Arm (Psykick Lyrikah)
Interview

Arm (Psykick Lyrikah)

La voix de Psykick Lyrikah, c’est lui. Celle qui ouvre et clôt le spectacle « Hamlet, thème et variations » aussi. L’alter ego d’Iris sur le morceau ‘Métronome’ du projet « Soul’Sodium », c’est encore lui… Rencontre sous forme d’abécédaire avec Arm, un homme dont ceux qui le connaissent de près disent de lui qu’il ira loin.

Arm

Ce pseudo vient des paroles d’une chanson que j’étais en train de lire dans le livret d’un disque, je ne sais plus lequel. Je cherchais un blaze pour le tag. C’était simple et court. L’explication ne va pas plus loin. L’origine des pseudos c’est souvent comme ça.

Atemporalité

Je m’en rends compte. Ce n’est pas calculé mais finalement ça me plaît. En fait les trucs que je décris sont souvent d’ordre visuel et ressentis, donc je n’éprouve pas le besoin de rajouter des touches ultra-référencées. Mais c’est pas un truc que j’évite non plus, j’aime d’ailleurs écouter ça chez plein d’artistes : leurs pompes, leurs bouffes au Mac Do, leurs plans soirées… C’est quand même typiquement un truc qu’on remarque dans le rap, parce que dans les trucs pop, rock ou chanson, plein de textes sont assez abstraits ou intemporels et personne n’y fait attention.

B.O.

Il y a eu une seconde bande originale d' »Hamlet » parce que le spectacle a connu une deuxième version de mise en scène, du coup plein de nouveaux morceaux ont été composés. Le premier disque devenait un peu décalé par rapport à la pièce qui se jouait, on avait envie de sortir toutes ces nouvelles choses. Robert le Magnifique a composé la plupart de l’album, il a aussi quasiment tout réalisé. Pour moi c’est presque son nouveau disque.

Cheminement

Je fais de la musique depuis tout petit. J’ai appris le solfège et la guitare. J’ai été élevé notamment par ce qu’écoutait mon grand frère, des trucs assez punk et new-wave. C’est aussi lui qui m’a fait découvrir le rap. Il passait des week-ends au Val-Fourré et ses potes lui faisaient des cassettes de fous qu’il ramenait à la maison, Expression Direkt, la clique Boot Camp, les premiers Cypress Hill… J’avais plus de mal avec les trucs West Coast, sauf Ice Cube. J’ai continué à apprendre la musique, à écouter plein de trucs très différents. Tout se mélangeait, mes parents écoutaient beaucoup Leonard Cohen, Joan Baez, des trucs assez folks et des musiques de films. Ensuite comme beaucoup de ma génération, il y a eu le raz-de-marée Nirvana, le Wu-Tang, etc. Plus tard, des disques comme ceux de Company Flow, Cannibal Ox ou La Caution m’ont prouvé qu’il était possible de créer un rap nouveau. Aujourd’hui je revendique ma pluralité musicale, mais je reste très difficile dans ce que j’écoute. J’aime autant Elliott Smith que M.O.P, autant Booba que Nick Drake.

Ciné-concert

Le 12 mars 2006, j’ai assisté à la projection du film « L’aurore » de Friedrich-Wilhelm Murnau mis en musique par Olivier. Il avait composé toute une bande-son qu’il jouait en live sur le côté de la scène. La salle était pleine à craquer, et les gens sont ressortis de là les larmes aux yeux. Sans mentir, c’est l’un des trucs les plus beaux que j’ai jamais vu de ma vie… Je ne connaissais pas le film. J’ai pris une claque et du coup cette bande-son extraordinaire m’obsédait. Olivier m’a filé l’enregistrement de la prestation, j’ai pensé à écrire un texte sur une des scènes du film. Ça a donné le morceau ‘L’ aurore’, et j’ai écrit ‘La poursuite’ un peu plus tard. Ce sont en fait deux scènes qui se suivent dans le film, il était donc indispensable qu’elles se suivent aussi sur le disque. Il y a le regard d’une femme sur ‘La poursuite’, puis celui d’un homme sur ‘L’aurore’. Je suis content d’avoir fait ces deux titres, très fier aussi puisqu’ils m’ont permis d’écrire différemment de ce que je fais d’habitude. C’est aussi pour moi un petit hommage personnel à ce ciné-concert, qui, plus d’un an après sa première, me rappelle à quel point ce que j’ai vu était d’une grâce totale.

Critiques

Chacun son rôle, quoi. L’artiste fait de l’art, le critique fait de la critique, y’a juste à faire avec. Bon remarque un artiste est aussi un auditeur lambda qui a un avis sur des albums…Disons que je trouve normal qu’un artiste soit blessé par une mauvaise critique, car c’est aussi indirectement une part de lui que quelqu’un qu’il ne connaît pas a l’air de remettre en question. Mais je trouve aussi normal qu’on puisse dire ce qu’on pense sur tel ou tel truc, et l’écrire. Par contre dès qu’une limite est franchie, c’est à dire la gratuité dans le propos, le truc classique du gars qui prend plaisir à parler de que qu’il n’aime pas au lieu de l’ignorer, je trouve ça un peu dommage… D’ailleurs plus je lis ou j’entends certaines chroniques de disques, plus je me dis que ça fait très « la copie est rendue, mettons une note à l’élève », je n’aime pas ça… Je me suis forcé à prendre de la distance par rapport à ça, je lis souvent les trucs en diagonale – et pour des trucs écrits en diagonale, ça aide [Rires]… Quant à ce qui me plaît de voir dans une critique, c’est de sentir que la personne a creusé pour parler de son sujet, qu’elle s’en est imprégnée, quitte à ne pas du tout adhérer au truc. Il y a trop de trucs rapides, vite torchés, qui ne rendent pas compte du travail de certains disques… C’est curieux que tu me poses la question, parce que je me rappelle de la chronique de notre premier album sur votre site. C’est la seule fois où il apparaissait que le propos du disque ne prônait pas un repli sur soi, chose que quasiment personne n’a ressenti. Ça m’a fait plaisir.

Films

J’en regarde pas mal, tout type de trucs. Récemment ce sont Terrence Malick et Michael Mann qui m’ont le plus impressionné. J’aime beaucoup les vieux films japonais, et je vais souvent au ciné, surtout pour voir des gros films à effets spéciaux. J’aime beaucoup le cinéma grand spectacle, surtout sur grand écran.

Grâce

Il y a eu de superbes moments sur « Hamlet ». C’est quelque chose d’impalpable, une énergie à laquelle tout le monde participe et qui porte la pièce. C’est bizarre pourtant, parfois tout est réuni pour que ça le fasse, et ça ne le fait pas, idem pour Psykick. On ne sait jamais ce qu’un concert va donner. Même si la salle défonce, qu’il y a du monde et que tu es en forme, ça peut ne pas être terrible. Dans le cas contraire c’est vraiment cool. Récemment il y a une date à Grenoble que je n’oublierai pas. Nous avons improvisé avec Olivier une partie du concert, rajouté des trucs de dernière minute, qui devenaient presque meilleurs que les morceaux de base. La formule guitare/voix permet aussi ce genre de choses. Nous ne sommes plus dans le format figé d’une instru qui défile derrière… Parallèlement il y a eu aussi des dates où j’étais complètement ailleurs, souvent quand tu ne sens pas un retour des gens que tu as devant toi. Là, c’est mort très vite.

« Hamlet » jusqu’en Ukraine

Je crois que toute l’équipe du spectacle, metteur en scène compris, ne s’attendait pas à ce que ce spectacle se joue aussi longtemps. Je suis le premier surpris à vivre aussi pleinement cette aventure, moi qui étais à l’origine une « pièce rapportée », un clin d’œil de David Gauchard au fait que l’univers de Psykick lui parlait… Cette pièce m’a apporté tellement de choses. Sur le plan artistique, une assurance que je n’avais pas, un nouveau rapport à la scène, une flexibilité dans ma façon de travailler, de m’intégrer à une équipe, et puis de me « sociabiliser » un peu plus. Ça a réellement changé mon rapport aux gens. Et puis franchement, le fait de voyager en faisant ce que tu aimes, c’est une chance dont il est vital d’avoir toujours conscience. Je suis le premier abasourdi de toutes ces expériences… Maintenant, c’est le travail avec cette équipe-là que j’apprécie. Je n’ai pas eu de coup de foudre pour le monde du théâtre ou forcément l’envie de continuer dans cette voie. Le côté très intellectuel du théâtre peut facilement te coller une étiquette de « rappeur-slameur-intelligent », le genre de truc que je fuis. Nous avons d’autres projets avec David Gauchard, mais nous sommes tous les deux bien d’accord pour éviter ce genre de poncifs. D’ailleurs David lui aussi, dans le milieu du théâtre, est un peu un outsider.

Influences Bertrand Cantat, Programme, Godspeed You ! Black Emperor

C’est plutôt flatteur ça ! Pourtant pour être franc, Programme est un groupe que je n’ai pas écouté depuis très longtemps, Godspeed pareil, je ne pense pas que ce soient des influences sur ce que je fais aujourd’hui. Quant à Cantat, ce n’est pas la première fois que quelqu’un me fait la remarque. Je prends ça comme un beau compliment, mais je ne connais pratiquement rien à Noir Désir. Serge Teyssot-Gay aime bien ce que nous faisons, alors je pense qu’il s’agit d’une énergie similaire, d’une façon d’exprimer les choses, d’une sensibilité commune… Il y a toujours des codes liés aux influences, mais je pense qu’il y a aussi un intérêt à ne pas les analyser… Curieusement, la remarque « Programme » est en train de s’estomper – j’en ai bouffé sur le premier album. Là c’est un nouveau truc, c’est toujours agréable quand ce sont des trucs que tu respectes, apprécies. Le jour où quelqu’un me citera des groupes que je n’aime pas, je commencerai à me poser des questions… Parallèlement, la plupart des musiques que j’écoute sont très différentes de ce que je fais. Elles n’ont que peu à voir avec le son de Psykick. D’ailleurs cela s’applique aussi à cet album en particulier, la culture musicale d’Olivier Mellano étant assez différente de la mienne.

Intermittent

Ça ne fait que deux ans et des poussières que je suis intermittent, donc je ne suis pas très calé sur le sujet. Mais la chance que ce statut existe en France est à défendre évidemment, parce que tu ne fais pas 507 heures en dix mois et demie sans rien foutre de tes journées, donc le discours « statut de planqué », je découvre qu’il ne tient pas la route. Bien sûr depuis que je ne vais plus au taf, j’ai la tête dans quarante trucs en même temps, ça me plaît. J’en profite parce que les lendemains s’annoncent orageux… Il faudrait que tu poses la question à Olivier Mellano, parce que lui est un vrai militant, qui est intermittent depuis longtemps et qui a vraiment vu et senti les évolutions de la chose. Le mot-clé reste la vigilance, mais pour combien de temps ?

Iris

Nous préparons un disque commun, mais c’est pour l’instant en chantier et je ne peux pas t’en dire grand-chose.

Journaux

Concernant l’actualité, je m’informe assez basiquement, beaucoup par la radio, Internet, la presse écrite un peu moins. En essayant bien entendu de faire la part des choses, puisque les sources d’info sont très nombreuses aujourd’hui. La presse écrite me laisse quand même plus sceptique, parce que, si elle est souvent plus pointue, elle est aussi souvent peu objective dans son ton, bords politiques obligent… Dans mes textes j’essaie de ne pas trop aborder cette actualité de front. Je préfère les ambiances plus floues, même si j’y incorpore parfois des idées en coup de vent.

Lectures

Le coup des livres j’y ai vraiment droit à chaque fois ! Mais j’ai un peu tendu le bâton pour me faire battre… Disons que le premier album ayant été écrit assez vite et dans une période où je lisais un certain type de bouquins, le disque entier s’est retrouvé imprégné de ça. Avec l’extrait d’ »Un cœur faible » dans le livret et le morceau ‘Le dernier chapitre’, direct c’est dans ce créneau que tout l’album a été vu et c’est souvent sous cet angle que les gens en parlaient. Pourtant je ne lis pas énormément. J’aime ça mais je ne trouve pas trop le temps de me poser pour. J’ai très peu de connaissances en littérature. Je lis la plupart du temps des choses que mon entourage me conseille.

Lyrics

[à propos de la phase « Ceux qui, nés autre part, taffent pour l’autre hémisphère/ Dur de gober que ces finalités se méditent/ Et que dans nos bulles la réalité se mérite », dans le morceau ‘Histoires’, NDLR] Chaque personne écoute le disque comme il veut. Celui qui passe à côté de ce genre de phase peut quand même rentrer dans l’album. La manière dont certains perçoivent des textes m’a prouvé qu’il y avait une grande part d’inconnu dans le rapport auteur/auditeur. J’ai eu droit à des analyses de textes hallucinantes sur certains titres. Pourtant certains artistes ne laissent aucune place à ça. Tout est dit tout de suite, à prendre ou à laisser. Je pense que c’est intéressant d’inverser la recette. Moi-même il y a des moments d’écriture où je suis pris dans un tourbillon, les choses deviennent floues, mais les idées sont là, derrière l’orage. Et puis ceux qui n’ont pas l’occasion de jeter un coup d’œil aux textes sont ceux qui n’ont pas acheté le disque, alors ils peuvent bien passer à côté de quelques trucs !

Modifications

[Dans la version de ‘Des lumières sous la pluie’ sur « Acte », la phrase : « Des formes s’agitent et tremblent en cernant le double » est remplacée par « Des formes s’agitent et tremblent en cernant le doute », NDLR] Il m’arrive parfois de modifier certains mots en concert, du coup je finis par ne plus savoir lequel était là à l’origine. Ce sont comme des lapsus qui créent un autre sens mais restent dans l’esprit du morceau, donc je garde ce genre de trucs hasardeux. Dans ton exemple, la phrase ne raconte plus la même chose. Sur le premier album la notion du double était un des thèmes centraux, sur <span class= »oeuvre »> »Acte »</span> tout est plus frontal, j’ai donc gardé ça. Sur la reprise de ‘Trois lettres rouge sang’ j’ai carrément enlevé un bout de texte, celui qui parlait du taf de la journée qui laissait place à l’écriture le soir. Comme ce n’est plus le cas aujourd’hui, ça me paraissait bizarre de redire ça. Il y a d’ailleurs pas mal de morceaux qui ne me correspondaient déjà plus à la fin de la tournée du premier disque. C’était très dur de les jouer devant un public, de balancer des textes dont je doutais à la fois du fond et de la forme.

Mr Teddybear

Mr Teddybear a quitté Rennes quand j’enregistrais « Des lumières sous la pluie ». Puis toute la tournée de l’album s’est faite sans lui, qui n’avait pas de fonction « scénique ». Du coup nous ne nous sommes pas vus pendant longtemps. Il y avait plein de trucs que nous ne partagions plus. Lorsqu’il a fallu rebosser de nouveaux morceaux, nous nous sommes vite rendus compte que quelque chose s’était brisé… Pour le nom, l’entité « Psykick Lyrikah » existait déjà avant la rencontre avec Teddy. Ça me semblait naturel de considérer ce nouveau disque comme une continuité de ce que nous avions fait auparavant, quelque soit la formation qui constitue aujourd’hui le « groupe » ou le « projet Psykick » – je ne sais pas toujours quel nom donner à ça justement… Quoi qu’il en soit, ça ne change pas le travail que nous avons pu faire ensemble. Si le premier album a eu ce grain particulier, c’est en grande partie grâce à lui. Mais il ne sera pas sur le prochain album.

Olivier Mellano

Olivier a un background musical plutôt axé « rock indé », certains artistes un peu inclassables, des trucs genre classiques pour toute une scène, mais que j’ai moi découvert il y a peu de temps : Robert Wyatt, Blonde Redhead, pour te citer ceux que j’aime, des trucs plus durs aussi. Et il a toujours écouté du rap, surtout du gros son, c’est un fan d’Ice Cube,  NWA, Dre…il adore l’énergie que ça dégage. Récemment je lui ai fait découvrir l’album de Casey, qu’il a adoré. Avec toute l’équipe de Dominique A dans le camion, en tournée, ils écoutaient ça. Je trouve ça cool.

Personnages en mode spectateurs muets

Je t’avoue que je n’ai pas conscience de grand-chose quand j’écris, vraiment. Je n’analyse pas ce genre de chose parce que je n’ai pas envie de rentrer dans des réflexions de forme ou de sens, qui m’ennuient. C’est intéressant que ma musique nourrisse des avis, mais j’ai tellement de plaisir à faire des morceaux et tellement pas envie de me pencher dessus ensuite que j’ai souvent du mal à discuter de Psykick Lyrikah avec des gens qui m’en parlent trop précisément !

Prison

J’ai animé un atelier de deux semaines avec des détenus mineurs, à Rennes. C’est une personne du GENEPI (Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées) qui m’a proposé ça. Ça m’a intéressé tout de suite, même si il y a toujours l’appréhension du lieu. Les débuts ont été étranges, déjà parce qu’une prison c’est un endroit réellement à part, ça a des allures d’après-guerre et tu palpes une tension partout, dans les regards comme dans les bruits. En plus c’était en plein été, il a fait très chaud et les détenus n’ont généralement droit qu’à une douche par semaine, donc tu dois prendre ça en compte parce que c’est important, physiquement et psychologiquement… Avec les détenus ça a été mortel. Au départ ils s’en foutent un peu. Tu leur dis que tu fais du rap, mais eux n’ont jamais entendu parler de toi. Tu peux leur raconter ce que tu veux, tant qu’ils ne t’ont pas vu rapper devant eux, ça ne peut pas fonctionner. Donc dès la première heure j’ai dû balancer un son et rapper cinq minutes non stop, des bribes de trucs qui me venaient. Ils auraient pu ne pas aimer, mais ça n’a pas été le cas. Très vite ils ont voulu apprendre à construire un texte, ils ont bossé des couplets, des refrains, des rimes dans tous les sens, du rap, du ragga, des trucs véners, des trucs pacifistes, il y avait vraiment de tout… Ces personnes sont à plaindre parce qu’elles sont sans cesse dévalorisées intellectuellement. Ils tiennent un discours sur la vie d’un pessimisme à faire peur et, si des issues existent, peu d’entre eux savent les voir. Le terreau socio-culturel dont ils sont issus les tire constamment vers le bas… J’en revois certains dehors. Peu ont arrêté d’écrire, ça me touche et je leur souhaite de continuer. Il est aussi prévu qu’on refasse ce genre d’interventions à Rennes, quelque chose de plus poussé cette fois, et à Arras en février nous jouerons aussi pour les détenus.

Production

La production d’instrus c’est un truc qui m’intéresse clairement. Je tentais déjà deux/trois trucs sur la streetape et l’album, j’ai aussi fait ‘1 000 bruits’ pour « Hamlet », qui a un peu tourné. En fait ce qui me plaît, c’est l’indépendance que ça t’apporte. Les intermédiaires sont moins nombreux, tu peux tenter ce que tu veux… Et puis j’ai écrit mon premier texte alors que ça faisait des années que je faisais de la musique – je parle d’instruments, donc j’ai dû m’équiper et apprendre ces foutues machines. Je n’arrive plus aujourd’hui à dissocier les deux : le texte ne m’intéresse que s’il est mis en musique. Les musiques seules, les morceaux instrumentaux, sont quelque chose que je continuerai à faire dans Psykick. Je produis d’ailleurs l’intégralité du prochain disque, qui sera… assez différent de ce que j’ai fait jusqu’à présent, et pas forcément dans la veine assez classique de la prod dont tu me parles.

Répétitions et anaphores

Ça c’est un truc qui n’a jamais été calculé, c’est venu petit à petit. Au bout d’un moment tu trouves des codes d’écriture qui portent ce que tu racontes plus loin que le schéma basique « couplet/refrain ». J’aime bien l’idée d’une boucle où, après un texte, tu retrouves le début que tu peux alors ressentir de manière différente. J’aime aussi répéter certaines phrases juste pour appuyer le propos. Au fond c’est surtout une histoire de musicalité, et je pense que ça a commencé dès le premier album.

Reprises

Au départ c’est lié au fait que cette formation guitare/voix n’était constituée que pour un seul concert. Je n’avais pas énormément de nouveaux textes à balancer, donc nous avons préféré commencer par réadapter des morceaux déjà existants. Et puis finalement nous avons mélangé ces titres à des trucs nouveaux. Le tracklisting de cet « Acte » est vraiment révélateur d’un disque qui est une « parenthèse » entre deux véritables albums. Un peu d’ancien, de l’inédit, et quelques textes qui seront sur le prochain disque. Je n’ai pas de souci avec le fait de réutiliser des choses pour les retravailler, ça liera les disques plus finement. D’ailleurs il y avait déjà des trucs de notre street-tape sur le premier album. Ce n’est pas quelque chose de nouveau.

Scène

A nos débuts, sans être « agités », nous étions plus en mode « potes », donc plus à l’aise et bavards. Nos premiers concerts étaient dans un bar dont s’occupaient des amis. Nous étions entre nous, donc forcément tu appliques des trucs un peu débiles en racontant tout et n’importe quoi entre les morceaux, et puis c’était très physique : son pourri, pas de retour, aucune aération, tout le monde picolait et transpirait, y’avait de l’ambiance… La première vraie scène c’était Bordeaux avec Sage Francis, la deuxième à Poitiers avec La Rumeur. Le contexte était différent, plus pro évidemment. Nous avons peu à peu gagné en concentration, même si je retrouve petit à petit de la spontanéité, chose que j’avoue avoir un peu perdue au fur et à mesure des concerts où parfois l’ambiance était vraiment pesante.

Soul’Sodium

C’était une expérience très sympa, les mecs de Kamasoundtracks sont vraiment talentueux. C’était fun de retrouver Grems et Sept, que je n’avais pas vus depuis longtemps, et ravi de rencontrer le reste de l’équipe. Nous nous revoyons régulièrement quand je passe dans le coin. « Soul’Sodium », c’est un bon condensé de toutes ces énergies, un projet exigeant. C’est dommage que le disque n’ait pas fait plus de bruit. Le son n’est pas trop ce que les gens ont envie d’entendre en ce moment. L’album a clairement souffert d’un manque de promo, il y a même eu des articles prévus qui ont sauté parce que les gars n’achetaient pas d’encarts publicitaires. Ce disque n’a donc touché que les gens qui connaissaient un peu les protagonistes, mais n’a pas ratissé plus large. En tout cas je suis fier d’y avoir participé.

« Tout sauf du rap/Tout sauf du rap français »

Tu sais, j’ai moi-même eu ce genre de propos. Il y a un souci en France avec la notion de valeurs « locales », parce qu’on se dit que c’est toujours mieux chez le voisin. C’est comme avec le cinéma, entre un polar de Scorsese et un de Guillaume Canet, tu fais vite le choix. J’ai moi-même découvert le rap français assez tard. Je suis vraiment passé à côté des « classiques » mais aujourd’hui j’en écoute – en ce moment c’est l’album de Flynt, qui est très bon… Pour ceux qui ne font pas de rap et qui tiennent ce genre de discours, c’est juste qu’ils n’ont pas écouté de trucs intéressants, ou qu’ils écoutent les trucs en surface, qu’ils ne comprennent pas. Il ne faut pas non plus s’offusquer de ça avec l’aspect pathétique qu’a pris une bonne partie du rap de nos jours. T’as envie de leur dire : « les trucs bien existent, allez les chercher ».

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