Arm (Psykick Lyrikah)
Interview

Arm (Psykick Lyrikah)

« Je sais quelle langue je parle », c’est ce qu’assure Arm sur le dernier album de Psykick Lyrikah. Rencontre avec celui qui est le noyau de ce groupe protéiforme à l’idiome fin, rare et parfois sibyllin.

et

Abcdr du Son : Derrière moi, ton dernier album, a été mixé par Reptile. Peux-tu revenir sur ce choix ? 

Arm : On pensait déjà à lui pendant l’enregistrement de Vu d’ici . Mais bon, on n’avait pas trop le temps à ce moment-là, alors on a pris le parti de tout faire à Rennes, c’était plus pratique. Et puis on ne l’avait pas encore contacté. Pour Derrière moi , on y a de nouveau pensé, mais à vrai dire, c’est surtout Olivier Mellano qui m’a remis un coup de pression, en me rappelant bien que pour cet album, il faudrait absolument le contacter. Il disait que c’était le moment où ça valait le plus le coup. Et lui comme moi, on connaissait certains albums qu’avait mixés Reptile, donc je l’ai appelé. Il ne connaissait pas ce que je faisais. Alors je lui ai envoyé les albums précédents, on s’est rappelés, on a discuté, et on s’est rencontrés pour mixer Derrière moi.

A : Pourquoi lui ? 

Arm : Je ne vais pas te faire le truc habituel du rap français qu’on écoute peu, mais je n’ai pas beaucoup de rap français dans ma CDthèque. Et il se trouve qu’il y a la majorité des disques de rap français que j’ai qui sont mixés par lui. Je pense à Flynt, à La Canaille, à Casey, à Authentik de NTM. Puis il a mixé du rock aussi. Donc je savais qu’il avait la double casquette, que l’énergie un peu chargée ça ne lui ferait pas peur, même si sur cet album-là, il n’y a pas de guitare.

A : Le travail ensemble, ça se passait comment ? Tu lui donnais des indications ou au contraire, il avait carte blanche ?

Arm : Honnêtement, il a commencé à bosser sur un morceau, et quand j’ai entendu le truc, il n’y avait pas grand-chose à redire. Quand tout est équilibré… Je ne suis pas Stanley Kubrick ! Si tout roule, tout est bien, que la voix est là et que le truc est patate… Bref, si au final il n’y a pas de soucis, je n’ai pas à en faire des tonnes. Les seuls trucs après, c’est de l’ordre du réglage : une caisse claire par-ci, un back par-là, une grosse caisse. C’est du détail

En fait, il arrivait en milieu de journée, et il s’enfermait [Sourire]. A partir du moment où il arrive, il ne décroche pas de son poste de travail jusqu’à deux/trois heures du matin. Il mixait deux morceaux par jour. Le but était d’aller vite. Puis il me faisait faire une écoute quand c’était bien avancé. Super simple en fait.

A : Et le fait d’avoir déjà pensé à lui lors de Vu d’ici mais de travailler avec « seulement » maintenant, tu n’as pas eu de regrets ?

Arm : Non, je ne pense pas parce que Vu d’ici n’était pas l’album qui s’y prêtait. Il était plus intimiste. Il y avait encore des samples sur ce disque, il était fabriqué avec des sources de son un peu crado. Et je crois que la personne qui a mixé Vu d’ici était la bonne personne. C’est un jeune artiste qui s’appelle Thomas Poli, qui commence à faire de la réalisation, mais qui est surtout musicien à la base. Il fait partie d’un groupe de Pop rennais qui s’appelle Montgomery. Il était sur la dernière tournée de Dominique A, il va participer au prochain album. Il est en train de travailler aussi avec Miossec, il connaît Olivier [Mellano, NDLR]. Il élargit sa palette artistique. Et je pense vraiment que c’était la bonne personne. Chaque disque a vraiment une identité sonore du coup !

« Qu’est ce qu’il passe quand tu te retrouves seul face à toi-même ? Tu flippes. Les gens flippent. Chacun à sa manière. Il y en a qui fument des gros bédos, il y en a qui regardent la télé jusqu’à trois heures du matin, il y en a aussi qui arrivent à mettre leur cerveau en veille facilement. Nous on a la musique, c’est cool. »

A : Dans ce travail de mixage et de production, est-ce qu’il y a un échange autour du texte, des intentions de mixage qui vont de pair avec ce que tu écris ?

Arm : Alors je t’avoue qu’avec des textes comme les miens, c’est toujours assez délicat de les aborder quand un technicien mixe le truc. Puis au départ, quand il ne te connaît pas bien, il te regarde un peu genre « oulha, il a un problème lui » [Sourire]. Mais Reptile, par exemple, a très vite vu que c’était super détendu, qu’il y avait un décalage entre les personnes, ce qui se racontait dans les textes et ce qui se vit dans le quotidien. C’est au bout de quelques jours qu’il a abordé le sujet, parce qu’il écoutait les morceaux en rentrant chez lui le soir dans sa caisse pour savoir comment ça sonnait. Et une fois, il m’a lâché que les morceaux étaient super tristes. Moi je ne les entendais pas comme ça. Alors on en a discuté un peu. Mais de façon générale, on parlait plus de la couleur des textes dans l’ensemble, on ne s’attardait pas des heures sur des phrases. On s’est marrés par exemple quand on a découvert qu’il y avait le mot flamme dans tous les morceaux.

A : Justement, quelque chose qui était très flagrant sur Vu d’ici, et qui se ressent encore dans cet album, c’est que tu utilises beaucoup les éléments dans tes textes : le feu, les vagues, le vent, l’orage, etc.

Arm : Ça, je ne sais pas trop. En fait, j’ai souvent eu peur d’être trop ancré dans un quotidien. Ça dépend aussi de la façon dont tu commences à écrire. Quand tu commences à écrire, souvent tu te mets sur des rails qui vont t’amener vers des bases. De là va découler autre chose forcément, mais les premiers trucs que tu écris sont super importants. Dès le début, j’ai senti que je n’étais pas forcément super fort en punchlines ni en vannes. Même dans la vie de tous les jours d’ailleurs. Du coup, dès que je faisais des références à un truc très actuel ou concret, je me disais que ça allait me faire chier de le ré-entendre dans 10 ans. J’aime beaucoup écouter ça chez d’autres personnes qui le font bien, mais moi, ce n’est pas mon truc. Et c’est sûrement aussi lié au parcours, aux gens que tu rencontres, aux musiciens avec lesquels tu es amené à travailler, échanger. Bref, assez vite, ce sont donc des choses plus viscérales qui sont venues, de l’ordre du ressenti. Peut-être que ça a parfois un côté un peu sentencieux, ce qui peut me faire chier, mais après c’est difficile de parler d’autres choses quand tu touches à des trucs symboliques.

A : Et le côté nocturne ?

Arm : Ça je pense qu’à la base, c’est aussi quelque chose qui va de pair avec le moment où tu commences, quand tu es jeune, tout simplement. Les choses s’expliquent à la base tu sais. Après ça se développe autrement. Mais quand tu es jeune et que tu commences à faire de la musique avec tes potes, tu fais ça quand ? La nuit. Donc tu retrouves tes potes la nuit, tu fais du son la nuit, tu commences à vivre la nuit, et quand tu ne bosses pas, ça va vite.

Et puis la nuit, c’est aussi le moment où les choses s’arrêtent. Qu’est ce qu’il passe quand tu te retrouves seul face à toi-même ? Tu flippes. Les gens flippent. Chacun à sa manière. Il y en a qui fument des gros bédos, il y en a qui regardent la télé jusqu’à trois heures du matin, il y en a aussi qui arrivent à mettre leur cerveau en veille facilement. Nous on a la musique, c’est cool. Vous vous écrivez sur des sites, des blogs. Tout ça, ça permet de canaliser les choses. Puis après tu apprends… Au départ je voyais plus la nuit comme un élément, quelque chose qui te prend dans ses bras. Puis, petit à petit, ça s’est transformé. Aujourd’hui, je dois bien reconnaître que je n’ai plus le même rythme de vie qu’à l’époque de Des Lumières Sous la Pluie, par exemple. Mais la nuit, c’est le négatif des choses. C’est comme le rap. Dans le rap, tu te découvres des choses que tu n’es pas tous les jours. C’est le côté obscur. La nuit, c’est pareil. Et c’est un truc qui fait fantasmer tout le monde, dans la musique, le cinéma… La nuit nous appartient [Sourire].

A : Derrière moi est un disque plus rap que les précédents. Cette envie de revenir à quelque chose de plus brut, qui cogne plus, tu l’expliques comment ?

Arm : C’est venu au bout de trois ou quatre disques. Enfin, il y a eu la mixtape [Lyrikal Teknik, NDLR], Des Lumières Sous la Pluie, puis Acte et enfin Vu d’ici. Je ne suis pas du genre à vouloir appliquer la même recette à chaque disque. Quand je sens que je commence à me répéter, à appliquer quelque chose que je sais faire, je flaire un peu… Non pas l’imposture, mais quelque chose de dangereux. Alors du coup, j’ai envie de me remettre en cause. Avec Vu d’ici, je sentais qu’on était arrivé à quelque chose. Pour moi, c’était l’album qui fusionnait bien les éléments un peu rap, un peu dark, un peu électro de Des Lumières Sous la Pluie et toutes les guitares qui sont venues se greffer, surtout depuis Acte . Bref, sur Vu d’ici , j’ai senti que j’arrivais au bout de quelque chose. Alors j’aurais pu refaire un album similaire, et ça aurait sûrement plu à des gens d’ailleurs. Ça en aurait aussi lassé beaucoup d’autres, je pense. Mais le risque de refaire un Vu d’ici, c’est qu’au final tu ne te vois plus faire les choses, tu oublies ce que tu es en train de faire.  Et au bout de quatre ou cinq albums, tu ne te rends plus compte que tu ne fais plus que servir la même sauce en fait. Donc il y avait ça et puis le fait que j’écoutais beaucoup de rap.

A : Comme quoi ? 

Arm : J’écoutais beaucoup les disques qui m’ont marqué quand j’ai découvert le rap. Les albums de Nas, de Mobb Deep, Boot Camp. J’écoutais aussi le premier Oxmo, les premiers Kabal, les trucs qui m’avaient marqué. J’ai réécouté pas mal Lunatic aussi, les trucs que Booba avait pu sortir après. Aussi un peu de Stones Throw, la clique de Madlib, etc. Et aussi le son du Sud, que j’ai découvert plus tard. J’étais persuadé de ne jamais aimer ce genre de trucs, comme beaucoup de gens ! [rires] Et puis, en fait, je me suis laissé prendre au jeu, entre autre aussi parce qu’il y avait des parallèles qui se faisaient à ce moment-là avec des films que je regardais, des bouquins que j’étais en train de lire. Et puis j’ai toujours écouté beaucoup de blues, alors dans l’histoire du sud des États-Unis, il y avait un truc qui me semblait évident. Quand tu creuses un peu, tu te rends compte que ce n’est pas si différent.

A : Est-ce qu’un album comme le dernier Casey t’a marqué ?

Arm : Non, pas énormément. Son disque qui m’a le plus retourné, c’est le maxi Ennemi de l’Ordre. Lui, il m’a vraiment marqué, Iris ne dira pas le contraire d’ailleurs. Le premier solo j’ai beaucoup aimé aussi, par contre le second un petit peu moins.

A : Et Zone Libre ?

Arm : Ouais, les deux projets, ça c’est un truc que j’ai bien suivi. On a joué pas mal avec eux. Je préfère sur scène que sur album, parce qu’en concert, ils ont une telle énergie… L’album n’arrive pas à la reproduire. Mais ça c’est aussi l’ordre dans lequel on fait les choses. Malheureusement, tu enregistres un album aussi pour préparer une tournée, et tu découvres que sur scène, ton disque pète encore plus. Mais tu ne peux plus revenir sur ton disque ! Quand tu réécoutes les morceaux de ton album alors que tu as appris à les maîtriser sur scène, ils te semblent parfois un peu petits.

A : Tu penses à la tournée, aux concerts, quand tu fais un album ?

Arm : Non. Pas trop. Si tu commences à penser à tous ces trucs-là, ça commence à devenir un peu compliqué. Tu te mets à vouloir mettre un zeste de ci, un zeste de ça, vouloir que ce soit encore plus patate. Par contre, partager la scène avec des gens comme Casey, Zone Libre, ça évidemment que ce n’est pas par hasard. Je me sens proche d’eux. Ce n’est pas pour rien qu’on se retrouve ensemble sur les mêmes dates, qu’Olivier Mellano est pote avec les trois musiciens de Zone Libre depuis presque quinze ans. Ce n’est pas pour rien que parmi mes rares disques de rap français il y a ceux de Casey ou La Rumeur.

« Indirectement, c’est aussi Olivier Mellano qui m’a fait comprendre que peut-être, ce serait bien qu’on refasse du rap. »

A : En relisant des interviews de toi, en parcourant ta discographie, on peut conclure qu’il y a deux déclics qui ont eu lieu dans ce que tu fais : le théâtre, avec ta participation aux projets de la compagnie l’Unijambiste [Arm a participé à deux adaptations de la compagnie : Hamlet et Richard III, NDLR], et ta rencontre avec Olivier Mellano. Qu’est-ce que t’ont apporté ces deux projets artistiquement, et sûrement aussi personnellement ?

Arm : Le théâtre, je ne suis pas sûr que ce soit aussi artistique que ça. Évidemment, il y a eu plein de rencontres, de belles choses. Tourner Hamlet ou Richard III, ce n’est pas non plus n’importe quoi. Mais le théâtre m’a surtout aidé techniquement : comment tu te positionnes dans la salle, sur scène. Comment tu abordes le public. Comment tu te places par rapport aux lumières. C’est plus au niveau de cette notion d’espace que ça m’a beaucoup apporté. Artistiquement, je ne sais pas. Je me sens encore coincé aujourd’hui quand je dois rapper un texte sur une scène de théâtre. Parce que je sens que le son n’est pas pur, parce que je sens que je suis coincé dans un rayon de lumière super quadrillé, que je suis en face de gens super concentrés assis dans des fauteuils rouges. C’est un univers qui n’est pas le mien, quoi qu’il arrive. Mais techniquement, en terme d’occupation de l’espace, de jeu avec les lumières, de communication avec le public, c’est énorme.

La rencontre avec Olivier est beaucoup plus large que ça. Quelque part, c’est lui qui a apporté le côté un peu plus pop, rock. Mais indirectement, c’est aussi lui qui m’a fait comprendre que peut-être, ce serait bien qu’on refasse du rap. Ça peut paraître un peu brutal ce que je dis, mais je pense que sur Vu d’ici, j’étais plus sur son territoire à lui que sur le mien. Et au bout d’un moment, il a senti que ça aurait pu glisser vers un truc qu’il connaissait bien. Et lui, il aime bien casser les trucs. Avec Olivier, on écoute des disques de rap super bourrin, il écoute du Dirty South super bourrin, c’est rigolo [Rires].

A : Tu n’avais plus l’impression de faire du rap sur Vu d’ici ?

Arm : Si. Mais ce qui me dérangeait, c’est par exemple de ne plus voir tous les gens qui faisaient du rap et que je fréquentais il y a 10 ans à Rennes. Ils ne viennent pas aux concerts, ils n’achètent pas mes disques, je ne sais même pas s’ils savent ce que je fais. Eux retiennent peut-être la guitare électrique et le théâtre. Des fois, j’écoutais des albums de rap et je me disais : « Mais il y a rien dans ce morceau ! Une caisse claire, un pied, un charley, un synthé et ça tape ! ». Et ce que je vais dire, ce n’est pas du tout pour renier Vu d’ici . J’en suis très fier, c’est le premier album que j’ai réalisé tout seul, j’étais super content. J’avais réussi à intégrer des éléments de rythmique qui tapent un peu, les synthés arrivaient. Mais j’avais besoin de faire des choses avant de tourner une page. Notamment tous les interludes, « L’Aube » ou « Anonyme » par exemple, qui est un morceau de guitare avec beaucoup de reverb. J’ai fait beaucoup de guitare sur le disque d’ailleurs. « Ne Regarde Pas », j’y ai joué toutes les guitares. C’est des périodes en fait ! Et j’avais besoin de ça. C’était un album où il y avait trois/quatre morceaux rap, et le reste ne l’était clairement pas. Le morceau d’introduction, ce n’était pas un titre de rap. Les interludes, il n’y avait même plus de rythmique. Là, aujourd’hui, je veux de la rythmique. Je voulais re-raper un petit peu.

A : Le fait d’avoir fait Derrière moi tout seul, c’est une conséquence d’avoir fait un album en duo, avec Iris sur Les Courants Forts ? Tu voulais revenir à quelque chose de plus solitaire ?

Arm : Je ne sais pas… Les Courants Forts a été enregistré il y a trois ans en fait, alors qu’il est sorti à la fin de l’année dernière. Mais peut-être que oui, Les Courants Forts, comme d’autres choses que j’ai pu faire, c’était le fruit d’une rencontre, et qu’au terme de tout ça, j’avais envie de me retrouver un peu tout seul. C’est aussi que vu la couleur que je voulais donner à Derrière moi , je n’avais pas trop envie d’expliquer, de parlementer, de chercher des compromis. Si je suis tout seul, il n’y a que moi qui vais devoir me comprendre, je vais le faire comme ça. Ce sera plus simple, ça ira plus vite. Je vais proposer ça, et peut-être qu’après viendront se greffer d’autres choses. Et ça ne rate pas. Regarde sur scène, il y a Robert Le Magnifique, Olivier, Iris, alors que ce n’était pas prévu à la base. On ne pensait pas redonner des côtés rock aux morceaux par exemple. Mais ouais, c’est des histoires de facilité, et puis effectivement… Quelque part il y a beaucoup de rencontres. On me l’a fait remarquer récemment ! J’ai fait plus de morceaux avec des gens que ce que je pensais. Ça va vite, tu ne t’en rends pas forcément compte sur le moment. Surtout quelqu’un comme moi qui n’est pas dans un réseau rap très marqué, et qui pourtant a un entourage régulier. La Famille comme on dit : Olivier, Robert Le Magnifique, Iris, Idwet, tous ces gens-là.

A : Quand l’Abcdr t’avait interviewé en 2008, tu disais à propos de Des Lumières Sous la Pluie : « Pas mal de morceaux ne me correspondaient déjà plus à la fin de la tournée du premier disque. C’était très dur de les jouer devant un public, de balancer des textes dont je doutais à la fois du fond et de la forme. » Tu ressens encore cela aujourd’hui ?

Arm : Est-ce que c’est le dernier album qui a fait que les choses ont changé ? Je ne sais pas. Mais en tous cas, aujourd’hui, j’assume plus facilement de refaire des vieux morceaux. Peut-être aussi parce qu’aujourd’hui, je commence à avoir un catalogue de morceaux plus fourni. Ce n’est plus l’époque où j’étais obligé de jouer tout ce qui venait de sortir parce qu’il n’y avait rien d’autre. Des Lumières Sous la Pluie, avec le recul, je le vois comme un album très adolescent, dans le sens du romantisme que tu peux dégager durant cette période de la vie. Peut-être à tort, parce que j’ai eu le nez dedans, donc je vois tous les défauts du disque, les années qui ont passé. Mais il y avait une sorte d’esthétisation de la noirceur ou de la mélancolie qui, sur certains morceaux, me dérangeait. C’était peut-être les arrangements aussi.

En tous cas, aujourd’hui, le titre éponyme, Des Lumières Sous la Pluie, je le joue en guitare-voix avec Olivier. Et ça ne me dérange pas. Mais il y avait des trucs sur le fait de se sentir seul ou quoi, qui sont des trucs que je ne ressens plus. Si aujourd’hui, je mise tout sur un texte où je raconte que je me sens seul, où je me tortille dans tous les sens en faisant des grands trucs, là je vais vraiment avoir l’impression de faire du théâtre. Parce que ce sont des choses que je ne ressens plus vraiment. Et ça va vraiment me déranger.

Je crois que maintenant, j’assume plus de trucs en fait. Parce que je suis plus en paix avec plein de choses. Je n’ai pas de problème avec les mecs qui me disent : « Ta musique c’est hyper dark, super sombre, pesant. » J’ai passé beaucoup de temps à m’en justifier, mais aujourd’hui en fait, il n’y a plus de problème avec ça. Pour moi, l’idée qui dit que si tu fais de la musique sombre c’est que tu es sombre dans la vie, elle ne va pas de soi. Ça n’a rien à voir même. C’est justement dans ces zones d’ombres que tu creuses pour chercher des choses. Et puis, quand on te dit que tu es forcément à l’image de ta musique, c’est oublier ou réduire le côté esthétique. C’est la licence poétique, c’est de la musique, ça reste artistique. Bref, je n’ai plus de problème avec ça. Nous on se marre entre nous, même du fait que ce soit sombre, on en rigole. Parfois on voit des gothiques dans les concerts, mais ça nous fait marrer, dans le sens où on trouve ça cool.

A : Ce refus de romantiser tous ces sentiments sombres, c’est un peu ce que tu dis  dans « Rien ne change » : « A ceux qui chantent le canon sur la tempe, allez vous pendre ou fermez-la ? »

Arm : Personne n’a entendu cette phrase. C’est bien que tu la relèves. Ouais, c’est un peu ça. Moi je ne peux pas écouter de morceaux de gens qui racontent qu’ils ont envie de se flinguer, parce que je vois trop de gens autour de moi qui ne vont pas bien, qui ne font pas de musique forcément. Ma femme est infirmière par exemple, elle bosse avec des gens qui ne vont vraiment pas bien et qui n’ont pas la musique pour raconter les choses. Je pense qu’il y a plein de gens autour de nous qui ont des choses, des blessures. Et parfois, la musique, ça devient un rôle. Tu vois ce que je veux dire ? Notamment dans le rap ou dans la pop, où il y a ce côté tristounet. Moi je veux bien qu’on dise que ce que je fais est sombre. Mais je n’ai pas envie qu’on dise que ça donne l’impression de se pendre, ou je ne sais pas quoi, parce que ce n’est pas ce que ça raconte ! Ça m’a fait chier, tout ça. Alors je l’ai un peu caricaturé avec cette phrase, mais ça n’empêche que ça m’emmerde. Un mec qui a vraiment envie d’en finir, il ne va pas se faire chier à aller en studio, à enregistrer un disque, le mixer, le masteriser. « Ah tiens, le « Je vais me pendre » là, tu peux mettre un peu de reverb dessus, là ? Puis on va le doubler et on va mettre un peu d’effet pour spatialiser un peu le truc aussi ! Et si on mettait aussi un « Je vais me pendre » à gauche, un autre à droite. Et oublie pas faut que je sois bien sur la pochette, que je sois cool, avec une larme qui coule« . Non, tout ça je trouve que ça craint. Le côté Klub des Loosers, ça me fait chier ouais. Sur le discours. Bon, ça reste de la musique, ce n’est pas très grave, mais parfois je trouve ça quand même un peu insultant par rapport aux choses qui se passent vraiment au quotidien. Le milieu artistique, les disques, ce sont des bulles quand même, tu fais un peu ce que tu veux. Mais je crois que les gens n’ont pas trop pigé ma phrase. En tous cas on ne m’en a jamais parlé.

« C’est important d’avoir toujours en tête tous les gens qui bossent. Parce que c’est super luxueux de faire de la musique, des concerts. »

A : Et même dans la manière de le dire, de ta part, c’est un peu surprenant, on est pas habitué à t’entendre d’un coup lâcher un truc comme ça…

Arm : Ouais. Mais ça rejoint ce que je te disais tout à l’heure. Parfois je me retiens vraiment d’être trop cash. Et je t’avoue que j’ai pensé à tout ça quand je ai écrit et rappé cette phrase. Je me suis dit : « Oh là, quand même » J’aime souvent les phrases qui donnent lieu à plusieurs interprétations, les trucs plus flous. Mais parfois c’est bien d’être plus direct aussi.

A : Sur cet album, de façon sous-jacente, on te sent également plus revendicatif. Tu parles de « ceux qui chutent mais qui se relèvent , de « ceux qui ne savent plus comment faire » . Comme si tu avais voulu défendre des gens, représenter des histoires, sous-entendre que socialement, ça va mal. Direction qui ne ressortait pas forcément dans tes précédents disques.

Arm : Oui, ces phrases-là ont quelque chose de plus engagé.

A : Ça vient d’où ces phrases-là ? De ce qui se passe actuellement en France ?

Arm : Clairement, c’est politique aussi. Je n’ai jamais fait de morceaux clairement politiques, mais entre les lignes, il y a beaucoup de ça, évidemment. Et j’ose encore imaginer que le rap est encore du côté de ceux qui souffrent, des plus faibles, de ceux qui se font écraser chaque jour par le cynisme de la politique actuelle. Et ça ne va pas aller en s’arrangeant. Alors oui, en toute modestie, j’essaie d’être une petite flamme dans la nuit. Ne serait-ce que symboliquement, avoir l’impression d’en parler, d’y penser tous les jours, de ne pas renoncer ni fermer les yeux. Tu vois là, c’est une tournée, c’est cool, tu voyages, tu pionces à l’hôtel, tu rencontres du monde. Je fais ce que j’aime, je suis nourri, logé, blanchi. Mais c’est important d’avoir toujours en tête tous les gens qui bossent. Parce que c’est super luxueux de faire de la musique, des concerts. Ça, c’est un truc qu’on essaie de ne jamais perdre de vue avec Psykick. Le fait de se sentir vraiment chanceux. Donc ouais… Et je pense que ça ne va pas aller en s’améliorant. Quand tu entends les gens parler… Plein de gens ! Même des jeunes !

A : Dans quel sens tu dis cela ?

Arm : Tout le monde a l’impression d’être exploité, d’être pris pour un con. Alors tout le monde ne veut plus se faire avoir. C’est ça la hantise des gens aujourd’hui : ne pas se faire avoir. Tout le monde a peur de ça, le fameux « trop bon, trop con » . Eh bah du coup, on ne laisse plus rien passer. On n’accepte plus les choses. Je trouve, hein. Puis bon, là je viens de passer deux semaines au Canada, j’ai trouvé que les gens étaient vraiment plus ouverts. J’ai demandé mon chemin dans la rue, il faisait nuit, je te jure que les gens sortaient leur téléphone portable pour voir quelle route je pouvais emprunter, ou même appeler à ma place quand j’en ai eu besoin. Tu verrais ça ici ? Moi à Rennes, je demande mon chemin à une heure du matin, personne ne sort son téléphone. Tu vois ? Bon, je caricature peut-être un petit peu, j’ai peut-être idéalisé le truc, je ne suis finalement resté que deux semaines là-bas. Mais en rentrant, je suis arrivé à Paris, ça râlait direct ! [Sourire] Tu vois ? Mais on est les premiers à râler ! On est français ! [Sourire]. Mais attention, au-delà des trucs politiques, de tout le bordel, la crise et tout ça, il y a vraiment un truc humain qu’il ne faut pas perdre de vue. Un truc dans la relation entre les gens. Bonjour, merci, au revoir, être curieux. Des trucs tout simples mais qui sont vraiment importants. Parce que si tu perds ça de vue, ta vie devient un enfer. J’en suis persuadé ! Tu le portes sur toi après. Donc voilà ! Vous voyez que mes textes sont plein de messages d’espoir et humanistes ! [il rit]

A : Dans le livret de Derrière moi, on comprend que tu es devenu père.

Arm : Ouais !

A: Est-ce que ça a changé ton rapport à l’écriture, comme si désormais tu avais un auditeur particulier en plus ?

Arm : Je n’ai pas écrit de textes depuis que je suis père. Quand il est arrivé, j’avais déjà écrit l’album.

A : Tu n’avais pas dit dans une autre interview qu’il y avait un morceau qui était un message d’espoir ? Il m’a semblé saisir des phrases qui…

Arm : [Il coupe, NDLR] Parce qu’il arrivait ! J’anticipais un petit peu. C’était une période très étrange en fait. « Rien ne change » est pour moi le texte le plus important dans l’album. J’ai l’impression que ce que j’y dis… C’est un peu ce dont on parle depuis tout à l’heure, d’espoir, de ces gens qui se relèvent … Et d’essayer d’être bien avec le petit qui arrive, d’être en paix avec ceux qui sont partis. D’être fort par rapport à ça, de se relever, parce que la vie est devant toi. J’ai la chance d’être entouré, d’avoir des gens autour de moi. Et « Rien ne change » parle de tout ça.

A : Et le titre de l’album, tu peux l’expliquer ?

Arm : Parce que justement, j’ai l’impression que le fait d’avoir fait la paix avec plein de choses, c’est vraiment quelque chose que je laisse derrière moi. C’est tout ça. Des choses personnelles. Des choses musicales aussi. C’est tout ça, toute une période. Comme je le disais récemment dans une interview, c’est aussi le passage des 30 ans.

A : Justement, dans l’album, tu as cette phrase où tu dis : « A trente ans la vie commence, défigure-la mais surtout ne te fais pas prendre ».

Arm : Je n’ai pas de problème avec le temps qui passe. Ça c’est un truc qui ne me fait pas peur. Mais par contre, symboliquement, avoir 30 ans et sortir cet album, ça m’interpelle. J’ai 30 ans et je sors un album très différent de ce que j’ai voulu faire, d’un coup je deviens papa, d’un coup j’ai un rapport à la mort qui est super violent puisque j’ai perdu mon père la même année. Je commence à faire des projets, à conseiller des gens autour de moi qui se lancent dans le rap, dans la musique et je me dis : Tiens, je suis passé de l’autre côté ! Et tu le vois pas venir ce truc-là. C’est comme quand tu parles de musique : d’un coup tu deviens nostalgique. Tu passes des années à bouffer de la musique, et là ça y est d’un coup, tu passes de l’autre côté. Et je pense que toute ma vie, je vais ressasser cette période là, cette sorte d’âge d’or où tu emmagasines des choses. On va ressasser Nas, le Wu-Tang, Nirvana, Wayne’s World… [Sourire]

A : [Rires] Grosse référence là ! Respect !

Arm : Voilà tu vois ! Quand on va se retrouver entre gens d’une même génération, quand on se remémorera des trucs, ce sera toujours les mêmes conneries ! A partir d’un moment, tu bascules dans un truc. Au lieu de se dire « Ah merde, putain, 30 ans, fini la liberté, et tout » , je préfère voir ça comme ce que je te raconte. Je me suis jamais senti aussi bien, aussi fort qu’aujourd’hui. Ça se ressent artistiquement peut-être aussi, dans une façon plus directe d’écrire, de faire de la musique.

A : Je t’ai lu dire que ça te saoulait de décortiquer tes textes, parce que tu pensais que ça pouvait « démystifier l’acte artistique » ? Tu veux que les gens se confrontent à ce que tu écris, leur laisser toutes les interprétations possibles ?

Arm : Oui et aussi parce que je ne veux pas être capable de le faire. Je suis persuadé que si tu prends des chansons qui te touchent au plus haut point, et que tu vas demander à la personne qui les a écrites de t’en parler, eh bien je suis sûr que 9 fois sur 10 – si la personne est comme moi, qu’elle ne sait pas bien parler – tu seras super déçu. Ça me ferait chier par exemple que Jacques Brel soit là en train de m’expliquer « Les vieux ». C’est un morceau que j’aime beaucoup, qui m’émeut beaucoup, avec un texte que je trouve très fort… Bon, pour le coup, ça reste un titre assez explicite. Mais quand tu reçois un morceau, finalement, ce qui me semble important, c’est le film qu’il m’a permis de me faire dans ma tête. Est-ce que c’est ça qui est important, ce film qu’on se fait, ce tout ? Ou c’est juste l’explication de ce tout ? L’explication, à partir du moment où tu ressens la musique, elle est déjà faite. C’est un langage qu’il y a dans ta tête, dans ton ventre. Et donc parfois je me dis que si je me mets à parler de morceaux qui semblent avoir un sens très fort, ça va devenir chiant comme la mort. Je ne vais plus savoir à quel truc j’ai fait référence, je vais me contredire parce que moi-même, un jour, je vais plus le ressentir comme-ci, et le lendemain plus comme-ça.

A : C’est d’autant plus vrai avec des textes comme les tiens, qui ont quelque chose d’ésotérique.

Arm : Esotérique. Tu crois ?

A : Il n’y a pas vraiment de porte d’entrée sur le texte en fait.

Arm : Il y a une porte de sortie quand même ? [Rires]

A : Je ne sais pas non plus [Sourire]. Mais en fait, il y a parfois l’impression d’être face à un mur, tout lisse, et d’un coup une phase permet de prendre prise, de s’accrocher, et finalement de rentrer dedans.

Arm : Mais c’est presque comme ça que je le vois. Cette vision-là, elle peut me convenir quand j’écris ou je rappe des trucs. Tu vois comme c’est flou. Je ne suis pas du tout scolaire. Il y a des gens qui se documentent, qui écrivent beaucoup en amont, prennent des notes. Je me rappelle de Hamé qui me disait qu’il écrivait parfois plusieurs versions d’un même texte. Moi c’est bien un truc que je suis incapable de faire, que je n’ai même pas envie de faire. L’écriture, l’enregistrement, et le concert même, c’est une sorte de grand flou. T’éteins la lumière, et ça devient un tourbillon. Tu tombes plus ou moins violemment dedans selon les soirs, tu en ressors lessivé, et tu ne sais pas trop ce qui s’est passé. Des fois, t’as ressorti des trucs, tu ne sais même pas pourquoi ça t’est revenu, un texte que tu n’avais plus fait depuis un moment par exemple. Ou tu te dis qu’il y a une phrase que tu as trouvée chelou. Ou à l’inverse que tu as revu ce que tu voyais en écrivant le texte. C’est un truc… Pas chamanique mais on n’en est pas loin ! Et j’ai vraiment envie de garder ce truc là, super instinctif, tribal.

A : C’était déjà le cas en 2004, où dans une interview tu disais ne pas aimer cogiter sur ce que tu écris…

Arm : Oui. Et puis on disserte suffisamment sur tout, tout le temps, à la radio, à la télé, pour que parfois on laisse un peu le truc se faire. T’as kiffé ? Ouais. T’as kiffé ? Non. Bon bah voilà quoi. Regarde souvent, quand on sort d’un film, d’un spectacle, la première question qui vient, quasi immédiate : « Tu en as pensé quoi ? » . On analyse tout, tout de suite. On ne prend pas de recul. On a envie de poser des mots, direct. Et je suis le premier à le faire. Il faut avoir un avis. Ça rassure d’avoir un avis. Mais parfois c’est pesant. Et on y perd également du temps à certains moments.

« N’ayez pas peur, vous pouvez le dire que je fais du rap, vous ne m’insulterez pas, il n’y a pas de problèmes. Et non je n’ai pas de soucis avec les rappeurs qui ont des dents en or ou qui sont tatoués, tout simplement parce que ça fait partie du rap. »

A : L’écriture, ça se passe comment ? Tu produis d’abord ? Tu as juste une boucle ? Tu écris sans rien ?

Arm : Souvent j’attends d’avoir un son qui me plaît vraiment. Je suis capable de passer plusieurs jours à revenir sur le même son, et une fois que le truc me plait, je fais tourner un semblant de couplet, un semblant de refrain, un petit break, et puis j’écris. Par contre ça va aller très vite. C’est toujours dans ce jet instinctif.

A : Plus tu avances, plus le thème disparaît dans ton rap. Il n’y a plus de titres comme « Ma ville », ou « 8 minutes ».

Arm : Non, effectivement, il n’y a plus ça. Mais au même titre que ce que je te disais tout à l’heure, à ne pas servir la même recette tout le temps, je dois me demander si en terme d’écriture, là aussi je ne suis pas arrivé au bout de quelque chose. Pour le prochain disque, il faudra peut-être que je me remette en question à ce niveau-là. Car les automatismes dans l’écriture, au bout d’un moment, c’est vraiment très difficile de s’en défaire. C’est des questions que je me pose tout le temps en tout cas.

A : Tu as des débuts de réponse sur la manière dont pourrait évoluer ton écriture ? 

Arm : Non. Sur la forme, oui peut-être un peu, mais sur le fond, non, pas vraiment. Je ne sais pas du tout. Je ne ferais pas un rap de daron par contre, pas de morceaux sur mon gosse !

A :  A l’époque de Des Lumières Sous la Pluie, tu avais laissé transpirer le fait que tu étais saoulé d’être ramené à un rappeur qui fait des références littéraire, un MC à bouquins.

Arm : En fait, tout ça, c’est de la perte de temps. Ne pas vouloir être catalogué dans un truc, je pense que c’est inutile. On l’a fait à l’époque Des Lumières Sous la Pluie . On disait : « Attention, précisez bien que c’est du rap » , parce qu’on ne voulait pas être catalogués abstract, ou electro. Mais tout ça c’est débile, parce que tu pourras faire tout ce que tu veux, tu n’échapperas jamais à tout ça. Je me fais encore prendre à ce jeu là aujourd’hui pourtant. Mais ayant beaucoup travaillé avec le théâtre, dans une configuration guitare/voix aussi, on se rend compte qu’on a public type « groupe de rap préféré des profs de français« . On en rigole entre nous, mais il y a un peu ce truc-là qui revient. [Il sourit] Donc parfois t’as envie de foutre des coups de pieds dans la fourmilière, et de dire aux gens d’aller se faire un peu foutre, que le rap ce n’est pas un gros mot. Non, je ne fais pas du slam, c’est autre chose. Non je ne fais pas du spoken word, c’est encore autre chose. Là il se trouve qu’il y a un pied, un charley, une caisse claire. Je rappe peut-être en fond de temps, mais dedans. Donc c’est bon, n’ayez pas peur, vous pouvez le dire que je fais du rap, vous ne m’insulterez pas, il n’y a pas de problèmes. Et que non je n’ai pas de soucis avec les rappeurs qui ont des dents en or ou qui sont tatoués, tout simplement parce que ça fait partie du rap.

Donc parfois il y avait ce truc là. Oui, le premier album était très influencé par les auteurs russes, mais parce que j’en avais lu pas mal avant. Et ça, c’est aussi les journalistes : « Chant-mé, un rappeur Dostoeïvski, ça défonce » . Ça, c’est du pain béni. Et ça peut être bien. Sauf qu’un moment ça devient du copier-coller de leur part, et si tu pars t’aventurer sur un autre terrain, plus personne ne comprend. J’ai eu quelques remarques sur le côté plus rap et plus synthétique de Derrière moi : « On perd ce côté plus rock, plus ambiant qu’il pouvait y avoir !« . Mais je pense que c’est bien de diviser un peu les gens, dans le but qu’il y en ait un peu pour tout le monde. Et pour en revenir à ce que je disais au début, c’est inutile de se battre pour ne pas être catalogué. Quand dans les théâtres on vient me voir et me dire « J’adore le slam et le vôtre était super » , je ne relève plus, tout simplement parce qu’au final, ce n’est pas grave. Qu’est-ce que ça change qu’elle appelle ça du slam ? Elle a entendu ce que je faisais, elle a vu le spectacle, elle l’a reçu, ça lui a plu. A partir de là, les mots qu’elle met dessus, ça ne reste qu’une étiquette. Et si elle aime Abd Al Malik, Grand Corps Malade et Lipopette Bar, qui sont des disques que pourtant je n’aime pas, ça ne me dérange pas.

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