Chronique

Blu Rum 13
The previouslee unreleased recordings of

Autoproduction - 2000

Blu Rum 13, né à Washington mais résidant à Montréal, a commencé sa carrière de MC il y a maintenant dix ans. Malheureusement pour lui, peu de gens l’ont remarqué avant son apparition sur l’album Life from the other side de DJ Vadim en 1999, sur le jouissif ‘It’s obvious’. Mais malgré les apparences, Blu Rum 13 est devenu pendant ces dix années un homme passablement occupé : il fait partie à la fois du collectif Russian Percussion (avec DJ Vadim, Killa Kela, Mr. Thing et John Ellis) ainsi que d’un autre collectif, celui-ci à saveur funk, Bullfrog (avec Kid Koala, Mark Robertson, Peter Santiago, Massimo Sansalone et Joanna Peters). De plus, il participe à un projet avec Luke Vibert (alias Wagon Christ, alias Plug) et – finalement – travaille sur son propre album solo qui devrait normalement suivre la sortie de son 12’’ Sleep Speechless sur Jazz Fudge Recordings.

Jetons donc un coup d’œil à ces douze titres qu’il affirme avoir enregistré autour de l’année 1996. Il est a noté que tous les scratches (sauf ceux de ‘It’s obvious’ réalisés par DJ Vadim lui-même) du disque proviennent des mains magiques de Kid Koala (ce qui est assez évident quand on y pense, puisque Bullfrog existe depuis 1994). La production est assurée par Blu Rum 13 lui-même (sous le pseudonyme de Killa Platapus), DJ Vadim ainsi que par trois figures peu connues (mais non pas dépourvues de talent) : Akwaman, Bridge et Boo Boo the Fool.

Dès le départ, ‘Non Sequitur’ nous fait pénétrer dans l’univers de Blu Rum 13. Le beat de Akwaman est supporté presque entièrement par une seule ligne de basse. Plusieurs instruments viennent s’y rajouter (à certains moments, on croit distinguer un xylophone), mais c’est surtout les scratches (à mi-chemin entre le grincement et le rire) parsemés par Kid Koala, qui rendent le résultat final à ce point entraînant.

À l’écoute du morceau suivant, Akwaman semble toujours aussi infaillible. La boucle de guitare sèche qu’il a concocté pour ‘Estrogen reign’ semble au départ un peu trop simple, mais après quelques mesures de cette recette, on se surprend à réellement apprécier la production. Blu Rum 13 étant toujours aussi bon au micro, on se laisse bercer par ce morceau qui (intentionnellement ou non) a été agrémenté avec des grincements de vinyle qui finissent de lui donner un ton très mélancolique.

‘Jones. You…’ est pour sa part beaucoup moins réussie. Non pas que cette piste soit désagréable à écouter. Le sample de saxophone ou de trompette (enfin de cuivre) utilisé au début et ponctuellement durant le morceau et rappelant la musique utilisée pour les films policiers des années 80, est judicieusement bien choisi. Malheureusement, l’instru mijoté par Blu Rum 13 durant le reste du morceau est plutôt fade et banale, rendant l’envie d’appuyer sur « skip » presque irrésistible. Par contre, là où Blu Rum 13 échoue, le dénommé Bridge lui, vise dans le mille. ‘Cardiac demolitions’ reprend la même idée du sample de saxophone tiré des séries policières des années 80 . Par contre, une fois doté d’une instru digne de ce nom, on en vient à se maudire si par malheur on a appuyé sur un autre bouton que « play » sur son cd player. Ce titre possède vraiment une chaleur, un charme qui pousse à l’écouter encore et encore.

Passée un petit interlude ‘Tought Aye’ d’une minute où Bridge démontre qu’il peut aussi se servir de samples de piano tirés de westerns pour faire ses beats (pour un produit final sans faille), arrive le déjà connu ‘It’s obvious’ de DJ Vadim. Ce morceau, qui était déjà une des grandes réussites de Life from the other side de Vadim, est repris intégralement.

Suit ensuite le très bizarre ‘Elevator musak (Icarus’ Journey)’. Pendant plus de deux minutes, sur une véritable musique d’ascenseur, on distingue faiblement un joueur de basse québécois qui déclare son attachement pour cette plante verte qui dégage cette odeur particulière lorsqu’elle est mise en contact avec une flamme et dont certaines personnes aspirent la fumée (enfin, c’est ce que j’ai lu dans les livres). Après cette petite intro, Blu Rum 13 prend pour la durée du morceau le rôle d’un vendeur de drogue. L’instru qui l’accompagne semble à première vue dépourvue de tout intérêt, mais après des écoutes répétées, on se rend compte qu’elle nous force plutôt à nous concentrer sur l’histoire qu’il tente de nous compter. À plusieurs reprises Kid Koala ajoute au passage les paroles de Black Tought (de The Roots) : « ’Cause what I’m dealing with can get the whole world high« . Bref, un titre qui demande à l’auditeur de faire un effort, de ne pas se limiter à une seule écoute pour se faire une opinion.

‘Bronchial Trix’ n’a quant à lui pas besoin d’écoutes répétées pour être apprécié : une seule suffit. L’instru, le refrain, la ligne de basse, les lyrics égotrip, tout est réussi ! La piste a beau durer plus de six minutes, on en aurait souhaité vingt !

Mais bon, il fallait quand même laisser de la place sur le disque pour le dernier titre de l’album ‘Mystery Track ??? Oooh’. Cette dernière nous transporte cette fois dans une atmosphère complètement différente. L’utilisation du mot « mystery track » plutôt que « ghost track » ou « hidden track » n’est sûrement pas due au hasard : à mesure que l’écoute progresse, on a l’impression de pénétrer à l’intérieur d’un film, au moment où le héros, explorant la crypte perdue qu’il vient de découvrir, est sur le point de découvrir un trésor. Un véritable enchantement.

Donc, malgré quelques pistes moyennes (mais jamais mauvaises) comme ‘Jones. You…’, ‘Plutonium Fillings’ ou ‘Off On Tangents Often’ et la réalisation datant de 1996 (mais qui paraît à peine), Blu Rum 13 peut se vanter d’être un des seuls à faire un excellent album avec des vieux morceaux dénichés ici et là. Car The previouslee unreleased recordings de Blu Rum 13 est loin d’être une compilation de vieux rebuts refusés par les maisons de disques. Les perles que sont ‘Cardiac Demolitions’, ‘It’s Obvious’, ‘Bronchial Trix’ et ‘Mystery Track ??? Oooh’ nous font rapidement oublier ses petits défauts et on n’en a que plus hâte d’écouter les futurs projets du Montréalais.

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