Chronique

Timbaland & Magoo
Under Construction II

Blackground records - 2003

Cela fait plusieurs années que Timbaland le répète : il va raccrocher. Le hip hop tourne en rond, le marché est saturé, il a besoin de se ressourcer, il a en tête des projets autres que la musique. Et comme toujours, il ment. En 2003, Tim Mosley a répondu à l’appel de Lil’ Kim, Jay-Z, Alicia Keys, Obie Trice, entre autres, tout en se greffant au casting des prochains albums de Rakim ou Cee-Lo. Malgré sa boulimie de travail, le génial producteur a même réussi à livrer plusieurs compositions de haut vol pour Justin Timberlake et Bubba Sparxxx, faisant du deuxième album de son protégé, « Deliverance », un succès critique inattendu. Et deux ans après l’inégal « Indecent Proposal », voilà qu’il remet le couvert avec Magoo, son partenaire du Bassment, pool de production complété par Ginuwine et Missy Elliott, au milieu des années 90. Le projet de trop pour ce producteur hyper-productif ?

Que les choses soient claires : Timbo et son compère ne sont pas de grands rappeurs. Si le rap de baryton du premier réussit à s’accommoder avec une certaine aisance de refrains sing-song souvent accrocheurs (‘Leavin’’), la voix nasillarde de l’autre, digne d’un Snoop mal réveillé, peine à s’affirmer tout au long des 16 titres de l’album. Les amateurs de textes profonds et de performances ébouriffantes peuvent déjà vernir leur pilori : dans l’univers de Timbaland, l’important c’est de faire la chasse aux bootleggers (‘Cop that shit’), vilipender les plagiaires (‘That shit ain’t gonna work’), réclamer du respect aux mécréants (‘Don’t make me take it there’), tout en veillant à maintenir les clubs à une température bouillonnante (‘Indian Flute’, énorme). Comme Missy, les deux partenaires sont adeptes d’une imagerie old school un peu surfaite, et se contentent régulièrement de reprendre à leur compte des standards du rap dans leurs lyrics : l’intro énervée parodie
‘Straight outta Compton’ (NWA), tandis que ‘I know you gout soul’ (Eric B and Rakim) et ‘Jingling baby’ (LL Cool J) sont passés à la moulinette dans ‘Cop that shit’ et ‘Throwback’.

Oui mais voilà : quand on est l’un des meilleurs producteurs de tous les temps, on n’est pas obligé de déployer des efforts surhumains pour faire de la bonne musique. Et même quand Timmy descend son niveau de jeu d’un cran, il demeure ce musicien visionnaire, ouvert et expérimenté, qui se nourrit de tous les genres musicaux pour composer des instrus souvent impressionnantes, parfois redondantes, mais rarement décevantes. Dans ‘Naughty Eye’, il rejoue une boucle déjà utilisée par Pete Rock, reprend un refrain de Sean Paul, sample la voix de la chanteuse indienne Raje Shwari sur des rythmiques épileptiques ponctuées de sons électroniques. Traumatisant. Même si on reconnaît régulièrement quelque uns de ses effets typiques (l’emploi récurrent des cris comme éléments rythmiques, l’utilisation de percussions « ethniques ») la simplicité foudroyante des singles ‘Cop that shit’ et ‘Indian Flute’ (énorme, vraiment), ou les arrangements fouillés de ‘Don’t make me take it there’, ‘Insane’ ou ‘Hold on’, superbe hommage à Aaliyah avec Wyclef, s’inscrivent dans la lignée des travaux les plus inspirés du natif de Virginie.

Dans une interview récente avec billboard.com, Timbo l’a concédé : « After a while, everything sounds the same – even my stuff ». Certes, Timbaland fait du Timbaland, mais il le fait toujours aussi bien, alors pourquoi bouder son plaisir ? Moins imaginatif que « Deliverance », mais plus efficace que le dernier album de Missy, « Under Construction Part II » ne marque un sommet ni dans l’histoire du rap, ni dans la carrière de Timbaland, qui pourrait sortir l’équivalent de « Chronic 2001 » pour Dr Dre, s’il s’en donnait la peine. L’album apporte néanmoins son lot de productions de très bonne facture, toujours tempérées par plusieurs morceaux anecdotiques et éphémères. Un LP très correct, à écouter dans l’attente d’une prochaine révolution sonore du patron de Beat Club Records.

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