Chronique

Tony Parker
TP

Music One - 2007

N’oublions pas que Tony Parker est le premier basketteur français à avoir remporté le titre de champion NBA. Pour quiconque a passé sa jeunesse à collectionner les cartes Upper Deck et à s’arracher les doigts en essayant de poser un premier dunk, le parcours remarquable du meneur des San Antonio Spurs lui assure, à vie, une inépuisable rente de respectabilité.

Mais aujourd’hui, c’est de musique dont il est question.

Sportif richissime à la notoriété établie, Tony Parker peut tout s’offrir, même une carrière de rappeur. Faudrait-il lui en vouloir ? Du magazine SLAM aux mixtapes And One, les liens entre le basketball et le hip-hop sont aujourd’hui suffisamment ancrés pour que la sortie de son premier album ne constitue une quelconque surprise. Le numéro 9 des Spurs n’est d’ailleurs pas le premier à franchir le cap : aux Etats-Unis, Shaquille O’Neal a bien sorti quatre albums, et en 1994, une compilation plutôt réussie, « B-Ball’s Best kept secret », avaient vu Gary Payton, Cedric Ceballos et autres Jason Kidd passer du vestiaire au studio d’enregistrement. A l’inverse, des rappeurs comme Master P, The Game ou Cam’ron auraient très bien pu envisager sérieusement une carrière sur les parquets. Dans cette lignée, il y avait donc de quoi être intrigué par ce premier projet propulsé par Music One, filiale musique de TF1 dont les intentions sont claires : capitaliser sur la popularité de l’athlète pour le transformer en Yannick Noah du hip-hop.

Mais le véritable problème de Tony Parker, rappeur ou non, c’est d’être au départ une personnalité terne, sans le gabarit larger-than-life d’un Shaquille O’Neal ni le style cabotin et flamboyant d’un Allen Iverson. Programmé dès son plus jeune âge pour le très haut niveau, il a été formaté par le sport avant même d’être formaté par une maison de disques. Dès lors, comment s’étonner qu’il ne projette rien d’autre sur cet album qu’un incroyable sentiment d’inconfort ? Côté interprétation, le simili-MC laisse charisme et conviction désespérément étranglés au fond de sa gorge, et ses failles sont révélées en creux par ses nombreux invités qui, sans vraiment l’humilier, lui rappellent quelques fondamentaux. Summum atteint dans ‘Bienvenue dans le Texas’, où Tony P. s’obstine à essayer de dominer la production avec un flow d’une autre époque, pendant que Booba, forcément impérial, slalome aisément entre les percussions industrielles du rythme. Le jour et la nuit.

Pire : TP ne semble même pas prendre du plaisir à faire du rap. Pour chacun de ses onze titres, on imagine les prises de voix poussives, les accouchements de textes dans la douleur et le cynisme des producteurs, probablement hilares à l’idée de noyer sous une épaisse couche de mélasse les moindres élans de sincérité de leur poulain (‘Premier love’, triste). C’en est presque dommage, car la réussite spectaculaire de Tony Parker aurait pu lui permettre d’incarner une image séduisante, voire un brin provocatrice, mais le sportif reste corseté dans son statut de role-model propret, avec des rimes bon-enfants adaptées à la cible marketing de l’album (« La limonade que je sirote a un goût de paradis »). Terriblement scolaire, il réussit à rendre inoffensifs les instrumentaux de Skalp, pilote du projet qui, en empilant de manière aléatoire les dernières grosses tendances du rap américain – effets chopped and screwed, mélodies arabisantes, grosses caisses gutturales – réussit à confectionner un produit prêt-à-clipper, une commande correctement exécutée qui répond aux exigences radiophoniques du moment autant qu’elle les parodie.

Au final, écouter le rap de Tony Parker revient à feuilleter les pages Sport des catalogues de vêtements, et tomber sur ces photos de mannequins aux allures coincées et aux brushings impeccables qui miment des séquences de jeu, un sourire figé aux lèvres et un ballon flambant neuf entre les mains : on n’y croit pas une seule seconde. Star du sport incontestable mais rappeur de salle de bain, Tony Parker réalise avec cet album un rêve d’adolescent, avec du gros son, du featuring et du clip flashy : tout l’attirail d’un rap fantasmé à travers le prisme d’un écran plat. Pas étonnant d’ailleurs que sans la musique, TP dise se sentir « comme un Hummer sans jante », tant le rap qu’il propose ne semble être qu’une accumulation d’images clinquantes vues à la télé. Bien sûr, il est presque trop facile de descendre en flammes un tel ratage, mais Tony Parker n’en demeure pas moins un rappeur médiocre qui, fort du succès commercial rencontré par cet album, n’est malheureusement pas prêt de sortir de son monde imaginaire.

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