Hyacinthe : un cœur, des pleurs et des fleurs
Interview

Hyacinthe : un cœur, des pleurs et des fleurs

Qu’il l’ait choisi ou non, Hyacinthe s’est trouvé réduit au statut de rappeur trash et vulgaire pendant des années. Avec son album Sarah, les lignes bougent et les émotions, la beauté, la profondeur ne sont plus parasitées : tout est plus précis, Hyacinthe ne s’éparpille pas.

Photographies : Martin Colombet

Abcdrduson : Deux années se sont écoulées depuis la sortie de ton précédent projet, Sur la route de l’Ammour 2, ce qui est relativement long dans le rap actuel. Comment cela s’explique-t-il ? 

Hyacinthe : J’ai mis un an à faire le projet, je l’ai commencé au moment de Sur la route de l’Ammour 2 et l’ai terminé fin 2016 voire tout début 2017. Déjà, je pense que c’est plus long que ce que mettent la plupart des gens pour faire un album… J’avais besoin de renouveau et d’être plus précis dans ce que je voulais faire, et pour trouver quelque chose qui me corresponde, il y a eu toute une période où j’avais besoin de chercher. J’ai fait pas mal de morceaux, j’ai cherché une direction, et à un moment donné je l’ai trouvée. À partir de ce moment ça a été assez rapide et j’ai terminé le projet. C’est un genre de petit luxe que je me suis accordé, de prendre un peu mon temps. C’était pour le bien du projet, je voulais revenir avec un truc vraiment solide et passer un cap artistique, et s’il fallait prendre six mois de plus pour faire l’album, je les ai pris. J’étais à un moment où je pouvais le faire, et par exemple je pense que je ne pourrais pas le refaire, là.

A : En commençant à construire le disque tu avançais donc à tâtons, sans trop savoir où tu allais, et c’est au fur et à mesure qu’il s’est dessiné dans ton esprit ? 

H : J’avais des envies, il y avait des choses que je n’avais jamais faites avant, et les premiers morceaux que j’ai faits ressemblaient à ce que je faisais déjà, mais on y ajoutait des trucs de chant. Après, il y a eu le moment où on a fait « Sarah » avec Nodey, et c’est là que j’ai trouvé la direction. J’ai dit « ok, c’est ça que je veux faire ! » Ça a ouvert un champ de choses que je pouvais faire. De « Sarah » sont nés « La nuit les étoiles », « Arrête d’être triste »… J’ai trouvé quelque chose en termes d’interprétation vers quoi je n’étais jamais allé, dans la façon d’utiliser ma voix. Ça m’a fait beaucoup de bien et ça m’a donné une direction dans laquelle je me suis un peu plus enfoncé par la suite.

A : À propos de ta voix, l’utilisation des outils informatiques sur son traitement est très précise, maîtrisée sur cet album. Ils t’ont ouvert des champs nouveaux aussi ? 

H : Oui. Evidemment, il y a de l’autotune dans l’album, mais il n’y a pas que ça. On a utilisé des harmonizers, du vocoder, et parfois on a superposé les trois. Je trouve que ça donne une nouvelle texture à ma voix et que ça apporte de nouvelles couleurs, de nouvelles émotions. J’aime bien l’idée d’émotions robotiques. 808’s and Heartbreak de Kanye West est un de mes albums préférés, voire mon préféré, et j’adore cette idée de véhiculer des émotions électroniques.

A : La machine n’est pas là pour t’assister mais pour réellement t’accompagner…

H : Il y a ça… Puis, si on pousse un peu plus loin ça me semble évident que la race humaine va être un jour remplacée par des machines. Autant prendre le pas là-dessus et faire de l’art avec les machines avant qu’elles nous détruisent.

A : Auparavant, tu ne canalisais pas ton énergie comme c’est le cas aujourd’hui, tu maîtrisais peut-être moins ta voix, et surtout ton élocution n’était pas aussi claire que maintenant. Tu es désormais très compréhensible. Est-ce un point que tu as particulièrement travaillé 
?

H : Complètement. Et au-delà de l’élocution, mon travail sur cet album a été de rendre ce que je fais, ma démarche globale, plus compréhensible. Sur les projets d’avant, j’avais vraiment eu le sentiment que des gens avaient compris, et que d’autres étaient dans l’incompréhension face à ce que je faisais –et ce n’est pas du tout une façon de dire « vous n’étiez pas prêts » ou autre. Du coup, sur l’album j’ai fait attention à garder la même démarche mais à la rendre un peu plus lisible. Ce n’est pas complètement limpide, j’aime bien perdre un peu les gens parfois, mais j’ai essayé de dessiner un peu la route, donner une direction aux gens sans les prendre par la main non plus. Ça passe par l’élocution, par des textes plus compréhensibles…

A : Tu es à un âge où on a tendance à s’ouvrir à de nouvelles choses, à découvrir des œuvres. Est-ce que durant les dernières années tu as rencontré, écouté, apprécié des nouveautés, qui t’auraient éventuellement influencé dans la création de Sarah ? 

H : Complètement, et en vrai c’est principalement de la chanson française. C’est un truc que je n’avais jamais vraiment écouté avant, voire que je méprisais un peu. Je voyais ça comme un truc pour mes darons. Et en fait j’ai écouté Gérard Manset, Bashung, Biolay, ou même quelqu’un comme Christophe. Cela m’a vraiment ouvert tout un champ nouveau d’interprétations. J’avais déjà chantonné avant mais là, ça a élargi ma palette dans le sens où sur un même morceau je peux rapper, chantonner puis crier… Il y a de nouvelles possibilités. J’ai l’impression qu’on le ressent dans « Avec nous », le morceau avec les Pirouettes, sur lequel je rappe dur avant de me mettre à chanter avec une voix un peu langoureuse, pour finir avec une espèce de solo de chant de baleine. C’est ma voix, et ce sont des trucs que je ne pouvais pas imaginer tenter avant, et je pense qu’avoir écouté pas mal de chanson m’a ouvert à ça. Je suis plus libre dans mon interprétation.

« Ce n’est pas un disque joyeux mais c’est une mélancolie un poil plus douce, moins noire que sur l’album d’avant. »

A : Tu as donné comme intitulé à cet album le prénom de ta compagne, comme tu avais mis son nom dans les projets antérieurs. Cela fait partie d’un tout qui laisse penser que tu ne sépares pas l’intime, le privé, de ta musique, qui est non seulement publique, mais en plus commercialisée. Pourquoi ce choix, que l’on pourrait formuler simplement : vendre son intimité ?

H : C’est un choix d’artiste, je l’ai fait assez tôt en fait. Dès que j’ai commencé à mettre des chansons sur internet j’ai raconté des choses personnelles. C’est ce que je sais faire, j’ai l’impression que je ne suis jamais aussi bon que lorsque je parle de moi, de ma vie, de ce que je ressens. Sur cet album je pense que je suis allé plus loin, et les gens le ressentent peut-être plus encore, mais c’est là où je suis bon en vrai. Peut-être qu’un jour je saurai faire autre chose, mais pour le moment c’est ce que je sais faire. Et c’est admis par les gens autour de moi, par exemple avec ma petite amie ça a toujours été un truc hyper clair. Je lui avais dit que ce qui allait nous arriver risquait se transformer en chansons.

A : Ton album est triste, truffé de mélancolie, de spleen… Il est sans espoir ?

H : Sans espoir ? J’ai l’impression qu’il y en a plus qu’avant dans ma musique quand même… Je crois… Par exemple, le morceau avec Jok’Air : les couplets sont tristes, le pré-refrain de Jok’Air aussi, mais il y a de l’espoir dans les paroles du refrain. La nuit, les étoiles se maquillent pour nous… Pour moi, le vrai thème du morceau c’est moi qui console Jok’Air. Après ce n’est pas un disque joyeux mais j’ai l’impression que c’est une mélancolie un poil plus douce, moins noire que sur l’album d’avant.

A : Plus douce peut-être, c’est moins brut et violent, mais c’est aussi plus lent, abandonné…

H : Il y a peut-être un lâcher-prise… Mais prenons le morceau « Arrête d’être triste », il n’est pas joyeux mais dans le refrain il y a un début d’espoir. C’est une étincelle, pas grand-chose, mais j’ai l’impression qu’il y a plus de lumière qu’avant. Après je n’ai pas le recul nécessaire pour le dire… Et puis il y a des morceaux tristes, « Sur mes paumes » est le morceau le plus dur de ma discographie.

A : Parmi les thèmes que tu développes il y a l’ivresse, et tu emploies d’ailleurs le terme en tant que tel à plusieurs reprises. C’est un mot qui renvoie une espèce de poésie de l’alcool… Entre tristesse, créativité… On est loin de la fête et au final on est « ivre mort ». 

H : Oui je suis d’accord… Je ne suis pas trop dans la fête festive. Même quand je sors en club je suis plutôt spectateur de la fête et je vois une certaine poésie dans l’abandon de soi-même, et je préfère ça à participer à la fête et sauter dans tous les sens. Globalement dans la vie je regarde les choses, et dans l’ivresse il y a ce lâcher prise, tu acceptes de perdre le contrôle et quand je parle d’ivresse, je parle de ça.

A : Quand tu parles de sexe, ce n’est pas beaucoup plus joyeux, il en ressort un peu l’idée de la jouissance comme petite mort, plus que d’un plaisir charnel.

H : Je ne suis pas très épicurien là-dessus. Parfois, je trouve ça plus cool de faire et de voir jouir une fille plutôt que de jouir soi-même, et j’y vois un truc plus beau qu’un plaisir égoïste où on se concentre sur sa propre jouissance.

A : Autre topos de Sarah : l’errance urbaine. Tu sembles attaché à traîner dans les rues de la ville, qu’y trouves-tu ?

H : Ce sont des moments où je suis inspiré, en tous cas ce sont de vrais moments d’introspection. J’aime bien rentrer à pieds… Tu es un peu ivre, tu marches trois quarts d’heure à travers la ville de nuit pour rentrer chez toi en écoutant de la musique… Ce sont des moments où je réfléchis à ma vie, à ma musique, à d’autres trucs. J’en ai besoin parfois, de ces moments, plus que de faire la fête ou quoi que ce soit. Et ce sont aussi des vrais souvenirs d’adolescent, la première fois que je suis rentré à pieds après avoir raté le dernier métro, je m’en rappelle très bien et ça fait partie de ces moments qui sont sources d’inspiration.

A : « Sur mes paumes » et « Visions » sont deux morceaux courts, et atypiques dans leur construction, pourquoi ce choix ? 

H : J’aime bien l’idée que les deux morceaux se répondent un peu, qu’ils sont comme deux interludes, l’un très posé, minimaliste, et l’autre, « Visions », très chargé, où je crie. « Sur mes paumes » est un morceau qui est sorti tout seul, d’un coup, et auquel j’ai très peu réfléchi. Si c’est court c’est parce qu’à un moment donné, je pense qu’il n’y avait rien à ajouter, j’aime bien le côté brut de ce morceau : je dis ce que j’ai à dire et c’est fini. L’instru est aussi très dépouillée, et ça participe au fait que tu te prennes le truc dans la gueule. « Visions » s’inscrit un peu dans la lignée de « Maldoror » sur l’album d’avant… J’ai souvent été fan des introductions d’album de Booba, faites de quelque chose comme vingt-quatre mesures sur lesquelles il découpe le truc, de façon ultra énervée. Je peux aussi citer « Bizon » de Kaaris. J’aime ce truc, et même si dans mon cas ce n’est pas l’intro, c’est le genre de morceaux que je conçois un peu de la même façon.

A : Côté producteurs, on retrouve des têtes connues de tes précédents projets, tu n’as pas trop élargi, si ?  

H : Il y a de nouvelles têtes, quand même ! En fait, ce sont plein de gens que je connaissais déjà un peu avant, mais avec qui je n’avais jamais travaillé. On a concrétisé sur cet album-là. Nodey c’est un peu ça, on se connaissait mais là on a réussi à collaborer.

A : Mais dans tous les cas, il y avait des affinités préexistantes, tu n’as pas procédé en choisissant parmi des palettes reçues d’inconnus. 

H : On m’envoie encore des trucs, et j’écoute, mais je suis beaucoup plus à l’aise pour taffer avec des gens en direct. Plus ça va moins j’arrive à recevoir une prod, écrire dessus, puis enregistrer dessus, et plus j’aime qu’il y ait un échange. Ça me nourrit, je suis plus efficace et je vais plus à l’essentiel. Avec Nodey il y a vraiment eu ça. Après il y a King Doudou que je ne connaissais pas du tout avant, et que je connais bien désormais. Il y a quand même de nouvelles têtes, mais ce sont souvent des potes de potes, et des gens que je me mets à fréquenter après.

A : Le morceau « Sur ma vie » est produit à huit mains, comment cela s’est-il passé ?

H : Ça s’est fait étape par étape. En gros, dans ma musique et particulièrement sur cet album, j’ai un rôle de chef d’orchestre. « Sur ma vie » je le fais d’abord avec Mayer de Hits Alive, et c’est un morceau assez classique de rap français : couplet, refrain, couplet, refrain, avec une instru comme Mayer sait les faire. Je voulais emmener le morceau ailleurs, je l’ai fait écouter à Krampf et on a décidé ensemble d’ajouter un kick gabber sur le truc. Il se trouve que lui est pote avec Vön Bikrav de Casual Gabberz, et ensemble ils ont boosté le kick. Je crois qu’ils ont passé une après-midi ultra nerd tous les deux, à régler des trucs pour que le kick découpe. Au début, le kick était sur le refrain chanté, et là j’avais l’impression qu’il manquait encore un truc. Du coup je fais écouter le titre à Nodey, et il taffe dessus jusqu’à avoir une espèce de révélation : « il faut construire un refrain qui ne soit que gabber ! » Il a tout repris, et a recréé ce qui est devenu le deuxième refrain de « Sur ma vie ». C’est un peu comme ça que ça se passe pour le morceau avec les Pirouettes aussi. L’instru était assez squelettique à la base, c’était un sample de snare, la basse, moi je pose mes couplets et eux le refrain. Puis j’amène le morceau à Krampf et il le reprend.

A : Comment s’est faite la rencontre avec ce groupe d’ailleurs ?

H : C’est par Kevin El Amrani, qui a fait pas mal de mes clips et quasiment tous les leurs. Il me les a présentés en 2015, on est devenus potes et à un moment donné j’ai eu envie de faire un morceau avec eux. Ils ont hyper bien joué le jeu et ce que je trouve cool c’est que c’est quasiment un des morceaux les plus rap et les plus sombres de l’album. Je pense que les gens qui connaissaient et les Pirouettes et Hyacinthe s’attendaient à une espèce de morceau radiophonique, et on a fait un truc super sombre.

A : Et ça n’a pas été plus compliqué qu’un duo avec un rappeur ? 

H : Non, on se connaît puis eux écoutent beaucoup de rap et en connaissent les codes, même si on n’a pas suivi des codes purement rap sur le morceau. Ce que l’on raconte s’est passé à une soirée quelques temps avant d’enregistrer, et tout s’est fait naturellement finalement.

« Pour moi, le beau c’est quand tes poils se dressent et que tu frissonnes. C’est juste ça.  »

A : Depuis que tu fais de la musique, et dès les premières fois où tu as eu de l’exposition, tu sembles t’être retrouvé plus ou moins prisonnier de mots que les journalistes ou bloggers pouvaient mettre sur ton rap : « trash », « hardcore » ou autres. Ne t’a-t-il pas fallu à un moment déconstruire ces espèces d’aprioris qui n’étaient pas spécialement malveillants ? 

H : C’est quelque chose que j’avais en tête en construisant l’album : les gens et surtout les journalistes ont retenu principalement un côté trash et hardcore qu’aurait ma musique, alors que pour moi –c’est ma vision et je sais que la façon dont tu conçois ta musique et la façon dont elle est perçue sont deux choses différentes- ça n’a jamais été le cœur de ce que je faisais. C’était une partie, une partie qui existait de par un champ lexical que j’utilisais, mais pas le cœur de ma musique. Il y avait du coup un truc un peu frustrant… Je racontais des trucs hyper perso, je pense à un exemple typique, je parlais de bébés morts dans mes chansons, ce qui renvoyait à des avortements que j’ai vécus avec des filles, et dont j’étais sorti un petit peu traumatisé. Parler de « bébés morts » c’était une façon d’exorciser quelque chose de super intime et un peu traumatisant au sortir de l’adolescence, et j’ai l’impression que les gens retenaient que j’étais un rappeur beauf, fan de jeux-vidéo et qui voulait tuer des bébés. Ça m’a un peu saoulé et c’est une des raisons pour lesquelles j’ai abandonné un peu le côté trash, parce qu’on passait à côté de tout le reste. Le Hyacinthe adolescent et trash, je l’ai laissé sur le bord de la route.

A : Sarah est le premier disque que tu sors en étant épaulé par une structure, qu’est-ce que cela a changé pour toi, aussi bien en termes de création qu’en termes de mise en marché ?

H : Dans la création ça n’a rien changé, dans le sens où j’ai fait le disque avant de signer. En gros, j’ai fait mon disque comme je faisais avant, ultra do it yourself, avec les mêmes beatmakers qu’avant et quelques-uns en plus, et mixé par Paulie Jan avec qui j’avais déjà bossé avant. Une maison de disque était intéressée et est rentrée dans la boucle, mais elle a pris le disque tel quel. C’était de toute façon la condition sine qua non : je ne change pas la façon dont je travaille, je ne change pas les gens avec qui je travaille, et ensemble on débloque des trucs. Là où ils m’aident, c’est qu’on a un peu plus de budget pour les clips, que j’ai les mains un peu plus libres, et pour la promo. Cela me permet d’avoir une exposition que je n’aurais pas eue sans eux.

A : A priori, on se dit que ce genre de situation correspond au passage vers la professionnalisation d’un artiste, comme si en signant avec une maison de disque, sa musique devient son métier. Est-ce quelque chose que tu vis comme ça, et le cas échéant, est-ce évident de concilier la liberté créatrice et la nécessaire sécurité professionnelle ? 

H : En ce moment, je n’ai pas le temps de faire autre chose que du rap. C’est aussi un choix que j’ai fait à un moment donné, de ne plus taffer. J’ai mis un peu d’argent de côté le temps de terminer l’album, et c’était un vrai choix. Cette époque de la professionnalisation, même si je n’y suis pas complètement – je suis plus dans un entre-deux  mais je me bats pour y arriver-, j’ai l’impression qu’au contraire c’est un moment plus libre. Par exemple parce que je suis un peu aidé là, j’ai pu commencer à faire de nouveaux morceaux avant que l’album soit sorti. Je n’aurais pas pu avant. Je suis libéré de certaines tâches : il y a des attachés de presse qui font leur travail pour parler aux médias, d’autres gens font d’autres trucs, et moi je n’ai plus qu’à me concentrer sur la musique. Après, je suis extrêmement impliqué dans le reste, mais ce n’est plus mon problème de me stresser parce qu’on n’a pas eu d’article, ou parce que les précommandes ont ceci ou cela… Tous ces trucs que les gens ne voient pas forcément. Tu veux sortir un clip, il est prêt mais il n’est pas dans le bon format et tu ne peux pas le mettre sur Youtube… Tous ces trucs à la con, absolument pas intéressants, j’en suis libéré. Ça ne me bouffe plus un temps pendant lequel je pourrais écrire de nouveaux textes, faire de nouvelles chansons, réfléchir à de nouveaux clips. En ça, je me sens plus libre en tant qu’artiste maintenant.

A : « Je veux devenir riche avec le rap, fuck un travail honnête », dis-tu sur « Visions ». Au-delà du second degré, tu ne crois pas qu’il est honnête de gagner ainsi sa vie ? 

H : En vrai c’est plus du second degré qu’autre chose. C’est du taff de faire du rap… Mais je ne sais pas ce que c’est un travail honnête, je pense que ma vision est différente de celle socialement admise. Beaucoup de métiers ne servent à rien et fondamentalement je crois que je suis contre la valeur travail, contre l’idée que tout le monde doit travailler. J’ai fait plein de jobs tous plus chiants et éreintants les uns que les autres, et je pense que faire ces jobs de merde n’est pas du tout obligatoire dans la vie. J’ai hâte que les machines fassent tout à notre place et que l’on soit occupés à faire de la poterie, de la peinture, plutôt que des tâches de robots alors que l’on est des êtres humains.

A : Tu dis de ta musique qu’elle est belle et vulgaire. À côté de ça tu as dit ne pas croire au bon goût. Comment décèles-tu le beau dans ce que tu fais, ou dans une œuvre en général ? 

H : Pour moi, c’est quand tes poils se dressent et que tu frissonnes. C’est juste ça. C’est important de décontextualiser les trucs, et je peux avoir les poils qui se dressent en écoutant une chanson de Justin Bieber comme en écoutant une chanson de Nessbeal, de Booba, d’Arca, ou en voyant un film. Je pense qu’il faut se concentrer sur l’émotion, sur ce que l’on ressent plutôt que sur les trucs socialement construits : « ça c’est bien, ça ce n’est pas bien »« ça c’est connu, je n’écoute pas », « ça ce n’est pas connu, je m’en fous »… Dans mes goûts, j’essaie de me concentrer sur la façon dont je ressens les trucs, sans faire de classement. Les gens intériorisent vachement des jugements qui n’ont pas de sens, à un moment il faut revenir à « est-ce que tu aimes ou pas, est-ce que ça te procure des émotions ou pas ? » C’est la base des conneries que l’on fait : procurer des émotions aux gens.

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