Diabi, la volonté de faire
Interview

Diabi, la volonté de faire

Avec son travail d’horloger-joaillier sur Les Étoiles vagabondes de Nekfeu, Diabi a accédé à un nouveau statut, malgré lui, après des années de beatmaking dans l’ombre.

et Photographie : Brice Bossavie
Photographie de Loubenski par Muddy Monk.

Il a la démarche des personnes grandes et élancées, la posture légèrement voutée de ceux obligés de baisser la tête et les yeux pour s’adresser à un interlocuteur, derrière des dreads qui passent de temps en temps sur les verres de ses lunettes. Malgré sa taille, tout chez Diabi renvoie à une impression de discrétion, de retrait. La séance photo qui a suivi cette rencontre a d’ailleurs été un moment compliqué pour lui. Pourtant, le visage du producteur et ingénieur du son est, de fait, devenu l’un des plus en vue cette année parmi ses pairs dans le rap français. En étant le réalisateur de l’album double Les Étoiles vagabondes de Nekfeu, Diabi a été lui aussi suivi par les équipes du réalisateur Syrine Boulanouar, faisant de lui le sidekick principal de Ken dans ce film-documentaire narrant la création de cette oeuvre imposante et sinueuse. Une participation résumée à la caricature en une phrase, isolée dans le morceau central qu’est “Ciel noir” : “Diabi, tu me dis quand c’est bon ?”

Diabi est de la même génération que les producteurs passés par la case d’une version craquée de FL, un tuto laborieux sur YouTube et ayant tenté leurs chances par des type-beats plus ou moins hasardeux. Pourtant, s’il a fait du son, c’était d’abord par nécessité pratique, pour tester son oreille et ses capacités lors d’une formation d’ingénieur du son. Le pragmatisme est un élément clé chez Diabi : dans sa musique, rien n’est conceptualisé à l’avance, couché sur papier comme une formule mathématique et déclinable par nuances. Il cherche les accidents uniques au détour d’un sample ou d’un effet, les expériences fortuites pour trouver une teinte qui lui plaît au gré de ses explorations d’auditeur, du rap à la musique électronique en passant par le rock psychédélique contemporain.

De Mon Prisme aux Étoiles vagabondes, une constante suit ainsi la discographie de Diabi : le goût pour un son organique, incarné souvent par des boucles volontairement floutées, des beats percutants mais régulièrement emmitouflés d’un voile, comme une enceinte plaquée contre le mur du son. Peu étonnant donc qu’il ait trouvé sa place aux côtés de rappeurs comme Nekfeu, Georgio et Alpha Wann, tous des enfants d’une grande tradition du rap hexagonal sans en être des gardiens du temple. Retracer avec Diabi son parcours revient finalement à suivre les grandes lignes d’une nouvelle génération du rap qui a émergé cette décennie, des studios du Gouffre à ceux de Don Dada. Et dont il est l’un des architectes sonores les plus astucieux et méticuleux.

Retrouvez notre playlist « Produit par : Diabi » sur Deezer et Spotify.

 


I. Du Gouffre au Dojo

Abcdr du Son : Depuis juin, tu es devenu une « star » en apparaissant dans le film de Nekfeu. Tu n’en as pas marre que les gens te demandent « Diabi, tu me dis quand c’est bon ? » ?

Diabi : [sourire] J’en peux plus… Même quand ce sont mes potes, je n’en peux plus. C’est fou, c’est différent. C’est le jeu, mais je ne pensais pas que ça allait avoir autant d’impact. Et là, j’en peux plus, je sature ! Je reçois plein de messages. Mais c’est marrant, quand même !

A : Les autres artistes te le font aussi en studio ?

D : En fait, je n’ai pas fait de session studio depuis… l’album ! Rien du tout. Une fois qu’on a rendu l’album, j’ai fini de travailler sur le film, et après, je n’ai plus rien fait. J’avais besoin de couper, ça a été intense. Ça faisait du bien de m’octroyer une pause. Je n’ai fait qu’enchaîner depuis 2016 :  l’album XX5 de Georgio, celui d’Alpha Wann, un peu ceux de Népal. Mais essentiellement j’ai travaillé sur Les Étoiles vagabondes et sur le film. Ça a pris l’intégralité de mon temps.

A : Qu’est-ce que ce film et cet album ont changé pour toi ? On te reconnaît dans la rue ?

D : Ouais. Et je ne suis pas à l’aise du tout avec ça. Pas par rapport à l’album, mais plutôt pour le documentaire. J’ai commencé à capter qu’il a été vu, et je ne pensais pas que ça allait avoir autant d’impact. C’est un docu sur de la musique, sur du rap. C’est un petit peu particulier. Mais là, ce sont des gens lambda qui ont capté. La voisine de ma mère a vu le docu, une femme de 35 ou 40 ans qui n’écoute pas de rap ! C’est autre chose, on n’est plus dans le cadre du rap.

A : Tu es du genre discret ?

D : Ouais ! Déjà, c’était la première fois qu’on me filmait pendant que j’étais en studio. À l’époque de Bleu noir, Georgio avait fait des journaux de bord, j’étais un peu filmé. Mais là, c’est la première fois qu’il y a une caméra qui regarde ce que je fais. Quand un des cameramen, qui est un pote, nous filmait, ça allait. Mais les autres personnes de l’équipe technique je leur disais « vous vous démerdez, mais laissez moi travailler.” Pendant les sessions studio, ils pouvaient être dix. C’était pas juste une petite caméra qui nous suivait : on avait tous des micros HF [micros sans fil posé sur une personne, ndlr]. Et quand tu te casses la tête à trouver quelque chose, et qu’il y a un mec avec sa caméra, frère… La flemme !

A : Surtout quand on pense au fait que tu viens de la 75e Session et à quel point ce sont des personnes qui se montrent peu.

D : Voilà, t’as capté. [sourire] J’aime bien bosser dans mon coin. Je l’ai fait parce que c’est mon gars, je n’allais pas dire « non, j’en ai rien à foutre ! » Je l’ai accompagné jusqu’au bout. Mais c’est bizarre.

A : Comment est-ce que tu as démarré la musique ?

D : Avec des potes qui rappaient, en Seine-et-Marne. Je rappais avec eux, mais on n’avait pas vraiment d’instrus. Je voulais essayer de m’y mettre, en me disant que ce n’était pas très compliqué – alors que c’est comme tout, il faut de l’apprentissage. On allait au studio de Char du Gouffre, à Corbeil. À force d’aller au studio, je le regardais bosser, mixer, enregistrer. Ça me fascinait. À la fin, je n’y allais que pour ça. Je me suis dit que j’allais faire une école d’ingé son pour voir s’il y avait une formation pour ça. Je n’avais pas de but avec un taf à la fin : je voulais juste voir comment ça marchait. En faisant cette école, comme il fallait faire des choses, c’est là que j’ai commencé le beatmaking. Mais j’ai commencé les prods juste pour comprendre comment le mix marchait. J’ai commencé à 20 ans, vers 2012. Et c’est là que j’ai commencé ma culture musicale, à digger.

A : Tu n’étais pas plus intéressé que ça par la musique ?

D : Non. J’écoutais juste du rap, que ça. J’ai un grand frère qui m’a fait écouter les trucs de Booba, Première Classe, Zoxea, Dany Dan, et du rap US. Et je n’écoutais rien d’autre. Pour moi, quand j’écoutais un album de rap, j’imaginais un orchestre en studio ! Je n’avais pas idée de comment ça se passait.

A : Le temps de ta formation en école d’ingé son, tu as continué à fréquenter le studio du Gouffre ?

D : Oui. Char me disait « si tu veux t’exercer à mixer, on a plein de morceaux. » J’allais en cours et j’allais de temps en temps au studio. J’y ai rencontré Hugo TSR et d’autres, mais je n’avais pas de but. Mon mood, c’était d’explorer tout ça. C’est de là que ça a commencé. Char m’a initié au beatmaking, il m’a montré comment couper mes boucles en quinze minutes, et j’ai alors téléchargé le même logiciel que lui, Reason. Il m’avait dit « les batteries, je ne me prends pas la tête, je les prends sur Reason avec ma boucle de sample ». Je me suis dit « c’est trop simple ! », et ensuite je n’ai fait que ça. J’allais en cours la journée, le soir je rentrais chez moi et mettais en pratique ce que j’avais appris. Je faisais mes prods et regardais mes cours en même temps. En vrai, ça n’avait aucun sens. [rires]

A : Tu arrives vite à placer tes premières prods ?

D : Non, parce que je ne les faisais écouter à personne ! J’en créais une, je passais à la suivante. Après, je les mettais sur Soundcloud, sur ma page Facebook, régulièrement pendant sept mois. C’est en rencontrant Georgio que pas mal de choses se sont débloquées : on discutait sur Facebook, on y suivait les mêmes rappeurs. Il commençait à rapper, on s’échangeait nos morceaux, qu’on partageait chacun sur nos réseaux, parfois sans les écouter. Et une fois, il a réécouté une de mes prods, il l’a kiffée, m’a demandé de poser dessus. Je lui ai dit oui à une condition : que je mixe le morceau. C’était « Carpe Diem ». Il m’a renvoyé les pistes, j’avais fait un mix… et encore, ce serait offensant d’appeler ça un mix pour les gens qui mixent vraiment. [sourire] J’avais mis un EQ, une réverb, je me suis dit « whoa, j’suis Dr. Dre ! » [rires] Mais j’étais trop content : j’avais fait une prod et mixé un morceau, j’avais fait mon année ! Après, il m’en a envoyé un autre, et de là, on a fait le projet Mon Prisme. J’étais allé au premier studio de la 75e Session, qui était à Javel, où j’ai rencontré tout le monde : Doums, KLM – Népal -, et c’est comme ça que je suis rentré dans le collectif. Tout s’est fait en même temps.

A : Tu continuais toujours les cours en école d’ingé son ?

D : Oui, mais je commençais à me dire : « les trucs de cinéma, c’est de la merde ; les trucs de radio, c’est de la merde ; les trucs de mix, c’est super important, j’y vais… » Je commençais à faire ma sauce pour aller aux cours dont j’avais besoin. Et quand j’allais enregistrer le soir, j’appliquais tout ce que j’apprenais. J’allais au Grande Ville Studio [NDLR : studio du collectif Grande Ville, dont font notamment partie Jazzy Bazz, Esso Luxueux, Bonnie Banane, etc.], j’avais un carnet, et je bidouillais leurs machines en fonction de ce que j’avais noté. Tout le monde me prenait pour un cinglé !

A : Tu avais une idée du type de son que tu voulais faire ?

D : En fait, j’avais juste envie de faire. Il fallait juste que je fasse. Indirectement, j’étais inspiré par des trucs, mais je faisais à l’instinct. Je n’avais pas de but précis. Je diggais, tombais sur un sample, trouvais une boucle cool, je la pitchais… Je faisais un patchwork. Je ne conceptualisais rien… Et je crois que je le fais encore moins aujourd’hui. [rires] J’ai essayé à une époque, mais maintenant je fais, et tant pis. À l’époque, j’étais tellement débutant, il y avait plein de trucs que je ne comprenais pas. Pendant de longues années, après cette histoire d’orchestre, je pensais au contraire que tout était des samples ! Alors que non, il y a beaucoup de compos traitées comme des samples. Je n’avais qu’une idée en tête : avoir des boucles.

A : Ça ressemblait à quoi à l’époque la 75e Session ?

D : C’étaient des personnes qui n’avaient pas plus de but que moi. [rires] Pratiquement personne ne bossait, ou alors avait des tafs vite fait. Des gens avaient une collocation dans une baraque à Saint-Denis, ce qui allait devenir le Dojo. [NDLR : maison de résidence et studios de la 75e Session] On se réunissait là-bas : il y avait un micro, des enceintes Yamaha toutes pétées, une table dans une cave avec plein de poussière… On faisait juste du son qu’on mettait sur Internet, sans but, personne ne faisait d’argent. Certains commençaient à vouloir faire des trucs sérieux, comme Antonin qui a crée le label 75e Session. Il voulait développer Espiiem, mais c’était à part. Comme j’étais rentré en cours du truc, les freestyles John Doe étaient déjà lancés, j’en ai mixé certains. Puis j’ai mixé des tracks pour Népal, Doums, Georgio, un groupe qui s’appelait BPM… Il y avait tellement de personnes qui venaient ! J’ai fait des trucs pour des morceaux qui ne sont jamais sortis.

A : Qu’est-ce que ça t’a apporté ces années de formation à la 75e Session ?

D : Je sortais de cours, je mettais en pratique, j’avais des retours. C’était du direct, je captais là où ça n’allait pas. C’était un complément avec mes cours. Dans les écoles de son, ils font beaucoup de théorie et peu de pratique. Comme cette école venait d’ouvrir, la première année on ne faisait quasiment que de la pratique. La première fois que j’étais en studio, on m’a lâché avec un groupe de jazz : je ne savais pas même pas ce qu’était une carte son ! J’étais largué ! La deuxième année, comme il y avait plus de monde, le côté théorique a pris le dessus. Donc la 75e Session a été la suite logique. Ça m’a obligé à m’adapter à chaque rappeur. Népal me faisait écouter des albums d’OutKast : « c’est dégueulasse, mais c’est ça que je kiffe ! » Je lui disais que ça saturait, mais c’est ce qu’il aimait. J’ai commencé à capter qu’il n’y avait pas de règles précises.

A : « Le rap est blindé de cons, c’n’est pas un jeu sain. Comme les plus sages je sais, donc je suis ingé son. » Ça te rappelle quelque chose ?

D : [sourire] Effectivement, c’est oim. [NDLR : sur le freestyle collectif « La Fête est finie », en 2013] On enregistrait La Folie Des Glandeurs de 2Fingz. À la fin de ce projet, Doums m’a dit : « il nous faut ton texte, tu vas rapper. » Il ne m’a pas laissé le choix. Pour l’anecdote, j’avais écrit ce texte avec Eff Gee et Alpha Wann. C’était archi golri. Alors que je déteste ma voix.

A : C’est ton dernier couplet, non ?

D : J’ai un refrain sur UMLA ! [NDLR : sur le morceau « Fugees »] J’ai fait la mélodie, Alpha a écrit le texte, on a screwé le truc, on a trouvé ça marrant. Il devait reposer, mais finalement non. Donc il m’a mis en feat : j’allais être sur un album dans les bacs, j’avais jamais fait. [sourire]

A : À quel moment tu sens que la prod devient plus sérieux pour toi ?

D : En vrai, à aucun moment.

A : Même pas lorsque tu persistes avec Georgio sur À l’abri et les projets suivants ? Il y a une complicité qui naît entre vous, non ?

D : Vu qu’on avait commencé ensemble, à un moment de nos vies, on se voyait tous les jours. Je finissais les cours, j’allais chez lui avec Sanka, et ensuite j’allais avec eux au studio de la 75e. On se captait tous les soirs. On était tous amis. Après avoir fait Soleil d’hiver avec Hologram Lo [NDLR : sorti en 2013], Lo lui a dit qu’on pouvait enregistrer chez lui sans problème. On a donc enregistré À l’abri, le premier projet fait au studio Don Dada avant même que ça soit Don Dada.

A : La manière dont sonnent « Rope-a-Dope » ou « La Tour de Babel », c’est moins accidentel, non ?

D : Je commençais à comprendre certaines choses, les histoires de tonalité en empilant les samples. Je triais tous les samples par section : piano, basse, etc. Je diggais dans ce que j’avais et j’empilais. J’avais des morceaux avec sept samples, j’essayais de fusionner, d’aller le plus loin possible, pour faire des breaks, des ponts…

A : Le sample, c’est central chez toi ?

D : Toujours, parce que j’aime bien reprendre un truc que les gens ne connaissent pas forcément, et le détourner d’une autre manière. Et puis le fait de digger, ça m’a appris beaucoup de choses sur les textures, le mix.

A : Comment est-ce que tu cherchais ces samples ?

D : YouTube, et beaucoup Deezer. Leur catalogue grossissait de ouf, je tapais des noms d’artistes, et je regardais ce qu’ils proposaient dans les recommandations. Et je tombais sur des mecs qui n’avaient même pas mille écoutes, et c’est là-dedans que je trouvais mes samples. À côté, j’ai commencé une collection de vinyles de ouf, mais c’est plus particulier, parce que je ne pouvais pas rester toute la journée devant la platine à écouter. Alors que sur Internet, c’est plus facile d’explorer.

« Un album que je ne comprends pas, c’est un album que je vais complètement kiffer. »

II. Rigueur et curiosité

A : Tu as l’air d’être quelqu’un de méthodique et d’organisé dans ta manière de travailler.

D : J’aime bien quand c’est plus ou moins carré. Il faut que je comprenne ce que je fais, que ce soit ordonné. Quand je fais une prod, dans la manière dont j’agence mes pistes, il faut que soit clair. C’est un peu scolaire, mais c’est ce que j’aime.

A : On le voit un peu dans le film d’ailleurs, tu cadres un peu plus Nekfeu.

D : Ouais, ça, ça me saoulait… [rires] Mais c’était pas voulu ! C’est ce qui ressort du film, et ça me fait chier. Je donne des directives, mais du coup, les gens me voient comme le chef, ça me saoule.

A : Au contraire, on a l’impression que tu apportes un équilibre à l’effervescence que les autres artistes ont ensemble, notamment au Japon.

D : C’est cool, merci, je préfère que tu me dises ça. [rires] Je mettais un cadre de travail : il y avait tellement de personnes, il fallait qu’on soit plus ou moins ordonnés, sinon c’était l’anarchie ! Le fait que ça soit mon rôle, ça m’est tombé dessus pendant Cyborg.

 

A : Le fait d’être multi-tâches et d’être quelqu’un qui trouve des solutions, ça vient d’où ?

D : L’époque entre la 75e Session et Cyborg. J’essayais de combler les manques soulignés par les mecs que j’enregistrais. Oxmo m’avait dit un truc à l’époque où, avec Georgio, on faisait des dates ensemble avec lui : « il faut que tu comprennes tout ce que tu fais, tous les rouages dans la musique. » Ça m’a fait un déclic sur le fait de capter toutes les possibilités : le comportement du producteur en studio, la relation avec les musiciens qui, eux, comprennent le solfège…

A : Tu as eu des modèles, des inspirations ?

D : Bien sûr ! Je regardais beaucoup d’interview de grands producteurs. Dre pour sa régularité en studio, tout est carré, millimétré, même dans le business. Danger Mouse m’a influencé de ouf, surtout avec Demon Days de Gorillaz. Je pensais qu’il avait juste sorti des instrus qu’il avait filés à Damon Albarn. Mais au contraire, il avait expliqué qu’en tant que producteur, il écoutait les morceaux et retirait ce qui devait être retiré, arrangeait, récupérait. Il avait une approche qui n’est pas celle d’avoir forcément les mains sur les machines. Il écoutait, épurait, un vrai rôle de producteur. Noah “40” Shebib, aussi : lui, c’est vraiment la D.A., tout ce qu’il a créé avec Drake que j’ai trouvé fort. Le son qu’ils ont créé, lo-fi. En France, j’adore un mec comme Al’Tarba, il y a de la mélancolie dans ses trucs, c’est prenant ! Sa manière de superposer plein de samples, ses textures, je trouve ça chaud. Lullabies For Insomniacs, c’était trop.

A : Tu citais Oxmo : quand tu développes du boom bap, on sent une filiation avec ce qu’ont fait DJ Sek et DJ Mars de Time Bomb.

D : Un peu, ouais. Quand j’étais petit, j’écoutais que ça grâce à mon frère. Je me suis explosé à Time Bomb, Lunatic, La Brigade, un son très sec.

A : Ce qui est marrant, c’est ton évolution de ce son-là vers d’autres choses.

D : J’ai toujours voulu faire ce que je ne sais pas forcément faire. C’est pour ça que je n’ai jamais eu de son qui me définit, parce que je cherche toujours à explorer quelque chose que je ne connais pas. Un album que je ne comprends pas, c’est un album que je vais complètement kiffer, et que je vais essayer de capter jusqu’au bout. Quand j’étais en école d’ingé son, c’était l’album de St Germain, Boulevard – on en parlait avec Hologram Lo, il adore aussi. Il y a des codes en termes de mix et de texture qui sont archi précis. Ça m’est aussi arrivé avec Currents de Tame Impala : ça m’a fasciné. Ils faisaient tout ce que tu ne dois pas faire dans les codes de la musique, comme faire passer la batterie dans des flangers [NDLR : effet sonore créant un retard sur un son]. J’ai décortiqué cet album de A à Z. House of Balloons de The Weeknd aussi, j’ai pété un câble. Je ne comprenais rien. Jeremy Rose, le mec qui travaillait au tout début avec The Weeknd m’a influencé de fou aussi. Je regardais les samples qu’il avait récupérés, ça m’a fait découvrir des groupes de rock psyché, comme Beach House.

A : Cette volonté d’explorer des genres musicaux que tu ne connaissais pas, ça explique pourquoi vers 2015 tu as aussi fait de la house, sur ton compte Soundcloud ?

D : De ouf ! À ce moment-là, j’essayais vraiment de faire d’autres trucs. Comme de la drill, sans aimer forcément, mais au moins pour comprendre comment ça marche. Par contre, j’adore la grime, ce côté archi-électronique. Je trouve toujours de l’intérêt dans les choses.

A : Est-ce que tu essaies d’influencer les rappeurs avec lesquels tu travailles vers cette curiosité musicale ?

D : J’essaie. Au début c’était toujours un peu compliqué, parce que chacun à son style propre, mais à chaque fois que je leur fais écouter mes prods, il n’y a rien de forcément logique. Un truc comme “Menteur menteur”, c’est presque grime. Quand je lui avais fait écouter, Nekfeu m’avait dit ok, mais parce que je n’avais que ça à ce moment-là. Je ne fonctionne pas selon l’offre et la demande : je fais de la musique d’abord pour moi, et parfois je n’ai que ça à proposer.

A : Donc ça n’arrive jamais qu’on vienne te voir en te disant « je veux tel ou tel type de prod » ?

D : Si, mais c’est impossible pour moi d’arriver à la refaire. Une prod qu’on m’a demandée mille fois, c’est “Skyclub” de Népal. Je l’ai faite sur le moment, et je ne reproduirai jamais le même truc. D’ailleurs, je déteste les batteries de ce morceau.

A : Tenons-en nous à ce que tu viens de dire : la direction plus rock de Bleu noir de Georgio, ça vient de toi ou de lui ?

D : De lui. « Jeudi gris » par exemple, il m’a donné une indication, et je lui ai dit « je vais tenter ». Il n’y a que deux rappeurs qui peuvent me donner des directions : lui et Nekfeu. Il faut que je connaisse les personnes, leurs goûts, leur personnalité.

A : Avec le recul, sur un album comme celui-là, il y a des choses que tu retiens, où tu te dis que tu as peut-être touché à quelque chose que tu cherchais ?

D : C’est bizarre à dire mais tout ce que je fais, ça me frustre un peu après. Il n’y a pas un truc où je me dis que pour le coup j’ai vraiment géré. Chaque fois que je réécoute quelque chose que j’ai fait, je vois un défaut. Ça me rend bête. Sur  « Les Anges déchus, les gens déçus », la basse est fausse par exemple. Ça me rend dingue. Même la caisse claire, elle n’a pas la même tonalité. Ça me rend vraiment bête ! Je n’ai jamais réussi à trouver de morceau où je me suis dis : « Là c’est bon. Je suis content. » Il n’y a que dernièrement sur Les Étoiles vagabondes où ça me l’a un peu fait. Mais parce qu’on avait une idée, et on est allés au bout de cette idée. On a dit qu’on allait faire ça et on l’a fait.

A : Bleu noir, c’est ton premier projet avec un peu d’enjeu ?

D : Mon premier projet avec un peu d’enjeu c’était Cyborg. Il y a vraiment eu un avant et un après avec ce disque pour moi. Avant ça, j’avais travaillé sur quelques morceaux sur chaque album de Georgio, j’ai produit un morceau sur Héra, que j’ai agencé comme je voulais, mais je n’avais pas vraiment d’implication sur le disque. Après mon travail avec Georgio, j’ai ensuite mixé des choses sur Alph Lauren II de Alpha Wann, j’ai produit « Playoffs » et j’avais fait des arrangements sur « Protocole ». En gros je ne faisais que des one shots sur plein de disques. Le premier projet que j’ai enregistré de A à Z ou presque, c’était Cyborg de Nekfeu. C’est la première fois où j’avais la mainmise sur un disque entier : il y avait beaucoup de passage dans le studio donc j’encadrais les personnes qui étaient là, je leur disais à quelle heure passer… C’était de l’organisation et c’était moi qui tenais le lieu. En gros j’étais le sheriff du lieu et j’ai fait le sheriff de l’album à la fin.

« Pour Nekfeu, c’était soit je l’enregistrais, soit il ne faisait rien. »

III. De Cyborg aux Étoiles vagabondes

A : Comment s’est fait le rapprochement avec Nekfeu ?

G : Je ne pourrais même pas te l’expliquer. Même moi je ne sais pas en fait. On enregistrait UMLA avec Alpha Wann à l’été 2016, et on se connaissait un peu via des dates communes avec Georgio. À l’époque de Feu, il m’avait fait écouter des morceaux mais ça s’arrêtait là. Il vivait au studio Don Dada à l’époque et du coup on a commencé à vraiment beaucoup se croiser. Mais avec les prods un peu bizarres que je faisais je me disais que je n’avais pas le niveau. Et finalement, il a pris une prod à moi au moment de la réédition de Feu. À l’époque de l’enregistrement de UMLA, Nekfeu était tout le temps au studio avec nous. Il m’a alors demandé si on pouvait faire des maquettes. De fil en aiguille, le premier morceau qu’on a enregistré ensemble c’est « Dans l’univers » avec Vanessa Paradis. Le morceau date de cette époque-là. Ce n’était pas prévu à la base qu’il y ait Vanessa, il m’a juste dit qu’il avait une idée, et il m’a demandé de l’aiguiller. Je commençais à essayer de comprendre l’Auto-Tune, les descentes harmoniques, donc indirectement je lui expliquais ce que j’étais en train d’apprendre. Et en fait la prise qu’on a fait sur ce morceau pour essayer, c’était directement la prise définitive. Ça s’est bien passé et il m’a alors demandé s’il pouvait maquetter d’autres morceaux avec moi, et j’étais évidemment chaud. Au final on a fait un morceau, deux morceaux, trois morceaux, quatre morceaux, et à un moment donné je devais partir en vacances à l’époque… Il commençait à me parler d’une idée d’album, je lui disais que c’était mortel mais que s’il voulait finir son album à temps il allait falloir qu’il aille bosser avec d’autres personnes parce que moi j’allais être indisponible un moment. Et là il m’a dit « non non, je t’attends, t’inquiète ! » J’étais un peu surpris. Pour lui, c’était soit je l’enregistrais, soit il ne faisait rien. Et pendant mes vacances, je me suis mis à travailler sur ses maquettes : j’étais à l’Île Maurice, sur la plage, et je bossais sur les voix de Vanessa Paradis. Ça n’avait pas forcément de sens, mais j’ai commencé à capter qu’il voulait vraiment travailler avec moi. Il m’a alors donné une deadline, en octobre : c’est-à-dire deux semaines après mon retour de vacances. Donc quand je suis rentré on a tout bouclé dans l’urgence.

A : C’est-à-dire ?

D : Sur les quatorze morceaux de l’album, il nous restait sept titres à composer et enregistrer. C’était un merdier pas possible. Cyborg a été fait en un mois, pour pouvoir annoncer le disque à son Bercy ensuite. Il avait son idée en tête et il m’a mis une deadline dingue. C’est le premier disque sur lequel je me suis pleinement investi et c’est en ça que ça a été le premier challenge dans ma carrière de musicien. Enregistrement, production, arrangements, organisation… Je récupérais les pistes, j’avais toutes les sessions, je faisais la tracklist avec lui, et surtout c’est la première fois où j’ai pu assister à un mix. Personne n’y allait, du coup j’ai appelé les mixeurs du disque un par un, en leur demandant si je pouvais venir assister à leurs sessions. Et ils étaient chauds. C’était le plan parfait pour moi, parce que j’apprenais des choses de fou avec eux. Pour chaque morceau de Cyborg, j’ai fait le tour de tous les studios. Ça m’a permis de faire mes premiers contacts avec eux alors que je ne les connaissais pas. Je me suis dit que c’était le moment ou jamais d’apprendre ce qu’était le mixage, et ils m’ont appris plein de choses. J’étais trop content ! Je dormais deux heures par nuit : je me couchais à sept heures, et à neuf heures j’avais rendez-vous au studio.

A : Ce qui devait être intéressant pour toi c’est que ce n’était pas un disque de rap « classique ». Il y avait des cordes, Archie Shepp au saxophone…

D : Archie Shepp c’était fou. Je l’avais étudié en cours deux ans auparavant, j’avais même fait un exposé sur lui ! Quand Nekfeu me dit : « il y a Archie Shepp qui va venir au studio », je me rappelle que j’étais avec Loubenski. On s’est regardés, on a halluciné. J’étais tellement stressé… Mais c’est une des plus belles sessions d’enregistrement que j’ai jamais faite. On avait enregistré Archie Shepp en improvisation, je l’avais mis sur la même gamme que « OD » et « Vinyle », et en fait il improvisait avec Loubenski dessus. J’avais mon casque, j’étais assis, et je les écoutais jouer, c’était fou. Ils se testaient au début et à la fin c’était un vrai échange pour savoir qui aurait la dernière note. J’ai un EP entier de Archie Shepp, il est incroyable ! Je me le suis même mixé rien que pour moi, avec des petites reverbs… On a enregistré toute la nuit. Archie Shepp est arrivé à 20h, il est reparti à 2 ou 3 heures du matin.

A : Donc au final, tu as eu un vrai rôle de D.A. sur Cyborg.

D : Oui et je ne savais pas ce que c’était. C’est là que j’ai appris la réalisation artistique, même si je trouve que le terme n’est pas trop approprié. Tout le monde se dit réalisateur aujourd’hui mais je dirais plus que j’avais le truc du producteur où j’étais touche-à-tout. J’enregistrais, je produisais, et c’est ça que j’ai aimé. Je ne bossais pas sur un seul morceau mais je travaillais sur un tout. Ça a été une découverte et ça m’a appris énormément de choses, beaucoup plus que mes années d’études. Tu dois t’adapter, et la réalité du terrain, il n’y a que ça qui compte je trouve.

A : Quand Nekfeu revient et dit qu’il veut faire un double album, avec un film, une musique pour le film, forcément, ça te branche non ?

D : À la base j’avais refusé. J’étais en fin de tournée avec Georgio pour l’album Héra et Nekfeu m’avait plus ou moins expliqué le concept, mais c’était un peu obscur. Il me disait que lui et Syrine Boulanouar voulaient filmer un peu pendant l’enregistrement, voir les coulisses du disque, mais il m’avait vraiment minimisé le truc. Il était malin, il savait que ça allait me faire flipper, mais j’ai refusé au début, pour Georgio. J’en ai alors parlé avec lui, et Georgio m’a dit : « mais t’es un malade, mec. On te propose de faire un album au Japon, fais le ! » J’ai quand même réfléchi pendant longtemps, mais j’ai finalement décidé d’y aller. C’était une opportunité de voyager et de faire de la musique dans un autre pays. Et c’est vrai que c’est une offre qui ne se refuse pas. Mais je voulais la refuser pour ne pas lâcher Georgio, je m’étais engagé quand même…

A : Ça a été compliqué pour toi d’être moins impliqué sur le dernier album de Georgio ?

D : Non pas vraiment. Déjà sur Héra je n’étais pas trop là au final. Mais j’ai quand même suivi le projet de loin, en faisant des retours à Georgio. Je n’avais pas le même rôle que sur Les Étoiles vagabondes, je ne pouvais pas faire la D.A. sur deux disques en même temps. Et puis Les Étoiles vagabondes ma séché toutes mes idées : j’y ai réalisé des choses que j’avais en tête depuis tellement longtemps, le fait de faire des enchaînements entre les morceaux…

A : C’était vraiment quelque chose à ton initiative ce lien entre les morceaux ?

D : Complètement. On l’avait déjà fait sur « Vinyle » sur Cyborg et je lui ai dit que ça serait génial de pousser cette idée encore plus loin. En vrai ce n’était pas une idée qui venait de moi parce qu’il avait aussi la même idée, et on s’est retrouvés sur celle-ci tout comme on a plein d’autres idées qui ont convergé. On avait une ligne directrice, mais en vrai l’album a été fait en improvisation totale. Au début c’était en improvisation, et une fois qu’on a eu le squelette on a commencé à vraiment le façonner…

A : L’idée du double album était là dès le début ?

D : Non, pas du tout. C’est arrivé comme ça.

A : On a du mal à comprendre ça sur le film : vous parlez de 14 morceaux au début, et d’un coup à Los Angeles, vous parlez de 28 ou 30 morceaux.

D : Le but du film c’était de nous voir en train de travailler, tout en se disant qu’il y avait certains éléments qui ne collaient pas forcément. Même quand tu écoutes l’album, il y a pas mal de personnes qui me disaient qu’elles ne comprenaient pas certaines choses, que c’était coupé, mais en fait c’était voulu. On voulait donner l’impression avec le premier disque qu’on allait quelque part sans aller au bout de cette idée… qui finalement était complétée par l’Expansion ensuite. On voulait laisser des questions en suspens en gros. Mais c’est vrai que quand tu regardes le film, tu vois qu’on est en train de galérer. On a eu beaucoup de mal à agencer l’album.

A : Ce disque a été douloureux à faire ?

D : Franchement, pour de vrai, oui. Mais pour tout le monde. Les gens ne le savent pas forcément mais on a tous eu chacun des moments de doute. On s’est barrés pendant des mois de Paris, loin de nos proches, dans une ville qu’on ne connaissait quasiment même pas, et on était tous dans le même mood, parfois la même incertitude.

A : Vous partiez longtemps à chaque fois ?

D : On est partis deux mois à Tokyo. Et quand tu ne connais pas du tout la ville, que tu vas là-bas uniquement pour faire de la musique, c’est spécial. C’est génial, mais le disque a été fait dans un mood particulier, on avait tous nos moments où on se sentait déracinés. On n’avait plus d’attache, et ça a eu une influence sur le disque dans sa globalité. Le fait de bouger a vraiment tout changé : on n’aurait jamais fait le même disque si on l’avait fait à Paris. Un lieu ça influence toujours quelque chose, même dans la même ville. Ça va te mettre dans un mood différent…. Et c’est en ça que les voyages ont changé la donne de l’album.

A : Quand on compare Cyborg et Les Étoiles vagabondes, on a l’impression que les trois teintes différentes que tu as produites sur Cyborg – « OD », « Humanoïdes », « Esquimaux » – se retrouvent plus développées sur le disque d’après. C’est le cas ?

D : Pour moi, Cyborg est un peu inachevé. J’étais content de faire ce disque mais je ne l’ai pas du tout digéré. J’ai l’impression que mon travail dessus n’est pas à la hauteur de ce que Nekfeu voulait faire. Et surtout je n’ai pas eu l’occasion ou le temps de mettre en oeuvre toutes les idées qu’on avait en tête. Ce qu’on a finalement réussi à faire sur Les Étoiles vagabondesCyborg est un disque où il y avait vraiment beaucoup de recherches pour tout le monde ; Les Étoiles vagabondes est vraiment une suite de ce disque. Les gens n’ont pas forcément capté, mais si tu écoutes Cyborg, tu vois qu’il y a des sons de ce disque que tu peux insérer dans Les Étoiles vagabondes. Si tu es très attentif seulement. Il y a pas encore vraiment de personnes qui ont compris comment l’album a été construit, et j’attends que des personnes repèrent ça. Mais c’est un disque tellement long, il faut du temps pour le digérer : toutes proportions gardées, au niveau de la densité de l’album, je le compare à To Pimp A Butterfly de Kendrick Lamar. Le disque est tellement dense que tu ne peux pas avoir d’avis au bout d’une semaine.

A : Vous avez dû refaire du tri dans les morceaux ?

D : Oui il y a des titres qui ont été enlevés. Le plus compliqué de toute façon c’était sur les morceaux eux-mêmes. On voulait garder le nécessaire, épurer, et il y avait tellement de pistes, tellement de versions… À un moment j’ouvrais mon ordi, j’ouvrais la session Pro Tools, et j’avais 150 pistes face à moi. J’appuyais sur play et j’écoutais en boucle, je retirais une caisse claire, et Nekfeu avait écrit tellement de choses de son côté… Ça devenait de l’architecture au bout d’un moment. Agencer chaque morceau était compliqué, alors agencer tout l’album ensuite, c’était un bordel. C’est pour ça qu’on a mis du temps à faire le disque.

A : Tu as un exemple de morceau qui a été particulièrement difficile à finaliser ?

D : Je pense notamment à « Alunissons » où ça a été une galère sans nom. La plus longue session d’enregistrement que j’ai jamais faite. Enregistrer les boucles de guitare, la voix, le traitement de la voix, la D.A. du morceau, l’agencement : tout était chiant. Et même Ken, il me rendait fou ! Ce morceau a pris cinq mois à être fait, ça a été une vraie galère. En fait c’est le morceau dont je suis le plus satisfait au final parce qu’on est allés au bout de notre idée. Même s’il y a des défauts, on a dit quelque chose et on l’a fait.

A : Sur Les Étoiles vagabondes, vous avez fait intervenir pas mal de musiciens. Ton bagage d’ingé son et créateur de solution n’a-t-il pas été particulièrement utile à ces moments-là ?

D : « Ciel noir » c’est un bon exemple : session studio à la Nouvelle-Orléans, dans un des plus gros studios de la ville, qui est aussi l’un des plus populaires aux États Unis. C’est une ancienne église reconvertie en studio avec des machines de fou et une console que je n’avais jamais utilisée. Nekfeu m’a amené en studio et il m’a dit : « il y a un groupe de gospel qui arrive, il y a un Trombone Shorty avec sa trompette qui arrive, un batteur pareil, tu te démerdes. » [rires] Il s’est posé derrière, il s’est assis et m’a dit « frère il va falloir me donner quelque chose à la fin… » Je m’en rappellerai tout le temps, je me suis retourné et je lui ai dit : « mais tu as conscience que tout ce qu’il y a là, je n’ai jamais rien touché de ma vie. » Il m’a répondu : « oui je sais. Mais ça va bien se passer ! » Et si ce n’était pas moi qui le faisais, personne ne le faisait.

 

A : Du coup ça te mettait la pression ? Ou alors le fait qu’il te donne cette responsabilité, t’a donné confiance ?

D : Pression de ouf. La pression d’avoir un résultat à la fin, avec que des gens que je ne connais pas, qui parlent tous anglais… Il y avait neuf choristes, il y avait un batteur qu’on avait attrapé dans la rue, Trombone Shorty et son équipe qui étaient là… Laisse tomber, en termes de pression, c’était incroyable. Je voulais vivre ce moment, mais une fois que tu l’as dans les mains, il ne faut pas faire le malin.

A : Donc le fameux « Diabi, tu me dis quand c’est bon ? » il n’est pas sur ce morceau par hasard.

D : Complètement. La session d’enregistrement Pro Tools de ce morceau, elle doit sérieusement peser 30 gigas. [rires] Il y a tellement de trucs. Avec tout ce qu’on a fait à la Nouvelle-Orléans on aurait pu faire un album entier. On a enregistré beaucoup plus de choses. Surtout que j’aime bien enregistrer les ambiances de studio, du coup j’ai tout enregistré à chaque fois qu’il y avait tout le monde, quand les musiciens improvisaient… J’ai des passages, je peux les envoyer à Kanye, il va kiffer. [sourire] J’assistais à des trucs musicaux, je pétais un câble en cabine. Ces moments-là ne sont pas filmés, mais je me disais dans ma tête : « c’est ça que je cherche. C’est exactement ce moment qu’un type dans ma situation voudrait vivre. » Quand tu écris quelque chose et que tu as un gospel qui le chante, t’es heureux en vrai. J’avais mis le son à fond, l’ingénieur du son me disait de le baisser, je lui disais « non non je m’en bats les couilles ! » Les enceintes pétaient, je sautais dans tous les sens.

A : Tu parlais de Kanye, ça me fait penser au morceau « L’Espoir meurt en dernier » de Georgio. Je n’avais jamais fait le lien mais le fait que tu samples « Ultralight Beam » et que tu te retrouves trois ans plus tard avec un choeur de gospel, c’est plutôt amusant.

D : Je ne sais pas si c’est un accident. Tout ce qu’il s’est passé pour moi jusque-là c’est une suite d’improvisations totales. Mais c’est vrai que le concept de sortir d’un truc et de le faire en vrai, tu changes de cap. Et c’est ce que je voudrais faire maintenant, travailler avec des vrais musiciens à chaque fois. Ça coûte plus d’argent, mais c’est tellement plus fort. Et surtout tu gaspilles moins d’argent dans le mix, tu fais de la musique qui sonne de suite. Tu vas vraiment avoir une texture musicale de base qui est bonne. « Ciel noir » et « Alunissons » étaient les morceaux les plus faciles à mixer sur l’album : tout était déjà nickel, sauf les voix. Mais le mixeur m’a dit qu’il n’avait presque pas touché à la prod. La maquette sonnait, donc c’était pas très compliqué.

« J’aime bien la compo si je ressens l’erreur, le grain, la chaleur… Quand c’est trop propre je ne supporte pas. »

IV. Placements et futur

A : Simultanément à ton travail avec Nekfeu sur Les Étoiles vagabondes, il y a un autre album sur lequel tu travailles : UMLA de Alpha Wann.

D : Oui. J’ai enregistré sur UMLA, j’ai mixé aussi, j’ai fait un featuring pour la blague, et j’ai produit. Mais je me suis vraiment mis sur UMLA à la fin du disque : j’avais déjà enregistré des choses avec Alpha sans avoir de prise sur le projet, c’était vraiment Lo’ qui gérait, et ils m’ont appelé à la fin. Mon travail sur « CASCADE (Remix) », c’était vraiment à la fin par exemple. Ce morceau est parti d’une erreur : ils m’avaient demandé d’arranger un morceau, de rajouter deux ou trois trucs, j’avais un acapella qui était le couplet, et j’ai tout réarrangé. Sans m’en rendre compte j’avais changé toute la prod et c’est pour ça que c’est devenu un remix. Je l’avais fait au studio, je leur avais envoyé en leur disant que j’étais parti en couilles et que je comprendrais s’ils revenaient à la version originale. Bon, au final ils l’ont gardée.

A : On sent aussi dans ton travail avec Alpha que tu cherches une texture différente.

D : Complètement. J’étais plongé dans Les Étoiles vagabondes et je recherchais autre chose musicalement. Je ne crois pas que je l’ai trouvé en plus, mais j’essayais d’aller un peu ailleurs. Ce qui est drôle c’est que la prod de « Langage crypté » est beaucoup plus vieille que « CASCADE », elle date de 2017. Même « Pour celles », ça date d’avant Cyborg… Il y a des écarts dans le temps, mais ça se rapproche.

A : Sur « Esquimaux » tu samplais quelque chose qui sortait de la librairie sonore de Frank Dukes, et c’est vraiment quelqu’un qui travaille beaucoup sur les textures, les spectres sonores. D’une certaine manière, sur les prods que tu fournis à Alpha sur cet album-là, il y a cette envie d’avoir un grain particulier, non ?

D : J’ai toujours aimé cette recherche de texture en fait. Ma casquette ce n’est que de la compo, et le MIDI ça me dégoutte. J’ai du mal avec la moitié des prods de rap français, je trouve ça un peu claqué. C’est pour ça que j’aime bien les prods avec une texture, et j’aime bien la compo si je ressens l’erreur, le grain, la chaleur… Quand c’est trop propre je ne supporte pas.

A : Pourtant tu as l’air très rigoureux dans ta manière de travailler…

D : Oui mais quoi qu’il arrive, je sais que je suis obligé de rendre ma musique vivante. Si ça ne sonne pas humain, ça ne m’intéresse pas. Je suis obligé de mettre dix mille effets qui « salissent », qui donnent du souffle, et que j’enlève ensuite. Je fais par exemple une mélodie en accéléré, puis je vais la ralentir, l’étirer, et ça va donner un côté un peu MP3 bidouillé à la main.

A : C’est quelque chose que tu partages avec Népal ?

D : C’est clairement lui qui m’a fait du forcing avec ça ! Il me disait que ma musique était trop propre, et ça m’a beaucoup aidé.

A : Népal, ce n’est pas quelqu’un qui conceptualise beaucoup plus que toi ?

D : Népal fait tout : des clips, des pochettes, de la musique… Il a une vision très claire de son art. Quand il avait fait 444 Nuits445e Nuit, KKSHISENSE8, il avait à chaque fois une idée précise, un but. Il savait particulièrement où il allait. Sur son dernier projet il m’a particulièrement dirigé : il me disait « j’ai besoin de ça, j’ai besoin de ça » et je le faisais en studio avec lui. Par exemple le morceau avec Gracy Hopkins : je ne suis pas à l’origine de la prod mais je suis vraiment en co-prod. Pour « Cloud 8 », je suis parti d’un clavier et j’ai tout rajouté autour. Je lui propose des choses, et vu que c’est un producteur il garde ou il retire.

 

A : Népal donne l’impression d’être quelqu’un qui a eu une réelle influence parmi votre scène. C’est le cas ?

D : Les gens ne le savent pas forcément mais c’est vrai qu’il a joué un vrai rôle. Par exemple, tout le monde a pété les plombs sur « Humanoïde » de Nekfeu, mais c’est grâce à Népal. C’est lui qui a apporté le sample de base, on a tout rejoué, mais c’est lui qui a eu l’idée. C’est un putain de producteur. Et même sur Les Étoiles vagabondes, j’avais fait « Oui et non » avec lui, il avait écouté le morceau en me disant de changer des choses… Il a une vraie importance dans notre entourage. Quand on écoute ses projets dans notre équipe on pète un câble. J’ai tellement poncé 444 Nuits, c’était un délire. Quand il m’a fait écouter « Oxmose », « YOLO », j’étais fou. Et c’est lui qui fait ses prods lui-même, avec son identité propre à lui. Travailler avec lui c’est toujours enrichissant, un peu comme avec tous les rappeurs-producteurs en général, ils savent très bien ce qu’ils veulent. Regarde Damso : il sait très bien ce qu’il veut à chaque fois.

A : Parallèlement à ça, quand tu te retrouves à faire des placements pour PLK, Rémy, ou Panama Bende, c’est quoi ton envie ? Aller ailleurs ?

D : Rémy, c’était du placement de maison de disques, par hasard. J’ai quand même un éditeur, mais je m’en suis occupé très tardivement. On m’avait déjà envoyé des propositions mais je m’en fichais un peu, je voulais juste faire de la musique et ne pas penser au business. Mais j’ai commencé à travailler avec un éditeur qui avait envoyé la prod à Remy. Panama Bende je les connais tous depuis longtemps. PLK, c’était vraiment du hasard : il était venu enregistrer le morceau de son album avec Nekfeu au studio Don Dada et c’est moi qui l’ai enregistré. C’est marrant parce qu’au moment où il était en train de faire le refrain, la structure du morceau, j’appuyais juste sur rec. Je bossais sur le dernier projet sorti de Népal au même moment ce jour-là. Il s’avère que la prod de Népal sur laquelle je travaillais avait la même tonalité que « Waow » de PLK sur lequel on bossait. À un moment il m’a dit « mais tu es en train d’arranger mon morceau ? Les claviers que tu fais, ils vont trop avec la prod ! » J’avais juste mon casque et je n’écoutais pas forcément, et je lui ai rajouté plein de trucs sur la prod et il a gardé ce qu’il voulait garder. Il m’a demandé, je l’ai fait. C’est mon gars.

A : Tu travailles sur quels outils aujourd’hui ?

D : Je suis toujours sur Pro Tools. Je sais qu’il y a des gens qui ne comprennent pas mais je fais toutes mes prods avec Pro Tools. J’utilisais Reason à la base mais je le faisais qu’en rewire pour mettre mes batteries à l’époque. Maintenant je travaille sur Pro Tools et Ableton Live. J’aime bien utiliser ce dernier pour les batteries, ou faire des trucs de compo qui sont un peu plus techniques. J’ai un clavier maître, machines pour des batteries, et des VST à droite à gauche. Mais je sais que quand j’arrive en studio j’aime bien jouer du Rhodes, je vais m’en acheter un. J’ai vraiment besoin de démarrer d’un vrai instrument, je suis en train d’essayer de vraiment bien comprendre le solfège et pas me baser sur des boucles. Ce qui est important pour moi c’est de comprendre les accords, les harmonies, et c’est mon nouveau truc du moment. Le seul morceau que j’ai samplé sur Les Étoiles vagabondes, c’est sur « Elle pleut », le morceau d’une fille qui s’appelle Naë et que j’ai trouvé sur Instagram.

A : Tu es quelqu’un qui fait plein de choses différentes : tu es producteur, tu mixes, tu es ingénieur du son… Est-ce qu’il y a un domaine dans lequel tu te définis le plus ?

D : Aucun. Je ne trouve pas que je suis un putain de producteur, je ne dis pas que je suis le meilleur mixeur, je sais pas en fait. Il n’y a pas un domaine où j’excelle, je trouve. J’aime bien faire un peu tout. La plupart des gens trouvent que je suis fort en enregistrement, les bonnes prises pour chaque instrument… J’ai tout enregistré sur l’album Les Étoiles vagabondes, je faisais les placements de micro, les batteries aussi… Et ça pour le coup c’est le seul truc où les gens disent que je suis vraiment bon. Quand j’ai des instruments que je ne connais pas j’ai vraiment envie d’apprendre comment bien l’enregistrer. Quand il y a eu le choeur de gospel, j’ai dû m’adapter, comprendre ce que je cherchais, de la chaleur, donc je vais prendre tel micro, je veux la reverb de la pièce donc je vais mettre des micros beaucoup plus loin, je vais mettre des panneaux pour essayer de les isoler pour que le son vienne vers moi… Et c’est indirectement ce que je fais quand je compose : quand je fais des claviers, j’ai toujours plein de plugs, d’equalizers… je ne garde jamais le clavier tel quel. Je suis toujours obligé de fouiller, de mettre de la distorsion dessus, de le faire passer dans des filtrer pour le triturer, et c’est indirectement ce que je fais quand j’enregistre.

A : Qu’est-ce que tu as envie d’encore apprendre dans la musique ?

D : J’aimerais continuer à produire et enregistrer des vrais instruments dans mes morceaux. Et continuer à en apprendre plus sur le solfège, même si j’ai toujours des lacunes. Mais c’est important pour moi de comprendre les accords et les structures harmoniques. Par exemple pour PLK, je suis arrivé en studio, j’ai pianoté un peu et j’ai trouvé la gamme en deux-deux. Je captais très vite tous les accords que je pouvais faire. Direct j’ai pu lui proposer plein de choses différentes. Et j’aimerais m’améliorer là-dedans. Il y a toujours quelque chose à apprendre, c’est jamais terminé en fait. Sinon, j’aimerais continuer à parfaire mon mix, aller beaucoup plus loin, taper direct dans le mille à chaque fois. J’ai toujours des petites lacunes et quand j’écoute des albums hyper bien mixés ça me rend fou.

A : Tu n’as pas parlé de placer des prods ailleurs…

D  J’aimerais bien mais je sais que ma musique est compliquée. Une personne qui va prendre une prod à moi, ça va lui demander du taff parce que c’est pas forcément quelque chose qui est logique. La plupart des rappeurs aujourd’hui cherchent de la trap, du banger, et ce n’est pas vraiment ce que je fais. Je ne vais pas m’en cacher. « Menteur menteur », si Nekfeu ne l’avait pas prise, personne ne l’aurait fait. C’est grime ! J’ai lu une interview de Dabs qui disait qu’il avait trop kiffé « Koala mouillé ». Mais je me suis dit « il est bizarre ». [rires] Mon éditeur me prend vraiment la tête avec ça en me disant qu’il faut que j’envoie des prods mais je te jure qu’ils aiment pas…

A : Tu te dis qu’ils ne vont pas aimer ou tu sais qu’ils ne vont pas aimer ? Est-ce que ce n’est pas toi qui te mets des limites ?

D : Je sais que je me mets des limites mais je sais que ce n’est pas ce qu’ils recherchent. Les mecs veulent un coup de coeur direct, mais moi je sais qu’il faut se prendre la tête avec mes prods. Et les mecs n’ont pas envie. Et je ne dis pas que je fais des choses complexes en mode prétentieux, c’est juste que ce n’est pas toujours évident à la première écoute. Et sur l’album de Nekfeu, j’ai des prods dessus que d’autres trouvaient bof. Par exemple « Skyclub », Népal m’avait d’abord dit qu’il n’allait pas poser dessus parce qu’il trouvait ça bizarre. Je l’ai fait écouter à d’autre rappeurs, ils ne voulaient pas. J’ai imposé le remix à Népal et il l’a fait. Mais si j’ai la possibilité de poser pour d’autres rappeurs je ne vais pas hésiter, j’adorerais. Je kifferais que Niska me demande d’écouter des prods. Il y a plein de rappeurs qui ont mes prods dans leurs boîtes mails, mais après… Certains m’en bloquent parfois.

A : Tu fais des prods peut-être compliquées mais Les Étoiles vagabondes est pour l’instant l’album qui s’est vendu le plus cette année. Est-ce que tu as assez de recul pour réaliser tout ça ?

D : C’est compliqué pour moi. Franchement il y a des morceaux, je ne comprends même pas comment ça marche. « Ciel noir », c’était un ovni pour moi. On se disait entre nous que ça allait être le morceau qui marcherait le moins de l’album, et en fait il y a plein de gens qui l’aiment. Même le succès du film, je ne savais pas ce que ça allait donner…

A : Qu’est-ce que tu ressens aujourd’hui avec ce succès, qui t’est aussi un peu attribué ?

D : Je suis content pour Nekfeu surtout. On lui a apporté ce qu’il a voulu faire. Mais les ventes ça me dépasse. L’objectif que j’avais, c’était de livrer l’album, et une fois qu’il était livré c’était bon pour moi. Que le disque se vende ou pas ce n’était plus de mon ressort. Mais avec le temps je commence à essayer de comprendre tout ça. C’est quand même cool comme projet, rien n’a été fait normalement avec ce disque : deux albums, avec une pochette sous vide qui donne l’impression d’être de la drogue achetée sur le dark net… Il n’y a pas de single évident, et pourtant ça marche. Il y a quelque chose que tu ne maîtrises pas.

A : Tu disais donc que tu avais été épuisé d’idées par ce disque. Tu peux développer ?

D : Je suis à sec. Depuis mai dernier je n’ai pas fait une seule prod. Mais ça commence un peu à me manquer. Je fais attention de quand même prendre du temps pour écouter autre chose. C’était un énorme projet et il va falloir que je prenne du temps pour pouvoir me remettre à produire. J’ai essayé de faire des prods, bosser avec d’autres rappeurs, mais il n’y avait rien qui venait. Peut-être qu’il fallait vraiment que je fasse une pause. Du coup je ne fais rien du tout, je me balade, je joue à la console, et j’écoute beaucoup de projets. Tous les projets qui sortent je les ai écoutés. Je reste un kiffeur de rap, je regarde toutes les interviews, je regarde toutes les émissions, mais je ne fais plus de musique.

A : Tu ne satures jamais de la musique ?

D : Jamais. Je ne sature jamais de la musique que je fais, ni de celle des autres. Par exemple je suis à fond sur l’album de Niska en ce moment. [NDLR : interview réalisée quelques jours après la sortie de Mr. Sal]. En fait je prends toujours plaisir à suivre quand un nouvel album sort. Même, ça me fait kiffer de suivre l’actualité musicale. Mais là je suis pressé de refaire de la musique avec des gens. Il faut juste que je me laisse le temps de retrouver de l’inspiration, sans me forcer. C’est quelque chose qui doit vraiment venir de moi, que je dois laisser venir. Parce qu’une fois que j’ai envie, je sais qu’il faut que je le fasse.

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