la logique dans des choses que le FN finisse par faire un score qui l’amène au second tour, et ce parce qu’il y a eu 20 années de concession à ses thèmes. Les lois Pasqua, Chevènement, la politique de la ville de Mitterrand des années 80, les crimes policiers étouffés, Le Pen était pas au gouvernement et pourtant ce sont des lois qu’il aurait pu signer de sa plume. Il existe un profond malaise pour les gens qui se retrouvent à choisir entre Chirac et Le Pen. Personnellement, j’ai pas voté au premier tour et j’irais pas voter Chirac. Si on se retrouve à un fasciste au pouvoir, le pouvoir est déjà fascisant de toute façon, mais on en tirera les conséquences. Aujourd’hui on essaie de se battre à travers l’expression artistique et musicale, si ça suffit pas dans l’avenir pour préserver notre intégrité morale et physique, on s’armera d’autre chose. Mais on y est pas, et Le Pen correspond pas à la période historique dans laquelle se trouve la France. Quoi qu’on en dise, ce ne sont pas les partis politiques qui font la vie de ce pays, les partis politiques sont là pour faire avaler la pilule au peuple, les plus grands intérêts sur lesquels s’alignent les politiciens, ce sont les intérêts des gros banquiers, des gros industriels et des multinationales. Le vrai monde de l’argent ne veut pas du discours protectionniste, de fermeture des frontières de Le Pen donc, de toute façon il ne passera pas. Il passera un jour si les conflits dans le pays s’aiguisent en faveur des gens du bas, si il y a des dangers de renversement de régime, et c’est pas le cas aujourd’hui.

A : Sans verser dans la soudaine euphorie pro-Chirac et oublier du coup tout ce qu’il a pu faire par le passé, il me semble malgré tout important d’aller voter pour faire barrage à Le Pen…

E : Je comprends ton point de vue et il me semble tout à fait responsable. Mais malheureusement on a subi une campagne en forme de crachoir ambiant sur les immigrés, l’insécurité, l’insécurité et encore l’insécurité. A nous montrer des exclus, des précaires, des chômeurs être à l’origine du marasme et de la pire des inquiétudes des français. Si la France tourne mal, s’il y a du chômage, toute cette angoisse ambiante est stigmatisée autour des gens qui créent cette insécurité, et derrière ces gens qui créent cette insécurité encore une fois il y a l’immigration. La vraie question elle est là. Après on trouve des formules pour criminaliser à un degré différent l’immigration en général. Malheureusement, les médias se sont largement portés échos de cette voix là. On a jamais autant criblé d’insultes et d’injures les pauvres de ce pays, et de fait les immigrés.

On nous a fait croire que siffler la Marseillaise c’était ce qui pouvait arriver de pire dans le pays des droits de l’homme. La guerre d’Algérie de 54 à 62 c’était des millions de morts des deux cotés de la barrière, entre des gens qui avaient soifs d’indépendance et des gens qui avaient été envoyés au front malgré eux. En un seul match de foot on veut nous réconcilier par rapport à tout ça. Le foot on a vu le résultat, Zidane, deux buts contre le Brésil, les problèmes d’immigration n’existent plus, les algériens sont réconciliés avec les français autour du foot. C’est se foutre de notre gueule et insulter notre intelligence.

J’ai entendu des gars comme Bernard Henri Levy avoir exactement les même discours qu’un Le Pen, disant que c’était des espèces de petits connards de voyous algériens, musulmans qui avaient sifflé la Marseillaise. Mais après ce sont ces gens là qui nous disent d’aller voter parce qu’on se retrouve face au danger du fascisme. Mais le fascisme est là, et Le Pen c’est la suite logique d’un an de criminalisation des quartiers, de discours autour de l’insécurité, c’est l’aboutissement de tout ça. On demande aux personnes à qui on a craché dessus, de trouver la solution, en l’occurrence le vote et de faire barrage à ça. Mais non, désolé, la solution pour moi viendra de la mobilisation sociale et de la rue, mais elle viendra sûrement pas par le vote.

J’ai l’impression qu’on fait ce qu’on veut des immigrés. Quand on veut les faire défiler pour la Coupe du Monde avec des drapeaux français on le fait, quand on veut leur cracher dessus, on le fait, quand on veut montrer qu’ils sont pas tous méchants et bons sportifs, on le fait aussi. C’était ça pendant deux ans, et ça c’est absolument insupportable.

Maintenant, j’irai jamais jeter la pierre à quelqu’un qui considère que faire barrage à Le Pen, ça consiste à aller voter Chirac, si tel est son choix très bien. On veut pas donner de leçons, mais qu’on ne nous en donne pas non plus, parce que ça on le subit tous les jours.

Beaucoup d’auteurs contemporains estiment que 10% de la population est politisée, 5% peut avoir une analyse politique, et le reste est fait de moutons qui suivent. A partir du moment où on considère que la politique est un sujet grave, il faut être sérieux. Tant qu’on rendra pas le débat sérieux, avec des vraies analyses, et des sujets non-occultés parce que l’immigration c’est la responsabilité de la France par rapport aux pays du Tiers-Monde, la politique on en a rien à foutre et on ira pas voter.

Et Chirac c’est pas le messie. Attention, Chirac au pouvoir ce sont des tissus de réseaux, des dictatures Africaines soutenues, financées et corrompues.

A : Là en l’occurrence le choix de Chirac se fait vraiment par défaut…

E : Encore une fois, je comprends ton point de vue. Mais moi je considère que ces stigmatisations ces derniers mois envers l’immigration ont révélé le vrai visage de la politique. Le schéma à l’Américaine on va y venir. 50% d’abstention, des politiques en forme d’hommes de paille qui sont là pour faire avaler la pilule au peuple. C’est ce qui se passe en France, c’est le capital qui contrôle le politique et non l’inverse. On va pas me faire croire que demain si Le Pen arrive au pouvoir, il va mettre tous les immigrés dehors et donner du boulot à tous les français. C’est faux, complètement faux. C’est un schéma qui est économiquement parlant pas viable. Aujourd’hui, le système de mondialisation dépasse les frontières de la France et voire même de l’Europe. En ce moment tout le monde est nourri d’un sentiment partisan «Non au fascisme», c’est bien, mais dans deux mois on passera la Coupe du Monde et ainsi de suite. Encore une fois, c’est la loi du fric qui aura le dernier mot sur tout.

H : Chirac une fois arrivé au pouvoir, aura toute la latitude pour mettre sur pied la plus réactionnaire des politiques. Les gens n’obtiendront pas leur salut parce que barrage aura été fait à Le Pen. Mais on verra quand ils lanceront des mots d’ordre sur les sans-papiers s’il y aura autant de monde dans la rue, et à plus forte raison si le PS revient au pouvoir, et s’il y a une nouvelle cohabitation. On verra si tout ces gens dans la rue seront aux cotés des bougnoules et des négros qui subissent tout ça de plein fouet. Une fois que la gauche est arrivée au pouvoir, la question des sans-papiers n’a plus existé.

E : Pour rejoindre ce que disait Hamé, on me faisait récemment une remarque tout à fait pertinente. Au lieu d’essayer de vous racheter une conscience en vous occupant des clandestins, occupez-vous de ceux qui en ont, qui subissent des sévices. Quand un jeune français, entre deux grandes parenthèses, se fait assassiner par la police, ils sont où les gens qui défilent avec des banderoles et disent non au fascisme ? Pourtant, abattre quelqu’un froidement en toute impunité, c’est du fascisme, du totalitarisme.

Donc, non on se le laissera pas embrigader dans cette liesse et d’euphorie unanime où Chirac c’est le gentil et Le Pen le méchant. Quand nos parents sont arrivés ici, la France avait une culture de gauche, une culture tiers-mondiste marquée, mais maintenant si cette différence droite-gauche n’existe plus c’est parce que les gens ont voulu que ce soit pareil. La résistance aujourd’hui se fait avec des gens comme Besancenot, Arlette Laguiller, qui veulent les même places au chaud que les gens qu’ils sont censés combattre.

P : La gauche était par exemple les premiers à distinguer la bonne immigration de la mauvaise, les sauvageons et les bons immigrés. Ils ont aussi des responsabilités à ce niveau là.

E : Le Pen, c’est un grand aristocrate qui fait des colloques sur des péniches avec des amis industriels, et Chirac c’est la même chose. Maintenant ces gens là avec des discours démagos et ils ne me feront pas croire qu’ils sont proches du peuple; c’est faux et complètement faux. Les lâches qui ont voté Le Pen et considèrent que Le Pen représente la voix du salut, pour moi ce sont ces gens là qui méprisent encore plus la France, ses valeurs républicaines et son histoire. Tous ces électeurs de Le Pen qu’ils soient riches ou pauvres, et les riches encore plus, quelqu’un qui a de l’argent et vote Le Pen, je vois pas de débat possible. Un fasciste qui a de l’argent, qu’est-ce qu’il veut ? Des camps de concentration ? Un beauf, on lui met Tapie, une bière et du foot…

Mais dans ces deux cas, ce sont des gens qui ont un mépris de l’histoire de leur pays et des gens qui se sont battus pour la France.

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