Hooss : « J’ai toujours préféré le rap marseillais »
Interview

Hooss : « J’ai toujours préféré le rap marseillais »

Hooss s’apprête à sortir sa deuxième mixtape, French Riviera vol.2, et contribue à la nouvelle santé du rap sudiste. Discussion ensoleillée avec un jeune passionné.

Photographie : Koria

Abcdr du Son : L’intitulé French Riviera, que tu as donné à tes deux premières mixtapes, reflète une ambiance sudiste, méditerranéenne, qui se retrouve dans ta musique. Est-ce un élément que tu cultives et qui participe de ton identité de rappeur ? 

Hooss : Pour ce qui est de French Riviera, j’ai juste cherché quelque chose qui me correspondait, qui me ressemblait, sans que ce soit personnel. Ce n’était pas pour parler de moi-même, ou de la zone, mais vraiment pour avoir un truc qui puisse me coller pendant des années comme Autopsie pour Booba ou Capitale du Crime pour La Fouine. Je l’ai juste pensé comme ça.

A : Depuis tes débuts tu évoques régulièrement des lieux de la côte française et plus généralement de toute la Méditerranée, tu as un peu bougé dans le coin?

H : Oui j’ai bougé, déjà j’ai fait toute la côte, puis j’ai fait tout le tour, le Maroc, l’Algérie, je suis allé un peu partout et ça fait partie de mon personnage. C’est quelque chose que j’ai cultivé, si tu regardes bien dans mes clips, on voit Cannes, Saint-Tropez, ces endroits luxueux, je voulais en profiter.

A : En termes d’invités également tu as insisté sur le coté méditerranéen, sur French Riviera vol.1 et vol.2, on ne retrouve que des rappeurs du sud.

H : Là ce n’est pas de ma volonté par contre. Pour French Riviera, SCH et Kamikaz étaient deux rappeurs que j’appréciais, et ils sont de Marseille. Pour le deuxième volume, je voulais principalement Jul, et comme j’avais vraiment kiffé Fello, je me suis dit que c’était bien de le faire croquer. Mais je n’ai rien contre les featurings parisiens parce que j’en ai aussi, qui ne sont pas encore sortis.

A : Le morceau « La zone » avec Jul est votre deuxième collaboration, la première remonte à 2013, et depuis les choses ont bien changé pour chacun d’entre vous. Quel regard portes-tu sur vos évolutions respectives ?

H : Exact, on a fait un son avant qu’il perce, et avant que je buzze. Son évolution je la respecte, il fait partie des exemples à suivre, et j’ai toujours kiffé sa musique. Pour ce qui est de moi je suis assez fier aussi. Quand on a fait le premier featuring, ni lui ni moi n’avions un euro. Et quand on en a refait un là, il y avait eu du changement, trois années ont passé. Il a fait des disques de platine, moi des millions de vues, on était plus à l’aise, on a moins réfléchi, on s’est moins pris la tête.

A : Depuis tes débuts il t’est arrivé de reprendre des gimmicks d’autres rappeurs, tu cites parfois le fameux Jeffrey de Soprano, tu as repris une phrase de Shurik’n, une de Kamikaz entre autres, et là encore, ce ne sont que des artistes marseillais, tu n’écoutes que de ça ? 

H : Non j’ai repris Booba aussi ! [Rires] Mais oui, j’ai écouté beaucoup de rap marseillais. En vrai j’ai écouté trop de rap, tout court, j’ai scié le rap français avant d’en faire moi même. Quand j’étais gamin j’étais un fan, comme les petits qui vont sur le net, qui regardent les interviews des rappeurs en rentrant de l’école, j’étais vraiment comme ça. Par contre j’ai toujours préféré le rap marseillais.

A : Par des images dans tes textes, des références précises à des villes, des rues, des bâtiments, tu fais une sorte de « rap de proximité », en immersion dans les lieux où tu vis, tu le penses comme ça en écrivant ou ça vient naturellement ? 

H : J’écris instinctivement, sans calculer et des fois en réécoutant je me dis que je me répète souvent, que je raconte les mêmes galères… Mais qu’en écoutant tu te sentes chez moi, ça c’est le top. C’est ce que je voulais. Même moi quand j’écoute Jul je me sens chez lui, quand j’écoute SCH j’ai l’impression d’être avec ses collègues. Mais ça c’est le rap d’aujourd’hui, c’est plus accessible. Avant les rappeurs avaient des thèmes, des textes bien précis, aujourd’hui ça ne marche plus trop. Les textes sont plus simples mais c’est la musique qui marche.

A : Ton écriture a aussi quelque chose de presque impudique, sans que ce soit des morceaux entiers mais par moment, tu te livres énormément, sur ton vécu et tes douleurs, par exemple. Tu n’as jamais l’impression de trop te dévoiler ?

H : Si, carrément, quand je réécoute juste les morceaux que j’ai faits avant French Riviera , je me dis des fois que je me suis trop dévoilé, que j’en ai peut être trop dit. Mais après, autour de moi, mes amis me disent que si je ne l’avais pas fait, ça n’aurait pas marché. Il y a un truc, un personnage, qui s’est construit comme ça, mais un personnage trop réel. Je pense que j’ai bien fait de le faire, de parler de ma personne. J’ai vraiment été introspectif depuis le début, et je ne sais faire que ça.

A: Tu sors ta deuxième mixtape consécutive, tu conçois ce format différemment que celui d’un album ? 

H : J’ai appelé ça mixtape parce qu’à la base, mon souhait était de sortir un premier projet à l’échelle nationale. Je l’ai fait avec French Riviera, et après je me suis dit que c’était peut-être un peu tôt pour faire un premier album. Mais en vrai, ce sont des projets que j’ai bossés comme des albums, sauf que je n’ai pas de directeur artistique. C’est pour ça que je les ai appelés mixtapes, ils ont été faits sans l’aide de personne mais je les ai travaillés comme des albums, j’ai passé beaucoup d’heures en studio, on a amené des guitaristes sur des prods. Mais je n’ai pas de réalisateur, j’ai juste Guilty, le beatmaker, qui fait un peu la réalisation de mes sons. Pour l’album je pense que j’aurai un directeur artistique avec qui bosser.

A : Guilty de Katrina Squad, est basé à Toulouse.  Comment procédez-vous pour travailler ensemble? Tu montes tout enregistrer chez lui ?

H : Non, j’enregistre à Marseille, à Toulouse et à Paris de temps en temps, où je vais voir des amis beatmakers, comme Jay Paris et Triple N Beat. Je rends visite aux beatmakers, j’écoute des prods et si je peux faire un son je le fais. Quand je vais à Toulouse, c’est vraiment pour voir Guilty et que l’on fasse les sons à deux, qu’il soit à la réalisation. La connexion avec lui s’est faite via SCH, qui m’avait invité pour « Aniki mon frère » [NDLR : le morceau s’est finalement retrouvé sur French Riviera de Hooss]. Du coup il m’avait fait écouter cette prod avec la cornemuse, et j’ai flashé dessus alors que j’étais en plein dans French Riviera, j’avais déjà dix titres. Je lui ai demandé de me présenter le beatmaker et aujourd’hui je suis tout le temps avec, je fais presque tous mes sons avec Katrina. Ils sont trop chauds.

A: Le volume deux est plus ouvert que le précédent, d’un point de vue musical c’est moins répétitif et tu t’es éloigné un peu de la trap, c’est quelque chose que tu recherchais ? 

H : Oui on l’a imaginé comme ça. Pour le premier volume je sortais vraiment du terter. Bon, ma vie n’a pas énormément changé mais disons que j’étais vraiment dans ce délire, et je rappais tout ce que j’avais à rapper. Et pour préparer le volume deux, en réécoutant le premier je me disais que je n’avais pas fait de sons ouverts, de titres club. J’étais booké mais je n’avais même pas de morceau de booking. Du coup j’ai voulu monter une marche à ce niveau. Pour ce qui est de la trap, j’ai posé sur des instrus trap parce que j’aime ce style, mais il y a des mecs qui sont vraiment forts dans ce domaine, je ne me vois pas comme un bon rappeur trap personnellement. Je me sens comme un rappeur du moment, on me donne une prod comme ça, je pose dessus, tout simplement. Depuis le début j’ai posé sur des prods différentes, j’ai fait plein de trucs et je me vois comme un artiste. Mon souhait n’est pas d’être un grand rappeur, mais un grand artiste.

A: Tu fais partie de ces rappeurs qui se produisent beaucoup en showcases dans les boites, ça se répercute dans ta façon de faire la musique en studio ?

H: Non. Par exemple, « Devant le D 2.0 » que j’avais sorti avant French Riviera, pour moi c’était un son que j’allais faire en club. Et c’est le titre « French Riviera » qui marche le mieux, alors que je ne l’ai même pas sorti comme extrait. Donc pour le coup je n’ai jamais pensé comme ça, c’est simplement qu’aujourd’hui je suis plus mature, je me dis que le quartier c’est bien, mais que j’ai vu d’autres choses depuis, plein de belles choses et donc c’est normal que ce soit un peu plus ouvert.  Mais quand tu fais des millions de vues, t’as du booking de toute façon, alors si tu fais un son club tu en as plus mais je n’ai jamais eu de soucis pour ça donc je ne le vois pas comme ça.

A : Tu as fait énormément de vues, et tu te présentes toi même comme un « buzz ». Ce terme laisse un peu penser que le phénomène ne va durer que quelques mois, tu n’as pas la sensation que c’est dévalorisant ?

H : Non, quand je parle de buzz, je parle des millions de vues, je parle du rap game. Je pense qu’il y a un classement. Qui fait le plus de vues ? Qui en fait le moins ? Et quand je parle de buzz c’est ça. Je n’ai pas fait qu’un clip, aujourd’hui tous mes clips ont fait des millions de vues.

A: Inévitablement tu as été approché par des maisons de disques, tu ne t’en es pas caché. Signer ne t’intéresse pas ? 

H: En fait ça nous a intéressé, mes managers et moi, avant French Riviera vol.2, mais après réflexion, c’est mieux d’être en indé. Je me sens très bien comme ça pour le moment. On fait comme on veut, personne ne m’appelle pour me demander de faire quoi que ce soit. S’il y a une grosse proposition, j’irai sûrement, parce que ce qui me manque aujourd’hui, c’est la radio. Aujourd’hui je reste en indé parce que c’est bien, on est libres, on a de l’argent, mais il me manque la radio. Donc si quelqu’un vient avec un gros contrat, bien sûr que j’irai.

A : Où te vois-tu dans le rap d’ici quelques mois, ou même quelques années ?

H: Ca dépend dans les prochains mois ou dans les prochaines années ? [Rires] Dans les prochains mois j’aimerais bien me voir comme Jul ou Gradur, dans le vrai game, et dans les prochaines années comme Soprano ! C’est pour ça que je te parle d’être artiste, j’aimerais bien faire de la musique.

A: Tu rappes depuis l’enfance, bien avant que tes morceaux sortent tu faisais déjà du rap, tu as appris en autodidacte ou dans le cadre d’ateliers ?

Dans mon quartier il y avait un rappeur, c’était un grand, et mes amis et moi lui avions demandé de nous apprendre en fait. On avait 12, 13 ans, il y avait A2L, Maalba, moi même et deux trois autres encore, et on lui a demandé de nous apprendre à la maison de quartier. Il y avait un rendez-vous par semaine et on faisait des ateliers d’écriture, jusqu’au jour où quelques mois plus tard il a vu que c’était sérieux et il nous a amenés voir des studios de quartier, des petits trucs dans ma ville. On était contents et de là j’ai jamais lâché après, jusqu’à vraiment me lancer en 2014 et décider de ne plus m’arrêter.

A : Fréjus étant une ville FN, est ce que tu t’es déjà senti freiné par la mairie ?

H: En tant que citoyen, non, rien n’a changé dans la ville, il n’y a pas plus de racisme qu’avant, ni moins. Mais en tant qu’artiste oui, ça a changé quelque chose. J’ai été convoqué au commissariat pour un clip. C’est une ville de soixante-mille habitants, je suis assez populaire du coup la police va me chercher des problèmes pour rien. Quand on fait un clip ils le savent, ils viennent et font tout pour arrêter le truc. Vraiment le FN ça m’a bloqué.

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