Chronique

Jedi Mind Tricks
Violent by design

Superegular Recordings - 2000

Le commando verbal de Philadelphie reprend du service après trois années de silence passées à se réarmer aussi bien au niveau sonore qu’au niveau verbal. Si les fondations restent identiques, à savoir Stoupe comme stratège sonore et Vinnie Paz aka Ikon the Hologram comme meneur d’hommes, ce groupe compte un nouvel engagé, Jus Allah aka Megatraum. La collaboration entre les deux premiers nommés a débuté au milieu des 90’s et a débouché sur The Psycho-Social, Biological and Electromagnetic Manipulation of Human Consciouness. Ce second LP, Violent By Design, signé sur un label indépendant Superegular recordings vise un repositionnement dans l’industrie du disque et sa redéfinition. Ce label fondé en 1996 était originellement une base de lancement pour JDM. Il s’est depuis diversifié.

Le premier avertissement lancé par JDM, ‘Heavenly Divine’ (sorti en single) laissait présager de la puissance de feu de ce crew. Toute la production est assurée par Stoupe, très certainement fortement influencé par The 4th Disciple producteur de Killarmy ; On trouve en effet dans cet album de multiples samples de violons de pianos et de guitares espagnoles, des tracks dynamiques, une profusion de stabs vocaux ainsi que des samples cinématographiques. JDM avant de se lancer dans un conflit ouvert contre les Sucker MC’s a pris le soin de se renforcer, on compte pas moins de 12 appelés plus ou moins expérimentés sur l’album, comme Mr Lif, Tragedy Khadafi, Bahamadia, Louis Logic, Planet ou encore L-Fudge. Les artistes participants à cet album sont tous undergrounds ou s’en réclament.

La première offensive lancée par Stoupe est redoutable, un sample cinématographique. Un fond de guitare espagnole, sampling d’une voix lointaine et un discours prophétique ressemblant assez à celui de ‘Animal in Man’ de Dead Prez : « Beware the beast Man… He kills for sport or lust or greed. » Une intro sans fioriture qui à le mérite de nous mettre tout de suite dans le bain.

On enchaîne par ‘Retaliation’, la production est simple mais dynamique, sampling de violons, stabs vocaux et scratchs. Sur cette boucle rythmée, Jus Allah et Ikon nous lâche énergiquement quelques cross-over et de l’égotrip. Le premier crache un « Even your girl can catch the capsule, I love pussy, but never the bitch that its attached to… » Le couplet suivant est de meilleure qualité, non au niveau lyrical mais au niveau de l’intensité. Ceci est du à la voix rocailleuse au flow et au phrasé de Ikon. Seul bémol à ce morceau, le refrain… Il faudrait pouvoir se débarrasser des refrains chantés par des rappeurs ou des pseudos-chanteurs de R&B et autre Nu-Soul, qui n’ont qu’un mérite, faire bouger la foule.

La troisième piste, ‘Contra’ fait étrangement penser de par son ambiance sonore à une production de RZA sur la première piste de Liquid Swords. Le morceau est assez bien construit avec une fois encore un stab vocal. La voix de Killasha (membre de 25 To Life à l’instar de Tragedy Khadafi ) sur le deuxième couplet contraste avec celle de Ikon et apporte ainsi au morceau un peu plus de punch et de diversité. De plus, le refrain scratché sample Guru.

‘Speech Cobras’ débute dans une ambiance sombre et par un extrait cinématographique, Stoupe lance ensuite un sample de basse, de multiples tintements de cloches qui procurent au morceau une atmosphère mélancolique. Mr Lif (encore un représentant du côté obscur du Hip Hop) donne quant à lui une dimension plus intellectuelle grâce à ses textes. Ce qui fait même dire à Ikon « Bruising ya with text of a Harvard class, Ikon wil smash into shards of glass« . Voilà une bonne piste qui ne me fait pas penser à du son estampillé WU. ‘Breath of God’ est le premier des cinq interludes de l’album.

‘Death March’ est jusqu’ici la piste la plus consistante de l’album. Une fois n’est pas coutume on commence par un sample cinématographique. Une fois le morceau lancé, on se croirait en pleine jungle, en guerre contre un ennemi invisible. Les balles fusent, les obus pleuvent sur fond de violons au son strident et de percussions pour donner les ordres à des soldats tendus et hargneux : Sur le premier couplet, Virtuoso fait honneur à son nom et amplifie l’atmosphère du morceau. Les rappeurs s’enchaînent à un rythme effréné. Esoteric et Virtuoso en featuring sur cette piste nous viennent directement d’un contingent de Boston et s’en tirent avec les honneurs. Cette piste explosive me ferait presque oublier que j’écoute Jedi Mind Tricks et non Silent Weapons for Quiet Wars de Killarmy et ce aussi bien au niveau de la production que du MC’ing.

L’intensité retombe malheureusement avec ‘Words from Mr Len’ (DJ de C.Flow) sur fond de soul. L’extrait de Soul est d’ailleurs de toute beauté… ‘I Against I’ est une piste sans grand intérêt sur laquelle figure un bon Planet. Ce morceau s’apparente à du remplissage dans une dissertation. Il faut bien délayer quand on a plus rien à dire. Le remix d’’Exertions’ est véritablement une réussite : diversité, harmonie, dynamisme sont les mots qui définissent le mieux cette piste. Comme toujours Stoupe utilise un sample de violon mais l’enrichit cette fois de multiples sons, des bruits d’abeilles et de grillons (Killer Bees attack ?!) d’une voix féminine reposante, et diverses voix off. Ikon enchaîne les rimes et utilise sa voix à bon escient, Virtuoso utilise son phrasé cotonneux et déverse des rimes qui ne sont pas toujours de bon goût mais amusantes « My strikes are fatal to your style, that »s infantile like prenata, your Mic is a child, that »s getting fucked by a wild pedophile… » Esoteric s’en sort plutôt bien et Bahamadia finit de nous envoûter. Cette MC ne rappe pas elle murmure. Sur cette piste rien que de la qualité !

Nouvel interlude pour respirer, ‘The Prophecy’ n’était pas indispensable mais contribue à asseoir le concept du disque. Une basse, un rythme qui tabasse, un violon et une flûte traversière… curieux mélange, un vrai cocktail Molotov. Même si ce n’est pas la meilleure piste de l’album on comprend aisément qu’ils en aient fait leur single. ‘Heavenly Divine’ procure des décharges d’adrénalines, à l’écoute de ce morceau votre rythme cardiaque risque de s’accélérer.

‘Sacrifice’ commence par un sample qui ressemble fortement à Pet shop Boys s’ensuit un monologue « Sacrifice to some it’s just a word to others it’s a code« . Pas forcément intéressant dans le fond mais la forme y est. Ensuite c’est classique, violons, clavecin, stabs vocaux, tintements de cloches. Un bon morceau sans plus.

Encore un interlude (‘Permanent Midnight’), on a l’impression que ça s’essouffle… C’était sans compter sur l’inspiration de Stoupe. Avec ‘Deer Hunter’ on change complètement de registre, finit le style dynamique et place à la mélancolie. L’architecte a su crée un son en rapport avec les textes et les phrasés de Ikon Jus et Chief Kamachi. On nous présente une autre facette de la guerre. L’ambiance de cette piste est digne d’un film. On ressentirait presque la solitude et la peur du soldat au milieu d’une jungle truffée d’ennemis. C’est le calme avant la tempête, des chants d’oiseaux, un sample de harpe et une voix féminine lointaine. Le sample vocal utilisé au moment du refrain est saisissant : « Too much… I’m tired, in the company of those that fear, in the company of… fear« . Après une entrée en matière laborieuse « yo, yo Jedi mind yo » C.Kamachi se rattrape bien et est relayé par un Ikon déchaîné qui lâche « If you »ll start me, we buck like Milwaukee » ou un très élégant « You ain’t a ghetto thug, you’re an actress, That »s unatural like love between two faggots  » Digne d’un Eminem.

Je ne m’attarderai pas sur ‘Blood Reign’ qui n’est pas en soi un mauvais morceau mais Stoupe a sérieusement manqué d’inspiration. On notera tout de même la présence de Louis Logic qui fait partie de Superegular Records à l’instar de Planet.

Encore un petit mot de Mr Len avant d’enchaîner sur ‘Genghis Khan’. Tragedy Khadafi apparaît de nouveau sur cette piste. Le son romanesque de ce morceau aura vite fait de vous saouler ; Ah si seulement ce morceau avait été moins long… Jamais à court de bons mots Jus Allah lache : « Wet pussy always seems to splash my cock « . Et encore un sample de classique… Pour ‘Trinity’, Stoupe sample un concerto magnifique. Et là encore on a droit à un track dynamique avec comme guests L-Fudge et Louis Logic. Stoupe s’est bien rattrapé. Le début du morceau suivant est conventionnel puisqu’on commence par un extrait de film. Pour la première fois de l’album on aura une véritable recherche au niveau rythmique. La production de ce morceau est riche, utilisation d’un sample de violon , de tintements de cloche, d’une voix répétant Lalala (Ca n’a cependant rien avoir avec Indra), de castagnettes. C’est bon, planant, reposant…Enfin un peu de variété (A entendre comme diversité et non comme Variet !).

‘The Executioners Dream’ est sans conteste l’un des meilleurs morceaux de cet opus. Comme dirait Bouga « une trêve dort très peu« .. Nous voilà reparti dans un rythme effréné avec ‘Muerte’. La production est énergique tout comme les MCs et l’utilisation du sample d’un chanteur espagnol est efficace à défaut d’être originale.

Une impression de déjà entendu nous saisit à l’écoute de ‘War Ensemble’. Rien d’étonnant puisque c’est un sample qui à été utiliser par La Brigade sur la chanson ’16 Rimes’, auquel Stoupe a ajouté un stab vocal. Au niveau des lyrics c’est violent et imagé. On pourrait aisément rapproché Esoteric d’Etienne Mougeotte, du cul ! du cul ! du cul… « I whoop ass like masochism dominatrix, that’s the basics… » Stoupe nous délivre ici un panel de beats et de samples assez réjouissant sans être révolutionnaires voire originaux. Cet album malgré quelques effets faciles, à savoir samples archi classiques, traditionnels samples de dialogues de films de guerre et un rapprochement évident avec Killarmy sans toutefois les égaler (Qui le pourrait ?), est efficace, redoutable et réjouira les amateurs d’un son bien carré purement New Yorkais.

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