Chronique

Rick Ross
Trilla

Def Jam Recordings - 2008

Maintenant que Rick Ross s’est affirmé comme l’un des rappeurs les plus intéressants de sa génération après avoir livré deux albums d’excellente facture coup sur coup, Trilla, son deuxième opus, est considéré comme son coup d’épée dans l’eau. Même si on peut difficilement nier que Rick Ross avait là sorti son disque le moins abouti, il n’en demeure pas moins qu’il est plus simple aujourd’hui de le voir avant tout comme une transition, celle-là même qui a permis à Rick Ross de s’affranchir du statut de grossiste de Miami pour endosser le costume d’American Gangster après lequel il courait. À la sortie du disque, l’avis général consistait à dire que Rick Ross était parvenu à asseoir sa position de rappeur bankable grâce à une batterie de singles qui réussirent le tour de force de sauver un album démuni de personnalité, comportant par ailleurs des facilités d’écriture difficilement pardonnables. Objectivement, cet avis n’était pas loin de la vérité.

À la sortie de Teflon Don, le magazine américain XXL s’était amusé à décortiquer le disque afin de faire ressortir des chiffres surprenants. Pour un total de 47:17 minutes de musique, Rick Ross rappait seulement 23 minutes et conviait 15 invités au cours des 11 pistes présentes sur l’album. Alors que, pour n’importe quel autre rappeur, ces chiffres donneraient l’impression à un auditeur d’écouter une compilation, Rick Ross ne se faisait éclipser par aucun de ses invités (d’ailleurs, qui se souvient que Styles P et Gucci Mane sont présents respectivement sur « B.M.F » et « M.C Hammer » ?), se permettant même des mises en scènes épiques (« Mayback Music 3 ») à faire pâlir Jay-Z.

La configuration était identique à l’occasion de Trilla, seulement Rick Ross n’avait pas encore conscience de l’ampleur de son personnage. Alors que sur les albums suivants les collaborations extérieures viennent simplement en renfort, elles sont ici davantage présentes pour lui confiner une certaine crédibilité (voir l’interlude de DJ Khaled qui fait l’apologie du rappeur et vante son passé crapuleux), quand il ne s’agit pas d’adouber un rappeur qui cherchait encore sa place (voir la présence de Jay-z sur « Maybach Music » que Ross cite en plus dans deux autres morceaux, cherchant à tout prix son appui). Les morceaux conviant des chanteurs au refrain sont littéralement phagocytés par ces derniers et, qu’il s’agisse de R Kelly, Trey Songz, T-Pain ou de sa copie conforme Ebonylove, le but premier était bel et bien de consolider une position encore fragile et, surtout, de ne pas quitter les charts après le carton réalisé par « Hustlin ».

Toutefois, au milieu de cette succession de morceaux calibrés et d’invités disparates, Trilla annonçait bel et bien l’orientation qu’allait prendre Ross avec Deeper than rap, ce savant mélange entre instrumentaux épiques et samples de soul qu’il semble aujourd’hui pouvoir utiliser à volonté. Avec un œil qui semblait toujours dirigé vers l’auteur du Blueprint et sa réussite éclatante, le Boss n’hésitait pas à convier Bink!, à l’occasion d’un « We shinin » feutré qui tranche violemment avec les productions musclées des Runners et de Drumma Boy qui l’entourent. Mieux, c’est également cet album qui marque le début de la relation entre le rappeur et J.U.S.T.I.C.E League. Ce trio de producteurs, qui a largement contribué à créer l’atmosphère si particulière qui habite les dernières livraisons de Richie Rich, plaçait quatre productions qui, avec celles de Toomp et de Bink!, coïncidaient avec les meilleurs moments du disque. Parmi ceux-là, on notera forcément « Maybach music », premier volet d’une série en cours qui fait désormais figure de signature pour le duo Ross/J.U.S.T.I.C.E League, et « Luxury Tax », posse cut imparable totalement marabouté par Lil Wayne.

A l’image de « I’m only human », dernière piste au cours de laquelle William Roberts prend rapidement le dessus sur Rick Ross, ce deuxième album avait permis à Rozay de nous donner quelques indications quant à ses réelles motivations. Personne ne s’en doutait mais, à l’époque, le meilleur était encore à venir.

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