Grain de Caf’ : « Je suis tout terrain, je pose partout »
Interview

Grain de Caf’ : « Je suis tout terrain, je pose partout »

Abcdr et O.R. Non seulement ça rime, mais en plus c’est indépendant. A l’occasion de la sortie du troisième album du groupe, cela méritait une discussion avec Grain de Caf’. A l’époque de la sortie du maxi Violences, Aspeum l’avait prophétisé : « un rappeur à suivre de très près ». Il faudrait toujours écouter Aspeum.

Abcdr du son : Pour commencer, quel bilan fais-tu du 2ème album, Là où ça fait mal ?

Grain de Caf’ : Avec le recul, je trouve que c’est un album qui a fini de poser la personnalité d’Octobre Rouge, qui a bien fait comprendre aux gens qu’on était totalement différents, vraiment. Je pense que c’était un album très personnel, en le réécoutant trois ans après… C’est vraiment nous, notre cœur, nos entrailles qu’on a mis sur la table. Avec même des morceaux qui maintenant me paraissent presque incompréhensibles pour certaines personnes, genre celui sur les signes astrologiques (‘Les signes’) : il est dingue et quand je le réécoute aujourd’hui je me dis « Waouh ! » [rires], celui-là pour le capter fallait vraiment l’écouter !

Là où ça fait mal a fini de poser l’image d’Octobre Rouge comme quelque chose que tu peux pas « classer » dans le rap français. ‘Mes Potes’ ça a vraiment été un très gros morceau ; j’ai pas rencontré quelqu’un qui m’ait dit qu’il avait pas kiffé, que ça l’avait pas touché, qu’il avait pas bloqué dessus… Du positif, quoi. Au niveau des ventes, on a fait à peu près comme le premier, c’est-à-dire 5.500… donc pas d’explosion, mais on était contents d’avoir gardé notre public.

A : Dans les textes, il y a souvent une deuxième lecture, ou un principe qui guide le morceau et qu’on percute pas forcément à la toute première écoute, comme les sigles sur ‘En V.O.’, ou le monde retourné sur ‘Fréquence interdite’…

G : Souvent on a pas envie d’écrire au premier degré avec un truc que tu comprends directement. On a toujours aimé les double discours ou une double idée dans un texte. ‘Mes Potes’, ça peut être sur l’amitié mais aussi sur le rap… Bien sûr il y a des morceaux « évidents« , mais sur certains c’est vrai qu’il y a plusieurs lectures possibles. Mais c’est ça aussi qui me faisait kiffer dans le rap : d’écouter des trucs et de les comprendre plus tard, de saisir un truc d’Oxmo à la dixième écoute en me disant « Ah d’accord il voulait dire ça… ». C’est ça le rap que j’aime, plutôt que le rap basique, sujet-verbe-complément… Essayer d’aller plus loin, c’est ça qui me fait kiffer, que les gens aient une lecture d’un morceau et puissent en avoir une autre six mois après. Bon, pas tout le temps, il s’agit pas non plus d’être trop « mystique », mais je pense que ça fait du bien d’avoir des morceaux comme ça. Pour les gens curieux au moins.

A : Depuis ce deuxième album, qu’est-ce que tu as écouté en rap français ou américain ?

G : [réfléchit] Depuis le deuxième album… Bon, il y a toujours des trucs dont je suis inconditionnel, comme l’album d’Oxmo. Pour moi Oxmo c’est… et son dernier album j’ai bien aimé. En français il y a des trucs indépendants pas très connus, par exemple j’adore un groupe qui s’appelle Rédemption, qui vient du 19ème, des gars comme Brasco, à l’ancienne, qui ont des plumes bien acérées… Tiens, par exemple un gars comme Nessbeal, j’ai trouvé qu’il avait une écriture intéressante. Autant les sons ça m’a pas trop… autant l’écriture j’ai trouvé qu’elle était sombre mais bien construite, pas un truc misérabiliste qu’on te fait tourner en boucle… Il y a un peu de ça quelque part chez lui, mais c’est tellement bien écrit que je rentre bien dedans.

Et en ricain, en ce moment… Je suis rentré dans le MF Doom. Il m’a fait super plaisir alors que j’avais du mal avant, mais les derniers trucs qu’il a sorti c’est du lourd. Et après… par exemple j’aime bien Lil’ Wayne, pas du tout au niveau de ses textes, mais par contre au niveau de son flow, sa manière de poser est dingue. Diplomats aussi, les Juelz Santana, Cam’Ron, mais encore une fois moins pour le fond que pour la forme. Sinon, un gros album… Ouais, les Ghostface. Quand même, ils tournent en boucle à la maison ! Un peu la scène sudiste, même si je surkiffe pas, il y a des trucs que je trouve intéressants, Slim Thug etc., dans les mix-tapes il y a toujours 3-4 titres pas trop mal. Donc, les Ghostface…

… Et, bizarrement, le Ministère Ämer 95200 dans ma voiture. J’adore cet album, et je le redécouvre tout le temps. J’ai une relation mystique avec cet album. Alors autant, quand tu vois la suite du Ministère Ämer, je suis vraiment pas dedans [rires], c’est pas vraiment mon délire, mais cet album, plus je l’écoute, plus je trouve que c’est lui qui a donné ses fondations au rap actuel. Quand tu regardes l’ancienne vague : NTM, IAM, Assassin, Ministère Ämer… si tu dois dire de qui le rap d’aujourd’hui descend, tu dis : Ministère Ämer. Avec les bons et les mauvais côtés. C’était rebelle, c’était quartier, et en même temps c’était drôle, ils prenaient des risques musicalement : ‘Flirt avec le meurtre’ de Stomy c’est un solo de guitare de quatre minutes et le gars rappe dessus… Des sons improbables… En plus depuis cette époque j’ai eu le temps de parler avec Desh : il faisait des trucs de ouf’, des instrus ricains qu’il faisait tourner à l’envers ! C’était de la piraterie, du ghetto style [rires] ! Et ça tue. Donc ouais : j’ai re-bloqué sur 95200.

A : Pour revenir à O.R., c’est quoi le déclencheur du 3ème album ? Vous posez régulièrement, sur des mix-tapes, etc., mais quand est-ce que vous vous dites : ça y est…

G : Alors là, ça a été super compliqué pour ce troisième album. Il a été conceptualisé différemment, parce que après le deuxième album, on a eu une période de « vide » : il fallait qu’on souffle, tout simplement. On avait été tellement actifs depuis 1999, depuis le premier maxi, à enchaîner les sorties, être présents partout… qu’au début 2005, il y a eu une sorte de vide, et puis on a commencé à bosser sur l’album.

Et toute cette première année où on a bossé, on a jeté l’album qu’on avait fait. Il était pourri, en fait. On a eu une grosse remise en question — pas des « problèmes », je pense qu’on est un groupe assez soudé — mais il a fallu revenir à ce qu’on avait au fond du ventre. Quand j’écoute la maquette du premier album qu’on a voulu sortir, un peu dans la précipitation, c’était pas du Octobre Rouge. Donc on s’est retrouvés devant un choix : soit faire autre chose, qui va peut-être nous propulser dans d’autres sphères, soit faire du O.R. quitte à rester au même niveau, ce qui peut aussi être relou du point du vue artistique. C’est bien d’avoir son public, je kiffe, mais des fois t’aimerais élargir. Au final, la prise de conscience a fait qu’on a fait du O.R.

Je pense que nos albums sont de mieux en mieux… c’est toujours du O.R. dans l’essence, mais je pense beaucoup mieux musicalement, mieux construit ; en tout cas je pense, le public le dira. Mais ça reste du O.R. Et on a failli se perdre… C’est facile en fait : une période de vie, pas de maille… et tu peux te perdre. Et je l’ai fait : écrire des seize de daube, écrits en quatre minutes trente… Mais voilà, il y a eu une prise de conscience, un jour on s’est posé, on a écouté dix morceaux de daube et on a dit : c’est pas possible, on peut pas sortir ça. Il y a un ou deux morceaux qui se sont retrouvés sur la mix-tape en ligne sur Myspace, le reste on a jeté. Et on est contents de notre choix.

A : Un mot sur Colekt’Or ? Dans l’album il y a un morceau dédicacé, où Logan évoque les têtes d’affiche qui se demandent comment vous faites… pourtant, dans ‘Les Potes’, tu parlais des « putes qui sourient quand Colekt’Or jette l’éponge »…

G : Ouais, il y a eu un moment où on a pensé arrêter. La phase dans ‘Les Potes’ c’était (maintenant je le dis, je l’avais caché) par rapport à Donkishot, un pote à moi qu’on avait produit, et on a eu des embrouilles un peu bêtes à l’époque… Et puis on avait des doutes aussi, on se produisait nous, mais aussi des gars autour, donc est-ce qu’il fallait pas mieux se focaliser sur nous, etc., il y avait plein de questions. Aujourd’hui c’est un peu réglé parce qu’on produit rien à côté ; on a moins le temps, moins l’envie. Ça a été une période de doutes, comme ceux liés à notre rap… C’est pour ça qu’on a voulu dédier un morceau à notre label sur cet album (‘Colekt’Or’).

C’est un peu le guide économique du rap indépendant… La débrouillardise… Après, par rapport à 99,9% des rappeurs qui sont dans l’indépendant, nous on l’est pas par dépit. C’est une chose claire qu’il faut dire tout de suite. On a toujours eu cette ambition d’être certes des rappeurs « reconnus », mais aussi de pouvoir monter une structure derrière qui tienne le coup, qui soit à nous et qui sorte nos trucs. Ça nous a toujours tenu à cœur. A force de se structurer dans l’indépendant, on a appris à faire certaines choses que plein de rappeurs ne savent pas faire, soit parce qu’ils ont été entourés, soit parce qu’ils se sont jamais vraiment pris la tête là-dessus. Donc autant il y a des trucs où on n’existe pas parce qu’il y a pas de thunes, on sera pas dans des émissions mainstream, autant notre expérience fait que par exemple on sait faire des clips : on en a fait treize et on sait les passer à la télé. C’est par rapport à ça que Logan fait cette phase. Quand tu as des potes signés en major qui t’appellent pour te demander comment on fait pour passer le clip sur M6… C’est des situations un peu bizarres ! Il y a un moment où tu dois faire toi-même du relationnel, prendre des rendez-vous, y aller, etc. Ce qui fait qu’avec cette expérience, il y a des rappeurs « reconnus » qui viennent nous voir, pour les clips notamment…

A : Quel est le clip que tu préfères pour l’instant, d’ailleurs ?

G : [réfléchit] De l’avis général, les gens vont dire : ‘Les Potes’. Et ‘En V.O. 2’.

A : Ah bon ? Personnellement, c’est clairement ‘Nuits blanches’…

G : Eh bien ça fait plaisir que tu me dises ça ! Et il y a une petite histoire par rapport à ce clip. C’est un pote, Alex Wise, un graphiste super reconnu – il a fait les premières pochettes du Ministère Ämer, de Time Bomb, d’Oxmo, des clips de Rocé, des logos de Ethnies, bref un graphiste de dingue…

Un soir il m’appelle, j’étais chez Logan, il nous dit : « Je viens de tourner une pub avec une caméra et une salle prévues pour 3 jours, on a bouclé en 2. Si vous êtes chauds, je vous fais votre clip demain en studio« . A 19h il nous dit ça, à 20h on choisit le son chez DJ Manifest, à 23h on avait écrit le texte. Le lendemain à 8h on tourne. Et si tu regardes bien le clip, tu vas remarquer qu’on est toujours comme ça [il penche la tête sur le côté, comme pour lire discrètement] parce qu’on connaît pas le texte ! [rires] On avait même pas le son ! On avait juste récupéré le BPM, le gars le tapait sur ordinateur, on entendait juste les temps ! C’est pour la petite histoire. ‘Nuits blanches’, j’adore ce clip, les couleurs… Après, les gens citent plutôt ‘Les Potes’ qui a été plus matraqué, et ‘En V.O. 2’ pour l’aspect technique, en 3D… Même moi, quand je le revois, j’hallucine.

« Moi ça me fait chier ces albums concepts où les mecs sont dans la même ambiance du premier au dernier titre. »

A : Votez pour nous est très diversifié sur tous les plans. Est-ce que vous avez trouvé rapidement le titre, pour servir de fil rouge, ou bien est-ce que vous y êtes allés au feeling et seulement ensuite…

G : Ouais, ça c’est passé un peu comme ça. En fait, le titre Votez pour nous est super problématique. Ça a été le morceau-débat. J’ai l’impression que c’est le morceau le plus éloigné de l’esprit Octobre Rouge. En tant qu’auditeur, t’aurais pas pensé qu’on puisse faire un morceau comme ça. Moi, je m’étais dit : si on fait un truc sur la politique ou sur l’idée Votez pour nous, ça aurait été un truc vachement technique… Là, c’est pas vraiment « politique« , il y a des expressions politiques dedans mais… En fait, Votez pour nous, c’était pour dire : la prochaine génération qui prendra les rênes, ce sera la nôtre. Et qu’à un moment, il fallait pas se désintéresser de la politique. On s’est retrouvé avec un morceau un peu hybride… et en même temps, c’était le plus général, celui qui pouvait s’adresser au plus de monde possible. Bon, et puis je vais te faire la phase marketing, il y a aussi les élections en ce moment… On s’est dit : pourquoi pas.

C’est bizarre que le morceau pour lequel on s’est demandé si on le gardait ou pas pour l’album a fini comme titre… Mais ses faiblesses ont fait ses forces. On a jamais fait un titre comme ça, en même temps on le trouvait ouvert, dans l’air du temps… Et puis on se demandait autour de quoi d’autre on pouvait axer l’album. Beaucoup de gens nous ont dit : Votez pour nous, c’est bizarre pour vous. Je sais pas si c’est « bizarre », mais c’est vrai que « résumer » les 14 titres par ça, c’est pas ce qu’on pensait faire au départ, c’est vrai. Mais il y a pas de théorie comme quoi c’est le titre phare de l’album qui doit servir de titre… 24/7 et Là où ça fait mal c’est pas des titres de morceaux… Votez pour nous c’était le titre le plus « général », voilà.

A : Et l’image de la pochette est venue après ?

G : En fait, on voulait aller vers plus de simplicité pour celui-là, on voulait un graphisme… pas « choc »… mais un album où déjà, peut-être par réaction au deuxième, on voit nos têtes. Et puis, quelque chose qui touche les gens. Et ça résume un peu tout : révolution, Octobre Rouge, l’Assemblée nationale, les élections, le canon… Quelque part, tout est représenté dans cette image. Mais je l’aime bien y compris sans arrière-pensée. En tout cas l’image est venue après, ça venait pas d’un truc pré-conçu « politique ». On se prend vraiment la tête sur l’artistique, donc aussi sur la pochette, mais souvent ça vient simplement comme ça : Octobre Rouge/sous-marin pour le premier, Logan qui commence à faire des maquettes pour le deuxième… On a fait un truc qui nous plaisait sans forcément mettre plein de « sens » dedans.

A : Niveau rap, votre défi, c’est d’essayer de rapper sur les instrus les plus différents possibles ? Plus encore que dans l’album précédent, aucun morceau ne ressemble à un autre, surtout à la suite.

G : Exactement. On voulait faire un ensemble comme ça, un ensemble un peu choquant où tu aies pas le temps de t’habituer, où à chaque morceau tu changes d’ambiance tout le temps. Même pas construire un album avec trois morceaux dans la même ambiance, puis trois autres… On a pas du tout fait ça. C’est une nouvelle technique : on s’est demandé ce qui pouvait le plus traumatiser l’auditeur ; eh bien c’était de pas faire un truc continu. Ça passe de 90 BPM à 130, d’un sujet où ça chiale à… ouais, la DS ! [rires] Moi ça me fait chier ces albums concepts où les mecs sont dans la même ambiance du premier au dernier titre… Merde, on est des êtres humains, dans une journée je rigole, je pleure, je suis sérieux, je déconne, donc pareil pour mon écriture. On rentre pas dans un délire… Je vais pas faire du rap caillera, ou du rap triste, ou du rap de clown… Non, je vais faire du rap qui me correspond : des titres marrants, d’autres sérieux… On veut que la palette la plus large de nous-mêmes puisse être exposée au public, en se cachant de moins en moins.

C’est ça la difficulté artistique pour nous : de faire le truc le plus vrai possible. Donc ça donne des morceaux comme ‘Accordés’, où j’aurais jamais crû que j’allais rapper un morceau comme ça un jour, et pourtant je le kiffe aujourd’hui. Personnellement, ‘Accordés’ et ‘Votez pour nous’ c’étaient mes deux problèmes dans l’album. Je me disais : c’est futile de faire un morceau sur la sape. Mais on est aussi comme ça ! [rires] On est avec Voodoo, on se vanne… donc pourquoi pas ? D’ailleurs le morceau est né comme ça, d’une session de vannes, à un moment Voodoo a trouvé une rime et c’est parti comme ça ! Quelquefois c’est les meilleurs morceaux qui se font comme ça, t’es tellement emballé que ton seize est déjà dans ta tête. ‘Week-end à Meda’ c’est né comme ça, ‘DS’… On dit que c’est notre morceau « tuning » : on kiffe la DS, pourquoi pas en faire un morceau ? Parce que c’est pas à la mode chez les jeunes ? Fuck ! Et puis ça me fait marrer de faire un truc sur une voiture des années 60 mais super moderne…

A : Techniquement, c’est un des morceaux les moins faciles à rapper ?

G : C’est dingue mais non. Après ça dépend de la façon dont tu ressens le beat… Moi ce morceau… Euh, non en fait ce que tu dis c’est vrai, excuse-moi. Je m’emballe, j’allais commencer à me vanter, mais je me rappelle qu’au début quand j’ai commencé à écrire dessus j’étais un peu en panique ! [rires] Après je me suis habitué et ça glisse, mais c’est vrai qu’il est difficile. J’ai pas eu beaucoup de mal à l’écrire, mais à le poser bien pour que ça glisse, je me suis pris la tête dessus. Ce genre de beats, comme ‘Fréquence interdite’…

… En fait, on a fait des concerts au Ghana il y a deux ans, une histoire de dingue. On devait faire trois concerts là-bas, l’Alliance Française nous avait choisi, on fait des ateliers de rap… Et il y a quelqu’un qui nous saoule partout, genre j’ai un petit qui fait des beats de ouf’… Un jour on sort d’une radio, il nous attend avec une caisse et il met un son à fond, celui de ‘Fréquence interdite’. Traumatisme. Je le croyais pas : t’es sûr que c’est toi ? On monte dans sa caisse, on va dans le ghetto d’Accra, dans une case avec dix mecs autour pour surveiller le matos, et là il y a un petit de 18 ans… Des beats de malade. Il y a en a deux qu’on a retravaillé avec D.Ego pour arranger certains trucs. Mais ‘Fréquence interdite’ : un tiers ragga, un tiers arabe, un tiers électro… tu rajoutes à ça une ambiance un peu tribale… Ça me fait plaisir d’avoir des sons comme ça, parce que tu peux les rapprocher de pas mal de tendances, et pourtant tu sais pas d’où ça vient, dire que c’est telle influence… Ça vient du gouffre.

A : D’ailleurs, comment ça s’est passé pour les producteurs ? Voodoo produit environ la moitié de l’album, avec des sons très différents, Manifest ne fait qu’une prod’, J.C. qui avait produit des morceaux avant n’est pas dessus…

G : Pour être super franc – parce que là je suis en mode « franc » [rires] – Voodoo dans la période de doute dont je parlais, ça a été notre élément moteur, c’est lui qui nous a tiré. C’est pas forcément lui que tu vois le plus dans O.R., mais c’est lui qui sentait qu’on se perdait, qui nous appelait pour dire qu’il avait fait un nouveau beat, qu’il avait posé son seize dessus… C’est aussi pour ça qu’il est plus présent que sur les albums précédents. C’est lui qui nous a remis d’aplomb. On peut partir dans plein de directions mais c’est lui qui sert de colonne vertébrale, qui façonne la base du son, il a une signature qu’on kiffe vraiment, soul et en même temps moderne, il a une « patte ». Manifest a moins produit, on trouvait peut-être moins de vibes dans ce qu’il nous proposait, mais sa prod’ je la trouve dingue. Pour J.C., on kiffe mais on n’était pas sûrs de vouloir ce type de vibes pour le troisième album, c’est juste ça. Il a un son vraiment personnel…

En fait, on voulait réussir le pari de faire du O.R. plus « large » au niveau du public tout en restant vraiment nous-mêmes. Pour les MC, ça voulait dire élargir le discours en gardant sa spécificité, mais c’était surtout un problème de producteurs. Qu’on le veuille ou non, la grande majorité des gens écoutent surtout la musique plutôt que ce que tu dis. Donc on voulait peut-être des sons qui soient toujours « spécifiques », mais moins « personnels », tu vois ce que je veux dire ? Par exemple, la prod’ de ‘Les signes’, je la kiffe c’est clair, mais pour les gens c’est un peu trop personnel. Donc c’est un pari très difficile : être plus large en restant soi-même. Faut pas se perdre – nous on s’est perdus pendant un an donc je sais ce que c’est – et en même temps essayer d’être plus compréhensible.

A : Tu disais que les morceaux étaient construits en discontinu, vous avez bien réfléchi à l’ordre des morceaux ?

G : Ouais, on a eu des discussions, toujours pour garder cet aspect « punch ». C’est super important l’ordre dans un album. Avec le recul, pour moi, les deux premiers albums, on les a mal ordonnés. Ils sont bons, mais on aurait pu les ordonner différemment et ça aurait donné une approche différente du groupe. Après il y a le coté marketing, les mecs qui écoutent à la FNAC juste les quatre premiers titres, donc tu as intérêt à bien les choisir, mais sinon ça joue sur toute l’ambiance de l’album. Là on s’est beaucoup plus pris la tête que sur les deux premiers.

A : Le premier vrai single (sans compter ‘Hydro’), ‘J’quitte le tié-car’…

G : Non, le premier vrai single, c’est ‘Accordés’. Le clip arrive la semaine prochaine, et il va être violent au niveau de la diffusion télé. ‘J’quitte le tié-car’ arrive en deuxième, même si c’est le premier clip qu’on a tourné. Pour la première fois, avec ‘Accordés’, on a fait un clip mainstream : studio blanc et grosses lumières, avec toujours des clins d’œil à la Octobre Rouge. Et ‘J’quitte le tié-car’, c’est aussi une nouveauté dans le sens où c’est presque un petit film, avec une sorte d’action policière, une histoire, un grain qui fait film… Donc, deux nouvelles expériences au niveau des clips.

Pareil, pour la sélection du single… On essaie de se professionnaliser toujours plus, d’être toujours plus précis, mais la sélection su single c’est terrible pour nous, parce qu’on est jamais d’accord. Les deux premières fois, on a essayé de régler l’histoire en disant : pas de singles, on propose cinq titres ! Là on a essayé d’être plus carré. On a beaucoup demandé autour de nous. Avant on estimait qu’à nous quatre ça devait suffire ; cette fois on a essayé d’avoir un retour extérieur. Et je me suis pris une autre claque en voyant que tout le monde disait : ‘Accordés’ mon vieux, c’est ça qu’il faut ! [rires]

A : Avec le petit scratch du ‘Step in the Arena’ de Gangstarr sur le refrain…

G : Ouais, exactement ! La référence à ‘Step up’ qu’on a transformé en « c’que j’porte« . Ça c’est vraiment un bon délire, j’ai kiffé de faire cette référence, ça fait plaisir quand les gens captent le clin d’œil… Il y a un côté confrérie : tu sais d’où ça vient ou tu sais pas. Et 75% ou 80% des gens qui écoutent du rap aujourd’hui en France, tu leur fait écouter ça, ils vont te demander : c’est quoi ? Et certains n’ont même pas entendu parler de Gang Starr. On commence à avoir les premières générations qui connaissent pas Biggie. 2Pac, bon, c’est l’emblème, même si t’as six ans tu connais Tupac ! Mais maintenant il y a des gars qui connaissent pas Biggie, chose qui nous paraît dingue. Et puis pour Gang Starr et Guru, Logan est fan numéro un… Nous on vient de là : Gang Starr, Smif N’ Wessun… Même si on écoutait du rap bien avant cette période, c’est des groupes qui nous ont marqués. Smif N’ Wessun c’est un gros traumatisme pour O.R. : si tu veux chercher une influence – mais une influence digérée, on a jamais fait du copier/coller – c’est eux. Des putains de flows, des beats lourds, des voix qui vont dans tous les sens…

A : Chez vous, Voodoo est rappeur et producteur ; Logan et toi ça ne vous a jamais incité à tâter aussi l’aspect production ?

G : C’est bizarre mais non. Moi, c’est pas que je m’y suis jamais intéressé – il y a une dizaine de morceaux d’O.R. où j’ai pu ramener un sample, par exemple ‘Week-end à Meda’ j’ai pas mal contribué à le construire avec J.C. – mais je veux pas, parce que pour produire bien, ça prend du temps. Je me prends déjà la tête sur mes textes, pour faire des trucs de qualité, ça prend déjà plein de temps, et j’ai pas la patience d’attendre dix ans pour faire des putains de beats. Je respecte trop les producteurs pour dire : j’achète mon sampler et trois mois après je fais des sons. Non. C’est des journées et des nuits devant ton sampler, si c’est pour qu’il prenne la poussière et juste faire un truc pourri de temps en temps…

« Je respecte trop les producteurs pour dire : j’achète mon sampler et trois mois après je fais des sons. »

A : Tu parlais du public tout à l’heure… Quand vous aviez fait les premières parties de grosses têtes d’affiches américaines, vous étiez assez critique envers le public parisien. Par rapport à vos derniers shows au Batofar, tu as senti une évolution ? De manière générale, quels sont les retours là-dessus ?

G : J’ai senti un changement dans le sens où… Bon, ce que je dis souvent, c’est que jusqu’à présent, on a peut-être pas été le plus gros groupe de rap français, mais je pense qu’on a « posé une brique » dans le rap français, un style, et qu’on peut pas nous enlever ça. Et avec le temps, les gens le reconnaissent, ils rentrent de plus en plus dans le truc. En plus, l’ambiance du Batofar, c’est un peu « connaisseurs », quand tu y vas tu as envie d’écouter du hip-hop. Donc ils reconnaissent qu’on a suivi notre voie, et que tu aimes ou pas, tu peux pas la rapprocher d’une autre.

Je pense aussi que les gens qui sont vraiment dans le truc ont pris conscience que c’est en boycottant des groupes comme nous que tu tues le rap. Je veux pas être prétentieux en disant ça, vraiment pas. Mais si tu donnes pas de force à des groupes comme nous, ça tend à faire du rap qui se mord la queue, des photocopies… C’est pas du dédain, des bons MC il y en a toujours eu, mais comme le nombre augmente, il y en a de plus en plus qui font n’importe quoi. C’est sûrement pas positif pour le rap ; et encore une fois, c’est pas de la prétention. Et puis, les gens grandissent, et nos délires à nous ne sont pas infantiles. On essaie pas de ramasser un public de quatorze ans. Donc il y a une reconnaissance de l’underground de plus en plus générale.

Après, il y a le reste au-dessus… Moi j’ai toujours été content d’avoir notre public, des gens qui nous suivent etc., après il faut pas se mentir, c’est économique. Tu fais du son et t’adores ça, tu voudrais y consacrer plus de temps, mais pour ça il faudrait que tu gagnes plus de thunes… L’équation est aussi simple que ça.

A : Quels sont vos projets annexes ? Tu as par exemple posé sur la compilation Underground Résistance…

G : Ouais, on continue toujours à poser, à faire des featurings. J’ai posé un gros truc pour DJ Sayem, un DJ électro, l’album va être lourd. La Caution aussi a posé sur un autre morceau. J’ai aussi posé avec AMS Crew sur ‘Kromicid’, produit par DJ Kodh… Au niveau des feats, à partir du moment où tu m’appelles parce que tu m’aimes bien, je m’en fous d’aller poser sur un projet sur-ghetto/sur-caillera, ou au contraire sur dans un projet sur-spé/pointu…

Je kiffe un truc, c’est qu’on est peut-être le seul groupe français qui peut faire un truc avec TTC ou La Caution, et de l’autre côté avec Alibi Montana ou Larsen… et les gens se posent pas de questions. Je trouve que c’est une position super privilégiée. On peut être dans des trucs opposés, mais les gens savent qu’on a une personnalité musicale qui fait qu’on a rien à prouver. Et sur un truc ghetto, je reste Grain De Caf, je vais pas me sur-racailler, ou au contraire te parler d’huile de Toscane parce que je pose avec Tido de TTC. Je suis tout terrain, je pose partout. Là j’ai posé avec D Furail, Logan a posé sur l’album de Daddy Lord C…

A : … Daddy Lord C qui est d’ailleurs scratché à la fin de ‘J’quitte le tié-car’…

G : Ouais, il est dans le clip en plus ! En tout cas, cette position privilégiée qu’a O.R., j’ai envie de la garder. On n’a pas de « concept » : c’est du naturel. Et ça fait son chemin auprès des gens. Au bout d’un moment c’est la musique qui parle, et que tu aimes ou pas notre truc, je pense qu’il y a de la musicalité, que ça se sent qu’on fait du rap parce qu’on aime ça.

A : De la musicalité et de la technique aussi, non ? Le rapport s’est inversé et les têtes d’affiches aujourd’hui sont davantage les producteurs… Ce qui fait que le rap proprement dit…

G : Ouais, les flows, c’est quelque chose qui se perd. Et ça se perd parce que l’oreille de l’auditeur est moins exigeante à ce niveau là. Avant, il fallait vraiment que tu imprimes ta marque de fabrique sur ton rap. Aujourd’hui, les mecs rappent simplement en rythme, bla-bla-bla… Mais ça, au bout d’une semaine d’entraînement, tout le monde peut le faire. Maintenant, quelle est ta personnalité dans ton rap ? Le public étant moins exigeant, les rappeurs se cassent moins les couilles là-dessus ; pareil pour les samples, éviter de reprendre un sample trop grillé…

De toute façon, j’y reviens, mais nous on veut faire du rap pour exister artistiquement, or il y a plein de gars qui veulent en faire pour bouffer, point. Donc si tu veux pas faire du rap pour faire de la bonne musique mais juste pour bouffer, et qu’en plus, t’es tellement inorganisé et loin des réalités du business musical que tu fais pas de blé, alors t’es là pour quoi ? Tu te fais pas plaisir, tu fais pas plaisir à l’auditeur, et tu te fais pas de maille. Il y a de plus en plus ça, et c’est chiant. En même temps je m’en plains pas, parce que je me dis que ça fait de la place aux gars comme nous qui essayons de se prendre la tête, mais ça me fait chier, quand t’as passé la moitié de ta vie sur le rap et que t’espérais que ça prenne une autre direction…

J’ai un bon pote, Mode 2, lui c’est un extrémiste du rap… Quand tu penses à un mec comme ça qui a posé les bases du graffiti : il est instruit, il s’éduque tout le temps culturellement pour alimenter sa perception de l’art et faire quelque chose de mortel… Quand tu penses à l’époque du rap style Native Tongues, où on pouvait presque pas faire de rap sans avoir un livre à côté, faire des théories de dingues… Donc passer de ça à la plupart des trucs d’aujourd’hui… Je pense qu’on aurait pu faire mieux [rires] ! Essayer de tirer les choses vers le haut plutôt que vers le bas, quoi. Je pense qu’avant, le rap essayait de tirer vers le haut une jeunesse pour la sortir des pièges liés à la rue ; aujourd’hui il a tendance à te ramener vers le bas et te mettre le nez encore plus dans la merde d’où tu viens. Il y a moins d’évasion, moins d’histoires, de storytellers, moins de Slick Rick, d’Oxmo, des mecs qui te font découvrir autre chose. Regarde l’époque Time Bomb : c’était « rue », mais c’était tellement bien amené et plus intéressant… Alors que quelqu’un qui va me dire sa réalité froidement, comme ça, sans même une métaphore… Ce que tu me racontes, je le vois. J’ai plutôt envie de m’évader…

A : Le rap véhicule des clichés pas plus brillants que ceux du rock qui nous faisaient fuir il y a quinze ans…

G : Ouais, exactement, le cliché du groupe de rock en fuseau bleu électrique… Je serais aujourd’hui un petit de 10-13 ans, j’aurais exactement la même impression en regardant des chaînes comme ‘zik, je me dirais vraiment : stop, j’envie de voir autre chose. Je pense – et quelque part c’est normal, la culture a grandi – qu’on a perdu le côté rebelle du rap. Le rap n’est plus rebelle. Faut comprendre ça. Et c’est facile pour des ados qui arrivent dans le rap aujourd’hui, mais c’est super difficile pour quelqu’un de 29 ans comme moi. Quand on a découvert le rap, c’était une culture vachement restreinte ; aujourd’hui, c’est la culture dominante, mainstream. C’est tout un truc à réapprendre. J’ai vu des gens qui à Noël achètent l’album de Rohff pour leur enfant de quatre ans, qui connaît ‘La Puissance’ du début à la fin… C’est clair qu’à douze ans, pour le petit, Rohff ça sera notre Chantal Goya à nous ! On en est là aujourd’hui. Je vois les gamins dans le 19ème… Le rap c’est plus la musique de rebelles du quartier défavorisé ou des marginaux en milieu urbain : c’est la musique qu’on te donne, qui est dans les publicités… Quand deux bouffons font un truc ils vont le faire direct genre rap… C’est la culture donnée, pré-mâchée.

Attention, je te dis pas que cette culture est en train de disparaître. Je pense que c’est un creux. Le rap vit le même gouffre que le rock a vécu pendant dix ans, et qui revient parce que les mecs renouent avec les années 60-70, essaient de reprendre le truc à l’origine. Pour le rap c’est pareil, jusqu’à ce que revienne ce côté novateur, frais, rebelle, et surtout intellectuel. Pour moi Time Bomb c’est des « intellectuels » du rap, tu vois ce que je veux dire ? C’est la science de la rime : Ill, Hi-Fi, Booba, Oxmo… Les freestyles qui s’enchaînaient à l’époque… C’était fort et en même temps ça t’apportait des mots, des structures… chose qu’on a plus aujourd’hui.A : Ceci dit, « Votez pour nous » est loin d’en faire des tonnes dans le discours dit « conscient »…

G : J’observe tout ce qui se passe autour de nous, j’essaie de me nourrir de ce que je vois et de ma propre expérience, et je me sentirais égoïste, « limité » d’aller seulement sur un sujet, même s’il m’a traumatisé : quinze titres sur la rue, ou sur les meufs… Non, moi je veux que mon rap reflète toute la palette d’émotions de l’être humain, et qu’il la reflète bien. Dans le fond, c’est cracher nos sentiments le plus naturellement possible, et dans la mise en forme, essayer de faire un truc chan-mé, qui change vraiment, pas un truc bateau. Attaquer un sujet qui l’a peut-être été vingt mille fois, mais avec un angle différent, pour donner une autre vision. Je pense que O.R. c’est ça, allier du naturel avec de la « prise de tête ».

A : Que penses-tu de l’évolution de Paname ces dernières années ?

G : Déjà, en tant qu’automobiliste, c’est la merde ! [rires] Bon, en ce qui concerne les quartiers dont on est issus, le 19ème profond dont je parlais, le 18ème… C’est en train de « reculer ». Je veux dire que Paris est en train de devenir une ville tout ce qu’il y a de plus propre, de plus sécurisé, de plus ordonné. Et on recule les problèmes des quartiers populaires en banlieue. Donc c’est une ville de plus en plus policée, et en même temps que j’aime de plus en plus, aussi. Je sors plus de chez moi, de mes habitudes de quartier… Je « louvoie » plus : je trouve qu’il y a un côté authentique de Paris qui se perd, mais je m’y adapte, je découvre des nouveaux trucs…

A : Bon, on y arrive : Votez pour nous… Comment tu sens l’ambiance électorale ? Tu as suivi un peu certaines mobilisations de rappeurs très ambiguës, sur le mode : plutôt Sarkozy que Le Pen…

G : Ah les élections, là, c’est chaud… Bon. Je pense qu’à travers les différents plans, Gynéco, Rost, etc., encore une fois on passe pour des cons. Ce qui me fait marrer, c’est que le rap est devenu tellement gros, tellement mainstream, que les politiques se sentent obligés d’avoir un rappeur dans leur liste de soutiens, c’est assez drôle. En même temps, vu que ça leur pète à la gueule, ça leur montre que c’est quand même encore un terrain dangereux ! [rires]

Pour les élections elles-mêmes, je pense qu’on va avoir une surprise. Il y a eu celle du 21 avril 2002, là il va y avoir celle de 2007, et à mon avis elle va être énorme. Je pense que les électorats se sont renversés. Les gens seraient surpris de savoir ce que les habitants des cités votent. C’est ça qui à mon avis va changer la donne. Pour moi, les cités sont clairement à droite, en ce moment. Et ça, la gauche l’a pas vu venir. Je vois de plus en plus de vieux immigrés de 50-60 ans qui votent Le Pen parce qu’ils n’arrivent pas à obtenir de logements alors qu’ils taffent depuis toujours, et qui reportent eux-mêmes la faute sur les nouveaux immigrants… On arrive dans des trucs super graves. Je pense en tout cas que c’est la droite qui va passer, c’est clair et net, j’ai pas besoin d’être un organisme de sondages pour dire que Ségolène on la verra pas au second tour, ensuite ça devrait se jouer entre l’UDF et l’UMP, l’un des deux..

D’ailleurs c’est marrant, on a toujours dit que par définition, les rappeurs devraient être à gauche. Alors que… Même quand je vois ma vie, personnellement, je me dis : attends, je suis un mec de droite, tu vois ? Par exemple, je suis resté plusieurs années sans taffer, il m’est pas venu à l’esprit une seconde d’aller chercher mes Assedics… Je me suis débrouillé… Mais vu comme je raisonne, je me dis que je suis un mec de droite. Je pense franchement que le rap est de droite, enfin le rappeur de base l’est.

A : Je me dis à la fois que le rap français était plus politisé au début, mais qu’il ne faisait pas référence à la gauche et à la droite, alors que maintenant on s’y met : un morceau du prochain IAM s’intitule ‘Rap de droite’…

G : Ah ouais, carrément ?

A : Ouais… visiblement avec l’idée de tout à l’heure : le rap comme musique rebelle, c’est anachronique…

G : Et puis il y a toujours eu ce rapport « de droite » du rap à l’argent… Bon, après : « je veux de l’argent, je suis de droite » et « j’aime la paix, je suis de gauche« , ça va, quoi. Mais pour moi c’est évident, au niveau des aspirations, du fait de s’en sortir par soi-même… Et en même, « droite » et « gauche » aujourd’hui ça veut plus rien dire, quand tu les entends parler… Pour moi, en 2007, c’est une distinction à la con. En tout cas, pour les élections, on va vers une surprise, à droite, même un peu extrême. Et après, pour les cinq ans qui viennent, on verra bien…

A : Finissons sur l’album…

G : Artistiquement, on en est doublement contents. Mais je pars pas, comme pour les deux premiers, en me disant : c’est de la balle. Ça a été plus dur, on n’était pas rassurés, c’est né dans la douleur… mais plus je l’écoute, plus j’en suis content, et ça c’est mortel. Tu fais des trucs et t’y crois, mais parfois t’es pas sûr, et puis d’habitude c’est l’effet contraire : tu écoutes ton couplet pour la quarantième fois et tu vois les défauts. Là, plus ça va, plus je suis emballé à l’écoute. Sans prétention, je trouve qu’artistiquement, on passe encore à un autre niveau. Si tu fais une analyse textes/flows/sons/originalité, je pense qu’Octobre Rouge est dans le panier du haut dans le rap français ; je parle pas en termes de ventes mais bien artistiquement parlant. On met une barre un peu plus haut et ça fait plaisir. Je trouve que l’album est frais, que les 14 titres « passent bien« .

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