Chronique

DJ Shadow
The private press

Mercury/Universal - 2002

Pas moins de six années se sont écoulées depuis la sortie de Endtroducing, premier objet musical non identifié flirtant avec les limites du Hip-Hop, pour finalement mieux les redéfinir. Six années avant de donner une suite à ce premier album solo, mais aussi six années durant lesquelles DJ Shadow a multiplié les projets divers et variés ; que ce soit en compagnie de James Lavelle, fondateur du label Mo’Wax, (Psyence Fiction), Dan the Automator (Bombay the hard way) ou ses compères de Solesides/Quannum (Spectrum, la compilation Solesides greatest bumps…). Ces aventures achevées, Josh Davis prend donc enfin le temps de s’atteler à une carrière solo laissée en suspens.

Si le maxi trois titres You can’t go home again servi sous forme d’apéritif sonore, nous avait quelque peu laissé sur notre faim, il donnait tout de même le ton de ce nouveau long format. A la fois torturé, complexe, déroutant et fascinant, c’est tout un univers qui s’ouvre à nous. Celui d’un monde atypique, loin des conventions et normes dictées par la masse bien pensante refusant toute tentative novatrice. On se retrouve presque perdu dans cet immense espace sonore où se côtoie les artistes perdus, et leurs œuvres oubliées. Les sonorités électroniques s’entremêlent ainsi aux guitares et synthés d’un autre temps, sur lesquels viennent se greffer une basse parfois étouffante, parfois à peine audible. Différents stabs vocaux, sonorités inattendues (klaxons, cris, moteurs rugissants…) et passages chantés (‘Six Days’, ‘Blood on the motorway’) viennent enfin enrichir un ensemble fouillé, aux inspirations et atmosphères multiples.

En replaçant toutes ces pièces rapportées, ces éléments égarées, DJ Shadow recompose un ensemble musical abouti, véhiculant une émotion intense et variée. Alternativement éblouissant (‘Giving up the ghost’), suffoquant (‘Mashin’ on the motorway’), apaisant (‘The six day war’), ou plaisant (‘Un autre introduction’, et son annonce signée François Bernard, digne d’un (mauvais) DJ d’une (mauvaise) boite de nuit locale), on passe par presque tout les sentiments. Mais, on demeure quasi-constamment fasciné par la complexe élaboration des ces édifices sonores et surtout par cette constance dans la qualité. The Private Press n’est aucunement l’album d’un morceau, il est au contraire foncièrement homogène et dévoile toute sa grandeur au fur et à mesure des écoutes.

Pour qui en douterait, DJ Shadow prouve une nouvelle fois qu’il n’est pas seulement un collectionneur de disques et fouineur d’exception, il demeure avant tout un très grand producteur, maîtrisant son instrument, le sampler, à la perfection. Loin des excès qui font qu’on assimile parfois (et dans ce cas, plutôt avec raison) l’échantillonnage au pillage.

Six années après Endtroducing, DJ Shadow signe donc avec The Private Press un nouveau petit chef d’œuvre de Hip-Hop instrumental. Un bijou personnel, joyeusement hors tendance, mais particulièrement dense et surtout parfaitement indispensable.

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