DJ Stresh, étape par étape
Interview

DJ Stresh, étape par étape

Du disquaire T-Maxx aux championnats de deejaying en passant par la scène avec Youssoupha ou les soirées montées par son crew Hello Panam, DJ Stresh accomplit depuis quinze ans tous les exercices propres au deejaying. Retour sur le parcours d’un DJ qui s’est construit étape par étape.

et Photos : Photoctet

À la fin des années quatre-vingt dix, tout en visionnant des vidéos des DMC internationaux et les premières VHS Turntable TV, de nombreux DJs répètent dans leur chambre des figures telles que le flare ou le pass-pass. Ils sont beaucoup à redoubler d’efforts, multipliant les heures d’entraînement et à être doués, très doués.

L’un d’entre eux vit à Cergy. Il s’appelle DJ Stresh. Ses platines rythment sa vie. Il répète ses gestes avec l’acharnement du perfectionniste. Dans sa tête, il est hors de question de concourir dans une quelconque compétition si ce n’est pas pour tout gagner. Il scratchera ailleurs que chez lui seulement lorsqu’il s’estimera être à la hauteur du Double H DJ Crew, puis des Netik, Troubl’ et consorts. Il l’a décidé. Pourquoi ? Parce qu’il n’imagine pas perdre. Alors en attendant, il reste dans sa chambre du Val d’Oise, dans cette ville qui est l’une des terres du rap francilien. Ses rares sorties de DJ ? Les salons de deejaying et les disquaires spécialisés, notamment de Châtelet.

À force de l’y voir arpenter les rayons, Inov, gérant de la boutique T-Maxx et également DJ, décide de l’embaucher. Stresh arrive sur ses vingt-ans et commence à passer sa journée au milieu des bacs. Ses clients ? Des passionnés, mais aussi des DJs, évidemment. Ses fournisseurs ? Des rappeurs en devenir, des patrons de labels indépendants, et une nouvelle fois des DJs, évidemment. Sans s’en rendre compte, Stresh est sorti de sa chambre. À partir de là, il enchaîne les rencontres. Et en un peu plus de dix ans, il visitera toutes les disciplines du deejaying, procédant étape par étape. Des scènes avec Youssoupha jusqu’à son titre national lors des récents championnats Red Bull Thre3style en passant par les productions pour Ali , il le raconte dans cet entretien.

Les débuts Cergy, DMC et maison de quartier.

Je viens de Cergy. J’y suis toujours d’ailleurs. C’est une ville très marquée par le rap, avec beaucoup de talents. Il y a ici un vrai vivier, des gens comme Diable Rouge, Francko (Doc.k) de La Brigade, Youssoupha, Jack.S, mais également beaucoup de très bons danseurs : Yaman, Physs, Gator, Sharxx, Kefton… Cergy est une ville où le hip-hop est un peu comme une petite famille et je suis fier de ça. Le hip-hop faisait déjà partie de ma culture et vu qu’une partie de la ville baigne dedans, c’était évident d’être à fond. Un de mes amis avait son grand frère qui était DJ. Il me parlait tout le temps de lui. C’est comme ça que j’ai pris le virus du deejaying, en voyant ce grand frère. Rapidement, je me suis retrouvé dans la maison de quartier pour apprendre à mixer et scratcher. C’était avec DJ Authentik que j’apprenais. C’était très axé turntablism. On est en 1998 et c’est l’époque où la scratch music explose, où tout le monde veut faire des flares, scratcher à trois doigts. Le DMC France remplit des salles, ça ira jusqu’à l’Elysée Montmartre. Il y avait plein de salons où tous les DJs se pointaient, le Siel, Mixmove. DMC France avait son magasin où tu pouvais prendre des cours, avec DJ Hitch notamment que j’ai côtoyé. C’est dans ce contexte que je me suis à mixer et scratcher, cette époque où tout le monde bouffe du Q-bert, regarde les vidéos de Turntable TV, écoute la mixtape Skratch Radio et bloque sur Wave Twisters.

De mon côté, je ne scratchais que dans ma chambre. Comme un énervé, mais dans ma chambre. C’était aussi le lot de pas mal de DJs de l’époque. Quand tu allais au Siel ou au Mixmove, des mecs sortis de nulle-part faisaient des démos. C’était des gars qui sortaient une fois par an de leur chambre et qui avaient un niveau incroyable, avant de repartir comme ils étaient venus. On n’entendait plus jamais reparler d’eux. [Rires] Et à côté tu avais évidemment les compétitions, mais je n’ai jamais voulu sauter le pas. Je ne me sentais pas prêt. En fait, je n’envisageais pas de perdre, de ne pas être le meilleur. A cette époque, il faut dire que le niveau était incroyable. Alors je restais chez moi et je scratchais. C’est par ma scolarité que j’ai commencé à doucement m’ouvrir. J’étais en Bac Pro et qui dit Bac Pro dit alternance. Je cherchais du boulot et j’ai voulu travailler autour de ma passion. En 2001, j’ai d’abord bossé chez Backstage [Magasin parisien de location de matériel sono, NDLR]. Je fais mes tous premiers contacts en dehors de Cergy et du DMC. Je rencontre Ugly Mac Beer par exemple. Ensuite, je suis devenu disquaire chez T-Maxx. A partir de là, des portes ont commencé à s’ouvrir et j’ai appris à sortir de ma chambre.

T-Maxx Disques et rencontres.

Cette période est je pense l’une des meilleures de ma vie. Je passais souvent chez TNT, comme beaucoup de DJs. Inov, qui était anciennement vendeur chez TNT Records, cherchait quelqu’un pour être vendeur chez T-Maxx dont il était le gérant. À force de me voir à Châtelet fouiller les bacs, il m’a repéré et proposé d’être disquaire chez lui.

T-Maxx était un magasin plutôt axé rap français et rap indépendant, contrairement aux autres magasins de Châtelet. Quand les autres shops se concentraient plus sur des tapes de R’n’B et du matos de DJ, nous on vendait les premières street-tape, du rap français, des tapes américaines aussi. Les gens venaient donc chez nous pour chercher les premières mixtapes de Lil’ Wayne, les trucs des Diplomats. D’autres venaient car on avait beaucoup de Stones Throw en référence. C’est cette époque où tout le monde était sur Jay Dee et en sang sur Madvillain. Ça me convenait parfaitement. J’adorais Stones Throw et de manière générale, j’étais à fond branché rap indé, que ce soit les premiers albums instru d’Alchemist ou le son de Queensbridge, sans même parler de DJ Premier. C’est ce type de son qui faisait l’identité de la boutique et c’était parfait, même si c’est aussi l’époque où on commence à voir un peu le rap français partir en couille. Quand un gamin rentre dans la boutique et te demande un Street CD avec comme seul critère qu’il y ait le plus d’insultes possible dedans, tu bloques un peu quand même [Rires]. Mais pour moi, T-Maxx c’était le paradis.

Quand j’arrivais à la boutique, j’avais une petite routine : je prenais une pile de cent disques et je les écoutais au hasard. Je faisais ça toute la journée et quand il n’y avait pas de clients je bossais mes scratches. Quand tu es DJ et disquaire à la fois, tu as accès à plein de pièces avant tout le monde. C’est toi qui appelle Fat Beats à New York pour avoir le dernier Primo et qui le voit arriver. C’est toi que vient voir Geraldo avec des test press de Lunatic ou l’album instru de Temps Mort. On était très liés à 45 Scientific de toute façon, puisque Inov, le gérant du magasin, était le DJ de Lunatic à l’époque de Mauvais Oeil. De fil en aiguille, Geraldo est vraiment devenu un ami. C’est d’ailleurs lui qui m’a présenté Ali avec qui je bosserai plus tard et encore aujourd’hui. C’est aussi par l’intermédiaire du magasin que je rencontrerai Youssoupha, ou même Texaco qui nous amenait des vinyles promo et qui m’introduira plus tard à la Team Wrung.

Finalement, c’est grâce à ce job que j’ai pu franchir une étape importante dans ma carrière. J’ai fait plein de rencontres qui ont duré dans le temps. J’ai aussi appris sur les labels, leur fonctionnement, sur comment digger. Mais surtout, ça m’a permis d’être visible, de ne plus m’enfermer dans ma chambre. On est en 2004, 2005 et même des mecs comme La Fouine viennent apporter leurs premières mixtapes chez nous. Internet n’était pas encore développé comme aujourd’hui, même si ça commençait à peser. Néanmoins, il fallait être visible pour exister. Faire partie de ce qu’on appelle Le Mouvement était important et ce sont les dernières années où les disquaires ont encore cette fonction de point de rassemblement. Quand les boutiques ont disparu, ça a aussi été un lieu de moins pour croiser physiquement les gens. Idem pour les salons ou les battles de DJs, qui ont connu un énorme déclin courant des années 2000. DJ Bellek, je le connais depuis quinze ans parce qu’on s’était vu au Mixmove.

« Au Siel ou au Mixmove, des DJs inconnus de tous faisaient des démos incroyables, avant de repartir comme ils étaient venus.  »

Aujourd’hui, je ne sais pas si on peut dire qu’il manque de magasins comme T-Maxx. Le monde a changé. Avec Internet, tu peux bien sûr découvrir des choses par toi-même. Ça a de toute façon bouleversé jusqu’aux habitudes d’écoute et de diggin’. D’un point de vue deejaying, on parle toujours de Serato comme du grand tournant. Mais on oublie de dire qu’avant, il y a eu les platines CDs. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles les boutiques ont été désertées ! Tout le monde s’est mis à graver des CDs et les jouer sur des platines CDs. Au même moment, moins de maxis sortent et c’est devenu un cercle vicieux. Des gens nous demandaient des maxis qui finalement ne sortaient jamais ou alors ils se trouvaient sur Internet. Du coup, les DJs se sont mis à graver les sons et à les mixer sur des platines CDs. Au fur et à mesure, il y a eu de moins en moins de maxis et donc de plus en plus de sons gravés. Pourtant, le peu de maxis qu’on avait, les gens les achetaient. Mais derrière, ça ne suivait pas. On parle souvent du Serato, du MP3, mais le premier changement de support pour moi, ça a été les platines CDs et les CD-R ! Personnellement, en tant que DJ, je me suis positionné entre les deux. Je me prenais pas la tête avec ça. J’avais moyen d’avoir tel disque en vinyle, je le prenais. Je n’avais pas moyen de l’avoir en vinyle, je le gravais. Je faisais des soirées à la fois avec des platines vinyles et des platines CDs. La plupart des DJs faisaient ça. D’autres gravaient tout, même ce qu’ils avaient en vinyle et ne fonctionnaient plus qu’au Compact Disc. Puis Serato est arrivé.

Au début j’étais sceptique et je n’étais pas le seul. On est assez nombreux à avoir mis du temps à sauter le pas. Ça avait un coût financier, il fallait un ordi, le boitier… Quant à la question de l’authenticité, ce n’était pas une question que je me posais. Quand tu sais d’où tu viens, tu sais déjà si tu es un vrai ou un faux, et tu le resteras. Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui, même s’il reste des disquaires, ne serait-ce que les Puces, Urban Music est devenu un magasin de bagels. [Rires]

Sur scène avec Youssoupha Le commencement.

Philo passait régulièrement à T-Maxx. Il nous ramenait des produits, des mixtapes. Mais c’est finalement Young Lef qui m’a mis en contact avec Youssoupha. Young Lef est ingénieur du son à Blaxound et c’est lui qui enregistre Éternel Recommencement. Lorsque Youssoupha lui propose d’être DJ, Young Lef décline. Le studio lui prend trop de temps. Alors il donne mon numéro à Youssoupha. Moi, je ne suis pas au courant. J’entends parler de Youssoupha par la boutique. Je vois des articles sur lui, notamment dans The Source France. Je m’étonne de ne l’avoir jamais vu à Cergy. En fait, il a quitté la ville avant que j’y arrive. Mon téléphone finit par sonner et j’accepte de le rejoindre. Pour moi, c’est la première fois que je bascule sur quelque chose de construit en tant que DJ. J’avais déjà remplacé DJ Quick sur des concerts de La Brigade, mais ça avait été exceptionnel.

Youssoupha est un gros bosseur. Et avec Philo, ils ont tout de suite misé sur la scène. Ils ont compris que le terrain compte, qu’il faut accepter que les salles ne soient pas toujours remplies quand tu démarres. C’est comme ça que tu élargis ton public et c’est comme ça que Youssoupha a réussi à rassembler. Si tu regardes, les gens qui suivent Youssoupha sont des vrais passionnés, qui aiment la technique, le flow, les lyrics. C’est vrai qu’on est aussi arrivé à un moment où le rap français proposait quelque chose de plus racailleux. Youssoupha arrive sans pseudonyme, avec son vrai prénom. Il est lui-même. À ce moment-là en particulier, il est à contre-courant du reste du rap. Mais on n’a jamais senti qu’on était mis en opposition à ça. On ne venait pas nous dire « ah, du rap conscient ça fait du bien. » On venait juste nous voir pour nous dire que ça rappait et qu’il y avait une putain d’énergie. C’est ça qu’on a réussi à construire via la scène : l’énergie. Et c’est ce qui nous a permis de rassembler plusieurs publics. Des fois, tu entends des artistes ou des DJs dire que le public n’est pas chaud ou ne comprend pas. Je n’ai jamais cru à ça et c’est la scène avec Youssoupha qui me l’a appris : tout part du travail et de l’énergie que tu envoies au public. C’est aux types sur scène de produire l’alchimie avec le public, pas l’inverse. Ceux qui donnent l’énergie, les sentiments, c’est d’abord nous. Il faut que tu écoutes le public. Et quand l’alchimie ne se crée pas, tu ne peux pas accuser les gens qui sont venus te voir. C’est ton boulot, à toi, sur scène. C’est d’ailleurs quelque chose qui vaut aussi dans les DJs sets. Tu ne peux pas arriver avec un set préparé et croire que les gens vont sauter partout juste parce que tu lances un son qui envoie. Une soirée, c’est une ambiance, les gens sont dans un état d’esprit, ils ont leur horaire, n’arrivent pas forcément sur place selon ton minutage. C’est à toi le DJ de leur donner de l’énergie, de les amener vers une bonne ambiance. Ça ne se passe pas sur commande. Youssoupha et Philo ont compris ça très vite. Ils avaient développé l’énergie, quelque chose de différent. Les gens sont toujours curieux et intrigués lorsque tu es toi-même et  différent du reste. Si tu sais donner, ils le sentent et te le rendent.

Cette expérience a beaucoup compté pour moi. J’ai à peine plus de vingt ans et je me retrouve catapulté sur des dates. On fait nos premiers concerts ensemble, des scènes indés, genre la Scène Bastille sur un plateau organisé par Grodash. Mais le vrai déclic, c’est notre deuxième date. On fait la première partie de Method Man et Redman. Le concert est complet et ça a vachement bien fonctionné. Des dates supplémentaires ont été programmées et on nous a demandé de revenir faire leur première partie. Finalement, on a tourné à plusieurs reprises avec l’un et l’autre. On les a beaucoup observés, on a énormément appris d’eux, notamment une chose : leur capacité à te faire croire que leur show contient une énorme part de freestyle, alors qu’en fait non, tout est super millimétré. La première fois, tu entends Method Man faire une vanne, tu rigoles, pour toi c’est spontané, hyper bien senti. Mais en fait, tu réalises qu’il la place à tous les concerts. Mais il le fait avec une telle aisance, en adaptant toujours le timing, que tu comprends tout un tas de ficelles, de choses qui te permettent d’interagir avec le public.

À côté, la structure Bomayé Musik était déjà montée. J’étais surtout DJ de scène, même si je scratchais un peu sur le premier album, notamment sur le titre « Le Monde est à vendre » que Youssoupha partage avec Kool Shen. Notre leitmotiv, c’est de bosser. On répète énormément. On réfléchit ensemble à ce qu’on fait et comment on le fait, surtout que Youssoupha est quelqu’un qui consulte beaucoup son entourage. On partageait les idées pour animer les concerts, les gimmicks pour le public, certains bruitages, comment finir les sons. Vu que je backais, que je faisais des cuts, des scratchs, je trouvais ma place sur scène. A l’époque, c’était très rare qu’un DJ backe son rappeur. DJ Battle ou Jay Carré le faisaient aussi un peu par exemple, mais à l’époque ce n’était pas très répandu. Quand tu backes sur scène, pour le public, tu n’es plus uniquement le DJ. On te regarde différemment. Ma place sur scène avec Youssoupha était tout sauf ingrate. J’avais un vrai rôle dans le show, rien ne me forçait à être discret. J’étais présenté, on m’entendait backer et je donnais le rythme de chaque concert. Je ne suis pas rappeur, donc travailler les backs c’est aussi un petit challenge. Après ça dépend vraiment de l’artiste. Avec Youssoupha, il y avait une affinité, qui facilitait le truc, mais aussi énormément de répétitions qui permettaient de bien bosser. A côté de ça, on avait fait la mixtape spéciale avant l’album, pour mettre en avant son travail. J’avais un peu plus de vingt berges, je kiffais sans trop calculer.

« Quand Youssoupha a commencé, il était à contre-courant de la tendance en rap français. Mais jamais on ne nous l’a fait ressentir. »

Aujourd’hui, je ne suis plus son DJ, mais je suis encore tout ce qu’il fait. Je suis impressionné à quel point il reste actif. Sa carrière est un bel exemple de réussite et pour avoir fait partie de l’équipe, je peux témoigner du travail et des concessions qu’il a pu faire pour en arriver là. Aujourd’hui il tourne en tour bus. Je me rappelle qu’à l’époque des premiers concerts, on était en Golf 5 ! C’était une super période, on était parti dans le sud au culot pour défendre son Street-CD Eternel Recommencement en 2006. Je suis content que son label ait pu se développer et qu’il soit là où il en est aujourd’hui. On a beaucoup appris ensemble. C’est une époque inoubliable. J’ai apporté ma pierre à l’édifice. C’était une très bonne école. Après j’ai choisi de ne plus être le DJ attitré de qui que ce soit, notamment pour développer mes propres projets. Je pense que c’est aussi important d’avoir son indépendance en tant qu’artiste. Et vu l’emploi du temps de Youssoupha aujourd’hui, j’aurais certainement eu moins de temps pour bosser mes projets personnels. J’ai adoré être son DJ, mais ce que je veux faire aujourd’hui n’est pas compatible avec l’exclusivité que demande une tournée par exemple.

J’aime bien cette idée de pouvoir travailler en indépendance, sur ses propres projets et de pouvoir rejoindre des gens sur des projets précis, sans être leur DJ attitré. C’est le cas avec A2H ou JP Manova, avec qui je travaille aujourd’hui sur des dates et parfois en studio par exemple. Quand tu regardes Cut Killer, il a été DJ pour plein de monde mais ça reste une identité a part entière, pareil pour Funkmaster Flex. C’est plus dans cette direction que j’ai envie d’aller. Passer plusieurs années en tant que DJ officiel d’un artiste m’a enrichi sur plein de choses. Ça m’a permis d’apprendre plein de choses, jusqu’à savoir comment fonctionne une structure. Mais ça m’a aussi permis de comprendre que s’éparpiller est un luxe que tu ne peux pas te permettre. Tu ne peux pas suivre d’autres wagons que celui de ton MC lorsque tu es son DJ attitré.

Youssoupha - Le monde est à vendre feat. Kool Shen

En studio avec Ali Beatmaking et harmonie.

Ali, c’est plus ma facette producteur. J’ai commencé à produire un peu après avoir commencé le deejaying, vers 2002/2003. J’ai mis du temps à oser en proposer à des rappeurs. Je voulais être sûr de moi et je pense que vu le travail que ça demande, ça met du temps. Au niveau de la production j’essaie de garder une patte qui soit identifiable tout en gardant une certaine fraîcheur. J’essaie surtout de travailler avec des artistes avec qui ça colle parfaitement et notamment avec lesquels on peut aussi travailler des arrangements.

Ali est le type parfait pour ça. Avant tout car c’est un ami, je dirais même un grand frère. On a des liens qui dépassent la musique. C’est pareil pour Géraldo, d’ailleurs, grâce à qui j’ai rencontré Ali, encore une fois par le biais de la boutique. Avec Ali, j’ai aussi un travail d’accompagnement dans la réalisation. Il me voit autant comme un beatmaker que comme un DJ. Par exemple, sur « Tsunami », pour les scratches, il avait écrit la rime « Dj Stresh continue de scratcher » car il avait l’idée de scratches sur le morceau. Cette production n’est pas de moi, mais dans son texte, il avait utilisé mon blaze pour amener les scratches. Ali est quelqu’un qui sait ce qu’il veut doublé d’un véritable passionné de hip-hop. À chaque album, il cherche une couleur particulière. Pour Que la paix soit sur vous, il savait déjà qu’il voulait quelque chose de plus lumineux. Cette recherche, elle s’exprime jusque dans ses morceaux et le choix de leurs titres. Quand tu écoutes « Le Dialogue », il voulait quelque chose de moins lumineux que pour les autres morceaux, mais plus énergique, plus patate. Il cherche vraiment une alchimie entre son état d’esprit, son propos, son cheminement et la musique. C’est vraiment quelqu’un de passionné par le rap en tant qu’art. Il est passionné par la science du placement, la musicalité, l’alchimie entre le propos et la production, le flow. Ce qui est génial du coup, c’est qu’avec lui, rien n’est totalement figé. Il n’aura pas peur d’aller chercher une guitare pour faire un arrangement, ce qui tombe bien, car je suis demandeur de ce genre de choses sur mes productions. Avec Ali, c’est une relation d’amitié qui musicalement s’exprime comme une véritable relation d’artiste à artiste.

Ali - Réflexion feat. Le Rat Luciano

Hello Panam Décomplexer les dancefloors.

Finalement, aujourd’hui, la seule équipe dont je me revendique, c’est Hello Panam, le Crew de DJs avec lequel je fais des soirées. Dj Jim de Jazzeffiq a crée le collectif et notre idée est de réinstaller le coté fun et bon enfant des soirées. Quand tu vas dans les soirées à Paris, tu te rends compte que les gens restent souvent face à la scène sans danser. Ce n’est pas normal. Un DJ en soirée, c’est là pour faire danser les gens, c’est un entertainer. Les gens ont payé leur entrée et veulent danser. Que tu sois champion ou que tu tournes avec X ou Y, ils s’en foutent. Et ils ont raison !

Je pense que plusieurs choses ont fait du tort aux soirées. D’une part, je pense qu’on a longtemps été trop complexés. On n’a longtemps pas osé mélanger les genres musicaux, de peur d’être vus comme des DJs Club Med ou des généralistes. Après bien sûr, il y a la façon de faire. Un mec comme Jazzy Jeff sait faire ça : être audacieux tout en gardant les codes hip-hop. C’est dans la lignée des DJs qui pour moi sont des modèles : Dj Jazzy Jeff, J- Rocc, les Beatjunkies, Dj Scratch, Dj Spinna… etc. Quand t’écoutes leurs sets, ils sont vraiment éclectiques sans pour autant jouer n’importe quoi. Je pense que c’est un détail important de cette culture. Je trouve ça un peu réducteur de se limiter à un seul style de musique, surtout quand tu es hip-hop. C’est tout de même une musique qui puise ses racines dans pleins d’autre courants musicaux. Il ne faut pas oublier qu’à l’origine du hip-hop, les DJs jouaient ce qui passait à la radio. Le rap ou même ce qu’on appelle hip-hop aujourd’hui n’existaient pas. C’était de la funk, des breaks de James Brown, du rock, du reggae. L’idée est de garder cette essence et de garder la subtilité dans la sélection qui va faire que ça sonnera hip-hop quoi qu’il arrive. C’est important de changer les mentalités, surtout dans des soirées où les gens vont parfois plus pour dire « j’y étais » que profiter de la musique et faire la fête.

Moi-même, à une époque, je me suis rendu compte que j’étais un DJ qui considérait un truc du début des années 2000 comme une nouveauté. Mais quand tu es DJ et que tu mixes beaucoup en soirée, tu ne peux pas ne pas diffuser ce qui se fait aujourd’hui. C’est mal faire son boulot. Tu ne peux pas être DJ que sur le passé. Il y a du bon à prendre partout et des jeunes aujourd’hui font des trucs qui peuvent nous parler à nous, trentenaires. Des mecs comme S-Pri Noir ou Caballero et Jeanjass amènent des trucs frais, dans la lignée de ce qu’on aime tout en étant dans leur époque. Idem en ce qui concerne la trap music. Durant un moment, on a été nombreux à y être réfractaires. Mais en fait, tu choppes plein de trucs qui peuvent te parler. Pourquoi je snoberais du Schoolboy Q ou A$ap Ferg alors qu’ils savent faire de bons morceaux ? A$ap Ferg te fait aussi bien des feats avec Method Man que de la trap pure et ça tue. Tout ça, c’est un peu ce qu’on essaie de défendre avec le crew Hello Panam. Dans nos soirées les gens s’amusent vraiment, sans prise de tête, et nous aussi ! Au niveau de la sélection on cherche à passer de tout. Il va y avoir du reggae avec Selecta K-za, il peut y avoir de la house avec Yugson, Fuki Flex ou Sam One. On essaie vraiment de cultiver cette culture de la Block Party. Le hip-hop c’est un état d’esprit avant d’être un style de musique. Et une bonne soirée, celle où les gens s’amusent, c’est d’abord parce qu’il y a un bon état d’esprit.

Un autre truc que j’ai appris, c’est de ne jamais trop préparer mes sets pour les soirées. Bien sûr, j’organise mon Serato avec des crates composées de morceaux que j’aime bien passer. Mais j’essaie de casser des codes et ça, tu ne peux pas le faire avec un set trop préparé. Comment peux-tu t’adapter à une ambiance, capter un état d’esprit, communiquer avec le public, si tu lui as écris à l’avance la façon dont il allait devoir s’amuser ? Par exemple, tu prépares un set et tu l’as prévu pour une salle remplie avec des gens déjà surchauffés. Sauf qu’en fait, tu commences ton set et les gens sont à peine arrivés car ils sortent d’un concert autre part et donc arrivent tard. Toi tu commences ton set pour une salle bouillante, sauf que cette dernière est à peine en train de se remplir. Tu fais quoi ? Tu deviens prisonnier de ton set, de son scénario. Ne pas préparer son set permet d’éviter ça, mais également de surprendre, d’accompagner les gens. D’autant plus qu’aujourd’hui, on a tous les mêmes sons, les mêmes logiciels, les mêmes tables de mixage. On pourrait tous mixer pareil en fait. Mais il faut trouver sa formule. Et le hip-hop reste un truc large. Il ne faut pas avoir peur de surprendre, de mélanger. Dans une soirée, je peux te balancer un Lenny Kravitz au milieu de plusieurs sons hip-hop. Ou même avoir recours à de vrais tubes, intemporels et qui fédèrent. Le tout est de ne pas passer n’importe quoi et n’importe comment. Mais si l’ambiance s’y prête et que tu lances « Satisfaction » par exemple, c’est populaire et ça surprend tout le monde. C’est un classique de la musique que tout le monde connaît. Sur le break de batterie de « Satisfaction » tu peux envoyer « Beat it », puis enchaîner avec un Ludacris qui suit dans le tempo. Les gens apprécient d’être surpris autant que d’avoir des morceaux où ils peuvent tous reprendre le refrain en coeur. Je pense qu’il faut qu’on soit décomplexés en fait.

Red Bull Thre3style Franchir le pas des compétitions.

Je me suis lancé dans les compétitions sur le tard, même si j’ai un peu gravité autour des épreuves nationales dans les années où le niveau était trop haut. C’est simple, cette époque, c’est celle où les français ont commencé à avoir les premiers titres solos de champions du monde. C’était les années de Kodh, Troubl’, Netik. Je pense que j’ai été suffisamment technique à un moment donné pour ne pas être ridicule, mais que je n’avais pas le courage de m’inscrire. Aujourd’hui, je suis d’avantage prêt. Quand tu es jeune, tu es beaucoup plus buté. Quand j’étais gamin, c’était inconcevable que je perde. Il faut bien sûr de la motivation, mais si la défaite te rend rageux, ce n’est pas un bon état d’esprit pour aller au combat. Tu vas finir aigri avant même d’avoir gagné quelque chose. Et moi, j’étais super rigide là-dessus, surtout que par définition tu as plus de perdants que de gagnants [Rires]. Au début des années 2000, il y avait un niveau affolant en plus. On a ensuite eu des années bien creuses, où même l’intérêt pour les compétitions s’est complètement évaporé. Mais aujourd’hui, ça reprend. C’est cyclique tout ça. Regarde même le rayon vinyle de la FNAC Châtelet, tu as l’impression d’être revenu en 1997. Aujourd’hui, il y a un vrai revival de tout ça.

« En soirée, ne prépare jamais trop ton set, sinon tu dictes aux gens comment ils doivent s’amuser et tu t’emprisonnes dans ton scénario. »

Ça vaut aussi pour le scratch, où le niveau a vachement remonté après une période de creux. Comme pour le rap en fait ! Il y a quelques années, j’étais revenu au Mixmove et j’avais trouvé le niveau pourri par rapport à mes souvenirs de 2005, où même le mec qui scratche dans sa chambre mettait des piles techniquement. Aujourd’hui, on est de retour à des choses plus carrées.

Cela dit, ce n’est pas comme avant. Les Djs ont évolué. Tu regardes les battles DMC, c’est aujourd’hui beaucoup plus musical qu’à l’époque, où c’était très alternatif et expérimental. Avant, c’était tout pour le scratch et la figure, la technique. Le turntablism a vachement évolué. Serato a aussi changé la donne, tu as plus de possibilités techniques et donc plus de possibilités d’être musical. Tu es moins dépendant du support vinyle. Tu peux créer plus de musicalité avec Serato. Et sans même parler de Serato, c’est un mouvement qui a aussi été initié par des collectifs, français notamment. Quand j’ai vu C2C et Birdy Nam Nam exploser, j’ai halluciné. Je me suis dit : j’ai raté une étape. Avant ça, nous, les Djs un peu techniques, étions vus comme des geeks. Eux ils ont vraiment changé ça. Ils ont sorti la discipline du truc qui consiste à scratcher une trompette pendant une heure, même si j’adore aussi ça. [Rires] Ils ont su faire évoluer la discipline et les nouvelles générations de DJ continuent à le faire. Pour des gens comme moi, et comme eux aussi d’ailleurs, pour qui l’adolescence c’est les Skratch Piklz, ça a pu faire bizarre sur le coup. On a eu le droit à ce débat sur les vrais et les faux, dont je parlais tout à l’heure à propos des platines CDs. Mais en vérité, je pense que c’est une direction naturelle et que de toute façon, la scratch music et le turntablism avaient besoin d’évoluer. Musicalement, on revient à des choses plus ouvertes et ça n’a pas empêché le niveau technique d’augmenter. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai beaucoup aimé participer au contest monté par Red Bull, car ça mêle à la fois le côté technique, l’originalité et l’interaction avec le public. Et comme son nom l’indique, Thre3style, il faut pouvoir mélanger trois styles de musique différents. De mon côté, j’ai travaillé mon set en essayant de garder mon originalité et de le ponctuer avec de la technique. Il ne faut pas oublier que les juges attendent qu’on représente la France musicalement puisque c’est une sélection pour une finale mondiale. C’est donc important de pouvoir se dissocier des autres pays. Le plus dur c’est d’avoir une suite logique dans le set tout en ne livrant pas quelque chose de trop platonique. Ça m’a pris pas mal de temps au niveau de la sélection. J’ai choisi des styles bien différents, mais si on regarde bien le set il y a toujours la patte hip-hop. Pour l’intro j’ai réutilisé une guitare de Van Halen avec un beat hip-hop, puis j’ai utilisé des sons aux sonorités actuelles pour garder le truc dynamique. J’ai aussi utilisé les batteries de Zapp « More Bounce to the once » qu’on joue sur scène avec A2h avec le « Uptown Funk » de Bruno Mars pour donner un Coté G-Funk. Quand tu regardes bien, ce ne sont pas vraiment des styles si différents que ça. Pour la dimension française je voulais créer un effet inattendu et typiquement français dans les sonorités, j’ai choisi le morceau de Charles Aznavour « Je me Voyais Déjà » en utilisant juste les phrases qui me plaisaient pour donner une touche d’égotrip au show.

Ce concours m’a aussi forcé à me réentraîner. Par exemple, j’ai beaucoup négligé le beat juggling pendant des années. Je travaille aussi au niveau des placements en scratches, du flow. Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de double timing sur des beats à 60 BPM par exemple. Le travail n’est pas fini, même si remporter ce titre c’est l’aboutissement de beaucoup de travail dans l’ombre, beaucoup de sacrifices sans forcément avoir la reconnaissance. C’est aussi pour ça que j’ai tenu à remercier publiquement ceux qui m’ont beaucoup apporté et soutenu depuis un bon moment. Si j’en suis là aujourd’hui c’est aussi grâce à eux. J’ai toujours eu envie de participer à des compétitions de ce type et aujourd’hui, je franchis enfin le pas. C’est la première fois que j’y participe, je suis d’autant plus fier de remporter le titre et de pouvoir représenter la France au Chili. La finale mondiale va être de très haut niveau ! J’ai assez de temps pour m’entraîner correctement puisqu’il reste cinq mois avant cette finale.

2016 Jeune après l’âge

Participer au Red Bull Thre3style ou au record du monde des DJs, ce sont des choses que j’ai appris à envisager avec l’âge. C’est important de participer à des choses. Tu ne peux pas faire partie d’un mouvement et toujours refuser d’aller au bout des choses. Pour beaucoup de personnes, ce sont des étapes que tu franchis quand tu es un jeune DJ. Mais moi gamin, j’étais trop dans la performance et dans la compétition. Aujourd’hui, je n’ai aucun problème de scratcher avec un mec quinze fois plus fort que moi. Mais à l’époque, ça aurait été plus compliqué. Je pense que quand tu prends de l’âge ça change ta vision des choses.

Aujourd’hui, je cherche d’abord à me développer en tant que DJ, mais aussi à garder ce truc qui m’a toujours suivi, à savoir bosser avec des gens avec qui il y a une vraie connexion humaine et musicale. Par exemple, avec A2H ou JP Manova. Avec A2H on se retrouve sur plein d’influences. Il est musicien en plus d’être rappeur et ça donne un super échange sur les productions que je lui propose, notamment celles de son dernier projet. J’aime bien avoir son avis extérieur, je demande souvent d’ailleurs des arrangements sur mes productions. A2H est de ces mecs qui me permet d’amener mes beats plus loin. Il a fait des choses que je n’aurais pas penser à faire tout seul. Et il a kiffé beaucoup de courants musicaux différents, comme moi. Ce n’est pas fermé avec lui.

Avec JP, c’est différent mais tout aussi riche. C’est différent car il est déjà dans une formule bien rodée. Mais c’est riche car intervenir sur les dates avec son live band est super enrichissant. Quand tu es entouré d’instrumentistes, tu apprends plein de choses. Mais le paradoxe, le truc qui va souvent à l’encontre de la vision que les gens s’en font, c’est que dans un groupe de rap avec un live band, le chef d’orchestre, c’est bien le DJ, pas le batteur et le bassiste. C’est toi qui envoie la bande, le click pour le batteur. Les gens voient plus les instruments que les platines. Mais si tu balances mal le click ou la bande de lancement, tu fais tout foirer. Tu es le pilier du truc et ça c’est super formateur, c’est encore une autre position en tant que DJ. JP m’a en plus laissé une place pour un DJ set, ce qui me permet de proposer autre chose que ce que je peux faire en étant DJ d’un MC ou en soirée.

Ces derniers temps j’entends beaucoup de critiques sur les nouvelles générations et le Deejaying. Selon moi, on ne peut pas leur en vouloir. Le Deejaying n’est pas en expansion comme il a pu l’être il y a 20 ans. La technologie a beaucoup changé, c’est devenu beaucoup plus simple d’acheter un contrôleur que d’acheter deux platines vinyles et des disques par dizaine. Ça coûte moins d’argent. Après, c’est vrai que beaucoup de gens s’y mettent plus pour mixer en soirée que pour l’ensemble de la discipline et c’est dommage pour ce qui est de la culture turntablist. Je pense qu’il y a tout de même certains fondamentaux à avoir, même si tu ne veux que mixer. Après, mon idée est qu’il faut aussi chercher à réveiller l’intérêt chez les jeunes, éveiller leur curiosité et si on peut les aider à avoir des bases solides et surtout les aider à avoir de l’intérêt pour la culture, alors il faut le faire. C’est à nous de transmettre. Moi j’ai eu la chance de pouvoir aller au DMC, d’avoir une maison de quartier avec DJ Authentik qui m’apprenait des trucs, alors je me dis que moi aussi je dois transmettre ça. Voilà pourquoi je participe volontiers à des ateliers d’initiation.

Après, je pense que ce qui est dur pour nous DJs aujourd’hui, c’est aussi de communiquer, d’être lisible. Aujourd’hui c’est devenu difficile de vivre juste en faisant des soirées. Au-delà de ça j’aime bien faire d’autres choses, composer, faire des ateliers avec des jeunes. Je crois que c’est important d’être complet. Mais il faut se structurer et garder une logique dans ce qu’on entreprend. Regarde, pour prendre mon cas, je fais à la fois des ateliers, des soirées avec Hello Panam, le championnat Redbull, des productions pour Ali, des dates avec JP Manova ou A2H et j’ai un projet de compilation de prévu. Ce n’est pas évident pour les gens de te cerner, surtout que pour beaucoup, je suis encore le DJ de Youssoupha et uniquement ça. L’un te voit comme un DJ de soirée, l’autre ne te connaît que comme le DJ d’A2H et à l’international, t’es le gars du concours Red Bull Thre3style. Alors j’essaie de me structurer, notamment dans ma communication. Tu peux pas dire un mercredi que tu fais une soirée, samedi que tu fais un championnat et dix jours plus tard, que tu sors une compilation. Il faut laisser la place à chaque projet et laisser aux gens le besoin de comprendre. S’ils n’ont pas le temps de comprendre à qui tu es connecté, ce que tu fais, de s’imprégner de tes projets, ils ne comprennent pas ce que tu proposes, ils n’ont pas le temps de s’immerger dans ton univers. Aujourd’hui, je ne sais pas si tout va trop vite, mais en tous cas tout va très vite. Tu sors un clip le mecredi, le lundi t’as sorti son teaser, et à la fin de la semaine, tout le monde l’a vu et les gens sont déjà passés à autre chose. Je pense qu’il faut simplement savoir communiquer, présenter ce que tu fais. Et quand Jay-Z et Beyoncé annoncent leur album du jour au lendemain, c’est à la fois un bon contre-pied à la façon de communiquer aujourd’hui, où tout est formaté. Car même nos communications sont formatées. Il y a cinq clips minimum qui sortent chaque vendredi à vingt heures. Je pense qu’il faut savoir aussi se chambouler. Après, je suis multi-casquettes, donc c’est aussi pour ça que j’ai besoin de temps pour chaque chose. Pour quelqu’un comme moi, le plus difficile est que l’information ait le temps d’être compréhensible. On a un projet de mixtape commune avec DJ Fab, DJ Poska, Dj Brasko & Skills Beat. Ça c’est pareil, il faut que je laisse le temps aux gens de comprendre. Le public est super sollicité, et l’air de rien, chaque artiste leur demande beaucoup de temps. J’ai la chance d’être polyvalent, de vivre de la musique en tant qu’intermittent, alors mon nouveau défi désormais, c’est le temps. Celui qui permettra de respecter le timing de chacun tout en faisant vivre mes projets.

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