Chronique

Wu-Tang Clan
The W

Loud Records - 2000

Depuis la sortie en 1993 de leur premier album Enter the Wu-Tang (36 chambers), chacune des sorties du collectif de Staten Island constitue un véritable événement. Après plusieurs échappées en solistes, un second album en tant que groupe (le sous-estimé Wu-Tang Forever), le Wu-Tang Clan retrouve le chemin des studios d’enregistrement pour un troisième album. L’équipe est au grand complet, seul le sale vieux bâtard Russell Jones manque à l’appel. Après plusieurs agressions avec des armes à feu et une tendance à consommer très excessivement des drogues en tout genre, l’inégalable fou génial Ol’Dirty Bastard a du passer six mois dans un centre de désintoxication, sous astreinte judiciaire. L’échappé du zoo de Brooklyn n’apparaît donc que sur ‘Conditionner’, posé le temps d’une permission d’une semaine. Cappadonna, pourtant annoncé sur le départ depuis l’annonce assurant que son manager personnel était en réalité un policier infiltré au sein du groupe, tient finalement sa place.

Profitant de son incontestable renommée et d’une enveloppe budgétaire particulièrement épaisse, l’équipée de Rza s’est entourée d’invités de poids. Leur présence devrait contribuer à vendre d’avantage d’albums (difficile de justifier autrement de tels choix.) Redman, Snoop Dogg, Busta Rhymes, Nas, Isaac Hayes, Junior Reid, la liste est longue et prestigieuse. Mais si on ne doute pas de l’efficacité d’une telle stratégie commerciale, l’apparition de tels invités, pour le moins inattendue, nuit à la cohérence artistique de ce nouveau long format. Rassurez-vous tout de même, si RZA est incontestablement doué en affaires, il demeure avant tout un excellent producteur. Il constitue une véritable mosaïque musicale, riche d’ambiances variées et surprenantes. Si cette stratégie occasionne quelques échecs (‘Let my niggaz live’, ‘One blood under W’), elle s’avère globalement particulièrement jouissive. On se délecte ainsi de ‘Gravel Pit’ (avec un grand Method Man), du nostalgique ‘Protect your neck (the jump off)’ (Genius y fait étalage de son flow tranchant et d’une capacité à aligner des punchlines saisissantes : »Run on a track like Jessie Owens, broke the record flowin’ without any knowin« ) ou encore de ‘Do you really ? (Thang, thang)’. Enfin, Ghostface Killah impose sur ‘I can’t go to sleep’ un nouveau phrasé, proche des pleurs, il réussit à convaincre et démontre combien il ne cesse toujours de progresser.

Alternant justement égotrips imagés, engagements sociaux et récits mêlant passé, présent et avenir, le collectif New-Yorkais le plus médiatisé depuis Public Enemy fait étalage d’un talent toujours évident. Si elle cède parfois un peu à la facilité, l’équipée sauvage menée par le maître ès production demeure par instants brillante. Si The W s’avère incontestablement un ton en-dessous de ses deux glorieux prédécesseurs, il n’en demeure pas moins un bon album, propice à cultiver la renommée et l’imagerie d’un groupe déjà culte.

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