Interview

Zesau

Auteur du solide Frères d’Armes, Zesau était bel et bien le Dicidens sur lequel il fallait miser en 2011. Rencontre express en direct du zoo.

Abcdr Du Son : Tes débuts dans le rap ?

Zesau : Je me suis mis au rap en 93/94 et j’ai commencé à faire des choses sérieuses en 96. C’est là qu’on a monté Dicidens, pas dans l’optique de faire un projet, mais pour réunir nos forces. Après, on a eu l’opportunité de faire l’album mais on a traîné de ouf pour le sortir…

A : Vous étiez plus ou moins proche du 45 Scientific. Vous n’avez jamais eu l’opportunité de signer avec eux ?

Z : Nous, on était déjà avec un label indépendant qui s’appelait Magma et qui est ensuite devenu Paire d’As. On était impliqué dedans donc on était déjà indépendant depuis longtemps. 45 avait un peu plus de visibilité et d’expérience. Ils étaient là, ils donnaient des coups de mains… Il y avait des affiliations bizarres mais il n’y a jamais eu d’histoires de signature…

A : On vous a souvent considéré comme les « petits » de Lunatic, leurs successeurs…

Z : On était dans une même lignée. Moi, franchement, je ne vais pas te mentir : j’écoutais Time Bomb, les X.Men, Oxmo… Tout ce qui était bon à l’ancienne. J’ai écouté Lunatic, « Le Crime Paie », bien sûr… On savait que c’était du bon. Mais, nous, on a peut-être été influencé par Lunatic, mais eux aussi ont été influencés par Dicidens. Il y a eu un échange. Enfin, quand je dis Lunatic, c’est surtout Booba.

A : Sur HLM Rézidants, il y avait plusieurs morceaux déjà connus depuis un certain nombre d’années. Pourquoi ne pas avoir sorti un album tout « frais » ?

Z : On était déjà en indé depuis l’époque, donc on a eu autant de galères qu’un indé de maintenant peut avoir… On a mis du temps à réussir à sortir le projet dans de bonnes conditions. Les gens qui nous suivaient plus ou moins avaient déjà écouté certains morceaux puisqu’on avait sorti deux maxi vinyles pour entretenir le truc. Donc, forcément, ils avaient un petit goût de déjà-vu. Il a mis cinq ans à sortir cet album. On a commencé à l’enregistrer en 98/99 et il est sorti en 2004. Pour l’époque, on avait bien vendu pour un label indépendant. On avait fait 15 000 à peu près.

A : Dicidens s’est arrêté là. Pour quelles raisons ?

Z : On était assez jeunes à cette époque là et, quand on a sorti l’album, on s’est un peu aperçu de la réalité du business de la musique. Ça te fait un peu sortir de ton côté artiste. Ça te casse un peu. On a eu un gros coup de frein par rapport à des choses qui ne dépendaient pas forcément de nous. Il y a des choses qui se passent… Ça te dégoûte d’aller en studio, de rapper… Dicidens s’est un peu dispersé à cause du business de ce que les gens appellent maintenant le « game« . Avant, il n’y avait pas de  »game », c’était en mode « show business » comme disent les anciens [sourire]. Mais chacun a gardé ce truc Dicidens de toute façon. On a fait un petit parcours ensemble, ça a été une école un peu. On s’est tous apporté aux uns aux autres. On a construit ensemble. On verra ce que l’avenir nous réserve mais on est passé à autre chose.

A : Nessbeal a été plus exposé. Toi, tu as un peu tardé à te mettre en avant…

Z : Nessbeal a continué son chemin avec 92I… Moi, je te dis la vérité, j’ai stoppé la musique pendant un temps. En 2005, on a voulu monté notre label : Bad Game. On a commencé à bosser les projets, notamment mon album, Frères d’Armes, que je viens de sortir.

A : Tu es satisfait des retours ?

Z : Oui, ils sont à la hauteur de l’estime que j’ai pour mon travail. Après, tout est question d’exposition. On ne passe pas dans les gros médias et autres réseaux bizarres…

A : Tu passes sur Générations ?

Z : Je ne crois pas. En fait, je n’écoute même plus… Je sais que ça passait pendant que je faisais un peu de promo chez eux mais, depuis, je ne sais pas. Mais on ne peut pas discuter des vrais bails parce que, nous, on est en indé’, tout simplement. Ce n’est même pas une question d’oseille. Ils ne veulent pas des indépendants, des mecs qui taffent tout seul dans leur coin…

A : Un mot sur Rim-K et cette combinaison 100% vitriote…

Z : Rim-K est une génération ou deux au-dessus de moi, il faisait partie des gens qui nous représentaient. 113, c’était le groupe de Vitry, quand on les a vus aux Victoires de la Musique, tout le monde était fier d’eux. Ça fait longtemps qu’on se connait, on a plein de connaissances en commun… Vitry, c’est une grande famille, même si, chez nous, on sait que ce n’est pas vraiment le mot [sourire]. C’est un frangin Rim-K, c’est normal qu’il soit dans l’album.

A : Despo Rutti ?

Z : Despo, c’est artistique. C’est un des rares mecs où je me suis dit : « Enfin quelqu’un qui apporte un truc« . Quand il venait d’arriver, à l’époque de Patrimoine du Ghetto, je l’écoutais déjà. Après, j’ai été amené à le connaître. J’avais déjà fait un morceau avec lui sur Street Lourd. Despo, je pense qu’on peut faire plusieurs feat ensemble, ce sera toujours des morceaux à part.

A : Le Rat Luciano, qui n’était pas forcément très présent ces derniers temps…

Z : Tout dépend pour qui il n’était pas présent. Moi, dans plein d’endroits, on me parle de lui, des gens me font écouter des morceaux qu’ils ont faits avec lui. Il essaie de donner au maximum, c’est pour ça que je l’ai invité. On se retrouve vraiment dans ce qu’il dit. C’est un mec humble, qui connaît la rue et en parle avec du recul. Et pour avoir du recul, il faut forcément un peu de jugeote. Il représente bien les rats des quartiers [sourire].

A : Quels sont les projets en cours ?

Z : Le prochain projet, c’est Dirty Zoo. C’est une mixtape avec en grande partie des prods de Yoro Glyphe. C’est nous deux qui sommes à la base du projet. Il y aura plein d’invités, notamment un morceau avec Sadek qui sera clippé. Là, je suis presque H24 en studio. J’espère que ça va sortir rapidement. J’ai d’autres projets derrière, notamment une compil’ qui s’appelle Rewind. J’ai fait une compil’ avec tous les anciens que j’ai écoutés depuis mes débuts dans le rap. Pour montrer aux jeunes générations qui m’écoutent d’où part ce délire-là et rendre aux anciens qui ont porté le truc. Il y aura des mecs comme Daddy Lord C, MC Eiht, Lords of the Underground, D.Abuz, les Sages Po, des gens des X.Men, Different Teep… Il y a aussi tous les mecs de mon label qui préparent des projets : Gosse de Béton, Amin O.Mic, Kolonel 94… Le but avec le label, c’est de promouvoir d’autres artistes. Ça va faire presque vingt ans que je suis dans la musique, il faut élargir et laisser les petits jeunes arriver maintenant.

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  • […] États-Unis d’Afrique, le supergroupe réunissant Hype & Sazamyzy, le Ghetto Fabolous Gang et Zesau. “On se connait depuis très longtemps avec tous ces gens. C’est de l’amitié pure et dure. […]

  • Conan le Barbare,

    Comme je voyais le monde de la musique, je croyais ça rendait riche : un seul disque, une seule couv’ ou un seul clip, plein de flouz’ sans un seul risque.
    Soldat du hip hop sans solde fixe, t’inquiètes je me plaindrai pas.
    Je mange sans bosser à heures fixes,j’sais même pas si je bosse moi.
    J’cherche l’os moi, pas à jouer le zgueg dans le show-biz.
    Si j’avais voulu vendre mon cul, j’aurais fait gigolo.
    Elles te font de grosses bises à toi, parce que ton truc vend bien.
    Regarde l’autre, ils lui rendent son contrat, pour eux il vaut plus rien, ils sont rapides à calculer ces enculés, tu crois qu’ils sont là pour rigoler ?
    Pourtant, j’en ai vu un qui était payé peut-être des millions à picoler.
    Alors ? Ce milieu là est bizarre, rien à voir avec la rue.
    Combien ont pété les plombs à cause de tout ce qu’ils ont vu ?, de tout ce qu’ils ont bu ?,tout ce qu’ils ont dû sniffé ?, toutes les putes qu’ils ont eues ?, tout ce qu’ils ont dû kiffé ?, tout ce qu’ils ont su ?
    Le succès ça peut changer un homme. Même avec une faim énorme, garde la tête froide, mécréant.

    DC

    =>Bref, ça fait plusieurs interviews lues ici ou ailleurs qu’on peut apercevoir un décalage entre la vision qu’ont les artistes de la réalisation d’un album et la « réalité ». A la rigueur, et c’est dit à la fin, c’est aux anciens maintenant de prendre les clés du camion et de faciliter le « travail » des plus jeunes : commencer à les préparer mentalement à ce que nécessite un album, monter des structures, etc.